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Chapitre 3 : Étude conformationnelle des paires d’ions simples en

3.3 Caractérisation des paires d’ions par spectroscopie IR/UV

Les expériences de spectroscopie de double résonance IR/UV ont été réalisées dans le domaine des élongations du groupement carboxylate (CO2) qui s’étend de 1200 cm-1 à 1600 cm-1. Les

spectres enregistrés ont été comparés aux fréquences harmoniques des conformations bidentate O-O et O-π, calculées au niveau RI-B97-D3/dhf-TZVPP et corrigées avec les facteurs d’échelles mode-dépendant déjà décrits dans le chapitre 2 (Figure 3.15). Les modes de vibration des élongations CO2− de l’acétate, détaillés précédemment (paragraphe 3.1), ont été prises comme référence, pour l’analyse de ceux des paires (PA-, M+).

3.3.1

Analyse des fréquences calculées des paires (PA

-

, M

+

) :

Les fréquences des modes de vibration ont été calculées pour l’anion libre phénylacétate (PA-) au niveau RI-B97-D3/dhf-TZVPP (Tableau 3.7), la fréquence d’élongation symétrique du phénylacétate (1305 cm-1) est relativement proche de celle de l’acétate obtenue au même niveau

de calcul (1317 cm-1), comme pour la valeur expérimentale mesurée (1305-1310 cm-1) [5]. L’écart ∆ν obtenu entre les fréquences harmoniques antisymétrique et symétrique de (PA-) est

de l’ordre de 378 cm-1 et de 329 cm-1 pour (AcO-). Cette différence est significative, mais

négligeable par rapport aux variations attendues lorsque l’anion est apparié à un cation. Dans ce contexte, on peut considérer que l’anion phénylacétate présente une signature typique d’un groupement carboxylate, et est un modèle pertinent pour l’étude de l’appariement d’ions entre le carboxylate et un cation alcalin.

Les fréquences harmoniques des modes de vibration des élongations antisymétrique et symétrique du carboxylate ont été calculées pour les deux conformations bidentate O-O et O-π des paires (PA-, M+). Les valeurs des fréquences calculées pour les conformations O-O ont été

comparées à celles calculées pour les paires (AcO-, M+) (Tableau 3.7). Un décalage moyen de

~26 cm-1 est enregistré au niveau de l’élongation symétrique du carboxylate, et de ~7 cm-1 pour l’élongation antisymétrique, dû à la différence au niveau du groupement lié à la paire

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« Carboxylate – Cation alcalin ». La variation de l’écart ∆ν entre les fréquences symétrique et antisymétrique le long de la série des paires d’ions pour (AcO-, M+) et le conformère O-O de

(PA-, M+) est comparable. À l’image de la paire (AcO-, M+), l’écart ∆ν augmente graduellement avec la taille du cation au niveau des paires (PA-, M+), allant de ~140 cm-1 pour (PA-, Li+) à 211 cm-1 pour (PA-, Cs+). L’énergie de complexation a été déterminée pour les paires d’acétate et de phénylacétate d’alcalins pour vérifier que l’accroissement de l’écart ∆ν observé est le signe d’une interaction cation-anion moins forte.

Tableau 3.7 : a) Fréquences expérimentales des paires (PA-, M+) enregistrées par spectroscopie de double résonance IR/UV,

b) Fréquences harmoniques de l’anion phénylacétate et des paires (PA-, M+) déterminées au

niveau RI-B97-D3/dhf-TZVPP et corrigées des facteurs d’échelle mode-dépendants ; les fréquences des paires (AcO-, M+) sont indiquées en rouge.

Énergies de complexation calculées pour les paires (PA-, M+), les valeurs correspondantes aux paires (AcO-, M+) sont également indiquées en rouge.

L’énergie de complexation du conformère bidentate O-O obtenue pour chaque paire (PA-, M+)

est relativement similaire à celle de (AcO-, M+). Les énergies des conformations bidentate O-O

ont tendance à décroître lorsque la taille du cation augmente, et varie de 682 kJ mol-1 pour

(PA-, Li+) à 476 kJ mol-1 pour (PA-, Cs+) ; ces variations sont similaires à celles observées pour les paires (AcO-, M+) (708 kJ mol-1 pour (AcO-, Li+) à 495 kJ mol-1 pour (AcO-, Cs+)) (Tableau

95

3.7). Ceci confirme que la diminution de l’énergie de complexation peut être liée à la diminution de la force de l’interaction entre le cation et l’anion.

Les signatures vibrationnelles des conformations bidentate O-O des paires (PA-, M+) présentent deux bandes majoritaires (Figure 3.15, spectre a) :

- la première correspond au mode de vibration de l’élongation CO2 symétrique et se situe

dans la région de 1370 cm-1 à 1460 cm-1 couplé à l’élongation C-C entre les atomes de carbone du méthylène et du carboxylate, et un mouvement dans le plan du cycle aromatique. Pour les paires (PA-, K+), (PA-, Rb+) et (PA-, Cs+), un troisième mouvement

correspondant à l’agitation (wagging) du méthylène est mis en jeu (Figure 3.15, modèle A).

- la deuxième est liée à un mode principalement attribuable à la vibration antisymétrique situé entre 1540 cm-1 et 1580 cm-1 (Figure 3.15, modèle B), mais aussi couplé la torsion du méthylène et à un pliage dans le plan du cycle aromatique.

Le long de la série des alcalins, l’écart (∆ν) entre les fréquences harmoniques antisymétrique et symétrique croît de 140 cm-1 pour la paire (PA-, Li+) jusqu’à 211 cm-1 pour la paire (PA-, Cs+) (Tableau 3.7).

En ce qui concerne les conformères O-π, leurs spectres harmoniques calculés diffèrent de ceux des conformères O-O. Tout d’abord, trois bandes majoritaires sont notables (Figure 3.15, spectre b) :

- les deux premières se situent dans les régions 1180 cm-1 à 1200 cm-1 et 1300 cm-1 à 1320 cm-1 respectivement ; ces deux modes correspondent à l’élongation symétrique du carboxylate couplée à un mouvement de pliage dans le plan du cycle aromatique et un cisaillement du méthylène. Bien que les deux bandes décrivent les mêmes mouvements du complexe, la différence réside au niveau de la combinaison de ces mouvements (Figure 3.15, modèles C et D) ainsi qu’au niveau de l’intensité de l’élongation symétrique.

- La troisième bande, identifiée dans la région 1530 cm-1 à 1570 cm-1, correspond à l’élongation antisymétrique du carboxylate avec un mode de couplage semblable à celui observée pour le conformère O-O (Figure 3.15, modèle E). Malgré cette ressemblance, le décalage du mode antisymétrique du conformère O-π par rapport à celui du conformère O-O est relativement important conformément au changement important de l’environnement du carboxylate entre ces deux structures.

L’écart (∆ν) au niveau des conformères O-π diminue le long de la série des paires de phénylacétate d’alcalin, à l’inverse de ce qui a été observé pour les conformères O-O, allant de 473 cm-1 pour (PA-, Li+) jusqu’à 430 cm-1 pour (PA-, Cs+) (Tableau 3.7). Cette variation a été également observée au niveau des fréquences calculées pour les paires d’ions (AcO-, M+), et

qui montre la sensibilité de la signature vibrationnelle du carboxylate à la formation de paires d’ions ainsi qu’à la nature du cation mis en jeu.

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Fig. 3.15 : Spectres harmoniques des conformères O-O et O-π, calculés au niveau RI-B97-

D3/dhf-TZVPP, les élongations symétrique et antisymétrique sont corrigées des facteurs d’échelle mode-dépendant. Les modes de vibration les plus intenses sont illustrés à gauche

des spectres.

3.3.2

Spectroscopie de double résonance IR/UV des paires

(PA

-

, M

+

) :

Les spectres de double résonance IR/UV ont été enregistrés sur toutes les paires (PA-, M+) dans la région des élongations CO2− (Figure 3.16). Les fréquences de vibration du carboxylate sont décalées par rapport à ceux de l’acétate libre (Figure 3.16, bandes verte et bleu) d’environ 95 cm-1 pour l’élongation symétrique et 26 cm-1 pour l’élongation antisymétrique. Ce décalage

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s’explique par l’interaction forte présente entre le carboxylate et le cation alcalin et qui va susciter le déplacement des bandes (paragraphe 3.3.1).

L’écart ∆ν entre les deux modes d’élongation mesurés devient de plus en plus important le long de la série des cations alcalins, variant de 115 cm-1 pour (PA-, Li+) à 190 cm-1 pour (PA-, Cs+). Plusieurs bandes sont observées dans la région des élongations symétriques des spectres IR et ne sont pas interprétées par l’approximation harmonique (Figure 3.15). La paire (PA-, Li+) par

exemple présente trois bandes vibrationnelles dans la région allant de 1417 cm-1 à 1453 cm-1, ce qui suggère un fort couplage avec d’autres modes de vibration. Ce couplage de l’élongation symétrique peut impliquer des modes vibrationnels tels que l’élongation CCH2-CCO2 ou un pliage

dans le plan du cycle aromatique. Les autres paires (PA-, M+) étudiées présentent également un couplage révélé par deux bandes dans la région 1370 cm-1 à 1410 cm-1.

Fig. 3.16 : Spectres de double résonance IR/UV des différents paires (PA-, M+).

Les signatures spectrales des paires d’ions (PA-, M+) obtenues grâce aux expériences de double

résonance IR/UV sont similaires à celles prédites pour le conformère bidentate O-O. L’écart ∆ν dans les deux cas augmente en fonction de la taille du cation et les valeurs sont relativement proches ; pour les fréquences expérimentales du (PA-, Li+), l’écart est de 115 cm-1 contre 140 cm-1 prédit par les calculs de chimie quantique. Les fréquences harmoniques du conformère bidentate O-π montrent un écart ∆ν décroissant le long de la série des paires (PA-, M+) et n’est

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De plus, la différence entre les fréquences harmoniques corrigées du conformère O-O et les fréquences expérimentales est de l’ordre de ~28 cm-1 pour le mode symétrique et de ~6 cm-1 pour le mode antisymétrique. Par comparaison avec les écarts-types attendus avec une approche utilisant des facteurs d’échelle spécifique à chaque mode (𝜎𝑠𝑦𝑚= 24 cm-1 et 𝜎𝑎𝑛𝑡𝑖= 16 cm-1) (Chapitre 2, paragraphe 2.4.4), il est possible d’attribuer une structure bidentate O-O aux paires (PA-, M+) [3], et ainsi confirmer l’attribution réalisée suite à l’analyse de la spectroscopie UV.