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Les Coclers : quatre générations de peintres et de graveurs

Dans le document L'art vivant et ses institutions (Page 128-130)

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siècles)

par Min Ae ÉTIENNE

Tout qui s’est un jour penché sur l’art liégeois du XVIIIe siècle

peut difficilement ignorer l’existence des Coclers. En effet, les membres les plus connus de cette famille, en l’occurrence Jean-Baptiste (1696-1772) et Jean-Georges-Christian (1712- 1751), ont décoré bon nombre d’édifices à Liège tels que le palais des princes-évêques ou l’hôtel d’Ansembourg. Depuis plus d’un siècle, maints érudits se sont penchés sur les Coclers, tentant de dégager leurs liens de parenté et d’identi- fier les travaux qu’ils avaient réalisés. Bien que des précisions importantes aient été apportées par des auteurs tels que Théodore Gobert, Gustave Jorissenne, Jean Yernaux ou Pierre-Yves Kairis, il est souvent difficile de faire la part des choses entre ce qui relève du lieu commun et ce qui est réellement prouvé. Les recherches menées par Yvan Hamal, publiées en l’an 2000, ont permis de préciser en grande partie la généalogie des Coclers, mais pas leur activité artistique. L’auteur du présent mémoire s’est donc attaché à faire le point sur les publications de ses prédécesseurs et à élargir le corpus des œuvres des Coclers. Les apports inédits de son étude concernent essentiellement la vie et l’œuvre des des- cendants de Jean-Baptiste, ces artistes ayant souvent été négligés dans les écrits précédents.

La famille Coclers a compté au moins treize peintres, au talent inégal, répartis sur quatre générations, depuis la fin du XVIIe

siècle jusqu’au début du XIXe siècle. Aux origines de la

dynastie, on trouve trois frères – Georges (ca 1650-1697), Jean (ca 1652-1739) et Philippe (ca 1660-1721) – nés sans doute tous à Liège. Deux des enfants de Georges (ca 1650- 1697) sont connus en tant que peintres : il s’agit de Mathias (1685-1732) et de Christian (1681-1737), le père de Jean- Georges-Christian (1712-1751). Quant au fils de Philippe (ca 1660-1721), Jean-Baptiste (1696-1772), sa descendance a été nombreuse et particulièrement féconde dans le domaine artistique puisque cinq de ses enfants – Philippe-Henri (1738- 1803/1804), Louis-Bernard (1741-1817), Joseph (1751-1827),

Guillaume-Joseph (1760-après 1803) et Marie-Lambertine (1761- ?) – ont été peintres. Enfin, la quatrième génération n’a compté qu’un seul artiste, Bernard (1770-1837), le fils de Louis-Bernard (1741-1817). Parmi ces treize peintres, seul l’œuvre de sept d’entre eux est connu à travers des témoigna- ges encore visibles aujourd’hui : il s’agit de Philippe, Jean- Baptiste, Jean-Georges-Christian, Philippe-Henri, Louis-Ber- nard, Joseph et Marie-Lambertine.

On a coutume d’associer les Coclers à la peinture décorative, et plus particulièrement à la peinture de fleurs. Si on ne peut nier que certains membres de cette famille ont exécuté des œuvres dans ce domaine, il ne faut néanmoins pas en faire une généralité. En effet, il semblerait que Jean-Georges- Christian (et peut-être son père Christian) soit le seul artiste de la dynastie qui ait privilégié la peinture de fleurs au cours de sa carrière. Ainsi, la plupart des œuvres que l’on conserve de Philippe sont des portraits. Quant à son fils Jean-Baptiste, si souvent décrit comme un peintre de fleurs, il a plutôt accordé la primauté aux scènes religieuses, mythologiques et allégori- ques, traitées non pas à la manière d’un François Boucher (1703-1770), mais dans la continuité des peintres d’histoire du XVIIe siècle. Les genres picturaux abordés par les Coclers au

cours de leur carrière sont donc bien plus variés qu’on ne pourrait le penser de prime abord. Par ailleurs, l’activité artistique des Coclers a souvent été associée au pays de Liège. Non sans raison puisque près de la moitié des artistes de cette famille y ont travaillé. Néanmoins, Philippe et la plupart des enfants de Jean-Baptiste ont passé la plus grande partie de leur existence à l’étranger : Philippe à Maastricht, Philippe-Henri à Marseille, Louis-Bernard à Paris, à Leyde et à Amsterdam, Guillaume-Joseph en Italie…

Parmi les enfants de Jean-Baptiste, seul Joseph semble avoir suivi la voie de son père. Ses frères et sa sœur ont pris une direction différente, délaissant le grand genre ou s’inscrivant dans les nouvelles tendances artistiques qui apparaissent durant la seconde moitié du XVIIIe siècle. Le fils aîné de Jean-

Baptiste, Philippe-Henri, a fréquenté à Rome le peintre fran- çais François-André Vincent (1746-1816), un des chefs de file du néo-classicisme. Ainsi, les seules œuvres que l’on con- serve de Philippe-Henri sont des portraits où se manifeste l’influence du peintre allemand néo-classique Anton Rafaël Mengs (1728-1779). À Marseille où Philippe-Henri s’est ins- tallé après son voyage en Italie, son talent est reconnu puisqu’il y est nommé directeur de l’Académie de peinture et de sculpture à la veille de la Révolution française. Son frère cadet, Guillaume-Joseph, a quant à lui enseigné à l’Académie des Beaux-Arts de Florence au début du XIXe siècle. Dans les

premiers temps de sa carrière, lorsqu’il séjournait à Leyde, il semblerait qu’il ait accordé la primauté aux scènes de genre à la manière des peintres hollandais du XVIIe siècle, mais on

peut toutefois penser que son voyage en Italie lui a peut-être fait prendre d’autres directions comme en témoignent les archives dépouillées par Rieke Van Leeuwen à Florence. Trois membres de la famille Coclers ont été à la fois peintre et graveur. Il s’agit de Marie-Lambertine, de Louis-Bernard et du fils de celui-ci, Bernard, élève pensionnaire à Paris du graveur Johann Georg Wille (1715-1808). À l’instar de Léonard Defrance (1735-1805), Louis-Bernard s’est peu soucié du grand genre. Ce qui prévaut chez cet artiste, tout comme chez sa sœur Marie-Lambertine dont il a été le professeur, ce sont les scènes de la vie quotidienne vues à travers le prisme de la

peinture hollandaise du XVIIe siècle. Les compositions de

Louis-Bernard manifestent une excellente connaissance des codes qui régissent les représentations des peintres hollan- dais du XVIIe siècle, en particulier d’Adriaen Van Ostade

(1610-1685) et des fijnschilders de l’école de Leyde tels que Gerrit Dou (1613-1675) ou Frans Van Mieris (ca 1635-1681). L’étude de la production artistique de Louis-Bernard et de Marie-Lambertine démontre l’importance du « modèle hollan- dais » durant la seconde moitié du XVIIIe siècle. Ainsi, le

succès que les tableaux des écoles du Nord remportaient dans les ventes aux enchères de l’époque a poussé bon nombre d’artistes à réaliser des pastiches de ces peintures. En sa qualité de marchand d’art, Louis-Bernard était parfaite- ment au courant de cette situation.

Il semblerait que la peinture et la gravure aient été des activités secondaires pour Louis-Bernard, le commerce de tableaux constituant sans doute sa principale occupation, l’obligeant à faire de fréquents aller-retour entre la France et la Hollande où il a vécu la plupart du temps. Son fils Bernard est également connu en tant que marchand de tableaux. Dans le cadre du présent mémoire, une place importante a été accordée à l’activité de Louis-Bernard en tant que marchand d’art. Une liste des tableaux qu’il avait achetés ou vendus au cours de sa carrière a donc été établie. Cette étude a montré que Louis-Bernard bénéficiait d’une certaine reconnaissance dans le milieu du marché de l’art « européen » de la seconde moitié du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle. Ainsi, il

entretenait une correspondance avec « l’agent d’art » Johann Georg Wille (1715-1808) et menait des opérations spéculati- ves en Hollande avec un des plus importants marchands de tableaux parisiens, Alexandre Joseph Paillet (1743-1814). Même si les Coclers ne figureront jamais parmi les grands noms de l’histoire de l’art, cela ne signifie pas pour autant que leur étude est vaine. Les goûts actuels ne reflètent pas nécessairement ceux du XVIIIe siècle : les artistes que l’on

n’apprécie pas aujourd’hui ont peut-être connu le succès de leur vivant. C’est le cas notamment de Jean-Baptiste et de Jean-Georges-Christian dont les talents ont été consacrés par les pouvoirs publics de l’époque. Une étude sur les Coclers, en raison de la variété des personnalités et des carrières, contribue sans nul doute à une meilleure connaissance du contexte artistique du XVIIIe siècle, et ce, tant au pays de

Liège qu’à l’étranger. Par ailleurs, au-delà des ‘transferts culturels’ entre la principauté et les autres pays, ce mémoire a permis de mettre en évidence la complexité des influences réciproques en matière artistique qui peuvent exister entre les membres d’une même famille : continuité, renouveau, indé- pendance…

Orientation bibliographique

BROUWERS, J., De schilders Philippe en Jean-Baptiste Coclers, dans Limburg, tome L, 1971, p. 97-107.

ETIENNE, Min Ae, Un peintre liégeois méconnu : Philippe-Henri Coclers, dans Bulletin de la société royale Le Vieux-Liège, tome XV, n° 315, octobre- décembre 2006, p. 94-108.

GOBERT, Théodore, La famille des peintres Coclers : renseignements inédits, dans Bulletin de l’Institut archéologique liégeois, tome XXXVIII, 1908, p. 201- 206.

HAMAL, Yvan, La famille Coclers. Une dynastie de peintres liégeois : XVIIe-XIXe

siècles [1ère partie], dans Le parchemin, n° 325, janvier-février 2000, p. 15-50.

HAMAL, Yvan, La famille Coclers. Une dynastie de peintres liégeois : XVIIe-XIXe

JORISSENNE, Gustave, Jean-Baptiste Coclers, peintre wallon (esquisse biographique), dans Chronique archéologique du pays de Liège, tome III, 1908, p. 7-12.

KAIRIS, Pierre-Yves, Coclers, dans Le dictionnaire des peintres belges du XIVe

siècle à nos jours depuis les premiers maîtres des anciens Pays-Bas méridionaux et de la principauté de Liège jusqu’aux artistes contemporains, vol. I, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1995, p. 189-192.

SICCAMA, Willem Hora, Louis-Bernard Coclers et son œuvre, Amsterdam, F. Muller & Cie, 1895.

VAN LEEUWEN, Rieke, Kopiëren in Florence kunstenaars uit de Lage Landen in Toscane en de 19de eeuwse kunstreis naar Italië, Florence, Nederlands

Interuniversitair Kunsthistorisch Instituut, 1985.

YERNAUX, Jean, Dictionnaire des peintres liégeois : du Moyen Âge à la fin du XVIIIe siècle, supplément au Bulletin trimestriel de la société libre d’Émulation,

n° 2, 1987-1988, p. 46-54.

Iconographie de la Musurgia universalis

de Kircher (1650)

par Audrey DOR

Si Athanasius Kircher est un théoricien tombé un moment dans l’oubli et si son apport dans le domaine de la musique semble aujourd’hui un peu naïf et désuet, sa place dans l’histoire de la musique est incontournable tant par l’influence qu’il exerce sur ses contemporains et successeurs que par l’encyclopédisme de son savoir qu’il compile et transmet. Même si, par la suite, il ne connaît pas une renommée semblable à celle de Johannes Kepler, Isaac Newton ou René Descartes par exemple, son traité de musique, la Musurgia universalis, connaît un succès considérable : il est édité à plus de 1500 exemplaires richement illustrés dont la diffusion parmi les différents continents est remarquable.

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