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Le cercle de la manipulation !

Dans le document Charles Gave (Page 71-75)

!

Nous avons identifié un certain nombre de fautes lourdes et les interactions qu’elles ont eues les unes sur les autres, lesquelles entrent pour une grande part dans les causes de la crise que nous traversons. Appelons ces interactions le

«cercle de la manipulation».

Le schéma est le suivant : les pays d’Asie, Chine et Japon en tête, suivent une politique mercantiliste et donc 10 maintiennent des taux de change sous-évalués, ce qui comme nous l’avons montré plus haut les amène à avoir des taux d’épargne excessifs, qui se manifestent par des balances commerciales excédentaires. Cet argent, au lieu d’être dépensé par ceux qui l’ont gagné, reflue alors vers la banque centrale qui l’utilise pour acheter des actifs financiers à l’étranger, c’est-à-dire des obligations d'État dans les pays déficitaires, aux États-Unis et en Europe en particulier, puisque ce sont eux qui ont les déficits extérieurs ou budgétaires les plus importants.

Du fait de ces achats massifs par les Asiatiques, le coût de

Le but d'une politique mercantiliste à la Colbert est de dégager des

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excédents perpétuels de la balance commerciale, le commerce international étant conçu comme une guerre et le succès étant défini comme une accumulation toujours plus grande de stocks d'or (l’Espagne au XVIème siècle, la France au XVIIème). Ce faisant, on réduit les moyens de paiement chez ses propres clients qui ne peuvent plus acheter puisqu'ils n’ont plus d'or et le pays fournisseur est ruiné. Les deux pays les plus touchés par la crise actuelle sont les deux grands pays mercantilistes, le Japon et l'Allemagne, toujours à la recherche d'une revanche de la Deuxième Guerre mondiale.

l’argent aux États- Unis et en Europe est trop bas dans ces deux zones...

Aux États-Unis, ces taux d’intérêt trop bas autorisent une spéculation immobilière gigantesque, dont nous payons la note aujourd’hui. Il faut cependant bien se rendre compte que lorsque les Américains bâtissent des maisons, ils ne construisent pas de voitures et que ces voitures, nécessaires pour aller de la (nouvelle) maison au bureau ou au supermarché, il a fallu les acheter quelque part... c’est-à-dire en Asie. Les Asiatiques ont donc sciemment manipulé les taux américains pour promouvoir leur propre production, au détriment de leur consommation interne. Aujourd’hui, ils se retrouvent sans les maisons qu’ils n’ont pas bâties et avec des usines qui tournent au ralenti, ce qui est le résultat inévitable d’une politique mercantiliste.

Accuser le libéralisme dans ces conditions, c’est faire preuve d’une totale incompréhension de ce qui s’est passé dans la réalité. Si les taux de change asiatiques avaient été déterminés par le marché, ils auraient été plus élevés, les taux d’intérêt aux États-Unis également et la spéculation immobilière et sa conséquence directe, la crise bancaire, n’auraient pas pu avoir lieu...

En Europe, la manipulation a suivi des voies un peu différentes. Là aussi, les taux d’intérêt étaient trop bas, ce qui a permis à la spéculation immobilière en Espagne, en Irlande ou en Grande-Bretagne de se développer. Mais ces taux bas ont aussi permis aux États italiens, grecs, français et anglais d’emprunter beaucoup plus qu’ils n’auraient pu le faire autrement, autorisant de ce fait tacitement la non-réforme des systèmes publics.

Aux États-Unis, nous avons assisté à un boom de la consommation privée, tandis qu’en Europe, ce fut une

explosion de la dépense publique... En Grande-Bretagne par exemple, tous les emplois créés depuis sept ans l’ont été dans la fonction publique pendant que le secteur privé, et en particulier l’industrie, s’atrophiait. Et en Europe, comme nous avons essayé de le montrer, l’existence de l’euro facilitait et amplifiait cette désastreuse allocation du capital dont nous payons les conséquences aujourd’hui.

Expliquer que la crise a été créée par un libéralisme déchaîné revient à faire preuve encore une fois d’une complète incompréhension des phénomènes qui nous ont amenés là où nous en sommes. Plût au ciel que la crise ait été créée par un libéralisme débridé. Elle serait beaucoup moins difficile à résoudre, comme l’a montré la bulle Internet, d’origine purement privée et qui n’a laissé que peu de traces dans l’économie réelle.

La crise actuelle, nous la devons à des manipulations étatiques qui ont mal tourné et la solution que l’on nous propose, c’est, évidemment, plus d’intervention étatique. Est-ce rassurant?

La responsabilité des États fut en grande part de planter, en quelque sorte, le décor dans lequel les intervenants du secteur privé allaient devoir officier. Ce qui ne veut pas dire que ces intervenants n’ont pas de responsabilité dans ce qui est arrivé, bien au contraire.

Dans une deuxième partie, il va nous falloir analyser comment ces différents acteurs du secteur privé ont joué leurs propres partitions dans le cadre imposé par les États, et là encore, nous allons découvrir des choses bien surprenantes, en particulier sur la collusion qui a existé depuis de nombreuses années entre certains intervenants du système financier et certaines autorités publiques (banques centrales, autorités de contrôle, etc.). Bien des gens devraient être en prison ou, à tout

le moins, mis en retraite anticipée pour se faire oublier, mais comme ils sont au sommet de la pyramide des pouvoirs politiques et financiers, gageons qu’il ne leur arrivera jamais rien.

Les industriels vont en prison ou se font débarquer par leur conseil d’administration, pas les banquiers. On se demande pourquoi? Savent-ils trop de choses sur les politiques ou est-ce à force d’avoir fréquenté les mêmes cafés pendant leurs études?

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Dans le document Charles Gave (Page 71-75)