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Moyens de communication de l'information : forces et limitations Plusieurs organismes s'avèrent impliqués dans la diffusion des informations portant sur les

La séroprévalence de sept infections zoonotiques au Nunavik, Québec (Canada)

CHAPITRE 7 ENTREVUES QUALITATIVES

7.3 Moyens de communication de l'information : forces et limitations Plusieurs organismes s'avèrent impliqués dans la diffusion des informations portant sur les

zoonoses. Pour ce qui a trait aux questions de santé animale, il semble que ce soit principalement la Société Makivik et son centre de recherche, le NRC, qui soient impliqués dans la communication à la population, notamment par l'entremise du magazine Makivik, distribué gratuitement à l'ensemble du Nunavik et aussi disponible en ligne. Par ailleurs, le responsable du département au NRC participe parfois à des sessions de radio en inuktitut, où il répond aux questionnements et tente de démystifier les fausses croyances qui circulent dans la communauté. Selon une intervenante en environnement travaillant à Kuujjuaq, pour chaque projet réalisé par le NRC, du temps et de l'argent sont prévus pour la communication. Les résultats de ces projets sont généralement soumis lors des réunions, ou encore par l'entremise de posters, de brochures et de rapports. Les posters sont généralement placés dans les bâtiments principaux, par exemple à l'aéroport, à l'hôpital, au magasin, tandis que les brochures sont distribuées plus localement, soit directement au centre de recherche Makivik, dans les bureaux de Faune Québec, aux élèves dans les écoles, ou encore sur demande. Les informations peuvent aussi être transmises au maire de la communauté visée, qui les diffuse à la population. Cependant, il n'y a pas de personne dédiée à la communication au NRC, et le manque de ressources se fait parfois sentir.

Faune Québec et le MAPAQ produisent également des brochures destinées au public, des dépliants sur la tularémie, la rage et la trichinellose par exemple. Toutefois, peu de ces outils sont traduits en inuktitut. Il existe aussi un volet éducatif auprès de la clientèle

scolaire qui incombe aux agents de protection de la faune. Des programmes éducatifs préparés par le MRNF sont distribués aux enseignants et à leurs élèves et les agents se rendent en classe afin de participer à certaines activités.

Un des principaux rôles de la direction de la santé publique du Nunavik consiste en la surveillance, l'évaluation et la gestion du risque du point de vue de la santé humaine. Cet organisme collabore régulièrement avec le NRC, notamment lors de la rédaction de feuillets d'information destinés à la population, sur l'influenza aviaire et le virus du Nil occidental par exemple. Pour la viande de morse, les résultats des analyses pour la trichinellose sont transmis au médecin responsable en santé publique, qui les communique aux maires des villages. Selon les intervenants questionnés, il faut cependant faire la distinction quant au double message concernant la viande de cet animal puisqu'il existe également un risque de botulisme associé à la préparation de l'igunak de morse. À cet effet, des recommandations sont transmises à la population chaque année par l'entremise de messages à la radio et par la diffusion de matériel imprimé. Dans l'ensemble, pour les autres problématiques de santé publique les communications sont adaptées en fonction du risque régional.

Des informations sont également distribuées aux réunions annuelles des HFTA selon les thématiques demandées. Selon les personnes interrogées, plusieurs des organismes impliqués dans la surveillance des zoonoses, autant d'un point de vue humain qu'animal, sont représentés lors des assemblées générales annuelles de l'association des chasseurs et trappeurs du Nunavik, dont la DSP, le NRC et Faune Québec. Cette rencontre donne lieu à des échanges entre les intervenants, et permet la communication de résultats et d'informations spécifiques aux représentants des communautés ainsi qu'aux autres participants de l'assemblée, principalement des chasseurs.

Selon un biologiste du MRNF interrogé, il se crée graduellement une relation de confiance au fil des échanges entre intervenants en environnement et les représentants des communautés autochtones et inuites. Il explique entre autres qu'il y a de plus en plus de rapports de collaboration lors des projets d'échantillonnage par exemple. De plus, il y a selon lui intérêt à demeurer à l'écoute puisqu'il existe une certaine complémentarité entre l'observation à petite échelle et l'expertise locale des Inuit et des autochtones, et le travail

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des biologistes, qui adoptent un point de vue plus global avec l'étude de populations entières.

Selon la majorité des participants, lorsqu'un message d'intérêt public doit être divulgué, la radio locale ou régionale est généralement le moyen de communication privilégié. La radio semble occuper une place importante dans le quotidien des habitants du Nunavik, et constitue en quelque sorte une manière de rester en contact les uns avec les autres. Selon un des répondants inuits, les chasseurs utilisent eux aussi la radio pour partager des informations entre eux. De fait, il semble que les échanges au sein des communautés inuites reposent sur une longue histoire de tradition orale. Ainsi, le bouche à oreille et la crédibilité du locuteur jouent un rôle important dans la communication des messages au Nunavik. Les journaux locaux et régionaux constituent un autre moyen de rejoindre l'ensemble de la

population, mais semblent généralement moins favorisés. Plusieurs informations transitent plutôt directement par l'entremise de personnes ressources du milieu, bien connues dans la communauté pour répondre aux questions. Il y a notamment à la DSP une personne responsable de la communication des informations en matière de santé humaine. Le fait qu'il s'agisse d'un petit milieu serait favorable à cette approche. Pour plusieurs des intervenants interrogés, il semble y avoir une bonne collaboration entre les différentes instances du milieu, ce qui favorise les contacts et les échanges entre les secteurs de la santé et de l'environnement et les autorités municipales, par exemple.

Le Nunavik, c'est un petit monde, tout le monde se connaît. [...] [Il s'agit d'une] culture de petite région. [...] Il y a un bon lien de confiance, et perception des rôles complémentaires de chaque organisation. [Il y a] peu

d'intervenants, donc [il est] important de tenir les autres au courant, de collaborer. (Intervenant en santé, DSP du Nunavik, Québec)

Le prochain commentaire résume assez bien la manière dont les messages et les avis sont transmis dans les communautés du Nunavik.

First of all you have to meet with the municipal officials/authority, to make a special announcement or provide information, you ask the right player (the CLSC, the school, etc.), ask everybody involved in public service. Then, following that, you go on the radio or speak with the specific group of people

concerned. It's a good arrangement. (Représentante inuite en santé et environnement, Montréal)

La majorité des intervenants en santé et environnement s'entendent par ailleurs pour souligner l'importance qui doit être accordée au message véhiculé, afin entre autres de ne pas alarmer la population et de ne pas contribuer à la multiplication de messages contradictoires.

It's very important that all these issues related to human health, food and environment be very well managed and communicated well, in order to avoid panic situations. Because if people misundertand any kind of information provided it can have a negative effect on the life of people.

I think it's important [...] to inform of the benefits of traditional food, and that there sometimes is a risk, but there's a way to deal with those risks. Give them information to make the right decision. (Représentante inuite en santé et environnement, Montréal)

Cet autre intervenant va à peu près dans le même sens :

It's a very fine balance between public information and how it's presented vs the sowing fear or apprehension. The communication aspect is sometimes quite sensitive. You don 7 want to be holding back information but it's very important the way information is presented. (Intervenant en environnement, Kuujjuaq)

D'un autre côté, il affirme qu'il faut parfois tenir des discours différents dépendamment de l'interlocuteur auquel on s'adresse. Il cite ici l'exemple des contaminants dans l'alimentation, en faisant le parallèle avec les zoonoses. Il dit que d'une part, on souhaite que la problématique soit considérée comme étant un enjeu suffisamment important afin d'obtenir du support (et du financement) pour en faire le suivi, mais d'autre part on assure à la population que les taux de contaminants dans la nourriture traditionnelle sont très faibles et que les bénéfices surpassent le niveau de risque.

Deux autres intervenantes rappellent également l'existence de la barrière de la langue, qui peut compliquer la communication et la compréhension des informations qui sont transmises. Entre autres parce que certains termes anglais ou français n'ont pas d'équivalents en inuktitut, mais aussi parce qu'il est difficile d'évaluer la teneur des propos traduits. Ceci fait en sorte qu'on doit adapter le message afin de le rendre compréhensible et faire appel à des traducteurs professionnels qui s'y connaissent dans le domaine dont il est question.

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Pour conclure, un des représentants inuits interviewés laisse entendre qu'il y a moins d'interactions sociales entre les individus, et moins de place dans les discussions pour parler de la nature et du comportement animal de nos jours. Ainsi, on décèle dans ces propos qu'il existe un risque d'érosion des connaissances accumulées au fil des générations, du moins par les voies de communication utilisées ancestralement. L'extrait suivant résume l'impact des transitions sociales des dernières décennies sur les stratégies de communication et la capacité de prédiction des changements environnementaux au sein de la communauté tel que perçu par cet Inuit:

[...] our traditional activities are not the same as it used to be back in the old days, where people used to be nomads, and greatly interacting [with] each other, visiting the families, doing everything socialy, meeting together, all these sorts of interactions would lead to some kind of special moment where people could forecast and tell what the future would be. This traditional activity is no longer being exercised. And people are using the computers now, and television. There is a lot less interactions between individuals because of the television and computers are also doing that. That's why these things, future telling, tellers are not present in the communities anymore. But we still have people, traditional knowledge that have been told not too long ago, that we still

have this knowledge, we still have old men, women who can still talk about what was being said in the old days. How it was and also they can still tell us what will happen in the future, and I mean, from the information they gathered long time ago. (Représentant des chasseurs et trappeurs inuits, Akulivik).

7.4 Conclusion

En résumé, la problématique des zoonoses au Nunavik pose plusieurs défis, mais comporte également de nombreux points positifs. Comme le mentionne un des intervenants en santé interrogés, les pratiques contemporaines des Inuit reposent sur des compétences actualisées, fondées en partie sur l'approche et les fondements traditionnels, mais aussi sur l'intégration des nouvelles technologies et des nouvelles connaissances. Selon lui, il faut savoir reconnaître les compétences du milieu, i.e. des Inuit, en matière de connaissance des maladies avec un potentiel de risque, puisqu'ils possèdent de longues années d'expérience et d'observation auprès de la faune. Ainsi, le véritable défi consiste à faire en sorte de maintenir un équilibre harmonieux entre les savoirs traditionnels inuits et les connaissances scientifiques. La majorité des intervenants en santé et environnement s'entendent pour dire qu'il y a de nets avantages à combiner les deux. En outre, il semble déjà y avoir une

ouverture de la part de la population, tel qu'en témoigne le programme de surveillance pour la trichinellose.

D'autre part, plusieurs mécanismes de communication semblent bien implantés au sein des communautés, ce qui facilite l'échange d'information et la transmission des messages d'intérêt publique en termes de santé et de prévention. Aussi, la compétence, les connaissances et la crédibilité développées par certains organismes œuvrant au Nunavik, dont la DSP et le NRC, s'avèrent favorables à la diffusion des recommandations et à la mise sur pied des projets.

Quelques-uns des intervenants ont toutefois déclaré qu'il semblait y avoir une diminution progressive des connaissances de la jeune population quant à la faune, l'environnement et aux risques qui leur sont associés. Il existe donc des besoins quant au développement de nouveaux outils permettant de rejoindre les jeunes générations et de les intéresser à ces questions. Parmi les pistes suggérées, notons des programmes spécifiques en milieu scolaire s'intéressant aux thèmes de la chasse traditionnelle et du monde animal, la formation d'experts locaux pour en faire la promotion, ainsi que l'utilisation d'outils internet et de documents audiovisuels, dont la diffusion d'informations sous forme de bandes annonces. Une des participantes mentionnait également le rôle potentiel de l'Institut culturel Avataq, un organisme œuvrant à la protection et la promotion de la culture et de la langue des Inuit du Nunavik. Selon elle, cet organisme pourrait contribuer grandement à la transmission des savoirs traditionnels sur la faune et sur les façons de faire des Inuit. De plus, les échanges avec les personnes âgées, comme il s'est fait par le passé dans le cadre des rencontres bisannuelles des aînés, constitue une autre opportunité pour les plus jeunes de se familiariser avec le mode de vie traditionnel. Cette pratique gagnerait donc à être encouragée. Enfin, cette même intervenante propose aussi d'inclure les femmes parmi les groupes ciblés par les campagnes d'information sur les zoonoses, puisque ce sont elles qui sont principalement impliquées dans la préparation des aliments.