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Caractérisation de l’écoulement contrarotatif forcé inertiellement à grand nombre

deux fois plus important pour un écoulement produit par des disques munis de pales : à puissance dépensée égale, on obtient ainsi un écoulement moyen deux fois plus fort lorsque les turbines sont munies de pales. Les champs de vitesse moyens ont également une très grande différence du point de vue de leur forme. En ajoutant des pales aux disques, on passe ainsi d’une situation où le fluide ne possède quasiment pas de rotation dans le volume à une situation où les deux cellules contrarotatives emplissent tout le volume disponible. Nous avons donc choisi d’employer des turbines munies de pales dans le cadre de l’expérience VKS2.

Nous allons maintenant nous concentrer sur les turbines munies de pales et explorer les effets, notamment sur la topologie de l’écoulement, des différents paramètres de nos turbines, que sont l’angle de sortie de pales α et le rayon de la turbine R.

2.3

Caractérisation de l’écoulement contrarotatif forcé inertielle-

ment à grand nombre de Reynolds en fonction de la forme

du dispositif de forçage

2.3.1 Synthèse des grandeurs globales mesurées

Turbines α hpumpi hP i hT i Γ Vθ V hV 2 i Kp M aDo M aDer R = 0.500 T M 902 0 0.13 0.12 0.14 0.85 0.44 0.54 0.046 0.016 2.13 0.85 R = 0.750 T M 742− −34 0.17 0.15 0.34 0.46 0.72 1.04 0.175 0.073 1.86 1.00 T M 732− −24 0.18 0.16 0.34 0.48 0.67 0.72 0.178 0.073 1.73 1.01 T M 712− −14 0.19 0.17 0.33 0.53 0.64 0.73 0.172 0.069 1.79 1.01 T M 7005 0 0.09 0.08 0.13 0.58 0.36 0.39 0.032 0.018 1.50 0.69 T M 701 0 0.037 T M 702 0 0.19 0.18 0.30 0.60 0.57 0.65 0.153 0.061 1.64 1.00 T M 712+ 14 0.19 0.19 0.28 0.69 0.52 0.64 0.140 0.056 1.66 0.98 T M 732+ 24 0.22 0.20 0.25 0.80 0.50 0.60 0.128 0.053 1.59 0.95 T M 732+ (1) 24 0.26 0.23 0.30 0.76 0.48 0.61 0.170 0.054 1.60 1.09 T M 742+ 34 0.24 0.21 0.24 0.89 0.46 0.58 0.122 0.043 1.65 0.99 R = 0.925 T M 601− −72 0.12 0.11 0.23 0.47 0.86 0.88 0.114 0.122 1.78 0.68 T M 602− −72 0.16 0.15 0.37 0.39 0.94 0.96 0.238 0.147 1.83 0.92 T M 602− (1) −72 0.15 0.13 0.46 0.29 0.94 0.95 0.321 0.112 1.97 1.18 T M 862− −57 0.15 0.14 0.35 0.39 0.90 0.91 0.216 0.114 1.87 0.96 T M 832− −30 0.17 0.16 0.35 0.45 0.82 0.85 0.210 0.123 1.70 0.92 Lisse 0 0.02 0.02 0.05 0.35 0.23 0.23 0.004 0.0032 1.56 0.45 T M 801 0 0.16 0.15 0.29 0.52 0.65 0.68 0.138 0.078 1.60 0.87 T M 802 0 0.20 0.19 0.38 0.49 0.74 0.78 0.231 0.111 1.62 1.00 T M 832+ 30 0.20 0.20 0.36 0.55 0.65 0.69 0.203 0.092 1.54 1.00 T M 862+ 57 0.24 0.22 0.24 0.89 0.42 0.67 0.128 0.061 1.69 0.91 T M 601+ 72 0.14 0.13 0.13 1.02 0.26 0.50 0.045 0.025 1.71 0.73 T M 602+ 72 0.21 0.20 0.22 0.90 0.36 0.63 0.104 0.055 1.66 0.85 T M 602+ (1) 72 0.25 0.23 0.28 0.83 0.44 0.64 0.153 0.056 1.67 1.02

Tab. 2.1: Grandeurs globales hydrodynamiques définies en section 2.1, pour les différentes tur- bines à grand Re. (1) : anneau de diamètre extérieur 200mm, de diamètre intérieur 170mm et d’épaisseur 6mm, monté à égale distance des deux turbines, en z = 0.

Nous présentons sous forme de tableau (Tab. 2.1) les grandeurs globales mesurées pour l’en- semble des turbines fabriquées. Nous avons classé les turbines par ordre croissant de diamètre, puis par odre croissant de la courbure des pales.

Nous avons choisi de tracer l’évolution de quelques grandeurs en fonction de la courbure des pales α. Nous nous sommes limité au cas de pales de hauteur h = 0.2 et du disque lisse, afin de ne pas surcharger les graphiques. Dès que les turbines sont munies de pales, une modification de leur hauteur apporte surtout des modifications quantitatives, mais peu de changements qualitatifs. Les quantités sélectionnées sont le rapport Γ, qui aura un rôle important à jouer dans l’effet dynamo (voir chapitre 2 de la deuxième partie du présent manuscrit), les quantités hP i et hT i, le coefficient de puissance Kp, et le rendement basé sur l’énergie cinétique moyenne MaDer. Nous

les traçons en figure 2.9.

−900 −45 0 45 90 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1 α Γ (a) −900 −45 0 45 90 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 0.35 0.4 0.45 0.5 α <P> ; <T> (b) −900 −45 0 45 90 0.02 0.04 0.06 0.08 0.1 0.12 0.14 0.16 0.18 0.2 α Kp (c) −900 −45 0 45 90 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4 1.6 1.8 2 α MaDer (d)

Fig. 2.9: Grandeurs globales hydrodynamiques en fonction de l’angle de sortie de pales α, pour toutes les turbines de hauteur de pales h = 0.2 et les disques lisses, en contrarotation à Re & 105.

(a) Rapport Γ. (▽) : disques lisses, (◦) : turbines de rayon 0.925 —les (⊕ ) ont 16 pales—, () : turbines de rayon 0.75, (⋆) : turbines de rayon 0.50. (△) : T M732 avec anneau (voir tableau 2.1).

(⊳) : T M602 avec anneau. (b) hP i (symboles ouverts) et hT i (symboles fermés). (c) : Kp. (d) :

2.3. Caractérisation de l’écoulement contrarotatif forcé inertiellement à grand nombre de Reynolds en fonction de la forme du dispositif de forçage 53

Nous notons une évolution significative des grandeurs en fonction de la forme du système d’entrainement. Nous mesurons ainsi des rapports Γ allant de 0.3 pour les turbines les plus grandes et les plus fortement courbées tournant dans le sens négatif à Γ ≃ 0.9 pour ces mêmes turbines tournant dans le sens positif (figure 2.9 (a)). La courbure des pales semble donc influencer fortement ce paramètre ; nous y revenons au paragraphe 2.3.3.

La série des grands diamètres semble présenter un saut entre α = 30˚et α = 57˚, le rapport Γ saturant à la valeur 0.9, tandis que la série de rayon R = 0.75 est beaucoup plus continue, et varie sur la même plage en Γ. Nous remarquons également que les turbines de rayon R = 0.50 ont systématiquement des valeurs très différentes. Il se produit donc un grand changement qualitatif avec l’évolution du rayon des turbines sur la forme des champs de vitesse. Nous y reviendrons plus spécifiquement au paragraphe 2.3.4, après avoir exploré au paragraphe 2.3.2 quelques caractéristiques plus locales des champs de vitesse, et avoir exploré au paragraphe 2.3.3 les principaux effets liés à la courbure des pales.

Nous remarquons enfin que, si la puissance dissipée est environ deux fois plus faible à courbure égale pour des turbines de rayon 0.75 par rapport aux turbines de rayon 0.925 (figure 2.9 (c)), le rendement hydrodynamique global MaDer est, lui, indépendant de la forme du système d’en- trainement (figure 2.9 (d)). Nous y reviendrons lors de la discussion, en section 2.4. Nous y discuterons également des effets liés à l’ajout d’un anneau de diamètre extérieur 200mm, de diamètre intérieur 170mm et d’épaisseur 6mm, monté à égale distance des deux turbines en z = 0.

2.3.2 Quantités locales dérivées des champs de vitesse moyens

Le rayon de pompage est constant

Quelque soit la forme des turbines utilisées, dans la gamme de rayons explorée 0.5 . R . 0.925, qu’elles soient munies de pales ou non, le rayon de pompage, situé au centre des cellules de recirculation poloïdales est quasiment indépendant de z et est constant. Ce rayon vaut environ 0.75 (voir figure 2.7, page 167). Nous en donnons une interprétation géométrique, basée sur la conservation du débit. En effet, le rayon r =√2/2 sépare le disque unité en deux aires égales. Donc, si les vitesses axiales dirigées vers la turbine la plus proche au cœur de l’écoulement sont du même ordre de grandeur que les vitesses de recirculation le long des parois cylindriques, le rayon de pompage est alors en r =√2/2. Nous obtenons en effet des valeurs très proches, légère- ment supérieures, les vitesses de recirculation près de la paroi étant très légèrement supérieures aux vitesses de pompage au cœur. Ceci va nous permettre de mieux comprendre l’évolution de quantités dépendant du profil de vitesse comme le flux moyen de moment cinétique ou l’hélicité cinématique.

Hélicité cinétique

L’hélicité cinétique d’un écoulement est la quantité hHi = v.(∇ × v), soit le produit scalaire de la vitesse par la vorticité. Cette quantité joue un rôle important dans le problème de la dynamo, comme nous le verrons lors de la seconde partie de ce manuscrit de thèse, en particulier au chapitre 2 page 155.

Du point de vue de l’hydrodynamique des écoulements turbulents, si l’on écrit les équations pour la vorticité, le terme non-linéaire fait apparaître le produit vectoriel de la vorticité et de la vitesse. Un moyen possible de faire saturer les non-linéarités est donc que localement, la vorticité s’aligne avec la vitesse. Une telle condition est connue sous le nom de condition de Beltrami, et une tendance à la “Beltramization” semble être observée de manière générique pour des écoulements

pleinement turbulents, servant de support au développement de théories analytiques (Dannevik et al., 1987; Frisch, 1995) et de techniques de simulations numériques (Farge et al., 2001). Nous présentons quelques résultats préliminaires à ce sujet en annexe D

0 0.5 1 −0.9 0 0.9 r z −0.1 0 0.1 0.2 0.3 0.4 (a) 0 0.5 1 −0.9 0 0.9 r z −0.6 −0.4 −0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 (b) 0 0.5 1 −0.9 0 0.9 r z 0 0.5 1 1.5 2 (c)

Fig. 2.10: Hélicité cinétique du champ de vitesse moyen, pour les turbines (a) T M902 de rayon R = 0.50, (b) T M 702 de rayon R = 0.75, et (c) T M802 de rayon R = 0.925.

Pour l’heure, nous avons accès à l’hélicité du champ de vitesse moyen. Nous avons pu établir un lien entre hélicité totale et rapport Γ, et renvoyons donc au chapitre 2 de la seconde partie du manuscrit, plus particulièrement aux figures 2.12 et 2.13 pages 172 et 173.

Nous nous concentrerons ici sur les cartes d’hélicité tracées en figure 2.10 pour des turbines à pales droites de diamètre différents. On remarque deux zones de forte hélicité, centrées en z = ±0.5, et de plus en plus proches de la paroi cylindrique à mesure que le diamètre des turbines croît. Nous reviendrons au paragraphe 2.3.4 sur cet effet du diamètre des turbines.

Transport convectif de moment cinétique par la partie moyenne de l’écoulement

Nous étudierons aussi la répartition spatiale du produit r vzvθ. L’intégrale de ce produit entre

r = 0 et r = 1 correspond au flux convectif vertical de moment cinétique transporté par la partie moyenne de l’écoulement, et nous renseigne aussi sur l’importance des tourbillons de la couche de mélange. Nous y revenons en section 2.4. Là aussi, nous notons un fort effet du rayon de la turbine sur cette quantité, pour nos trois turbines à pales droites (voir figure 2.11).

0 0.5 1 −0.9 0 0.9 r z −0.03 −0.02 −0.01 0 0.01 0.02 (a) 0 0.5 1 −0.9 0 0.9 r z −0.12 −0.1 −0.08 −0.06 −0.04 −0.02 0 0.02 (b) 0 0.5 1 −0.9 0 0.9 r z −0.25 −0.2 −0.15 −0.1 −0.05 0 (c)

Fig. 2.11: Produit r vzvθ, pour les turbines (a) T M902 de rayon R = 0.50, (b) T M702 de rayon R = 0.75, et (c) T M 802 de rayon R = 0.925.

Nous remarquons en effet l’existence de deux zones de signes opposés, pour 0 ≤ r . 0.75 et pour 0.75 . r ≤ 1. L’importance relative de ces deux zones évolue fortement avec le rayon :

2.3. Caractérisation de l’écoulement contrarotatif forcé inertiellement à grand nombre de Reynolds en fonction de la forme du dispositif de forçage 55 en augmentant le rayon des turbines, la partie située près de la paroi acquiert une contribution beaucoup plus grande que celle située au cœur de l’écoulement.

2.3.3 Principaux effets de la courbure des pales

Nous allons maintenant expliquer les principaux effets de la courbure des pales, en considérant tout d’abord les turbines de grand diamètre. Prenons les pales les plus courbées pour ce diamètre, les T M602, dont l’angle de sortie vaut ±72˚, le signe étant donné par le sens de rotation de

la turbine. Lorsque l’on tourne dans le sens négatif, les pales «mordent» le fluide avec leur face concave, et nous avons ainsi un effet de «pelote basque», le fluide étant continuement accéléré pendant son éjection. Lorsque l’on tourne dans le sens positif, les pales poussent le fluide avec leur face convexe, et le fluide subit un ralentissement.

On s’attend donc à favoriser la partie toroïdale du champ de vitesse, notamment près de la paroi cylindrique, en tournant dans le sens négatif. Cela est confirmé par nos mesures, regroupées dans le tableau 2.1 et la figure 2.9. On observe une diminution de la quantité hT i pour des courbures croissantes (figure 2.9 (b)). La valeur moyenne de la composante poloïdale du champ de vitesse subit une évolution contraire : cette quantité augmente lorsqu’on augmente la courbure. Une courbure positive est favorable à l’éjection radiale, et donc au pompage centrifuge. Le rapport Γ croît ainsi avec α.

La puissance dissipée dans l’écoulement subit elle aussi une variation importante avec la courbure des pales, et diminue fortement avec l’augmentation de la courbure (voir figure 2.9 (c)). Avec de fortes courbures négatives, par cet effet de pelote basque qui accélère le fluide éjecté radialement, on favorise en effet une forte rotation près de la paroi cylindrique. Le flux de moment cinétique injecté par la turbine est ainsi plus important, ce qui réclame plus de travail à la turbine (voir section 2.4).

Dans le même temps, l’énergie cinétique stockée par le champ de vitesse moyen est plus importante pour les turbines courbées négativement, de sorte que le rendement hydrodynamique M aDer est ainsi indépendant de la courbure des pales, à rayon et à hauteur de pales constantes.

2.3.4 Principaux effets du rayon des turbines

Nous allons ici nous concentrer sur les turbines à pales droites (α = 0˚), munies de pales de rayon h = 0.2, et allons considérer trois rayons différents : R = 0.50, R = 0.75, et R = 0.925.

La principale modification apportée par une diminution du diamètre concerne la diminution du coefficient de puissance Kp. On entraine en fait moins le fluide en rotation. Toutefois, le Kp

est réduit d’un facteur 7 alors que la surface des disques est réduite d’un facteur 4 et que la surface des disques est réduite d’un facteur 1.5 : la réduction de la puissance dissipée est donc particulièrement importante et ne s’explique pas en termes d’effets géométriques simples. Nous apporterons alors en section 2.4 une explication basée sur la forme du produit r vzvθ.

L’importance du mouvement toroïdal hT i varie de manière monotone et croît avec le rayon de la turbine. L’intensité du pompage hP i croît elle aussi avec le rayon de la turbine et est comparable pour les turbines de rayon R = 0.75 et R = 0.925. Le rapport Γ est une quantité croissante du rayon de la turbine car hP i croît moins rapidement que hT i. On retrouve ainsi le fait que pour des turbines munies de pales, le pompage centrifuge dépend assez faiblement des paramètres de la turbine.

Le profil radial de rotation est également très sensible au rayon des turbines. L’examen de la figure 2.7 page 167 nous apprend ainsi que les profils radiaux sont très proches de la rotation solide près des turbines pour 0 ≤ r . R, et que la vitesse azimuthale retombe au delà (i.e.

R . r ≤ 1).

Ces constatations nous permettent à présent de revenir sur les fortes modifications avec le rayon des turbines des cartes d’hélicité et du produit r vzvθ mentionnées plus haut. L’hélicité

cinématique est un produit scalaire et peut donc être décomposée en la somme de trois contribu- tions. Le terme dominant pour les turbines de rayon R ≥ 0.75 est celui selon eθ, dû au produit

de la vorticité des cellules de recirculation poloïdale par la composante de vitesse toroïdale (fi- gure 2.10 (b) et (c). Les cellules de recirculation étant toujours centrées en r ≃ 0.75, et le profil radial de rotation étant piqué en r = R (voir figure 2.7 page 167), on explique ainsi la position des maxima d’hélicité pour (b) et (c). En revanche, pour les turbines de rayon R = 0.50, la contribution dominante est la composante radiale, venant du produit vr∂zvθ. Il se produit donc

un changement qualitatif important pour les turbines de petit diamètre, portant sur l’hélicité du champ de vitesse moyen.

Le rendement hydrodynamique MaDer, enfin, est en première approximation indépendant du diamètre des turbines, et donc de tous les paramètres des turbines.

2.3.5 Conclusions, liens avec l’optimisation de l’expérience VKS2

La topologie des champs de vitesse mesurés et les quelques grandeurs directement associées évoluent donc fortement avec la forme des turbines munies de pales. En revanche, le rendement hydrodynamique est constant : nous ne pourrons donc pas minimiser la puissance nécéssaire à atteindre un nombre de Reynolds magnétique donné dans l’expérience VKS2. Nous allons maintenant revenir à des considérations plus hydrodynamiques, et nous interroger sur le rôle et les effets des fortes fluctuations de l’écoulement.