• Aucun résultat trouvé

LE CHANGEMENT PROFESSIONNEL ENTREVU PAR LES TRAVAUX LIÉS A LA MOBILITÉ

PREMIER CHAPITRE PROBLÉMATIQUE

4. LE CHANGEMENT PROFESSIONNEL ENTREVU PAR LES TRAVAUX LIÉS A LA MOBILITÉ

Mieux appréhender un phénomène nécessite de consulter les écrits le concernant afin d’identifier les travaux auxquels il a donné lieu et ainsi identifier les avancées théoriques dont il a été l’objet. Dans le cas présent, l’objet de cette recherche est précisément d’être en mesure de nommer le changement professionnel à l’étude et de décrire sa réalité. Toutefois, sans connaître sa dénomination exacte, il est difficile d’effectuer une recension précise des écrits. La stratégie de recherche documentaire consiste alors à utiliser des concepts les plus larges traitant des changements professionnels dont ceux qui viennent d’être présentés (mobilité professionnelle, transition professionnelle, reconversion professionnelle, réorientation professionnelle et orientation tout au long de la vie) et d’y repérer les travaux pour lesquels les caractéristiques du public cible ou celles des mobilités effectuées se rapprochent du phénomène à l’étude dans cette recherche. C’est pourquoi ce travail d’analyse est mené sous deux angles différents : en fonction des travaux liés à la mobilité professionnelle et en fonction des travaux liés au changement professionnel en vue de répondre à une quête de sens.

4.1. Une revue des travaux liés au concept de mobilité, de transition, de reconversion et de réorientation professionnelles

Les travaux ayant pour objet les mobilités professionnelles qu’elles soient nommées transition, reconversion, réorientation ou encore orientation tout au long de la vie sont assez nombreux. Si l’on s’intéresse plus précisément aux transitions volontaires, l’offre se réduit de manière considérable. De plus, si l’on se focalise sur les changements professionnels du type changement de métier et de secteur d’activité, alors seulement quelques études pertinentes se dégagent. Il existe des recherches portant sur la réorientation professionnelle (Legay et Marchal, 2007; Legay et Marchal, 2008) de jeunes professionnels retournant en formation. Ces auteurs ont mis

en évidence que chez ce public cible, la réorientation pouvait avoir plusieurs significations : une recherche de stabilité, une amélioration des conditions d’emploi ou un enrichissement du travail. D’autres auteurs (Cohen-Scali, Adassen, De Calan et Mahut, 2015) parlent également de réorientation professionnelle chez les cadres qui se dirigent vers le secteur de l’économie sociale et solidaire. Les travaux traitant de la reconversion professionnelle sont très souvent axés sur une population précise liée à un métier ou à un secteur d’activité. Des enquêtes portent par exemple sur les prêtres ruraux (Suaud, 1978), sur les sportifs de haut niveau (Javerlhiac, 2010) ou sur les individus se dirigeant vers les métiers de la documentation (Nuttin, 2010). Pour leur part, les travaux s’intéressant à la notion de reconversion professionnelle volontaire (Négroni, 2005a, 2005b, 2007) concernent un public aux âges et aux expériences professionnelles variés ayant comme point commun d’avoir effectué une mobilité professionnelle impliquant un changement de métier et de secteur d’activité de manière volontaire dans la région Nord-Pas-de-Calais. Parmi les travaux liés à l’orientation tout au long de la vie ceux de Prestini Christophe (2008) concernent des adultes ayant choisi de reprendre des études dans le secteur social. Des recherches traitant de concepts assez proches comme les bifurcations ou les ruptures biographiques (Denave, 2010, 2014 ; Bessin, Bidart et Grossetti, 2010; Bidart, 2010; Bidart et Longo, 2007) semblent pertinentes dans la mesure où elles concernent des mobilités avec un changement simultané de métier et de secteur d’activité. De façon particulière, celle de Bidart (2010) ainsi que celle de Grossetti et Bidart (2006) visant une population de jeunes adultes fraichement entrés dans la vie active présente des liens avec le phénomène à l’étude dans la présente recherche. Denave (2007, 2010, 2014) traite d’un public plus varié assez représentatif de chaque génération du monde du travail. De même, certains travaux utilisant des terminologies plus précises sont consultés. C’est le cas de Berton (2010) questionnant les liens entre les ruptures de contrat de travail et les ruptures biographiques. Aussi, Larue, Malenfant et Jetté (2009) introduisent la notion « d’indécision vocationnelle » pour qualifier le retour aux études d’individus dont l’orientation initiale a été subie et qui ont repris une formation en cours de carrière.

La majeure partie de ces travaux portent sur des mobilités volontaires impliquant simultanément un changement de métier et de secteur d’activité. Ils permettent de tirer certaines caractéristiques du changement professionnel volontaire selon qu’il soit plutôt traité comme une réorientation, une bifurcation ou encore comme une rupture professionnelle. Ils sont focalisés sur une population précise souvent liée à un métier ou à un secteur d’activité. Or, si l’on s’intéresse aux motifs de ces changements professionnels volontaires, le risque est que les caractéristiques du métier ou du secteur d’activité en soient les principales raisons tout comme d’ailleurs une recherche de sens. C’est pourquoi une seconde vague de consultation de la littérature scientifique se focalise plus précisément sur les changements professionnels motivés par une quête de sens au travail.

4.2. Une revue des travaux liés aux notions de changement professionnel et de quête de sens au travail

Les travaux de Duchesne (2011) traitent d’adultes ayant réalisé une transition professionnelle pour donner un sens à leur vie, la notion de sens étant abordée à travers le concept d’individuation de Jung (1939). Duchesne (Ibid.) s’est intéressée à un public d’adultes abordant une « seconde carrière » dans l’enseignement. Ses recherches partent du postulat que ce métier est générateur de sens et elle s’attache à identifier comment l’exercice de cette activité peut être significatif pour ces adultes. L’objet de sa recherche est concentré sur le métier d’enseignant et ses attraits plutôt que sur le phénomène de changement professionnel en lui-même. D’autre part, les travaux de Mayaux (2001) se focalisent sur ce qu’il nomme la mobilité professionnelle des cadres de l’économie marchande vers l’économie sociale. Ses conclusions mettent en évidence que lorsque ces changements professionnels sont choisis, ils sont de l’ordre du développement personnel et de la recherche de sens. Conformément aux études rapportées antérieurement, ces auteurs s’intéressent à des métiers ou à des secteurs d’activité précis et connus pour être générateurs de sens.

D’autres travaux sur le sens du travail de manière plus générale et n’abordant pas systématiquement la question du changement professionnel permettent de mieux comprendre comment aborder cette perspective dans une activité professionnelle. Les enquêtes de Bajard et Perrenoud (2014) s’intéressant au mode de rémunération des artisans mettent en évidence ce que peut signifier une situation de travail porteuse de sens. Il en est de même pour les travaux de Mercure, Bourgeois et Wils (1991) qui proposent une nouvelle typologie des choix de carrière. Aussi, les travaux de Beaudry et Gagnon (2014) se focalisent sur la perte de sens au niveau personnel et la manière dont une activité professionnelle peut la compenser.

Ces recherches portant sur la question du sens généré par une activité professionnelle arborent des clés de compréhension quant à ce qui donne à l’individu un sentiment de sens. Cependant, elles portent très souvent sur des métiers et des secteurs connus pour leurs finalités altruistes. En revanche, les cadres interrogés lors de l’enquête exploratoire se sont dirigés vers des métiers pour lesquels on ne peut pas dire qu’ils aient une finalité altruiste : la restauration, la formation professionnelle ou encore l’artisanat. Il semble alors que le phénomène à l’étude ne soit pas qu’une simple reconversion professionnelle vers un métier et un secteur d’activité porteur de sens. Il pourrait représenter un processus plus complexe de reconversion sans objectif préalablement défini mais justifié par une quête de sens. De même, un autre constat issu de cette enquête montre une forte tendance chez ces cadres à se tourner vers une activité moins valorisée socialement et comportant plus de précarité. Cela signifie donc que cette quête de sens se révèle être assez forte pour justifier ce changement de vie professionnelle.

Les conclusions qui se dégagent de l’ensemble de ces écrits laissent à penser que la question de la mobilité professionnelle impliquant simultanément un changement de métier, de secteur d’activité et de CSP justifié par une quête de sens

n’a pas encore été abordée. Afin de mieux comprendre en quoi consiste ce phénomène à l’étude, il convient de synthétiser ses caractéristiques et de proposer un premier questionnement visant à donner une direction à la présente recherche.