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Partie II : Chromatine et régulation de l’expression génique

3. Communication et combinaisons des marques histones

Nous venons de voir que la présence d’une modification spécifique d’histone sur un gène peut être corrélée à l’état transcriptionnel de ce dernier. Cependant, les gènes subissent plusieurs modifications concomitantes et ces marques n’apparaissent pas indépendamment les unes des autres, bien au contraire. Il existe en effet un langage complexe entre ces modifications qui

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INTRODUCTION

permet, selon le contexte, d’affiner la régulation génique. Il n’est certes pas possible de décryp-ter pour chaque gène et dans chaque tissu l’ensemble et l’ordre des étapes du mécanisme de sa régulation transcriptionnelle, mais un certain nombre d’exemples permet d’entrevoir quelques principes de communication entre différentes modifications d’histones, Figure 7.

Tout d’abord, un certain nombre de modifications ciblent les mêmes résidus laissant envi-sager l’existence de compétition pour ces sites communs. Ceci est particulièrement illustré sur les lysines qui peuvent subir trois types de modifications (acétylation, méthylation, ubiquitiny-lation), certaines d’entre elles ayant des effets antagonistes (ex : H3K27me vs H3K27ac).

Deuxièmement, la fixation d’une protéine sur un site modifié peut être tributaire d’une marque voisine. Ainsi, l’association d’HP1 sur la marque H3K9 méthylée est perdue en pré-sence d’une phosphorylation sur la Serine 10 voisine (H3S10P) (Fischle et al., 2005). Un effet de voisinage est également observé chez la levure où l’isomérisation de la proline 38 de H3 (changement de configuration des prolines cis ou trans par l’action d’une isomérase) empêche la fixation de la méthylase Set2 sur H3K36 (Nelson et al., 2006). Il existe également des coopéra-tions positives entre les marques. Dans ce dernier cas, l’apparition d’une marque sur un résidu permet le recrutement de facteurs nécessaires pour l’apparition d’une autre marque et successi-vement aboutir à l’effet souhaité. Une jolie démonstration de cet effet coopératif est l’effet de la phosphorylation de H3S10 sur les gènes contrôlés par MYC (abordée précédemment) qui per-met le recrutement d’acétyltransférases pour aboutir à une combinaison de marques, H3K9ac/

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Figure 7 : Communication entre modifications post-traductionnelles

Les modifications d’histones peuvent interagir positivement (flèche) ou négativement (trait plat) sur l’appari-tion d’une autre marque. Exemples de communical’appari-tions entre des marques d’histones mises en évidence par différentes études citées dans le texte. Adapté de (Bannister and Kouzarides, 2011).

Chromatine et régulation de l’expression génique

H3S10P/H4K16ac qui constituera alors une plateforme de reconnaissance pour les facteurs de transcription (Zippo et al., 2009).

Il existe également des coopérations dites en trans (entre résidus de différentes histones), comme la méthylation de H3K4 et H3K79 qui dépendent directement de l’ubiquitinylation de H2BK120/123* (Kim et al., 2009b; Lee et al., 2007a) ou encore l ‘ubiquitinylation de l’H2AK119 dépendante de la méthylation de l’H3K27me3.

Par ailleurs, l’interprétation de ces combinaisons de marques se révèle beaucoup plus sub-tile et ne permet pas de réaliser une prédiction directe d’un état transcriptionnel actif ou bien réprimé d’un gène. En effet, dans certains cas, elle peut indiquer un état transitoire d’un gène qui attend les informations lui indiquant s’il doit être rapidement réprimé ou à l’inverse activé.

Chez les mammifères, dans les cellules souches de l’embryon ou des tissus adultes, les do-maines bivalents sont l’une des meilleures illustrations de ce processus. Ces dodo-maines marquent un état de pause caractérisé par la présence concomitante au niveau du promoteur de la marque d’activation H3K4me3 et de la marque répressive H3K27me3 (Azuara et al., 2006; Bernstein et al., 2006; Bracken et al., 2006; Cui et al., 2009; Mikkelsen et al., 2007). Les gènes ainsi marqués sont des gènes qui, au cours du développement, vont spécifier les différents lignages cellulaires. Ils sont donc dans les cellules souches peu ou pas transcrits, et attendent ainsi de savoir dans quelles voies de différenciation les cellules vont s’engager. De manière intéressante, une étude ré-cente vient de montrer que la disposition de marques activatrices dans un nucléosome peut être déterminante pour la formation d’un état de bivalence (Voigt et al., 2012). En effet ces marques peuvent être portées par une seule histone 3 (disposition asymétrique) ou bien par les deux (disposition symétrique), dans ce dernier cas, il a été montré que cette conformation empêche l’apparition de la marque répressive H3K27me3 et donc la formation d’un domaine bivalent.

Chez la drosophile ces domaines bivalents n’ont pas à ce jour été identifiés. Cependant des situations similaires commencent à être observées. Nous en discuterons plus longuement dans la 4ème partie de l’introduction (Schuettengruber and Cavalli, 2009; Schwartz et al., 2010).

Enfin les éléments régulateurs de type «  enhancers  » qui régulent les gènes à distance semblent eux aussi posséder des signatures spécifiques de marques histones. Notamment, ce sont des études réalisées dans des cellules humaines qui ont permis de définir plusieurs marques d’histones caractéristiques des « enhancers ». Il en est ressorti que les « enhancers » se distin-guaient des promoteurs par un fort enrichissement en H3K4me1, l’absence de H3K4me3 et par la présence de l’acétyltransférase P300 (Heintzman et al., 2009; Heintzman et al., 2007; Visel et al., 2009). D’autres marques sont également retrouvées au niveau des « enhancers » telles que

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INTRODUCTION

H3K27ac, H3K27me3, H3K79me3, mais semblent dépendre de l’activité du gène associé. En effet, chez l’homme et chez la drosophile, l’analyse de la distribution d’un grand nombre de marques histones entre différentes lignées cellulaires, ou stades développementaux, a révélé une grande variabilité aux niveaux des « enhancers ». Ainsi au niveau de ces séquences régulatrices, les combinaisons de marques varient selon l’activité du gène associé, fortement actif, faiblement actif ou en pause (Bonn et al., 2012; Ernst et al., 2011; Kharchenko et al., 2010; Rada-Iglesias et al., 2011).