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5.3 Modélisation de l’émission multi-longueurs d’onde de PKS 0301-243

6.1.2 Champ magnétique turbulent

Les champs magnétiques en astrophysique sont rarement homogènes sur de grandes échelles mais présentent au contraire de grandes hétérogénéités voire de la turbulence. Le champ magnétique de la Voie Lactée en est un bon exemple. Il présente au moins deux composantes, l’une turbulente sur des échelles spatiales d’au plus 100 pc, l’autre ordonnée dans le disque et dans un halo autour de la Galaxie. Ce type de champ magnétique n’étant pas constant le long de la ligne de visée, l’équation1.12ne peut plus être intégrée aussi simplement que dans la section6.1.1. L’équation différentielle est résolue numériquement en divisant la ligne de visée en éléments finis dans lesquels le champ magnétique est supposé homogène. Dans la suite, un élément fini est appelé un domaine. La corrélation entre différents domaines est traitée par la suite. A l’intérieur de chaque domaine, la solution analytique est donnée par la formule 6.1. Un calcul direct montre que la solution après parcours dans n domaines est donnée par la même forme que l’équation 6.1avec :

U =

n

Y

i=1

Ui , (6.10)

où Ui est la matrice de transfert du domaine i, donnée par la formule6.2.

• Description de la turbulence

Dans une image simplifiée, la taille des domaines est déterminée par ce que l’on appelle la longueur de cohérence du champ magnétique. La longueur de cohérence correspond à la plus grande échelle spatiale sur laquelle le champ magnétique est homogène. Dans la littérature sur les axions, la turbulence du champ magnétique est décrite à l’aide de cette simple longueur de cohérence. Cette modélisation est faite en changeant aléatoirement la direction du champ magnétique entre chaque domaine. La norme du champ magnétique est quant à elle souvent supposée constante entre les domaines. Un premier raffinement de ce modèle est de décrire la norme aléatoirement dans une gaussienne dont la variance correspond à la valeur supposée du champ magnétique. Cette approche a pour effet d’augmenter la longueur d’oscillation car le champ magnétique est en moyenne plus faible par domaine, ce qui diminue la sensibilité expérimentale à g a.

6.1. Oscillations dans un champ magnétique 81 La description de la turbulence du champ magnétique peut être plus élaborée. En effet, la turbulence peut apparaître sur des échelles spatiales différentes, comme c’est le cas par exemple pour la Voie Lactée, où le champ est turbulent sur des échelles du parsec à la centaine de parsecs. Des études sur la diffusion des rayons cosmiques dans la galaxie ont montré l’importance de la description multi-échelles de la turbulence [266]. La turbulence à des échelles différentes a généralement des puissances différentes. Pour modéliser cette turbulence, on utilise donc le spectre de puissance de la turbulence, qui donne l’amplitude associée à chaque échelle de turbulence. La méthode utilisée ici est extraite de [267]. Une description typique de la turbulence utilise un spectre de puissance en loi de puissance décroissante auquel est rajouté une transition régulière à l’échelle de cohérence [267] :

Bk2 / 2 k

2

1 + (kLc)↵+2

. (6.11)

k = 2⇡/L est le mode associé à l’échelle spatiale L et Lc est la longueur de cohé-

rence. Pour un spectre de turbulence de Kolmogorov, ↵ = 5/3. Pour des échelles spatiales plus petites que la longueur de cohérence, c’est à dire des modes plus grands, l’amplitude associée est plus petite. Ce spectre de puissance est représenté sur la figure6.2.

Figure 6.2 – (Extrait de [267]) Spectre de puissance de Kolmogorov pour la des- cription de la turbulence du champ magnétique.

Une fois que le spectre de turbulence est choisi, une simulation est générée en faisant une transformation de Fourier numérique du spectre avec N ondes planes à symétrie sphérique : ~ B(~x) = N X j=1 A(kj)~"jeikjz 0 j+i j , (6.12)

82 Chapitre 6. Phénoménologie des particules de type axion où ~" est la polarisation de l’onde, se propageant dans la direction z0, décrite linéaire-

ment avec un angle dans le plan (x0, y0). Pour chaque onde plane un repère (x0, y0, z0)

est déterminé aléatoirement par 2 angles de rotation du repère physique dont les coordonnées sont notées ici ~x. A(kj) est l’amplitude associée à l’onde plane et est

donnée grâce au spectre de puissance introduit à la formule 6.11: A(kj) = 2 B2 kj P j Bk2j (6.13) La figure6.3montre une simulation de champ magnétique transverse le long de la ligne de visée pour deux modélisations de la turbulence. La ligne du haut est pro- duite avec une turbulence multi-échelles et un spectre de puissance de Kolmogorov sur un total d’une demi-longueur de cohérence. Cette ligne montre que l’échelle de turbulence la plus forte, correspondant à la plus grande échelle spatiale, égale à la longueur de cohérence, induit un retournement du champ magnétique typiquement au bout de la demi longueur de cohérence. Des fluctuations à plus faible échelle se greffent par dessus, avec donc une amplitude plus faible. La ligne du bas montre une simulation produite avec une orientation aléatoire tirée à chaque domaine et une norme aléatoire gaussienne, comme décrit dans le paragraphe précédent. La longueur de cohérence est donc ici égale à la taille du domaine.

Figure 6.3 – Champ magnétique transverse simulé, avec spectre de puissance de Kolmogorov (ligne du haut, une demi-longueur de cohérence représentée), et une seule échelle de turbulence (ligne du bas, 20 longueurs de cohérence représentées).

• Effet des oscillations entre photons et PTA

Dans chaque domaine où le champ magnétique est constant, le champ magné- tique transverse à la ligne de visée est différent. Il s’ensuit que les valeurs de et Ec,

présentées en section 6.1.1, varient d’un domaine à l’autre. Les pseudo-oscillations en énergie qui apparaissent pour des énergies autour de Ec vont donc avoir des

pseudo-périodes, des amplitudes et des positions en énergie différentes. Ces pseudo- oscillations sont portées par la matrice de transfert U du domaine. Lorsque le produit des matrices de transfert est effectué (voir équation 6.10), les différentes pseudo- oscillations se multiplient, aboutissant à un motif d’irrégularités spectrales spéci- fique. Un exemple de motif est montré sur la figure 6.4. Ce motif correspond à une configuration particulière d’un champ magnétique turbulent. Pour d’autres configu- rations, le motif d’irrégularités varie. Dans la suite, une réalisation correspond à une configuration donnée du champ magnétique. Pour la figure6.4, une réalisation d’un champ magnétique turbulent avec spectre de Kolmogorov sur des échelles de turbu- lence de 1 à 10 Mpc est utilisée. La longueur totale où la conversion peut s’effectuer

6.1. Oscillations dans un champ magnétique 83 est de 500 Mpc et la variance du champ magnétique est de 1 nG. Ces paramètres sont inspirés par des valeurs possibles pour le champ magnétique intergalactique et sont utilisés ici comme exemple. Dans la suite, des paramètres plus réalistes pour les différents champs magnétiques sur la ligne de visée seront utilisés. Les paramètres de la PTA sont les mêmes que pour la figure 6.1.

Energy [ TeV ] -2 10 -1 10 1 10 2 10 γ → γ P 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1 1.1

Figure 6.4 – Probabilité de survie d’un photon en fonction de l’énergie pour une réalisation d’un champ magnétique turbulent (voir texte pour détails).

Les irrégularités spectrales liées aux oscillations entre photons et PTA dans un champ magnétique turbulent ont été étudiées en détail pour la première fois dans [263]. L’observabilité de telles irrégularités avec les instruments d’observation au TeV actuels a été également étudiée dans [263] et sera détaillée dans la section6.2. Cette signature sera utilisée aux chapitres 7et8 pour mettre des contraintes sur le couplage entre photons et PTA avec respectivement les données de H.E.S.S. sur le NAG PKS 2155-304 et de Chandra sur l’amas de galaxie de Hydra A.

La probabilité de survie, présentée sur la figure 6.4, est calculée pour une seule réalisation du champ magnétique. La moyenne de la probabilité de survie sur toutes les réalisations possibles du champ magnétique pour un faisceau de photons initial non polarisé peut être calculée analytiquement (voir [268,61]) :

P !a = 1

3(1 e 3N P0) , (6.14)

où P0 ⇠ 12(g aBs)2/2 est la probabilité de conversion dans un domaine de taille s

exprimée par l’équation6.4lorsque s ⌧ osc. En moyenne, cette probabilité s’établit

donc à 1/3 à des énergies plus grandes. Le faisceau est alors composé à 1/3 de PTA et à 2/3 de photons. Ces proportions proviennent du fait qu’il y a deux états de polarisation autorisés pour le photon alors qu’il n’y a qu’un seul état disponible pour la PTA.

Pour construire la figure 6.4, une échelle minimale de turbulence de 1 Mpc est considérée. On choisit d’arrêter le spectre de turbulence aux petites échelles spatiales

84 Chapitre 6. Phénoménologie des particules de type axion car la conversion entre photons et PTA devient négligeable aux petites échelles au regard des plus grandes, pour deux raisons. La première raison est que le spectre de turbulence est décroissant en allant vers des échelles spatiales plus petites, ce qui diminue leur contribution. La deuxième raison est que, à distance totale équivalente, la conversion est moins efficace lorsque le champ magnétique est turbulent sur de plus petites échelles spatiales, c’est à dire lorsqu’il faut faire plus de domaines. En effet, en considérant que et NP0 sont petits devant 1, un développement limité de

l’équation 6.14donne P0⇠ 2/2et : P !a 1 3(1 e 3N 2/2 ) ⇠ N 2/2 = g2aB2L2 8L/s , (6.15)

où L désigne la longueur totale de conversion et s la taille d’un domaine. Le dernier terme de l’équation 6.15 montre que plus la taille des domaines est petite, c’est à dire plus la turbulence se fait sur des petites échelles spatiales, plus la probabilité totale de conversion est faible. En combinant les deux effets, pour une turbulence de Kolmogorov (un indice spectral ↵ = 5/3), la probabilité de conversion à l’échelle spatiale Lc/10est 1013/6 = 147 fois plus faible que la probabilité de conversion pour

un champ magnétique turbulent à l’échelle spatiale Lc. Dans la suite, les spectres de

turbulence ne seront donc décrits qu’entre Lc/10et Lc, où Lc est l’échelle maximale

de turbulence, les échelles plus petites que Lc/10pouvant être négligées.