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Chapitre 1 : Etude bibliographique

II. Cellulosome

a) Généralités sur les cellulosomes

La deuxième stratégie consiste à produire un complexe multienzymatique composé de

plusieurs enzymes et ancré à la surface du microorganisme. Il s‟agit du cellulosome (Lamed et

al., 1983b). Cette stratégie a été développée par des bactéries anaérobies comme celles du

genre Clostridia ou par des champignons (Fanutti et al., 1995). Le modèle type du

cellulosome est celui décrit pour C. thermocellum (Bayer et al., 1998a; Zverlov et al., 2005).

En effet, il s‟agit du premier cellulosome découvert par Bayer et ses collègues (Bayer et al.,

1998a, 1983; Lamed et al., 1983a; Pohlschroder et al., 1994). Le cellulosome se définit par

trois éléments majeurs qui sont une protéine de structure (scaffold, CipA) portant des modules

cohésines, un CBM3 et des enzymes catalytiques présentant un modules dockérine (Bayer et

al., 1994) (Figure 25). Les cellulosomes présentent de nombreuses enzymes

hémicellulolytiques et cellulolytiques (Morag et al., 1990; Tamaru and Doi, 2001). Le module

dockérine va permettre à ces enzymes de se fixer sur la protéine CipA via des interactions

calcium-dépendant avec les cohésines (Yaron et al., 1995). L‟ensemble des enzymes est alors

associé à la membrane de la bactérie (Bayer et al., 1985) par une dockérine en interaction

avec une cohésine, elle-même liée à une protéine d‟ancrage à la membrane (Bayer et al.,

2004). La protéine scaffold porte le CBM qui permet de fixer le cellulosome sur la cellulose

cristalline (Tomme et al 1995b, Morag et al 1995). En général il s‟agit d‟un CBM de la

famille 3 qui est spécifique de la cellulose et va permettre de cibler la paroi des cellules

végétales (Fontes and Gilbert, 2010).

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Figure 25 : Représentation du cellulosome de C. thermocellum.

GH : glycoside hydrolase ; doc : dockérine ; coh : cohésine ; SLH : S-layer homology module (Yaniv et al.,

2014).

L‟interaction entre cohésine et dockérine est très spécifique d‟une espèce (Pagès et al.,

1997). Ainsi, une cohésine d‟une espèce n‟interagira pas avec une dockérine d‟une autre

espèce. L‟affinité entre une cohésine et une dockérine, produites par C. thermocellum, a une

valeur importante, d‟environ 10

9

M

-1

(Schaeffer et al., 2002).En théorie, plus de 70 protéines

contenant une dockérine peuvent être assemblées dans le cellulosome de C. thermocellum

(Schwarz et al., 2004). Les cellulosomes pourraient donc contenir des enzymes différentes

comme des cellulases, des hémicellulases et des pectinases (Bayer et al., 1998b; Morag et al.,

1990). Par exemple, l‟étude d‟Hayashi est un des premiers rapports sur la présence d‟une

xylanase dans les composants majeurs du cellulosome de C. thermocellum (Hayashi et al

1997). Une féruloyle estérase a aussi été retrouvée dans ce cellulosome (Blum et al., 2000).

La proximité spatiale des enzymes semble être à l‟origine de leur synergie d‟action. La

pression sélective de l‟environnement anaérobie a pu entrainer la formation de cellulosomes.

Ainsi, des travaux de l‟équipe de Bayer ont mis en lumière que les effets de proximité et de

ciblage des CBMs pouvaient avoir lieu simultanément dans les minicellulosomes artificiels

(Fierobe et al., 2002). Une cohésine est produite avec un CBM et en parallèle une dockérine

est liée à un module catalytique. Le couple cohésine-dockérine permet ainsi d‟associer le

module catalytique et le CBM. Des constructions plus complexes ont été réalisées avec

plusieurs cohésines d‟espèces différentes, liées entre-elles, permettant alors d‟associer

spécifiquement plusieurs modules catalytiques. La proximité étroite entre les enzymes est

importante car les activités de certaines enzymes facilitent les activités des autres enzymes

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présentes en favorisant l‟accès aux sections appropriées du substrat complexe et insoluble.

Ceci a été démontré par plusieurs études de Moraïs sur un cellulosome créé avec différentes

enzymes (Moraïs et al., 2010a, 2010b). L‟activité peut être améliorée d‟un facteur 2,4 si ces

enzymes sont associées entre-elles dans un cellulosome (Moraïs et al., 2010a). La synergie est

davantage expliquée dans le chapitre 1. 11. III. a. A l‟opposé une autre étude de ce groupe

montre que la proximité entre deux cellulases qui dans la Nature sont sous forme libre, n‟est

pas toujours à l‟origine d‟une activité plus importante, il s‟agit plutôt du ciblage du CBM

(Vazana et al., 2010).

b) Mimer la nature : les protéines Jo et In

La bactérie pathogène Streptococcus pneumoniae est responsable de maladies

humaines comme la méningite, l‟otite ou la pneumonie (“Prevention of pneumococcal

disease: recommendations of the advisory committee on immunization practices,” 1997). La

surface de la bactérie comprend la paroi cellulaire et une capsule (Bruyn et al., 1992). Celle-ci

est entièrement composée de polysaccharides. Les anticorps humains vont cibler ces

polysaccharides pour protéger l‟Homme de l‟infection (Bogaert et al., 2004). Cependant, ces

polysaccharides servent de facteur de virulence et protègent les cellules de toute attaque. Une

structure fibrillaire appelée pilus est présente à la surface de la bactérie et se compose de

plusieurs sous-unités dont l‟adhésine RrgA (Nelson et al., 2007). L‟adhésine RrgA se divise

en quatre domaines (Figure 26A) (Vernet and Di Guilmi, 2012), dont les deux domaines

comprenant les résidus 144 à 218 et les résidus 593 à 722 peuvent s‟accocier de manière

spontanée en créant une liaison isopeptidique intramoléculaire (Izoré et al., 2010). Ces

domaines sont respectivement nommés Jo et In, la liaison se faisant entre la lysine 191 de Jo

et l‟asparagine 695 d‟In pour former le complexe JoIn (Figure 26B). Les domaines Jo et In

forment un sandwich β fermé par cette liaison isopeptidique (Bonnet et al., 2017). Celle-ci est

dépendante de l‟acide aspartique 600 (Izoré et al., 2010). Les liaisons intramoléculaires

isopeptidiques sont principalement formées entre les chaînes latérales d‟une lysine et d‟une

asparagine bien que des liaisons entre une lysine et un acide aspartique existent aussi (Hagan

et al., 2010; Pointon et al., 2010). La liaison intramoléculaire isopeptidique est

autocatalytique. De plus, il n‟est pas nécessaire d‟avoir un environnement spécifique

oxydo-réducteur. Ces caractéristiques intéressantes ont été exploitées avec le développement de tags

peptidiques (Zakeri and Howarth, 2010).

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Les deux fragments Jo et In de RrgA peuvent être exprimés et purifiés

indépendamment. L‟association irréversible entre Jo et In est extrêmement spécifique, stable

dans le temps et indépendante de la présence ou non de détergents (Vernet and Di Guilmi,

2012). Ces protéines peuvent s‟associer in vivo et in vitro même en étant isolées de la protéine

parentale (Bonnet et al., 2017). La formation de la liaison intramoléculaire isopeptidique

entraîne la formation d‟un groupement NH

3

qui est libéré dans le milieu, entrainant une perte

de 17 Da de la masse moléculaire entre la somme des masses molaires de Jo et In et la masse

molaire réelle du complexe JoIn (Izoré et al., 2010).

A) B)

Figure 26 : Représentation de structures cristallographiques de RrgA.

A) L‟adhésine RrgA, sous-domaine du pilus produit par S. pneumoniae (code PDB 2WW8) (Izoré et al., 2010).

B) Le complexe JoIn (code PDB 5MKC) (Bonnet et al., 2017). Résidu en vert : lysine 191 de Jo ; résidu en

jaune : acide aspartique d‟In ; résidu en rouge : asparagine 695 d‟In.

Les protéines His-Jo et His-In ont pu être produites et purifiées séparément avant le

début de ma thèse (Bonnet et al., 2017). Le complexe JoIn a pu être reconstitué à partir de ces

protéines purifiées. Il est détecté après 5 minutes d‟incubation avec environ 60 % du

complexe reconstitué après une heure. Ces informations montrent que les sous-domaines Jo et

In gardent leur capacité à former un complexe stable même lorsqu‟ils sont séparés de la

protéine parentale RrgA et avec l‟ajout de tags histidines. La réaction est efficace à pH 8 et à

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pH 7 car 100 % du complexe est obtenu après une heure. La formation du complexe est

légèrement réduite à pH 6 avec 90 % du complexe observé et inefficace à pH 5 avec

seulement 18 % du complexe observé (Bonnet et al., 2017). Dans ce projet, Bonnet et ses

collègues ont réalisé une étude biochimique et structurale du complexe et ont validé

différentes applications biotechnologiques. Par exemple, il est possible d‟utiliser ces protéines

pour détecter et localiser des protéines exposées à la surface de cellules. Par ailleurs, la

structure cristallographique du complexe HisJo-In a été résolue à 2,04 Å (code PDB 5MKC)

(Bonnet et al., 2017). L‟utilisation de ces protéines pour diverses applications

biotechnologiques, a été nommée Bio Molecular Welding.

Les protéines Jo et In présentent divers avantages. Leur taille et leur forme sont très proches

des domaines cohésine et dockérine présents naturellement dans les cellulosomes. En effet Jo

contient 93 acides aminés et In en a 147 alors qu‟en moyenne une dockérine a 70 résidus

(Bayer et al., 1998b) et une cohésine en contient 150 (Fontes and Gilbert, 2010).

L‟association cohésine-dockérine est calcium-dépendante alors que le complexe JoIn n‟est

pas altéré par les conditions d‟utilisation. Par ailleurs, la proximité entre domaines sera

présente. Le système Bio Molecular Welding permet par exemple une étude facilitée de la

diversité naturelle (le nombre de constructions plasmidiques à créer par biologie moléculaire

sera moindre comparé à une approche classique, de même que le nombre de protéines à

exprimer et à purifier). Nous utiliserons ce système afin de construire des enzymes

chimériques associables à façon. Ainsi, nous pourrons former des enzymes multimodulaires

contenant un domaine catalytique et un CBM ou avec deux domaines catalytiques.