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Chapitre 2 — Cadre conceptuel

2.2 Caractéristiques possibles d’arguments lors d’une argumentation

2.2.2 Caractéristiques possibles d’arguments

Au vingtième siècle, le philosophe britannique Stephen Toulmin a élaboré un schéma composé de six parties, chacune représentant des éléments qualifiant ce qui était, selon lui, un « bon » et « réel » argument. Pour Toulmin (1993), nous ne devons pas construire des arguments en demandant Sur quoi

on s’est basé, mais plutôt pour expliquer Comment on en est arrivé là, soit comment on est passé d’un

point A à un point B. Cette dernière question permet de mieux comprendre la construction de l’argument mis de l’avant en indiquant le rapport entre la conclusion apportée et les données produites. Toulmin soutient que la tâche ne consiste plus à renforcer la fondation sur laquelle est construit l’argument en apportant des données supplémentaires, mais plutôt à montrer qu’en partant des données, le passage qui mène à la conclusion originale est opportun et légitime.

Cela dit, Toulmin suggère que nous devons partir d’énoncés généraux et hypothétiques qui peuvent agir de passerelle afin d’amener l’argument en tant que tel. Ces énoncés se retrouvent souvent sous la forme « Étant donné une proposition de D donnée, on peut supposer une C conclusion » (Toulmin, 1993, p. 120); le D renverrait aux données (data) et le C à une conclusion (claim). Une première ossature de schéma de construction d’arguments peut maintenant prendre sa place, en ajoutant une explication (G) de l’inférence entre la conclusion et la proposition : « Si D, donc C, vu que G ». Ces explications, G, de l’inférence ont comme effet d’attester la solidité de tous les arguments et de ce que l’on dit. Cependant, Toulmin nous met en garde.

Les données que nous citons lorsqu’on conteste l’une de nos affirmations/conclusions dépendent des explications que nous sommes prêts à utiliser dans ce champ, et les explications auxquelles nous souscrivons sont implicites dans le passage des données aux affirmations/conclusions que nous sommes disposés à émettre et à admettre (Toulmin, 1993, p. 123).

Un schéma plus complexe inclut des qualificateurs modaux (Q : Qualifier) qui viennent qualifier la conclusion et incluent également des restrictions sous forme de conditions d’exception ou de réfutation (R : Rebuttal).

Tout comme une explication (G) n’est ni une proposition de donnée (D) ni une affirmation d’une conclusion (C), puisqu’elle implique en soi quelque chose qui concerne aussi bien D et C – à savoir que le passage de l’une à l’autre est légitime; de même, Q et R sont eux-mêmes distincts de G puisqu’ils apportent un commentaire implicite sur le rapport entre G et ce passage – les qualificateurs (Q) indiquant la force que l’explication confère à ce passage tandis que les conditions de réfutation (R) signalent les circonstances dans lesquelles il faudrait annuler l’autorité générale de l’explication de l’inférence (Toulmin, 1993, p. 124).

Il est également possible d’ajouter un fondement (F : Backing) de l’explication (G). Le fondement (F) permet de mieux expliquer la donnée, ce qui amène la personne, selon Toulmin (1993), à établir son autorité, et ainsi empêche une contestation de l’explication même en faisant intervenir son fondement. Il est important de comprendre que chacun des éléments du schéma d’argumentation de Toulmin est en relation avec un autre. Le schéma d’argumentation de Toulmin (1993) se présente désormais sous la forme suivante :

Kelly et Chen (1999, dans Erduran, Osborne et Simon, 2004) ont fait face à quelques ambigüités lors de l’utilisation du schéma d’argumentation de Toulmin. Ils ont avancé une difficulté à classifier certains propos émis par les élèves dans leur recherche dans les catégories proposées par Toulmin; les affirmations, les données et les explications, surtout parce que souvent, les explications de l’inférence étaient sous-entendues et n’étaient pas explicitement mentionnées. Kelly et Chen (1999) ne sont pas les seuls à percevoir des difficultés dans la catégorisation des arguments : plusieurs (Duschl, Ellenbogen et Erduran., 1999 ; Erduran, Osborne et Simon, 2004 ; Kelly et Takao, 2002) rapportent des problèmes similaires lors de l’utilisation du schéma d’argumentation de Toulmin. Afin de résoudre certaines de ces ambigüités, Kelly et Chen (1999, dans Erduran, Osborne et Simon, 2004) ont décidé de regarder de plus près l’utilisation de certains mots tels que « donc » et « parce que ». L’utilisation du mot opératoire « donc » implique, selon la définition de Toulmin, une façon d’amener une conclusion à partir d’une donnée, et est ainsi considérée comme une affirmation d’une donnée. Le mot « parce que » est une élaboration d’un raisonnement réalisé par la personne au sujet d’une donnée et est perçu, selon Kelly et Chen (1999), comme un effort pour justifier une condition d’exception ou de réfutation. Ainsi, il est essentiel de ne pas séparer les éléments du schéma d’argumentation du contexte dans lequel ceux-ci sont émis, car c’est cela qui permet la classification du type d’argument utilisé selon les circonstances.

Pour ces raisons, nous avons décidé de ne pas utiliser concrètement le schéma argumentatif représentant la théorie de Toulmin (1998) pour caractériser les arguments dans notre recherche, mais plutôt d’utiliser des parties de celui-ci pour monter notre propre grille de critères servant à construire ou choisir des arguments. Nous voulons une grille que nous pourrons proposer comme outil à des élèves afin de guider l’argumentation et la construction de leurs arguments. Lors de la création de cette grille, nous ne nous attarderons pas à une évaluation d’une certaine « qualité » des arguments, tel que le suggèrent certains chercheurs (Erduran, Osborne et Simon, 2004). Par exemple, nous n’irons pas juger si un argument est considéré « meilleur » ou « moins bon » qu’un autre. La décision de ne pas

juger de la qualité d’un argument, dans le cadre de notre recherche, s’explique par le fait que nous cherchons à documenter les caractéristiques des arguments mis de l’avant par des élèves, et non de juger les arguments que ceux-ci présentent afin de déterminer quels arguments sont les « meilleurs ». Nous visons plutôt la mise au point d’une grille qui permettrait aux élèves d’indiquer par un crochet la présence ou l’absence de divers critères de sélections d’un argument.

Le prochain tableau se veut une proposition initiale d’une grille de critères pour aider les élèves à préparer des arguments lors d’une argumentation. Cette grille, qui est présentée au tableau 3, est une proposition suite à nos lectures. Celle-ci veut plutôt servir de guide pour les élèves lors d’une argumentation. C’est une grille conçue pour les élèves, mais pouvant également être utilisée par les enseignants. Elle veut permettre à chacun d’avoir une vision globale de l’utilisation d’arguments en se penchant plus spécifiquement sur l’argumentation comme telle. Il est important de noter que cette grille est encore élémentaire, n’est pas testée sur le terrain et sera enrichie en fonction des résultats obtenus suite à notre cueillette de données.

Tableau 3 : Proposition d’une grille de critères pour aider les élèves à préparer des arguments lors d’une argumentation Critères de sélection L’argument (ou le contre- argument)… Indicateurs Mesure Commentaires Absence /non Peu présente /plutôt non Partiellement présente /plutôt oui Présente /oui Présente

clairement le but Le but de l’argument est facile à déceler

Utilise une proposition pour inférer une conclusion

Présence d’une donnée pour défendre une conclusion — fait — citation — donnée — référence — etc. Explique l’inférence entre la proposition et la conclusion

Il y a un lien clair entre la proposition et la conclusion — étant donné que — vu que — parce que

Explique l’inférence à l’aide d’un fondement

Présence d’un fondement d’ordre — scientifique — social — politique — économique — etc. Lequel? Fait preuve de cohérence avec la position défendue L’argument cherche à défendre la position prévue

2.3 Stratégie d’enseignement-apprentissage