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Contexte de recherche et champ d’investigation

2.5 Une approche par la valeur .1 Introduction

2.5.3 Le changement de paradigme

Durant les Trente glorieuses24, et comme l’a analysé [Dupuy, 2004], s’est opérée, dans le monde économique, une inversion majeure de la rareté. On est passé d’une époque où le produit était rare (l’immédiat après seconde guerre mondiale) à une nouvelle, actuelle, où ce sont les clients qui sont rares. Non que la population ait décru, au contraire, mais l’offre disponible est maintenant très importante. Le marché, autrefois tiré par la demande est aujourd’hui submergé d’offres. Ainsi ce ne sont plus les biens qui sont rares, mais les clients.

Cette sorte de d’inversion de rareté est générale et touche tous les secteurs, comme par exemple : l’automobile, la presse, les produits alimentaires. . . mais également les médias audio-visuels25, les services bancaires et financiers, les télécommunications etc. Cette inversion de ra-reté a un impact très fort sur la valeur économique : des biens ou des services de plus en plus perfectionnés tendent à coûter de moins en moins cher. Ce phénomène est très marqué dans le monde desTIC, les semi-conducteurs en particulier. En 1975, Gordon MOORE, fondateur de la

23http://www/ebay.fr

24C’est ainsi qu’on désigne, à la suite de [Fourastié, 1979], la période d’une trentaine d’années allant de la seconde Guerre Mondiale au premier choc pétrolier.

25Dans les années 1960 l’ORTFproposait deux chaînes de programmes télévisés et la diffusion cessait à 23h00. Au-jourd’hui laTNTen propose plus de 40. Les cablo-opérateurs et les bouquets satellite peuvent aller jusqu’à dépasser la centaine de chaînes. Or, malgré cette explosion d’offres, une journée de 2007, tout comme celle de 1960 ne compte que 24 heures.

société INTELdéclare que le nombre de transistors des microprocesseurs sur une puce de silicium double tous les deux ans. Bien qu’empirique26, cetteloia été vérifiée sur la période 1971-2001 (voir figure 2.6 page 25). La conséquence commerciale est connue : les machines utilisant des micro-processeurs (en particulier les micro-ordinateurs) sont devenus de plus en plus puissants pour des prix de moins en moins élevés. De même, Norbert PAQUELa pu également affirmer que

La caractéristique la plus constante de l’informatique est la capacité des utilisateurs à saturer tout système mis à leur dispositionqui, dans ce contexte, complète par une approche centrée sur les usages celle de Gordon MOORE, centrée sur la technique.

Sur internet le changement de paradigme s’opère également : non seulement ce qui était autrefois payant est maintenant gratuit mais, au surplus, une même information est disponible sur un nombre incalculable de sources. Le sacro-saint principe d’exclusivité est même battu en brèche par des utilisations détournées de certains outils. Dans ce contexte, il apparaît que le principe de rareté qui présidait à la création de valeur dans l’ancienne économie n’est plus de mise dans le monde nouveau qui est né de l’utilisation des techniques disponible. Il a été pour ainsi dire vidé de son sens. La nouvelle économie née après le web a créé ses référents et ses équations de valeurs : ([Maitre et Aladjidi, 1999] qui analyse lesbusiness modelsde la nouvelle économie date de 1999, six ans à peine après les premiers balbutiements du web). Rien n’était en effet plus nécessaire (le tableau 2.7 page 27 le montre par l’absurde).

FIG. 2.6 – La Loi de Moore confrontée à l’évolution des processeurs INTEL

Plus largement, dans de très nombreux domaines est apparue une dialectique de type avant/après permettant d’opposer une ancienne économiefondée sur la gestion de la rareté et unenouvelle économiefondée sur l’organisation du foisonnement. Cependant, le phénomène communautaire a fortement changé la donne : de certaines communautés électroniques en effet, sont nés des produits et des services mis librement à la disposition de la communauté et qui non seulement se sont imposés dans la communauté de départ mais se sont répandus comme traînée de poudre au point de devenir incontournables, voire de devenir des produitsquasi commerciaux. Le tableau 2.2 en donne quelques illustrations.

26Il s’agit en fait de la ré-évaluation d’une prédiction faite une première fois en 1965 pour les semi-conducteurs d’entrée de gamme

Ces produits et ces services ont des parts de marché, ont vu se créer autour d’eux des commu-nautés, des prestations de service, bref ils ont créé de la valeur. Or, caractéristique remarquable de ces produits : ils sont gratuits ! La valorisation économique par le chiffre d’affaire leur semble étrangère. Ils vivent de publicité, de dons, de tiers financeurs. Bref, ils sont à l’origine d’une chaîne de la valeur alors qu’ils n’en ont économiquement pas.

Projet Responsable du projet Nombre de

participants

Part de marché ou équi-valent (si disponible)

VLC Antoine Cellerier (ECP) 53

Plus de 10 millions de té-léchargements (2.4 télé-chargements par sec.)

Firefox Brendan Eich 23.000 24.1 % en Europe

Open Office

Variable selon le

sous-projet (voir http://

projects.openoffice. org/index.html)

34 000

14% dans les grands

comptes et un total de 62.5 millions de téléchar-gements

Wikipedia France

Pyb (Président du cha-pitre français de Wikipe-dia) 80.000 (es-timation fin 2006, dont 135 modéra-teurs) plus de 450.000 articles en français N|Vu D. Glazman un, plus un support mis à disposition par Linspire

plus de 2 millions d’utili-sateurs

Sources : pour Firefox, voir Xiti Monitor, mars 2007 (dans deux pays européens sur trois, Firefox est lea-der). Pour OpenOffice, voirhttp://wiki.services.openoffice.org/wiki/Market_Share_Analysis, pour N|Vu, voirhttp://www.nvu.com/. Ces données sont sujettes à variations

TAB. 2.2 – Données relatives à quelques projets collaboratifs (données collectées le 11 février 2007)

2.6 Champ d’investigation

Les produits issus des communautés sont également de ceux qui changent les modèles d’af-faire : de Linux à Wikipedia en passant par Firefox, VLC, OpenOffice ou tant d’autres, ces produits et services ont remis en cause les propositions de valeur des acteurs de l’ère précédente. De plus, ces projets sont des catalyseurs de communautés d’utilisateurs et de développeurs.

Les projets non marchands issues de l’ère du partage se situent à l’intersection de plusieurs champs de connaissances (voir figure 2.8, page 27) et ils semblent présenter des caractéristiques propres. C’est précisément sur ce recoupement que portent les recherches qui font l’objet du présent travail.

Les chaînes de valeurs ajoutées nouvelles que nous avons évoqué supra sont le cœur de notre champ de recherche. Nous l’appelons ère du partage car c’est ce qui fonde sa réalité la plus tangible. Autour de ce périmètre principal, on trouve des notions déjà définies auxquelles nous nous ferons référence car elles sont connexes : le partage, la valeur et le marché.

En juillet 2007 Prix (e) poids (kg) Prix au kg (e), Rouleau d’acier 370 1000 0,37 Twingo de base 7990 925 8,63 lingot d’or 15572,86a 1 15572,86 Intel Core2Duob 250 0,008 31250,00 Quotidien National 1,20 0,2 6,0 Livre de poche 5,5 0,15 36,66 MacOS X 129 0,016c 80628,50 Photoshop 1075 0,016d 67187,50 Firefox « gratuit » N.S. N.S., Linux « Libre » N.S. N.S., Wikipedia « Libre » N.S. N.S.,

aCours moyen du lingot d’or en juin 2007 donné par la Banque de France

bProcesseur à 2,67GHz de fréquence d’horloge, prix donné par le site http://www. rue-montgallet.comle 7 juillet 2007

cLeDVDsur lequel est stocké le programme pèse 16 g. dCf. note supra

FIG. 2.7 – La valeur de l’immatériel est ténue, tableau d’après[Soudoplatoff, 2004]

Individuellement, le partage et le marché ont été étudiés mais la spécificité de notre approche est de considérer que les productions communautaires issues de partages sur les réseaux sont des en-soi qu’il faut aborder en tant que paradigme nouveau.

Chapitre 3

La valeur