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SECTION I. Description générale des données

SECTION 3. Concurrence ex-post et prix de l’eau : une analyse empirique

3.4. Résultats et commentaires

3.4.2. Choix organisationnel et performances

Nous venons de voir que les performances des services d’eau en affermage dépendaient du niveau de concurrence ex-post (concurrence entre modes d’exploitation et

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Il aurait été intéressant d’introduire dans les estimations une variable croisée HERFINDHAL*ECHEANCE mesurant un effet combiné de la concentration des opérateurs et de l’arrivée à terme du contrat. Toutes choses égales par ailleurs, le prix de l’eau devrait être d’autant plus faible que la concentration des opérateurs est faible (HERFINDHAL faible) et que le contrat proche de son terme (ECHEANCE faible). Mais les estimations font apparaître une colinéarité quasi-parfaite entre ECHEANCE et la variable croisée. Cette dernière n’apporte donc aucune information supplémentaire utile, si ce n’est qu’elle confirme que le prix de l’eau est influencé avant tout par l’échéance du contrat mais pas par l’indice d’Herfindhal. Des problèmes de colinéarité se posent également quand on essaie d’introduire des variables d’interaction entre notre indicateur de concurrence inter- organisationnelle (CONCREGIE) et l’échéance du contrat.

effet « échéance »). Nous examinons à présent comment évoluent les performances globales comparées des exploitations en régie et en affermage avec l’introduction des indicateurs de concurrence (variable AFFERMAGE). Les modèles 6 à 9 nous permettent de constater une différence de prix entre régie et affermage non significative dans 3 des 4 spécifications. Cependant, cette non-significativité s’explique par la présence des indicatrices opérateurs dans les régressions (VEOLIA, SUEZ, SAUR, SUEZ-VEOLIA). Les opérateurs indépendants (INDEP) étant notre référence, la non-significativité de AFFERMAGE s’explique donc par une différence de prix négligeable entre services en régie et services en affermage lorsque l’opérateur est un indépendant. Mais la suppression des dummies opérateurs fait de nouveau apparaître la significativité de AFFERMAGE dans toutes les spécifications. Autrement dit, les régies demeurent significativement plus performantes malgré l’ajout de variables de concurrence.

CONCLUSION

En définitive, ce chapitre nous a permis d’établir quelques conclusions concernant le lien entre efficacité du franchise bidding et concurrence ex-post. La concurrence entre

opérateurs ne semble pas jouer un rôle significatif dans notre étude. La diminution de la concentration du marché d’un département à l’autre ne semble pas avoir d’incidence majeure sur le prix de l’eau. Ce résultat s’explique sans doute par les soupçons d’ententes tacites entre les opérateurs pour le partage des marchés qui planent sur cette industrie en France et/ou par l’avantage naturel du délégataire sortant au moment du renouvellement. En revanche, nous constatons que la concurrence entre modes d’exploitation (régie et affermage) diminue significativement le prix de l’eau et l’écart de prix entre régie et affermage. La menace de retour en régie en fin de contrat paraît donc plus crédible que la menace de changement d’opérateur pour discipliner les délégataires. Ce résultat contredit quelque peu la littérature théorique qui met surtout en avant les difficultés pour une autorité publique de reprendre l’exploitation d’un service qu’elle a délégué à un opérateur privé (Williamson [1976]). Nous avons montré que la réalité est un peu plus complexe. La facilité relative avec laquelle une commune peut revenir en régie à la fin du contrat d’affermage dépend de nombreux facteurs. Certains d’entre eux ont été pris en compte dans nos estimations, en l’occurrence la complexité du service ou la possibilité de regroupement avec des communes voisines ayant l’expérience de la régie. D’autres sont plus difficiles à

contrôler. Ainsi, nous avons évoqué la possibilité de reprise du personnel par la commune en fin de contrat d’affermage. Dans le cas où ce transfert peut avoir lieu, le retour en régie peut- être grandement facilité. La reprise des salariés est rendue obligatoire par la législation sous certaines conditions (voir chapitre 3). Ces conditions ne sont pas nécessairement réunies localement, rendant la reconversion en régie plus ou moins difficile selon la collectivité. La menace de retour en exploitation publique peut donc être crédible d’un point de vue empirique et améliorer les performances du contrat de franchise bidding. C’est la première

conclusion que nous pouvons tirer de ce chapitre.

Le deuxième objectif de ce chapitre était d’étudier les performances comparées du mode d’exploitation public avec la solution du franchise bidding. Nous sommes partis du

constat que la question de l’efficacité de la privatisation d’un service public était très étudiée, notamment sur le plan empirique, par la littérature sur la régulation (Vining et Boardman [1992]). Les études économétriques à ce sujet convergent généralement vers l’idée que la privatisation d’une industrie de services publics sans concurrence entre firmes privatisées n’améliore pas significativement les performances de cette industrie. Cette conclusion est particulièrement vraie dans les secteurs en monopole naturel comme l’industrie de l’eau (Saal et Parker [2000], Estache et Rossi [2002], Wallsten et Kosec [2005]).

Etant donné ce constat, nous nous sommes demandés si la mise en place d’accords de PPP selon le modèle de concurrence pour le marché de Demsetz [1968] pouvaient permettre

d’améliorer les performances dans l’industrie de l’eau. Cette question est intéressante car contrairement au dilemme exploitation publique/privatisation, le débat sur l’efficacité comparative exploitation publique/concurrence pour le marché a connu très peu d’avancées d’un point de vue empirique. En nous focalisant sur l’industrie de l’eau en France, notre étude empirique ne nous permet pas de conclure à la supériorité du franchise bidding sur

l’exploitation publique. Nos résultats montrent, dans toutes les spécifications, une meilleure performance des régies sur les services en affermage.

En définitive, dans ce secteur, aucune preuve de l’efficacité supérieure des PPP sur l’approvisionnement public n’existe à ce jour. Les deux autres études empiriques dont nous avons connaissance sur l’industrie de l’eau (Boyer et Garcia [2004], Carpentier et al [2005]) n’apportent pas non plus de preuves d’une meilleure efficacité de l’affermage sur la régie. Les avantages attendus du recours au franchise bidding en termes d’efficacité productive

(Charreaux [1997], Williamson [1985]) semblent donc être contrebalancés par les coûts de transaction élevés induits par ce mode organisationnel (Williamson [1976], Goldberg [1976]). Les résultats empiriques peu convaincants trouvés par la littérature sur la régulation à l’égard de l’efficacité de la privatisation des services d’eau peuvent donc être étendus, dans l’état actuel des connaissances, à l’organisation de l’exploitation de ces services par

franchise bidding. C’est la deuxième conclusion que nous pouvons tirer de ce chapitre.

Etant donné ces résultats, il est légitime de s’interroger sur des solutions nouvelles pouvant être apportées afin d’améliorer les performances des PPP dans les industries de services publics en monopole naturel. Dans cette optique, les deux chapitres suivants se consacrent à l’analyse de deux défaillances majeures qui affectent de manière spécifique l’organisation des services publics par franchise bidding dans ces secteurs : le sous-

investissement de l’opérateur, notamment en fin de contrat et les risques de collusion entre les firmes au moment de la mise en concurrence du service.

CHAPITRE 6 : FRANCHISE BIDDING ET INCITATIONS A