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Le changement de sexe comme changement de rapport aux valeurs 116

Chapitre  3.   Michelle Blanc : une conversion d’un autre genre 109

3.3.   Le changement de sexe comme changement de rapport aux valeurs 116

La « lecture préférée » des trajectoires transsexuelles privilégie une interprétation en termes médicaux et biologiques. Or, l’histoire de Michelle Blanc montre que cette lecture, à laquelle elle-même adhère, ne suffit pas à rendre compte de sa trajectoire. En effet, cette lecture veut qu’un individu modifie son sexe plutôt que de modifier son rapport au cisgenrisme83, à l’alignement entre genre vécu et sexe physiologique. Une lecture alternative de sa trajectoire fait plutôt apparaître le cisgenrisme comme une norme qui agit comme valeur publique au sens où il confère une valeur plus grande à ceux et celles y correspondant. Michelle Blanc ne renonce pas à s’identifier à cette valeur pour plutôt modifier sa façon de se rapporter au « masculin » et au « féminin ». Il ne s’agit pas ici de porter un jugement de valeur sur sa trajectoire, mais de reconnaître que les normes de genre, en tant que valeurs publiques, interpellent les convictions profondes des individus. Sa trans-formation implique une modification de sa conviction intime quant à son identité de genre qui la propulse à l’avant- scène de la discussion publique sur les normes de genre et la valeur qui leur est accordée.

                                                                                                               

83 « Une personne cisgenre est définie comme une personne dont le sexe, le corps et l’identité de genre sont concordants selon les normes historiques d’une société donnée » (Bereni et al., 2012 : 50).

3.3.1. Valorisation exacerbée de sa « mâlitude » et « masculinité hégémonique »

Dans la biographie de Michelle Blanc, la façon dont est racontée son enfance témoigne de son rapport ambigu aux normes de genre :

Dès l’âge de trois ans, Michel se questionne au sujet de son corps de garçon. Il éprouve un réel malaise d’habiter un corps étranger, mais nul ne peut apaiser ses angoisses naissantes. Déjà, à la maternelle, il se fait souvent battre par les autres enfants, sans oser se défendre. On le juge « moumoune », malgré sa grande taille. Michel, lui, ne sait que faire de ce corps masculin. Ce manège dure jusqu’en sixième année ; un jour, il décide de lever les poings. Il découvre sa force, cesse d’avoir peur et commence à se faire respecter. Dans la petite ville de Neufchâtel, la nouvelle se répand rapidement. C’est que Michel s’est aussi donné comme mission de défendre l’honneur de son frère de deux ans son aîné, le « fif » du quartier, Bobby, lui aussi victime de la hargne et des quolibets désobligeants des autres (Lanctôt, 2012 : 23).

Cette description nous apprend que Blanc et son frère Bobby vivaient de façon similaire leur enfance, tous les deux étant intimidés parce qu’ils ne correspondaient pas à la norme de « masculinité » valorisée publiquement. Leur mère a probablement joué un rôle dans leur identification discordante par rapport à cette « masculinité hégémonique ». La mère de Blanc, qu’elle qualifie d’intellectuelle, valorisera beaucoup la réussite scolaire de ses enfants pour éviter qu’ils ne se retrouvent dans la même situation que leur père :

Marie Vigneault [leur mère], qui désire donner à ses enfants une bonne éducation, inscrit Bobby et Michel à un collège privé à Valcartier, le Mont-Saint-Sacrement, ancien centre de ski converti par les religieux du Très Saint-Sacrement d’abord en séminaire, puis en institution prestigieuse d’enseignement. Elle veut que ses enfants suivent ses traces et non celles de leur père, qui n’a fréquenté qu’une année ou deux l’école primaire et qui est chauffeur de taxi, métier ingrat et sans véritable reconnaissance sociale (Lanctôt, 2012 : 29).

Chez Blanc, la valorisation de l’instruction sera étroitement associée à leur mère qu’ils admirent pour avoir réussi à poursuivre des études à une époque à laquelle peu de femmes en avaient l’occasion. En revanche, son père était très versé dans les sports, ce que Blanc n’a pas manqué d’associer au « masculin ». La fréquentation d’une école de garçons par les deux frères viendra renforcer cette association entre sport et « masculinité ». Or, malgré la similarité des trajectoires et de la socialisation de genre, Bobby « deviendra » homosexuel tandis que Michel « deviendra » transsexuelle. Ces deux expériences de conversion résultent en des

rapports aux valeurs différents qui induisent des positions de sujet différentes (un « homosexuel » et une « transsexuelle »). Avec le matériau dont je dispose, je ne peux expliquer pourquoi Michel plutôt que son frère a changé de sexe. Je peux toutefois m’attacher à décrire le changement de rapport aux valeurs qui s’est opéré et la façon dont sa publicisation a contribué à construire une position de sujet inédite.

« Je suis devenue un modèle de “mâlitude” (extrait de son blogue michelleblanc.com cité dans Lanctôt, 2012 : 100). Voilà qui synthétise bien la façon dont Blanc a d’abord choisi de valoriser la « masculinité » pour se conformer au cisgenrisme : « Bientôt, il cherchera à devenir un mâle exemplaire, tout le contraire de ce qu’il ressent. La réalité devient ainsi plus acceptable et les angoisses existentielles disparaissent » (Lanctôt, 2012 : 24). Cependant, ces deux phrases apparaissent contradictoires à l’observateur. D’une part, « devenir un mâle exemplaire » ne correspondrait pas à ce qu’il ressent et, d’autre part, « devenir un mâle exemplaire » ferait disparaître ses angoisses existentielles. Cette anecdote confirme qu’il est impossible pour le chercheur d’accéder à ce que les gens vivent dans leur tête (Mariot, 2001). La façon dont Blanc valorise publiquement la « masculinité » et le cisgenrisme est par contre observable pour le chercheur : il lèvera les poings, s’investira dans les sports et débutera une carrière de militaire. Blanc se calque ainsi sur le modèle de la « masculinité hégémonique ». Le concept de masculinité hégémonique a été défini par R. W. Connell « as the configuration

of gender practice which embodies the currently accepted answer to the problem of the legitimacy of patriarchy, which guarantees (or is taken to guarantee) the dominant position of men and the subordination of women » (2005 : 77). Or, il est important ici de préciser que

Connell ne fait pas de la masculinité hégémonique un type, mais bien une position dominante, un idéal, que personne n’incarne empiriquement. Schippers (2007) insiste quant à elle sur le fait que la masculinité hégémonique recouvre l’ensemble des relations de genre, car elle se construit en relation avec la « féminité ». En effet, un trait récurrent de la masculinité hégémonique serait la méfiance qu’elle instaure envers le féminin, et non les femmes, les féminités étant toujours perçues comme subordonnées et susceptibles de contaminer les masculinités. Dans cette perspective, Schippers suggère de parler de male feminities, c’est-à- dire des hommes construits comme « embodying feminity » (p. 97), plutôt que de masculinités subordonnées comme le fait Connell.  

  Au cours de sa trajectoire, Blanc a d’abord valorisé la « masculinité » pour se poser en sujet « mâle ». Sa biographie ne permet pas de dire si cette valorisation était « sincère » et « authentique », même si elle en parle a posteriori comme des « mécanismes de négation ». Sa valorisation subséquente de la « féminité » après son « moment de conversion » nous apprend cependant que ce changement est surtout le reflet d’une valorisation continue du cisgenrisme. Une trans-formation n’implique donc pas une réorientation de toutes les valeurs d’un individu, mais seulement de certaines qui sont impliquées dans un basculement de l’intimité à la publicité, ici le rapport au « masculin » et au « féminin ».

3.3.2. Changement de rapport aux valeurs et changement de signes

La trajectoire de Michelle Blanc est loin d’avoir été marquée uniquement par ce qu’elle appelle sa « dysphorie d’identité de genre ». Dans son récit écrit avec plusieurs années de recul, sa très jeune enfance apparaît caractérisée par cette « condition ». Blanc revêtait alors les vêtements de sa mère en cachette. Toutefois, elle passe ensuite plusieurs années à étudier, fêter et sortir sans que

[r]ien ne transpire encore de sa dysphorie d’identité de genre. Il est d’ordinaire un homme heureux, à la recherche de plaisirs, à l’instar de ses collègues. Michel paraît avoir trouvé sa voie, et plus d’un le surnommerait aisément « Monsieur Bonheur » tant il a l’air à l’abri des sautes d’humeur, avec son sourire contagieux, son humour, sa jovialité spontanée. Mais derrière cette façade gronde un volcan prêt à exploser. Même Michel ne se doute pas encore qu’il représente un véritable panier de crabes dont il va bientôt soulever le couvercle, par nécessité (Lanctôt, 2012 : 50).

Quand vient le temps d’écrire sa biographie, il semble logique de parler d’un « volcan prêt à exploser » à tout moment pour parler de sa « condition », puisque le récit inscrit chaque événement dans une téléologie. Or, sa « dysphorie » se manifeste véritablement alors qu’elle approche de la trentaine :

À l’amorce de leurs relations, une douzaine d’années plus tôt, Bibitte avait découvert par pur hasard des vêtements féminins dans un sac de son conjoint, au fond de sa garde-robe. Elle lui demanda bien sûr des explications, convaincue que ces vêtements n’appartenaient pas à une autre femme. Michel lui était fidèle, sans nul doute. Il lui avait alors avoué qu’enfant il adorait se travestir avec des

vêtements dérobés à sa mère. Se travestir ainsi, à l’occasion, correspondait à un besoin et calmait quelque peu ses inquiétudes. Bibitte lui dit alors qu’elle n’accepterait jamais d’être avec quelqu’un qui s’habille en femme. Michel lui assura que plus jamais il ne le ferait pour ne pas nuire à leur relation (Lanctôt, 2012 : 65).

À ce stade, elle connaît une modification de ses convictions intimes, sans toutefois que celles- ci ne se traduisent publiquement. Blanc cesse alors de se « travestir » pendant dix ans (Lanctôt, 2012 : 66). La trans-formation opérera avec la modification de son rapport aux valeurs publiques, en l’occurrence celles de « masculinité » et de « féminité ». En effet, sans remettre en question l’ordre normatif, Blanc ne parviendra plus à se valoriser à travers les normes de la masculinité hégémonique et commencera à se valoriser à travers les normes de « féminité ». Ces normes acquièrent dans cette situation un statut de valeurs dans la mesure où elles interpellent la conception qu’a Blanc d’elle-même, ainsi que ses convictions.

Différemment du cas de Claudel, le changement de rapport aux valeurs de Blanc se manifeste par une modification apportée à des signes extérieurs. Jusqu’à ce que sa conjointe les découvre, les vêtements de femme de Blanc témoignaient d’une pratique strictement privée qui n’engageait ni une nouvelle conception d’elle-même ni une nouvelle présentation d’elle- même. Cette pratique connue d’elle seule a cependant revêtu un tout autre sens lorsqu’une autre personne, sa conjointe, a fait irruption dans son intimité. Elle ne concerne alors plus uniquement Blanc, car elle vient heurter les valeurs de sa conjointe, en l’occurrence son attachement au cisgenrisme qui définit sa propre conception d’elle-même comme sujet hétérosexuel. Par conséquent, lorsque Michelle soutient qu’elle serait prête à changer de sexe au moment où sa conjointe l’interpelle à nouveau sur cette question douze ans plus tard, toute l’attention se porte sur les marqueurs corporels de « Michel » et au premier chef sur son pénis. Ce signe toujours présent, même après ses premières transformations corporelles, incarne pour sa conjointe à la fois une confirmation de sa « mâlitude » sauvant son hétérosexualité, et une atteinte à la valeur qu’elle accorde au cisgenrisme :

Sa plus grande inquiétude se porte sur sa Bibitte chérie, qui devra subir un autre deuil, le plus terrible sans doute, celui du pénis de son compagnon de vie, de sa

mâlitude. Car si, au cours des mois, son amant d’hier s’est transformé en femme,

avec la prise d’hormones et sa chirurgie faciale, il n’en demeure pas moins que cette personne avec qui elle a passé une bonne partie de sa vie avait gardé jusqu’ici

ses attributs sexuels masculins. Cela ne trompait pas. Michelle ne porte plus son chapeau à larges bords, elle a troqué ses jeans de gars contre une jupe noire ou une robe fleurie, ses bottes contre des talons hauts. Mais sous ces apparences féminines, elle devinait encore l’homme à ses caresses. Et puis il y avait toujours une possibilité que Michelle revienne en arrière… (Lanctôt, 2012 : 141).

Quant à Blanc, la perspective d’abandonner ce signe corporel incarne la fin de sa valorisation de la « masculinité » et la réaffirmation de sa valorisation du cisgenrisme. L’enjeu que soulève la perte du pénis de Blanc dans le couple illustre bien à quel point cet organe est représenté comme faisant la valeur de l’homme, faisant l’homme, en tant que symbole ultime de la « masculinité ». Pour Guillaumin (1992), le sexe anatomique comme signe extérieur marque la distinction entre hommes et femmes dans un régime de vérité biologique. L’identification des hommes et des femmes se résume à l’organe sexuel. En effet, la réduction de la trajectoire transsexuelle au changement de sexe est le produit d’un acte social masquant autant la complexité de la trajectoire, de la matérialité biologique que de la représentation sociale.

Le changement de sexe est présenté par Blanc comme le traitement de sa « dysphorie d’identité de genre » que des spécialistes lui ont diagnostiquée84 :

Finalement, à l’automne 2007, le diagnostic tombe : Michel souffre réellement d’une dysphorie d’identité de genre. Les symptômes de la dépression ne mentent pas. Michel ne dort plus que trois ou quatre heures par nuit. Il perd quinze kilos. Sa vie est chamboulée, ses mécanismes de négation, refoulés depuis sa petite enfance, viennent de tomber. Il n’est plus l’homme souriant que Bibitte a toujours connu, même s’il demeure aussi attentionné et respectueux envers elle. Jamais elle n’a vu son homme pleurer, mais cette fois-ci, Michel ne peut plus retenir ses larmes, qui viennent souvent clore les discussions entre les deux amoureux. Michel, à quarante- six ans, vient d’apprendre qu’il souffre de dysphorie d’identité de genre. Lui qui a toujours été un homme heureux dans la vie, sans aucun problème à communiquer                                                                                                                

84 Sur son blogue, Blanc renvoie ses lecteurs au Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM- IV), publié par l’American Psychiatric Association, qui fournit les éléments de diagnostique suivants : « There are two components of Gender Identity Disorder, both of which must be present to make the diagnosis. There must be evidence of a strong and persistent cross-gender identification, which is the desire to be, or the insistence that one is, of the other sex (Criterion A). This cross-gender identification must not merely be a desire for any perceived cultural advantages of being the other sex. There must also be evidence of persistent discomfort about one's assigned sex or a sense of inappropriateness in the gender role of that sex (Criterion B). The diagnosis is not made if the individual has a concurrent physical intersex condition (e.g., partial androgen insensitivity syndrome or congenital adrenal hyperplasia) (Criterion C). To make the diagnosis, there must be evidence of clinically significant distress or impairment in social, occupational, or other important areas of functioning (Criterion D) » (DSM-IV, TR, 2000 : 576).

avec la société, le voilà à présent malheureux avec lui-même et avec les autres (Lanctôt, 2012 : 68).

On affirme ici qu’il est un « homme », même s’il « demeure aussi attentionné et respectueux », comme si ces caractéristiques, souvent dites « féminines », persistaient et révélaient quelque chose sur son statut véritable. Ce doute jeté en privé sur sa « nature » est à l’origine de ses problèmes avec la « société » qui se manifestent maintenant que ses pratiques intimes sont rendues publiques et appellent une solution médicale. Ses convictions intimes trouvent un appui à leur publicisation à travers le vocabulaire médical qui permet d’établir la connexion avec les valeurs publiques. Le diagnostic s’accompagne d’une proposition de traitement qui passe nécessairement par un changement de sexe :

Les spécialistes, eux, concluent, au terme de plusieurs rencontres et examens, que le seul traitement valable pour Michel consiste à changer de sexe. Il lui faut entreprendre une thérapie transitoire qui fera de lui une femme. La seule autre possibilité est de ne rien faire, et la conséquence de ce choix serait de demeurer en dépression profonde pour le reste de ses jours sans autre traitement possible. La première étape consiste à entreprendre un traitement à base d’hormones féminines. Selon les spécialistes, des changements notoires doivent se manifester au bout de quelques mois. Il n’y a pas à hésiter (Lanctôt, 2012 : 68).

Blanc n’est toutefois pas du même avis au premier abord et laisse entendre qu’il préférerait demeurer un « homme » :

Michel hésite. Il demande à son médecin s’il ne pourrait pas plutôt lui injecter des hormones mâles ou lui offrir de suivre des thérapies d’aversion. « Depuis cinquante ans, répond le médecin, toutes ces avenues ont été explorées, y compris les électrochocs, et la seule thérapie donnant des résultats probants est la transition. On ne peut pas changer le cerveau pour qu’il corresponde au corps, mais on peut heureusement changer le corps pour qu’il corresponde au cerveau » (Lanctôt, 2012 : 70).

Son hésitation sera toutefois de courte durée. Un sexologue et psychologue s’engage à suivre Blanc pendant un an ou plus pour diagnostiquer si elle souffre effectivement de cette maladie et lui fournir un soutien psychologique : « Chaque semaine, ils se rencontrent et Michel sort de ces rendez-vous de plus en plus convaincu de souffrir d’un trouble d’identité, mais aussi davantage inquiet et angoissé quant à l’avenir » (Lanctôt, 2012 : 71). La « dysphorie » de Blanc apparaît donc relever bien davantage du domaine des convictions que de la biologie. Ce récit s’apparente d’ailleurs au récit de confession de Claudel qui lui a été demandé par un prêtre. Toutefois, dans le cas de Blanc, la publicisation de ses pratiques privées est encadrée

par l’institution médicale qui la produit d’abord comme transsexuelle, puis comme « femme », contrairement à Claudel qui ne s’est jamais identifié comme « catho » car il avait le privilège de maintenir la genèse de ses valeurs dans le domaine privé.

Entamer un changement de sexe qui se conclura par l’abandon du pénis pour un vagin marque une rupture au niveau anatomique qui, à l’analyse, ne semble cependant pas aussi radicale par ailleurs. Plusieurs personnes côtoyant Michelle Blanc n’ont pas modifié leur façon de se rapporter à elle, y compris concernant ses caractéristiques dites « masculines » ou « féminines ». Par exemple, Christian, un ami français de Michelle, se rappelle qu’il avait remarqué son côté « féminin » : « Christian a pourtant remarqué, lors de leurs premières rencontres, le fort côté féminin de Michel, absent chez la plupart de ses amis québécois. Les manières affectueuses de Michel favorisent indéniablement les échanges amicaux et les épanchements. Michel inspire confiance et les gens sont portés à se confier à lui » (Lanctôt, 2012 : 85). Il semble donc que Michelle soit demeurée la même, à l’exception de l’apparence. Un changement de rapport à la « féminité », désormais constitutive de sa conception d’elle- même, n’implique pas un changement radical ni un changement complet de ses comportements : « Michel, transformé en Michelle, reste le même. C’est là la seconde constatation de Christian, la première étant, bien entendu, la surprise totale provoquée par la perruque frisottée et les talons hauts » (Lanctôt, 2012 : 85). Pas davantage que ses capacités émotionnelles dites « féminines », ses caractéristiques dites « masculines » n’ont pas changé, comme son côté « petit coq bagarreur » (Lanctôt, 2012 : 168). Elle dit également avoir conservé son côté « baveux et provocateur » (Lanctôt, 2012 : 172). Par ailleurs, elle serait désormais plus « féminine », avec ce que cela implique de positif et de péjoratif : « On la dit maintenant plus émotive, plus calme, plus “civilisée” qu’auparavant et, surtout, plus heureuse. Avec les hormones qu’elle prend, son caractère a quelque peu changé, ce qui ne signifie pas qu’il s’est amélioré ! Elle devient boudeuse et même rancunière, des traits que d’aucuns disent