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14. Résultats

14.2. Complexes de milieux humides d’intérêt

La figure 21 illustre les résultats de la sélection et de la priorisation à l’échelle des Basses-terres du Saint-Laurent. Un examen rapide de la carte permet deux constats. Tout d’abord, il est indéniable que les contextes de mise en place régionaux ont eu un rôle à jouer dans l’apparition des milieux humides en territoire québécois. Le contexte marin d’eau agitée (5S) se caractérise par de vastes plaines de sable fin. Le retrait graduel de la mer de Champlain a laissé derrière lui de nombreuses dépressions mal drainées où les tourbières ont pu s’installer. C’est de loin le contexte abritant le plus de milieux humides. De la même façon, le contexte fluviatile actuel (3FA) est associé au réseau hydrographique existant. On y trouve donc de grandes étendues de milieux humides d’apparition plus récente que les tourbières, dont les marais bordant le lac Saint-Pierre.

À contrario, il est intéressant de constater la rareté des milieux humides dans certains contextes de mise en place pourtant favorables à leur apparition. C’est le cas des contextes marin (5A) et glaciaire plat (1A_p), caractérisés par la prédominance des dépôts d’argile. Ces sols au drainage généralement imparfait devraient favoriser l’apparition des milieux humides. Ici, le facteur confondant semble être l’activité agricole. Cette dernière est la principale cause de disparition des milieux humides dans les Basses-terres du Saint-Laurent (Pellerin et Poulin, 2013). Elle est également très présente dans les contextes glaciaire plat (1A_p), marin (5A) et fluviomarin (3M), ce qui explique sans doute la rareté des milieux humides dans ces secteurs. Le tableau 24 affiche le nombre de complexes de milieux humides retenus à chacune des étapes alors que le tableau 25 expose ces mêmes résultats en termes de superficies. D’entrée de jeu, le résultat le plus évident est la prédominance de l’étape de sélection dans le processus de priorisation global.

Cette étape sélectionne un tel nombre de complexes qu’elle réduit la portée de l’étape HB et rend, à un contexte près, l’étape Habitat inutile.

115 Figure 21. Répartition spatiale des complexes de milieux humides retenus comme territoires d’intérêt

116 Tableau 24. Nombre de complexes de milieux humides retenus dans chaque contexte de mise en place

Tableau 25. Superficies (ha) de complexes de milieux humides retenus dans chaque contexte de mise en place Le rôle joué par l’étape de sélection s’explique d’abord par le nombre d’occurrences floristiques ou fauniques répertoriées dans les milieux humides (tableau 26). En effet, ces occurrences, à elles seules, sont responsables de la sélection de plus de 4 000 complexes, soit 80% des complexes sélectionnés. Les milieux humides, par l’éventail des conditions abiotiques qu’on y trouve, se caractérisent souvent par une richesse spécifique élevée et par la présence de nombreuses espèces rares ou peu communes recherchant spécifiquement des conditions intermédiaires entre les milieux terrestres et aquatiques (Mitsch et Gosselink, 2007).

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Ce rôle des milieux humides est exacerbé par les conflits d’usage caractéristiques des Basses-terres du Saint-Laurent, une région du Québec où l’on trouve à la fois les activités agricoles les plus intensives, les agglomérations urbaines les plus étendues et les conditions climatiques les plus propices à une biodiversité importante. Au final, les milieux humides des Basses-terres constituent souvent des refuges pour la flore et la faune, d’où le nombre d’occurrences d’espèces menacées ou vulnérables qu’on y trouve. Cette étape sélectionne à elle seule plus de 45% des superficies humides des Basses-terres du Saint-Laurent.

Si l’on fait abstraction de l’étape de la sélection, l’étape HB permet de prioriser un nombre de complexes humides relativement modeste, soit 171. En revanche, ceux-ci sont généralement assez grands. Conséquemment, en l’absence de l’étape de sélection, l’étape HB permettrait de prioriser tout de même plus de 8% des superficies humides des Basses-terres. Lorsqu’on la place à la suite de l’étape de sélection, la part de l’étape HB est considérablement réduite. Les 94 milieux humides résiduels qui ne sont pas sélectionnés à l’étape précédente ne représentent que 2 507 ha, soit moins de 1% des superficies humides des Basses-terres.

Si l’on fait abstraction des étapes précédentes, l’étape Habitat permettrait de prioriser 1 189 complexes de milieux humides. Toutefois, cette étape a pour fonction de compléter la sélection des milieux humides d’intérêt jusqu’à concurrence de 20% des superficies humides. Dans un contexte où les étapes précédentes sélectionnent déjà plus de 45% des superficies humides, l’étape ne trouve son utilité que dans un seul secteur : le polygone de contexte glaciaire plat le plus à l’est des Basses-terres du Saint-Laurent. Dans l’optique où cette étape contribue peu à la détermination finale des sites d’intérêt, une réflexion a été menée quant à la pertinence d’étendre sa cible, c’est-à-dire de viser la sélection de plus de 20% des superficies humides. En effet, 623 des 1 189 complexes de milieux humides les plus prometteurs n’ont pas été retenus aux étapes précédentes. Ces 623 complexes couvrent plus de 10 000 ha, ce qui représente plus de 3% de

118 toutes les superficies humides des Basses-terres. Au final, cette idée a néanmoins été écartée.

Les critères d’habitat retenus ne sont que des indicateurs d’habitat, alors que les occurrences floristiques et fauniques témoignent de la présence d’habitats réels. Les habitats d’importance se voient déjà accorder beaucoup de place dans la sélection, sans qu’il y ait besoin d’en rajouter.

Au final, le principal constat des travaux réalisés ici est le suivant : dans les Basses-terres du Saint-Laurent, il existe un tel nombre de complexes de milieux humides a) associés à des aires protégées, b) se distinguant par leur irremplaçabilité, c) abritant des occurrences floristiques ou fauniques d’intérêt, d) abritant des écosystèmes forestiers exceptionnels; que leur sélection atténue significativement la portée des étapes subséquentes de priorisation (HB et Habitat). Ces étapes ne sont cependant pas dénuées d’intérêt. Il semble en effet qu’il y ait bien peu de chevauchement entre l’étape de sélection et les étapes suivantes. Ainsi, malgré le grand nombre de complexes sélectionnés, elle n’inclut que 48% des complexes jugés importants à l’étape HB.

En fait, si l’on écarte le caractère additif des différentes étapes pour les considérer toutes trois sur un pied d’égalité, on constate que seuls 77 complexes de milieux sont retenus simultanément aux trois étapes, pour moins de 0,8% des superficies humides des Basses-terres du Saint-Laurent. Un tel résultat souligne donc l’intérêt d’une méthode cumulative : une part de l’information pertinente liée à l’intérêt écologique des milieux humides serait perdue dans un processus de sélection ne s’intéressant qu’à une seule des trois étapes utilisées dans l’Atlas.

Il est également pertinent de mentionner que les efforts des botanistes ont longtemps été tournés vers les Basses-terres du Saint-Laurent, d’abord pour la diversité végétale qu’on y trouve, mais également pour la facilité d’accès de ces territoires. En-dehors des Basses-terres du Saint-Laurent, il est raisonnable de penser que l’étape de sélection identifierait un nombre plus modeste de complexes humides. Les étapes subséquentes pourraient alors prendre tout leur sens.

14.2.1. La vallée de l’Outaouais

La détermination des territoires d’intérêt pour la conservation dans la vallée de l’Outaouais est un ajout important dans la présente version de l’Atlas. Ainsi, bien que la Plaine d’Ottawa (B03) ne représente que 8% des Basses-terres du Saint-Laurent, on y trouve près de 14% des complexes de milieux humides de notre territoire d’étude. Les résultats soulignent d’alleurs le caractère unique de ce territoire en termes d’occurrences d’espèces floristiques et fauniques d’intérêt.

En effet, 1 958 complexes de milieux humides sont sélectionnés dans cette seule région, uniquement dû à la présence d’occurrences fauniques et floristiques d’intérêt, alors que ceux-ci se chiffrent à 2 216 complexes dans tout le reste des Basses-terres du Saint-Laurent. C’est donc dire que l’ajout des résultats de la vallée de l’Outaouais a pratiquement doublé le nombre de complexes de milieux humides sélectionnés en raison de la présence d’occurrences fauniques et floristiques d’intérêt. Cet état de fait s’explique, en bonne partie, par le grand nombre d’habitats reconnus de quatre espèces animales en danger dans cette région : le Petit Blongios, la Tortue géographique, la Tortue mouchetée et la Rainette faux-grillon de l’Ouest.

119 Au final, ces résultats soulignent le rôle majeur de la Plaine d’Ottawa en termes de conservation de la biodiversité à l’échelle des Basses-terres du Saint-Laurent.