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3.4

Les états bifurqués

3.4.1 Oscillations des états bifurqués

Nous avons mis en relief en section 3.2 page 85 la présence d’une fréquence globale caractéris- tique des états bifurqués. Cette fréquence est présente sur les deux couples, et le système semble être sur un cycle limite bruité dans les états bifurqués. Les deux turbines sont très corrélées, la turbine vers laquelle l’écoulement bifurque est en avance de 0.33f−1. Tout ceci concerne les états

bifurqués en θ = 0. Nous allons maintenant étudier l’évolution de cette fréquence en fonction de la dissymétrie du forçage θ, et distinguer deux cas, «naturel» si l’écoulement est bifurqué vers la turbine rapide (état (b2) pour θ < 0) ou «antinaturel» si l’écoulement est bifurqué vers la

turbine lente (état (b1) pour θ < 0). En effet, nous avons mentionné en 3.1.3 page 77 la présence

d’une forte hystérésis, et la coexistence des deux régimes bifurqués pour −0.2 . θ . 0.2. Puis nous nous intéresserons aux transitions entre états bifurqués.

−8 −6 −4 −2 0 2 4 6 8 −1 −0.8 −0.6 −0.4 −0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 time lag (t.f) (a) −15 −10 −5 0 5 10 15 −1 −0.8 −0.6 −0.4 −0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 time lag (t.f) (b)

Fig. 3.19: Fonction d’intercorrélation des couples dans l’état (b2) pour diverses valeurs de θ. (a) Etat «naturel», en θ = 0, 0.091, 0.200, 0.410, 0.600 et 1. (b) Etat «antinaturel», θ = −0.116.

Tout d’abord, pour les états naturels, la fréquence f0 varie très faiblement avec θ. Nous avons

représenté en figure 3.19 (a) la fonction d’intercorrélation des couples pour la branche (b2) et

pour des valeurs de θ positives. Ces fonctions se superposent presque parfaitement, et le décalage temporel entre les deux couples est lui aussi constant. Pour le cas antinaturel (b2) et θ < 0, la

fonction d’intercorrélation décroit plus rapidement, et la période semble plus grande.

Les résultats présentés ici ont été obtenus à partir des données issues d’expériences portant sur la statistique des transitions de bifurqué antinaturel vers bifurqué naturel, décrites au para- graphe 3.4.2. Nous avons effectué une étude de la fréquence f0 dans l’état antinaturel en tirant

profit du grand nombre d’expériences réalisées. Nous avons en effet utilisé pour les mesures de f0 des spectres moyennés sur tous les échantillons, pondérés par la durée de chaque échantillon.

Nous avons conservé pour le calcul du spectre dans l’état antinaturel les réalisations pour les- quelles le système reste dans cet état plus de 4096/30 ≃ 136s. Les figures 3.22 et 3.23 montrent deux exemples de transitions (b2) → (b1), respectivement pour θ = −0.185 et θ = −0.116. Pour

ce dernier cas, les spectres de puissance dans l’état (b2) et (b1) résultant de la moyenne sur 183

transitions sont représentés sur la figure 3.20. Pour l’état naturel (Fig. 3.20 (b)), f0 vaut 0.30f,

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 f a/f (a) 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 0 2 4 6 8 10 12 fa/f (b)

Fig.3.20: Densités spectrales de puissance calculées sur le couple fourni par le moteur 1, moyen- nées pour plusieurs réalisations expérimentales pour θ = −0.116, f = 3.61Hz. Les échelles sont dimensionnelles, et linéaires. (a) Spectre pour l’état antinaturel (b2) résultant de la moyenne de

9 réalisations. f0 = (0.20 ± 0.01) × f. (b) Spectre pour l’état naturel (b1) résultant de la moyenne

de 183 réalisations. f0 = (0.31 ± 0.00) × f.

Nous présentons l’évolution de f0 en fonction de θ en figure 3.21. Pour θ > 0, nous avons

représenté f0 pour l’état naturel (b2) seul. Cette fréquence varie faiblement avec θ, passant de

f0 ≃ 0.32f en θ = 0 à f0 ≃ 0.28f en θ = 1. Les fonctions d’intercorrélation des couples

correspondantes sont représentées en figure 3.19. Pour les valeurs de θ < 0, nous avons représenté f0 à la fois pour l’état naturel (b1) (symboles ⋆) et pour l’état antinaturel (b2) (symboles ◦).

La fréquence dans l’état naturel est sensiblement égale à celle mesurée pour θ > 0 dans l’état (b2). En θ = 0, la différence relative entre f0 pour (b1) et f0 pour (b2) n’excède pas 6%. Cette

différence est imputable à une légère dissymétrie expérimentale résiduelle. Par contre, on note

−1 −0.5 0 0.5 1 0 0.1 0.2 0.3 0.4 f 0 /f θ −0.3 −0.2 −0.1 0 0 0.05 0.1 0.15 (f 0 /f) 2

Fig. 3.21: Evolution de la fréquence caractéristique f0 des états bifurqués en fonction de θ. Les résultats sont adimensionnés par f. Les fréquences sont des moyennes sur les spectres, et les barres d’erreur sont calculées comme la variance des fréquences mesurées sur chaque spectre. (◦) : état (b2), et (⋆) : état (b1). L’inset représente le carré de f0 en fonction de θ pour la branche

antinaturelle. La ligne continue correspond à un ajustement linéaire en f2

3.4. Les états bifurqués 97 une variation très forte pour f0 dans l’état antinaturel. La fréquence décroît vers zéro à mesure

que θ devient plus important en valeur absolue. Notons toutefois que l’oscillation est bien mesurée dans les états antinaturels jusqu’en θ ≃ −0.17, où l’on relève une fréquence f0 = 0.12 avec une

erreur de ±0.04 (voir figure 3.21). En revanche, au delà de θ ≃ −0.17, la mesure d’une fréquence f0 de plus en plus faible sur des états qui sont de moins en moins stables devient très imprécise,

et difficile à discriminer du bruit. La dernière valeur de θ pour laquelle nous ayons mesuré une fréquence dans l’état (b2) est θ = −0.22. Cette valeur correspond à celle pour laquelle l’état (b2)

ne survit pas plus de quelques tours de disques.

On peut conclure que l’état bifurqué antinaturel disparait à une fréquence f0 nulle. On peut

ajuster le comportement de f0 dans l’état antinaturel par une loi en racine d’un écart à un seuil.

Cet ajustement est représenté sur l’inset de la figure 3.21 et donne un θ critique θc = −0.210.

3.4.2 Transitions entre états bifurqués

0 100 200 300 400 500 600 700 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 temps (secondes) Couple moteur 1 (a) 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 Couple moteur1 Couple moteur 2 (b)

Fig.3.22: Couple sur le moteur 1 (en N.m) (a) et trajectoire dans l’espace {Couple1 ; Couple2} (b) pour une transition (b2) → (b1) en θ = −0.185. f = 3.43Hz.

Nous avons principalement étudié une des deux transitions possibles entre états bifurqués, celle de (b2) → (b1). Cette transition peut avoir lieu pour des valeurs de θ négatives suffisamment

grandes en valeur absolue, et revêt un caractère statistique plus complexe que celui de la transition (s) → (b). Plus θ est grand en valeur absolue, plus on transite rapidement. La limite de stabilité extrême de l’état antinaturel semble être de l’ordre de θ = −0.25, valeur dont nous affinons la mesure par la suite. Au delà de cette limite, l’état (b2) ne tient en effet pas plus de quelques

tours de disques. Notons également que pour des valeurs de θ & −0.11, nous n’avons pas observé d’excursions hors de l’état (b2). La plage sur laquelle on peut avoir déstabilisation de la branche

antinaturelle (b2) est donc grossièrement −0.25 . θ . −0.11.

Nous avons représenté en figure 3.22 une transition (b2) → (b1), en θ = −0.185. Pour cette

valeur relativement élevée de |θ|, les deux couples sont réduits de manière très forte au cours de la transition. Visuellement, le fluide qui tourne en bloc dans le sens de la turbine 2 semble s’arrêter puis repartir en bloc dans l’autre sens. Cela se traduit dans le plan {Couple1 ; Couple2} par

une boucle qui amène le système un court instant autour d’un point où les couples sont faibles et presque égaux. Pour des valeurs de |θ| plus faibles, on observe même des «transitions ratées», le système quittant l’état antinaturel pour rester quelques temps dans un état intermédiaire puis

0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 K p1 K p2 (b 2) (b 1) Etat Intermédiaire

Fig. 3.23: Une transition (b2) → (b1) pour θ = −0.116, f = 3.61Hz, avec passage par un état intermédiaire dans le plan {Kp1; Kp2}.

revenir dans l’état antinaturel (voir figure 3.37 page 115), ou basculer vers l’état naturel (voir figure 3.23). Il est ainsi possible de quitter l’état antinaturel sans pour autant rejoindre l’état naturel, du moins pour |θ| . 0.15. En revanche, nous n’avons jamais observé de sortie de l’état naturel, qui est donc stable. Nous reviendrons sur ce point en section 3.6.

Nous avons donc effectué une série d’expériences analogue à l’étude des transitions (s) → (b) : nous nous sommes placé pour diverses valeurs de θ < 0 dans l’état antinaturel (b2). Nous avons

effectué une centaine d’expérience pour chaque valeur de θ, et avons étudié les statistiques de transitions (b2) → (b1). Comme nous venons de le mentionner, la transition de l’état bifurqué

antinaturel vers l’état bifurqué naturel est très complexe, faisant apparaître notamment des passages par un état intermédiaire, et des transitions ratées, dont la borne inférieure semble être θ = −0.143. Nous avons étudié la distribution des premiers temps de sortie de l’état bifurqué antinaturel en fonction de θ. Les distributions sont, tout comme les distributions de temps de vie de l’état (s), exponentielles et l’on peut en extraire un temps caractéristique τ. Les données ont été tracées en figure 3.24.

Nous ne pouvons ajuster une loi de puissance du type de celle trouvée dans le cas des tran- sitions de symétrique vers bifurqué (voir section 3.3). Le temps caractéristique évolue très ra- pidement sur toute la gamme de θ étudiée (figure 3.24 (a)), et les deux points θ = −0.143 et θ = −0.116 exhibant les passages par un état intermédiaire (voir section 3.7) ont des temps caractéristiques de 4 × 103 et 4 × 104 qui sont à la limite supérieure de ce que nous sommes

capable de mesurer. La courbe semble présenter une légère convexité pour les temps lents. Si l’on se focalise sur la zone où l’état bifurqué antinaturel a un temps de vie bref (figure 3.24 (b)), on observe deux comportements différents, s’échangeant vers θc= −0.21.

Nous ne prétendons pas tirer plus d’informations de cette étude, et y reviendrons en section 3.7 lors des études à couples imposés.

3.5. Modifications du cycle par des ailettes latérales 99