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À première vue, la mort d’un corps le fait disparaître ainsi que ses émotions, mais elle est en fait un cheminement, un parcours. Il peut y avoir une maladie qui entraîne des épreuves rendant le corps plus émotif, car ses sensations augmentent. Donner la mort est aussi un autre parcours à celui qui la donne (Crime et châtiments est un exemple type), n’oublions pas celui qui est menacé sérieusement de mort : l’attente peut être plus terrible que la mort elle-même. Si le corps ne s’exprime plus, la description du cadavre peut apporter d’ultimes informations. Les émotions sont prises en charge par les personnes vivantes dans leurs relations qu’elles entretenaient avec la personne disparue. La mort résulte de trois situations : naturelle, accidentelle ou intentionnelle sous la forme d’un meurtre.

Dans le roman « ENM », la mort est très présente parce qu’elle est intégrée à l’histoire comme un régulateur de la vie. Elle permet l’avance de la diégèse, ponctue le trajet de l’existence romanesque dans une logique naturelle. Paradoxalement, la mort engendre la vie sans l’interrompre. Jean Peytard va dans le même sens :

La mort s’associe à la naissance, dont elle est une autre face.1

Nous retrouvons les trois situations : Lla Aïcha est morte accidentellement ; la mère et le bébé de Lila de façon naturelle ; Bachir et Touma de manière intentionnelle.

* Lla Aïcha, belle-mère de Chérifa

Elle décède la première dans le roman :

[…] Un instant suspendu, car on a craint qu’un reste d’obus ne tombât sur la terrasse. Cela s’est produit à maintes reprises, la dernière fois, en tuant la

vieille Aicha qui était accroupie dans la cour, à la porte de sa

chambre, place qu’elle ne quittait pas […] L’obus était tombé. Elle avait courbé la tête un peu plus, avec un sursaut, un deuxième ; c’était tout, si bien que les voisines n’avaient songé que quelques heures plus tard à venir

la relever et à découvrir en hurlant, à la place, son cadavre. p. 15-16

Cette mort est une inauguration aux événements de cette journée du mois de mai comme une nécessité au ‘’Jour Nouveau’’ qui se prépare. Lla Aïcha est la doyenne de tous les personnages d’« ENM ». Elle n’existe que par sa mort afin de passer le flambeau de vie à Chérifa, sa belle-fille :

— Si tu l’avais connue avant, tu aurais compris quelle femme elle était !

Toujours la première levée, dirigeant tout avec une autorité d’homme, jamais lasse. Seule à trente ans avec quatre enfants à élever, défendant le peu de biens qu’elle avait contre les vautours qui s’amoncellent autour des veuves sans défense, allant elle-même voir l’avocat, suivant de près les procès. […] À peine as-tu franchi le seuil de cette maison qu’elle s’est mise à décliner, la pauvre ! On aurait dit qu’elle t’attendait, toi, qu’elle donnait à son seul fils, oh ! combien le préféré, pour se dire : « J’ai terminé ma tâche. » Non ; je te le dis, tu ne l’as pas connue ! p. 51

Lla Aïcha fait partie du passé, mais elle ‘’donne’’ le fruit de ses entrailles, Youssef, à Chérifa. Ils forment le couple de la génération de la lutte pour un monde nouveau. En effet, ce jour de deuil, néanmoins printanier, est vécu comme un renouveau plein de promesses. Amna regarde Chérifa s’occuper de ses jumeaux pour les distraire et les détourner du drame qui se passe :

Amna, tous ses pleurs répandus, se leva en s’essuyant les joues, observa, un moment, le visage de Chérifa mêlé à ceux de Hassan et Hossein, ses jumeaux.

1 PEYTARD, J. Mikhaïl BAKHTINE. Dialogisme et analyse du discours. [1995]. Paris : Bernard-Lacoste, 1995. (Coll. Référence), p. 89.

— Quelle merveilleuse mère tu ferais ! dit-elle. Que Dieu emplisse ta

demeure, après l’avoir dévastée ! Qu’il répande sur vous la semence de vie !

Chérifa leva la tête

— Que Dieu t’entende ! répondit-elle avec reconnaissance. p. 53

Lla Aïcha a terminé sa tâche. C’est au tour de Chérifa de continuer la lignée de battants.

* Les morts de Lila

Lila vit plusieurs morts dont chacune contribue à un changement. De la prise de conscience vers la libération qui la conduit à l’emprisonnement purement physique, car la vraie indépendance est celle de l’esprit.

- La mère de Lila décède très jeune.

Si loin qu’elle remonte dans ses souvenirs, Lila se rappelle que la mort de sa mère avait terminé une ère lente, déposée au fond de sa mémoire comme un lac de lumière d’août, une source froide. p. 202

La maladie emporte la mère à l’âge de trente ans. Le père comble entièrement le vide et prend sa fille en main. Cette disparition la coupe de la tradition réservée aux femmes : rester à la maison.

— Oui, parfaitement, précise Rachid, ma fille ira à l’école.

[…] — Et Rachid élève la voix. – Bientôt les temps vont changer, même les filles auront besoin d’être armées ! p. 206

Le père développe avec sa fille une relation privilégiée et protectrice. Il ajoute quelques rudiments d’éducation réservés aux garçons : l’école. Au fond, Rachid est un

‘’annonciateur’’ d’un monde nouveau : il donne les ’’outils’’ d’éducation nécessaires à sa

fille pour qu’elle prenne son propre envol. - Le départ de Rachid.

Le départ d’un personnage peut être vécu comme une demi-mort. L’influence directe sur l’action n’existe plus, ce qui permet une liberté et une prise en main immédiate des décisions. Lila est confrontée à cette situation. Son père n’arrive plus à s’entendre avec le Patriarche : l’un tire vers l’avenir ; l’autre vers le passé. Rachid part en France en prenant soin de faire entrer sa fille en pension au lycée :

Il reviendra quelques mois plus tard pour exiger que Lila continue ses études au collège. […] – « mon père, pensait-elle, mon seul ami ». « Elle

sera libre », avait-il ajouté encore, avant de partir définitivement pour la France. p. 208-209

Lila se retrouve seule, mais continue d’échanger de longues lettres avec son père qui devient son ami. L’autorité de Rachid reste toujours présente, cependant, Lila, qui est maintenant adolescente, doit gérer l’exercice de sa liberté assez relative :

Elle se lança éperdument dans cette correspondance avec son père, […] (elle lui écrivait six mois pour l’entretenir de la « Pureté » et des moyens de l’atteindre), d’élans mystiques versatiles (elle découvrait que

l’Islam n’était pas seulement le conformisme de sa famille et de sa

société, mais aussi de multiples aventures, dans le passé, fous d’audace et d’ivresse), d’affirmation solennelle à l’emphase définitive (ne jamais se marier parce que son indépendance et sa liberté devaient être consacrées à son pays). […] il savait ne retenir de ce désordre que l’impétuosité. « Ma fille sera une femme libre. » p. 211

Puis, Lila rencontre Ali, ses lettres se raccourcissent et son attention se cristallise sur lui. Rachid, qui se sent en fin d’éducation, se déplace pour le connaître :

— Je le verrai, bien sûr ! N’est-ce pas à cause de lui que je suis venu ?

Rachid et Ali passèrent donc ensemble la journée suivante : Lila, restée dans sa chambre d’étudiante, dormait pour ne pas devoir attendre et craindre, mais quoi… ? Elle soupira de soulagement quand, le même jour, au dîner, Rachid dit enfin :

— Pour Ali… Je suis content de l’avoir vu… Je pars tranquille. p. 217

Il est clair que Rachid vient de terminer sa tâche, et Ali prend le relais. - La mort de l’enfant.

Lila et Ali se marient. Ils vivent passionnément leur amour qui se résulte par une grossesse. Elle accouche d’un garçon qui meurt en bas âge :

Elle-même depuis sa grossesse, puis la naissance, puis la mort de son enfant – tout cela accompli pour ainsi dire en un seul jet, brisé net – avait délaissé ses études. […] Non, tout cela se trouvait désormais détaché

d’elle comme si, d’un geste d’épaule, sans se retourner, elle avait laissé

tomber derrière elle un vieux manteau, insoucieuse de son sort ou de son prix, puisqu’il ne lui servait plus. p. 74-75

Le vieux manteau représente l’enfant qui appartient au passé. Cette perte la transforme : Lila se dirige lentement, mais sûrement vers la pondération et la prise de conscience. Elle va vivre une autre mort symbolique.

Lila, qui se retrouve seule puisqu’Ali est parti pour la lutte armée, supporte très difficilement la séparation. Ce départ est vécu comme le vrai commencement vers la prise de conscience. En effet, si son père Rachid l’a guidée vers la liberté, mais elle était toujours sous sa protection, alors sans Ali, sans Rachid, sans enfant, vraiment seule, elle se réalise. Suzanne, sa meilleure amie, remarque la première ce changement bénéfique :

Suzanne, attentive autrefois aux mues de Lila, constate : « Lila est en train de sortir du cocon que son sens si tenace du bonheur lui avait fait tisser grâce à Ali… Que va-t-il surgir d’elle, de son inexpérience, de sa naïveté maladroite, de cette attention qu’elle n’accorde à rien sinon, mais alors avec quel élan, à l’objet ou à l’être qu’elle choisit, qu’elle reconnaît pour sa passion… » p. 245

Pour Suzanne, si Lila sort du cocon familial ne peut que se remettre dans une autre passion qui va l’emprisonner dans un élan sincère. Mais cette fois-ci, sa liberté va être complètement acquise par elle-même, car sa confrontation avec la mort réelle et froide parachève le processus.

* Les morts de Touma et Bachir

En cette fin de journée printanière, Lila rend visite à Chérifa et Suzanne quand elle trouve par hasard le cadavre de Touma :

Un cri. Un long cri aigu de femme qui s’écorche, prolonge ce silence

d’un temps, pour le finir dans l’effroi. […] Lila trouve son chemin.

Elle est face maintenant à la morte : une jeune fille, vingt ans peut-être, couchée à demi sur le sol, tombée d’abord sur les genoux avant de s’être affalée tout à fait sur une épaule son visage fin et mat découvert à la ville. […] -Qui est-elle ? Qui est-elle ? s’exclame-t-elle avec une angoisse désordonnée. Elle le crie en arabe : un homme, au visage sec et qui l’entend, indifférent à cette douleur étrangère, murmure :

— Une fille de chien qui trahissait ses frères ! L’heure de la justice a

sonné pour elle ! p. 240-241

Même la vue de Touma morte ne semble pas l’affecter. Elle ne met pas en doute la parole de cet inconnu qui se fait une sorte de justicier sans lui donner une réponse à sa question.

Quand Lila rentre à la fin de la journée, elle rencontre Bachir et l’invite dans son appartement. Il perçoit un changement en elle :

Une journée si longue pour elle, comme un saut étalé dans un espace nouveau ! Ce temps passé lui paraît à présent un lac noir, des eaux stagnantes duquel elle se voit en train de jaillir, avec une lenteur surprise devant l’écoulement de ces heures. Cette rencontre avec ce jeune homme

qu’elle aime comme son frère lui semble terminer le jour en une

renaissance. p. 223

Puis :

« Je suis sortie et me suis libérée » pense-t-elle. p. 224

Elle se sent nouvelle : ‘’comme un saut étalé dans un espace nouveau - se voit jaillir - terminer le jour en une renaissance - me suis libérée’’. Elle ne flanche pas devant le cadavre de Touma et se sent comme endurcie. Elle vient de vivre sa première épreuve, mais une autre plus dure l’attend :

Sur la montagne, tout le jour, la mort a frappé dans la poussière et le saccage. Mais la nuit, dans la ville recueillie, elle a glissé, elle a choisi ses prises : une fille sauvage à l’heure du crépuscule, puis, avant le matin et l’éclaboussure du soleil, un jeune homme heureux qui a souri, dernière offrande nocturne, avant que la vie recommence. p. 301-302

Ce ‘’jeune homme heureux qui a souri’’ est justement Bachir qui est mort sous ses yeux. Cette fois-ci, Bachir n’est pas un inconnu, elle l’aime comme un frère. Ils viennent de passer une nuit blanche à bavarder, de surcroît, il lui a confié que c’était lui qui avait mis le feu comme un premier acte militant :

Avant qu’on entende le coup, avant que Lila, les yeux agrandis, se penche par la rampe de l’escalier, murmurant avec effroi : « Bachir, Bachir… » Bachir s’est affaissé en souriant, parce qu’il a aperçu alors devant lui la silhouette mince de la jeune fille blanche descendre et jeter un regard sur la ville. p. 304

C’est la dernière épreuve de Lila et la plus difficile pour être libre : elle sait par elle-même ce qu’elle va faire. Elle arrive au terme de son parcours et comprend qu’elle doit prendre le flambeau légué par Bachir.

* La mort sacrificielle de Touma

Le personnage de Touma, malgré sa trahison, est assez pathétique. En fait, elle ne choisit pas la traîtrise comme principe de vie, mais c’est la pauvreté qui la mène directement à la lâcheté et la prostitution. Ayant perdu son père très tôt, ses études sont interrompues pour subvenir à ses besoins : elle est engagée comme secrétaire dans une compagnie d’assurances. Elle croit que l’argent peut la sauver de la misère et la libérer.

Quand elle rencontre son frère Tawfik pour la première fois :

— Tu veux quelque chose ? de l’argent peut-être ?

Elle lui souriait ; il était son frère, et, idée stupide qui la traversa, elle se sentit contente qu’il fût si beau

— Je veux que tu partes !

[…] Tu crois sans doute avoir des droits sur moi ! Pauvre idiot ! Gagne

d’abord assez d’argent pour t’acheter une autre chemise, un pantalon

moins usé… p. 273

Touma lie le pouvoir à l’argent : il faut que Tawfik en ait pour qu’il puisse la commander.

D’ailleurs, Bob achète son amitié :

Touma et lui pourraient passer une journée merveilleuse dans la grande ville, loin de tous, loin des autres. Il explique :

— Je pars au service militaire le mois prochain ; alors, tu comprends, je peux

avoir chez moi tout l’argent que je demande. Je t’emmènerai où tu désireras, je te paierai ce que tu voudras… p. 150

Quand elle se dispute avec le garçon de café, elle le menace de le faire renvoyer de son travail pour qu’il manque de moyens financiers.

— Tu regretteras ta mauvaise langue, petit père, c’est moi qui te le dis !

siffle-t-elle. Je vais commencer par avertir ton patron !

[…] — Ce n’est pas ma langue qui est mauvaise répète le garçon de café

qu’agite une crainte violente. (« Un travail de fichu ! Encore de nouveau

la misère. Et les gosses, comment faire avec tous les gosses ! Et la vieille à l’hôpital… ») p. 196 et 198

Touma doit mourir puisqu’elle est la honte de tous, et à commencer de sa propre famille. Tawfik ne la tue pas la première fois qu’il la rencontre, il lui demande de quitter la ville seulement, ce n’est qu’à la troisième qu’il l’abat :

(« Un attentat ! Une fille, Elle est morte !... »), dans la foule qui se précipite d’un seul mouvement vers le corps, vers le sang qu’on cherche

– « Mais elle n’a pas perdu de sang constate quelqu’un, tuée net. Une

balle au cœur ! » – avant de reculer ensuite dans la peur, la colère (« c’est lui ! là…là…c’est l’assassin ! » hurle Bob) p. 240 -241

juste :

La mort de Touma est approuvée par tous ses frères de sang, car purificatrice et

— Une fille de chien qui trahissait ses frères ! L’heure de la justice a

sonné pour elle !

[…] Il est désormais seul, sans Youssef, à demeurer ponctuel. « L’heure de la justice » grommelle-t-il encore ; puis il chasse tout de son esprit : cette mort, un incident ; ces jours de peur et de trouble qui commencent, moments éphémères ; « seul Dieu… l’Unique… le Miséricordieux… » commence-t-il devant son tapis tandis qu’commence-t-il s’apprête à se courber en direction de

la Mecque et de sa pierre noire, pour la quatrième fois du jour. p. 241-242

L’heure de la mort de Touma coïncide avec celle de ‘’l’heure de la justice’’ qui est une traduction littérale de l’arabe signifiant que c’est le moment de la prière, et pour la tradition : tout acte ou parole qui synchronise avec le muezzin est un signe de Dieu, Vérité et Justice. Alors, la mort de Touma est bien un sacrifice purificateur, non un crime, car accepté par tous, même du Très Haut. C’est évidemment Tawfik qui accomplit le destin de Dieu :

« Tue-moi donc ! À toi de me tuer, toi, mon frère ! ». Que disait-elle

d’autre ? « Toi, mon frère ; eux… tous ceux qui sont là maintenant

autour de nous, autour de la place, ne les vois-tu donc pas, attendre ?... Ils attendent !... Toi, ô mon frère… » p. 297

Décédée, Touma est encensée par l’objet de sa perdition : l’argent. Sachant que personne ne pleurera sa fille, Djoudja, sa mère, sort six louis d’or qu’elle a réservés pour l’achat de son trousseau :

Les pièces qui reposent dans ses mains, telles six plaies ouvertes, laissent les rayons de la lune jouer à loisir sur leur or.

[…] – Depuis ton enfance, cet or était destiné à ton trousseau de noces. Je te paierai des pleureuses si personne, dans l’amitié du cœur, ne veut pleurer sur toi. Je te paierai des pleureuses ! p. 301

Ce geste d’une mère, qui malgré tout aime son enfant, est fortement tragique. Cet or honnêtement gagné purifie l’âme pécheresse de Touma. L’or va parfaire l’offrande de Tawfik et Doudja.

Cette mort est aussi bénéfique pour son cadavre qui en devient beau :

Les voisines sont restées debout devant la morte ; « elle est devenue une si belle femme ! » a pensé la vieille mère. […] « Elle est devenue une si belle femme », a répété la vieille en contemplant sa fille. p. 300

Certes, Touma est une traîtresse, mais non dénuée d’une déchirante fragilité parce qu’elle n’a qu’un seul destin : la mort qui va lui permettre de revenir au bercail, auprès des siens. Ainsi purifiée, elle a une identité définitive : elle est musulmane et arabe.

Les premiers bénéficiaires de ce sacrifice est incontestablement Tawfik et sa mère : il peut enfin rejoindre le maquis et la vieille Doudja n’a plus honte de sa fille devant ses voisines.

* La mort de Saidi

La mort de Saidi est complètement différente de celle de Touma : il décède sous la torture pour la Révolution. Il se tait pour protéger ses frères militants par un choix délibéré : il est le sauveur de tous.

Par ses hurlements, Saidi donne curieusement du courage à Salima dont il ignore la présence dans le même commissariat :

Puis elle se met à écouter avec attention, avec souffrance, en serrant les dents, ces hurlements qui font un long chant, un thrène. […] Il faut écouter ! Une exaltation sauvage la saisit. « Voici le chant de mon pays, voici le chant de l’avenir » […] Quand l’homme ensuite se tait, une peur

l’envahit ; elle s’applique à attendre, attendre un nouveau cri, un

nouveau signe de vie et d’horreur à la fois. « Le chant de mon pays », reprend-elle, tandis que l’homme reprend aussi, râles d’abord saccadés, brefs, puis qui se gonflent de nouveau en un seul cri ample, immense que Salima suit de toute sa volonté parce qu’il lui semble qu’au bout il