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Pendant la collecte

Partie 2 – Cadre théorique

3. Ingénierie de collecte de données pour la conception des certifications

3.3. Collecte de données – trois étapes

3.3.3. Pendant la collecte

3.3.3.1. Positions à adopter lors des observations

Les possibilités de mener une collecte de données sont nombreuses et varient en fonction des objectifs à atteindre, des données qu’on doit collecter, de la méthodologie choisie, des acteurs engagés et des situations observées. C’est justement l’observation comme l’outil de la collecte qui représente l’étape suivante du processus de collecte. Pour illustrer notre travail de recherche autour de l’observation nous en retenons la définition proposée par Martineau selon qui l’observation des situations en milieu professionnel est « un outil de [collecte] de données où le chercheur devient le témoin des comportements des individus et des pratiques au sein des groupes en séjournant sur les lieux même où ils se déroulent » (Martineau, 2005 : 6). Il indique par la suite que le chercheur se doit de prendre une position épistémologique afin de mener à bien les observations. Il peut alors adopter :

 une position empirico-naturaliste – le chercheur va tenter de présenter les faits observés le plus objectivement possible ;

 une position interprétative – son objectif sera alors de comprendre la signification des évènements, il s’agit de la signification que les acteurs observés donnent à leurs pratiques, le chercheur tente de déchiffrer le sens des situations observées ;

 position constructiviste – cette position est en relation avec la précédente mais le chercheur cherchera également à comprendre les interactions entre les acteurs qui construisent les situations observées.

La position choisie n’est pas figée et peut changer/évoluer lors d’une collecte mais le chercheur doit se rendre compte que son « choix n’est pas sans incidence sur l’usage de l’outil de [collecte] de données qu’est l’observation en situation » (Martineau, 2005 : 7). Cette prise de conscience aide le chercheur à mieux connaître l’objectif de son observation et l’articuler logiquement avec les grilles qu’il a élaborées en amont. Dans le cas de collecte de données pour alimenter la conception des épreuves des DFP, le choix de position varie selon les besoins et selon les étapes d’observation, dans un premier temps on peut adopter par exemple la position interprétative. Lors des premiers rendez-vous on fait des entretiens guidés avec les acteurs de l’observation afin de comprendre leur travail et la signification des tâches professionnelles qu’ils effectuent, c’est aussi le moment où on tentera de déchiffrer la journée type de la personne observée, comprendre les notions de son travail qui paraissent obscures pour un néophyte. Dans un deuxième temps on peut passer à la position empirico-naturaliste, on cherchera à collecter le plus de données possibles sans les interpréter afin de construire une base de données conséquente pour avoir ensuite le choix lors de l’analyse. On peut finalement adopter la position constructiviste où on cherchera à comprendre les interactions des acteurs observés dans un ensemble de situation, il peut s’agir ici des gestes, des postures, des étapes et de la durée d’une interaction, des actes langagiers utilisées et du recours à des objets pour effectuer une tâche donnée. Les grilles d’observations pour accompagner la prise de cette position sont d’une grande utilité et leur élaboration doit être particulièrement réfléchie afin de préparer l’observation d’une manière adéquate avec les besoins et les possibilités.

3.3.3.2. Tâches fondamentales à respecter lors de la collecte de données

L’observation des situations professionnelles sur le terrain est un des outils de la collecte qui demandent un temps de préparation conséquent et une bonne organisation avant et pendant la collecte. Selon Martineau (2005 : 7-8) elle implique quatre tâches fondamentales pour être bien réalisée :

 la présence du chercheur sur les lieux de collecte demande une adaptation au milieu et aux situations observés ; dans le cas de collecte que nous avons réalisée à la réception d’un hôtel, nous avons du jouer tantôt le rôle d’un client pour nous positionner devant le comptoir, tantôt le rôle d’une apprentie réceptionniste pour être au plus près des interlocuteurs des situations observées.

 le chercheur doit observer le déroulement des événements qui interagissent dans la situation observée en gardant une attention soutenue ; l’observation que nous avons menée dans les cuisines d’un restaurant en est un bon exemple. En effet il n’est pas facile de suivre une interaction entre plusieurs acteurs, par exemple : serveur qui annonce la commande, le chef cuisinier qui la transmet aux différentes brigades et les cuisiniers qui échangent entre eux pour se transmettre certaines informations. Le chercheur doit essayer de capter le plus d’échanges langagiers possible et de les croiser avec des gestes ou outils qui entrent dans cette interaction.

 le chercheur doit garder une trace des ses observation, il peut le faire de plusieurs manières : prise de notes, enregistrement, captation vidéo, photos ; cette partie demande une préparation technique du matériel, la vérification du bon fonctionnement du matériel utilisé et l’organisation du déroulement afin de déranger le moins possible le déroulement des situations. Lors de notre observation d’une salle de restaurant, nous avons demandé à un serveur de garder le dictaphone dans son tablier pour enregistrer les échanges avec les clients mais à causes des bruits provoqués par les mouvements, la mauvaise qualité de l’enregistrement n’a pas permis à l’exploiter. Ce point demande aussi une acceptation supplémentaire de la part des acteurs observés en ce qui concerne les droits sur les images collectées, mais nous y reviendrons dans un deuxième temps.

 le chercheur doit finalement rendre compte des situations observées afin de les interpréter par la suite dans la partie de traitement des données qui est l’aboutissement de la collecte et la finalité de la recherche : produire un nouveau savoir à partir des données observées.

Ces tâches définies par Martineau pour aider le chercheur à bien réaliser son recueil des données sont d’une part liées au comportement, à l’attitude qu’il doit prendre durant le recueil et d’autre part aux aspects techniques de la collecte qu’il faut prendre en compte et finalement à l’objet de son recueil. Il nous semble important d’intégrer ses tâches dans sa collecte notamment dans les cas des collectes dans les lieux difficiles à observer comme chantiers,

cuisines de restaurants où les bruits et mouvements des acteurs limiteront les données pouvant être exploitables.

Après avoir défini la position épistémologique que doit adopter le chercheur, les tâches que doit réaliser le chercheur lors des observations ainsi qu’après avoir identifié les caractéristiques qu’il devrait avoir, nous allons présenter les différents types de rôles que peut endosser le chercheur. A cet égard, Martineau reprend une typologie proposée par Gold (1957) :

Le participant complet : ici le chercheur observe dans la

clandestinité, il se doit donc de participer aux actions du groupe afin de ne pas être repéré.

Le participant observateur : dans ce cas le chercheur peut être un

pair (par exemple, observer le travail dans une cuisine de restaurant en y faisant la plonge) mais son statut d’observateur est connu des autres.

L’observateur participant : le chercheur est intégré au groupe

mais cette intégration est tout de même limitée; il pourra à l’occasion remplir certaines tâches au sein de la communauté observée mais il n’est pas un collègue ou un membre à part entière du groupe.

L’observateur complet : dans ce dernier rôle, le chercheur ne fait

qu’observer et ne prend aucunement part à l’action; bien que reconnu comme observateur, il réalise une intégration en retrait; c’est le cas par exemple d’un chercheur qui assiste au réunion du conseil d’administration d’une entreprise. (Martineau, 2005 : 9)

Il nous semble intéressant de rendre compte des cette typologie qui donne au chercheur des différentes possibilités de mener son observation même si pour des raisons déontologiques certaines propositions ne sont pas recevables dans le cas de collecte de données pour la conception des DFP. En effet il n’est pas envisageable de réaliser un recueil de données qu’on aura par la suite à utiliser dans les diplômes nationaux sans l’autorisation des acteurs observés et surtout sans accord de l’entreprise que représentent ces acteurs. Pour notre part, lors des observations que nous avons menées dans les différents milieux de restauration et d’hôtellerie, nous avons toujours explicité notre projet d’observation et présenté le document des droits de cession afin d’assurer un échange honnête avec les entreprises observées. La plupart de temps, notre rôle était clairement défini comme observateur complet, mais dans le cas du cours de pâtisserie que nous avons suivi en tant qu’apprenti nous avons endossé le rôle d’observateur participant. Le chef pâtissier connaissait notre but de collecte de données, mais par la même occasion il nous a fait participer à la préparation du jour.

La typologie proposée par Gold peut évidemment être contestable, et dans le cas d’observations pour une collecte de données qui seront par la suite utilisées dans la conception des diplômes et possiblement diffusés sur internet pour la préparation des candidats, on ne pourrait jamais jouer le rôle de participant complet (dans le sens que l’objet de collecte ne serait pas explicité), néanmoins il nous semble intéressant de connaître ces choix qui se dressent devant le chercheur pour réaliser son recueil de données dans les meilleures conditions possibles.