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Les chocs pétroliers de 1973 et 1979

1. MISE EN PERSPECTIVE HISTORIQUE DE LA FORMATION DES PRIX DU PÉTROLE a) La domination des majors occidentales

La formation des prix du pétrole résulte des interactions entre les structures de l’offre et de la demande, les rapports de forces internationaux et les conditions de fonctionnement du marché.

Une des caractéristiques premières de la croissance économique fondée sur le dévelop-pement industriel est sa tendance à consommer de plus en plus d’énergie, notamment du pétrole qui au xxe siècle s’est substitué au charbon comme énergie dominante. Entre 1950 et  1973, la consommation mondiale d’énergie progresse d’environ 5  % par an soit un rythme un peu supérieur à celui du PIB mondial. Sur la même période, la consommation d’énergie par habitant a doublé. En 1973, l’Europe est dépendante du pétrole importé à hauteur de 60 % de son approvisionnement énergétique total, le Japon à hauteur de 77 %. L’offre pétrolière mondiale connaît après-guerre une croissance forte grâce à la décou-verte et la mise en exploitation de nouveaux gisements.

Dans la première moitié du xxe siècle s’était formé un marché pétrolier longtemps domi-né par sept grandes compagnies anglo-saxonnes, les majors (Royal Dutch Shell, British Petroleum, Standard Oil of New Jersey, Chevron, Mobil, Texaco et Gulf). Ces firmes, par une entente tacite, ont pu maintenir le prix du pétrole à un niveau inférieur aux autres sources d’énergie ce qui a accéléré sa substitution aux sources traditionnelles d’énergie. Les firmes pétrolières provenaient de pays du Nord qui avaient intérêt à maintenir bas les prix de l’énergie. L’intérêt national se combine néanmoins avec l’intérêt des entreprises du fait d’un coût d’extraction très bas des pétroles du moyen orient. Cet oligopole de ven-deurs était aussi un oligopole d’acheteurs (oligopsone) face à des producteurs dont l’in-dépendance politique était souvent récente. Les majors se contentaient donc de vendre le pétrole à un prix assurant la rentabilité des gisements américains (environ 2 dollars le baril) tout en empochant une rente considérable sur les pétroles en provenance du Golfe Persique ou le coût d’extraction ne dépassait pas 0,3 ou 0,4 dollar le baril. Cette manne allait logiquement éveiller l’intérêt des pays producteurs victimes d’une détérioration des termes de l’échange : par deux fois en 18 mois en 1959 et 1960 les majors décident de réduire les prix de 18 cents et de 10 cents.

b) La montée en puissance de l’OPEP

Le 15 septembre 1960 est fondée à Bagdad l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) à l’initiative de cinq pays (Arabie Saoudite, Koweït, Irak, Iran et Venezuela).

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Ils sont rejoints ensuite par le Quatar (1961), la Libye et l’Indonésie (1962), les Émirats Arabes Unis (1967), l’Algérie (1969), le Nigeria (1971), Dubaï (1973), le Gabon (1975). En 1968 est créée l’OPAEP (Organisation arabe des pays exportateurs de pétrole) parti-sane d’une attitude plus ferme vis-à-vis de l’Occident.

L’OPEP met plus de 10 ans pour imposer son prix le temps de créer des compagnies nationales mais surtout le temps qu’au niveau mondial la demande devienne structurel-lement excédentaire par rapport à l’offre. La croissance du début des années 1970 offre la possibilité aux pays producteurs de jouer sur les quantités pour faire varier les prix. Dans les années 1971-1973 la politique du Cartel se durcit sans que l’on puisse anticiper une envolée des prix. Les actifs pétroliers occidentaux sont nationalisés dans des pays arabes socialistes (Algérie, Irak et Libye), les pétromonarchies accroissent leur partici-pation au capital des sociétés exploitantes. L’OPEP parvient à obtenir une indexation des prix du baril dans le contexte inflationniste de l’époque. Les accords de Téhéran en février 1971, de Tripoli en avril majorent de 5 % par an les prix du brut pour compenser les effets de l’inflation occidentale. Suite à la dévaluation du dollar en décembre 1971, l’accord de Genève stipule que l’OPEP indexe le prix du pétrole brut sur la moyenne de neuf taux de change (République Fédérale Allemande, Belgique, France, Italie, Japon, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse). Après la généralisation du flottement moné-taire un second accord de Genève en mars 1973 précise qu’un écart de 1 % par rapport à la moyenne des taux déclenche une révision des prix.

2. LE CHOC PÉTROLIER DE 1973

a) L’effet catalyseur de la guerre du Kippour

Le 6 octobre 1973, l’Égypte et la Syrie déclenchent simultanément une offensive militaire surprise contre Israël dans le but de reprendre les territoires occupés par l’État hébreu depuis la guerre des Six Jours de 1967. Ils ont pris pour date le jour du Yom Kippour la plus grande fête religieuse juive.

Quelques jours plus tard pour accroître la pression sur l’Occident, l’OPAEP décide de ré-duire ses exportations de pétrole de 5 % par mois jusqu’au retrait d’Israël des territoires palestiniens. L’organisation décrète par ailleurs un embargo pétrolier envers Israël et les pays considérés comme ses alliés. La tension monte sur les marchés, les cours du marché libre s’envolent littéralement. En décembre 1973 à Téhéran l’Organisation des pays ex-portateurs de pétrole porte le prix du baril de référence à 11,65 dollars. En quatre mois le prix du pétrole a quadruplé.

b) Les mécanismes du ralentissement de l’activité, la stagflation

La hausse des prix du pétrole a des conséquences mécaniques pour les pays industrialisés. La détérioration des termes de l’échange qu’ils subissent est associée à un prélèvement extérieur équivalent à environ 3 % du PIB pour la plupart d’entre eux (Japon, France, Italie, Royaume-Uni). Les conséquences inflationnistes de la hausse des prix de l’éner-gie sont amplifiées par la poursuite de surindexation salariale héritée de la « régulation fordiste ». Dans un contexte d’ouverture internationale croissante, les chefs d’entreprises doivent compresser leur marge pour rester compétitifs. La rentabilité des entreprises est détériorée, l’investissement en subit les conséquences et recule.

La formation brute de capital fixe connaît un recul absolu dès 1974, au Japon (– 9,5 %), aux États-Unis (– 6,8 %) ou encore en RFA (– 9,6 %) ou une politique monétaire de rigueur est mise en œuvre. Pour l’ensemble de l’OCDE, la baisse est de 4,7 % en 1974,

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elle s’accentue l’année suivante (– 6,3 %). La chute de cette composante de la demande explique la crise économique de 1974-1975 et la réduction du potentiel de croissance des économies par la suite. Cette faible croissance est à l’origine d’une montée du chômage que l’on croit à l’époque conjoncturel.

3. LE CHOC PÉTROLIER DE 1979

a) Révolution islamique iranienne et nouvelle envolée des prix

Les rapports de forces internationaux évoluent en faveur des pays producteurs de pé-trole. L’OPEP poursuit une stratégie de contrôle de l’extraction, elle contrôle 48 % de la production mondiale en 1979. Entre 1974 et 1978 malgré le ralentissement de l’activité les pays de l’OPEP réussissent à maintenir les prix à un niveau élevé.

La situation politique iranienne est à l’origine d’un nouveau choc. L’opposition isla-miste au régime du chah prend le tour d’une révolution qui perturbe la production. Des grèves paralysent les exportations pétrolières iraniennes qui entre septembre 1978 et fé-vrier 1979 chutent de 6 millions de barils jours à moins de 400 000 barils par jour. Sur le marché les importateurs accroissent leurs achats de précaution. Les prix s’envolent : ils passent en quelques mois de 14,50 dollars à 26 dollars, ils culminent au voisinage des 40 dollars en 1980. Ce niveau apparaît rétrospectivement comme un maximum historique (lorsque comme sur le graphique ci-dessus on analyse l’évolution à prix constants).

Évolution sur longue période du prix du pétrole brut importé

U S D O LL A RS Prix courant en $ (1) Prix courant en (2) Prix constant en de 1960 (3) 0 10 20 30 40 50 60 70 19 60 19 62 19 64 19 66 19 68 19 70 19 72 19 74 19 76 19 78 19 80 19 82 19 84 19 86 19 88 19 90 19 92 19 94 19 96 19 98 20 00 20 02 20 04 20 06 0 10 20 30 40 50 60 70 EU RO S

Les prix sont indiqués en dollars et en euros courants. Le prix calculé en « euros constants de 2004 » permet d’appré-cier l’évolution temporelle du prix réel du pétrole brut importé ; il est calculé en déflatant par l’indice des prix à la consommation.

Ces prix correspondent à des moyennes annuelles, sauf pour l’année 2005 où le prix indiqué est le prix moyen du troisième trimestre, qui s’établissait à 59,3 dollars, soit 48,6 euros. En euros constants de 2004, ce prix était de 47,6 euros, inférieur au niveau maximum de 65,4 euros atteint en 1982.

Sources : Observatoire de l’énergie, INSEE

Entre le début 1979 et le début 1980, le prix du baril augmente de 125 %. Pour les pays euro-péens les effets de cette hausse sont accentués par un mouvement d’appréciation du dollar.

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b) Des effets amplifiés par la réorientation des politiques économiques

Le choc de 1979 n’est pas l’exacte répétition de celui de 1973, la hausse des prix est moins forte et davantage étalée dans le temps même si au départ le niveau des prix est beau-coup plus élevé. Il est difficile d’apprécier l’influence du choc de 1979 sur l’inflation et croissance économique car au même moment les États-Unis et le Royaume-Uni, bientôt suivis par les autres pays industriels, mettent en œuvre une politique monétaire de grande rigueur. Les pays les plus industrialisés accordent la primauté à l’objectif de stabilité des prix. À terme cette stabilité est censée créer un environnement favorable au développe-ment de l’activité économique. Fin 1979 les États-Unis mettent en œuvre une politique monétaire restrictive : les taux de base bancaire atteignent 20 % à New York. L’investis-sement productif et la consommation sont freinés. Le dollar s’apprécie.

Suite à l’envolée des prix du baril les excédents commerciaux des pays de l’OPEP s’élèvent de nouveau à partir de 1979 alors que les pays importateurs subissent un prélè-vement extérieur de l’ordre de 2 % du PIB.

Les années 1980-1982 sont marquées par un ralentissement du rythme de la croissance. Pour l’ensemble de l’OCDE la croissance du PIB atteint 1,5 % en 1980, 1,7 % en 1981 et – 0,1 % en 1982 alors qu’elle était supérieure à 4 % entre 1976 et 1979.

À partir de fin 1981, l’OPEP paraît perdre, peu à peu, le contrôle de la formation des prix. Jusqu’en 1985, seules les restrictions volontaires de production appliquées par l’Arabie Saoudite parviennent à endiguer le reflux des cours. En 1986, la décision saoudienne de ne plus soutenir les cours en restreignant les quantités est à l’origine d’un contre-choc pétrolier, les prix s’établissent autour de 10 dollars en 1986 et oscilleront autour de 15 dollars les années suivantes. Pour l’Europe, les effets sont cette fois-ci amplifiés par la dépréciation du dollar. Ce retournement de tendance résulte aussi de l’apparition de nouveaux producteurs (en mer du Nord et en Amérique latine) et d’une stratégie d’éco-nomie d’énergie engagée en Europe depuis 1974.

Repères chronologiques

• 1960 (septembre) : fondation de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole • 1968 : création de l’OPAEP (Organisation arabe des pays exportateurs de pétrole) • 1973 (octobre) : guerre du Kippour et début de la hausse des prix du pétrole • 1979 : deuxième choc pétrolier

• 1986 : contre-choc pétrolier

Le terme syndrome hollandais Dutch Disease (ou maladie hollandaise) désigne la malédic-tion qui serait attachée pour une économie namalédic-tionale à la découverte et l’exploitamalédic-tion de ressources naturelles (extraites du sous-sol ou offertes par le sol celles-ci sont constituées par les matières premières (pétrole, gaz, minerais…) et les denrées alimentaires).

Point clé