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Chapitre 3 : Étude conformationnelle des paires d’ions simples en

3.1 Étude théorique des paires d’ions d’acétate d’alcalin

Cinq systèmes différents ont été étudiés pour l’acétate d’alcalin : les acétates de lithium (AcO-, Li+), de sodium (AcO-, Na+), de potassium (AcO-, K+), de rubidium (AcO-, Rb+) et de césium (AcO-, Cs+). Une exploration manuelle au niveau chimie quantique (RI-B97-D3/dhf- TZVPP) a été réalisée pour chaque paire d’ions : la position du cation par rapport au carboxylate a été explorée afin d’identifier les différentes conformations énergétiquement favorables. Suite à l’optimisation de géométrie, les fréquences harmoniques sont calculées au même niveau chimie quantique. À l’issue de ces calculs, on retrouve une conformation stable pour chaque paire (AcO-, M+). Les distances M+ - Ocarboxylate ont été déterminées pour les différentes

conformations (Figure 3.1). Au sein de chaque structure ces distances sont relativement proches, ce qui nous permet de déduire que le cation alcalin interagit de manière équivalente avec les deux oxygènes du carboxylate, formant une structure de type bidentate O-O (Figure 3.1). La nomenclature choisie pour désigner la géométrie formée est déterminée par la nature et le nombre d’interaction(s) intermoléculaire(s) présent(es) dans le système : le symbole « O » désigne l’interaction entre le cation (M+) et l’oxygène (O) de l’anion, d’où la dénomination O-

O qui correspond à l’interaction de type bidentate du cation avec les deux oxygènes du carboxylate.

Fig. 3.1 : Géométries des différentes paires d’acétate d’alcalins (AcO-, M+ ; avec M = Li, Na, K, Rb, Cs) obtenues avec la méthode RI-B97-D3/dhf-TZVPP. Les distances M+ - Ocarboxylate

sont indiquées sur les structures (valeurs en pm).

Les fréquences harmoniques des élongations symétrique et antisymétrique du carboxylate ont été corrigées à l’aide des facteurs d’échelle mode-dépendants (Chapitre 2, paragraphe 2.4.4) répertoriées dans le tableau ci-dessous (Tableau 3.1). L’écart ∆ν entre ces deux modes d’élongation a été également déterminé pour l’ensemble des paires. Les charges au niveau des

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cations alcalins et des atomes d’oxygène du carboxylate, déterminées à l’aide de l’analyse NBO, sont respectivement de l’ordre de 0.9 et -0.8. Ce résultat confirme que la structure électronique de l’état fondamental de ces systèmes isolés correspond bien à celle d’une paire d’ions.

Tableau 3.1 : Tableau des fréquences harmoniques corrigées des facteurs d’échelles modes-

dépendants, calculées au niveau RI-B97D3/dhf-TZVPP pour l’acétate et les paires (AcO-, M+), ainsi que l’écart ∆ν entre les fréquences symétrique et antisymétrique. Les

charges au niveau du cation et des oxygènes sont déterminées à l’aide de l’aide de l’analyse NBO au niveau RI-B97-D3/dhf-TZVPP. Les énergies de complexation des paires sont

également calculées au même niveau chimie quantique.

Les fréquences des élongations symétrique et antisymétrique de l’anion acétate libre ont été également calculées au niveau RI-B97-D3/dhf-TZVPP et comparées au spectre issu des expériences de dissociation multiphotonique IR (IRMPD), réalisées par Steill et Oomens et dont les résultats ont été publiés en 2009 [5]. Dans ce travail, l’acide acétique, contenu dans une solution de méthanol/eau (dans les proportions 80/20 respectivement), est ionisé et porté en phase gazeuse à l’aide d’une source d’ionisation electrospray (ESI) [6]. Le jet est ensemencé par un gaz d’hexafluorure de soufre (SF6) et par la suite irradié par les photons IR. Suite à

l’absorption de ces photons, l’acétate émet un électron qui est par la suite absorbé par SF6. Le

spectre IR de l’acétate est obtenu en mesurant le rendement des ions SF6, formés suite au photo-

détachement des électrons de l’acétate dans la région des élongations des liaisons C-O (Figure 3.2, spectre a). Trois modes de vibration relatifs au groupement CO2− sont détectés : le mode d’élongation symétrique à ~1305 cm-1, l’élongation antisymétrique à ~1590 cm-1, et un

troisième mode à 835 cm-1 correspondant au mouvement de pliage du carboxylate. L’élargissement spectral au niveau des fréquences des élongations symétrique et antisymétrique est de l’ordre de 10 cm-1. Les signatures spectrales de chaque paire (AcO-, M+), ont alors été

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simulées et comparées aux fréquences expérimentales de l’anion acétate (Figure 3.2, spectre b).

Fig. 3.2 : a) Spectre IRMPD de l’acétate enregistré par Steill et Oomens [5].

b) Spectres théoriques des paires (AcO-, M+) tracés en tenant compte des fréquences et leur intensité théoriques obtenus au niveau RI-B97-D3/dhf-TZVPP, ainsi que d’un élargissement spectral arbitraire. Les fréquences des élongations symétrique (1305 cm-1) et antisymétrique

(1590 cm-1) de l’acétate libre sont indiquées sur le spectre par des bandes verticales verte et bleue respectivement.

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Deux bandes intenses sont observées pour chaque paire et correspondent aux élongations symétrique et antisymétrique du groupement carboxylate (CO2) (Figure 3.2, spectre b). Le

mode de vibration de l’élongation symétrique se situe dans la région allant de 1370 cm-1 à

1425 cm-1. Ce mode est couplé à l’élongation C-C de l’acétate ainsi qu’au cisaillement du

méthyle. Le second mode observé correspond au mode de vibration de l’élongation antisymétrique du carboxylate, situé entre 1535 cm-1 et 1560 cm-1. Celui-ci est également couplé à la torsion du méthyle. Deux bandes de faible intensité sont présentes sur le spectre. La première est située entre 1427 cm-1 et 1435 cm-1 et correspond à un mode de cisaillement du méthyle, la seconde est présente entre 1320 cm-1 et 1330 cm-1 et correspond au cisaillement du

méthyle couplé à un faible mode d’élongation symétrique du carboxylate. Ces bandes sont présentes dans le cas de toutes les paires (AcO-, M+). Un cinquième mode est identifié

notamment pour les paires (AcO-, Li+), (AcO-, Na+) et (AcO-, Cs+) entre 1446 cm-1 et 1450 cm-1, il est attribué à la déformation du méthyle.

Les écarts ∆ν entre les fréquences antisymétrique et symétrique calculées pour l’ensemble des paires (AcO-, M+) varient de ~115 cm-1 pour (AcO-, Li+) à ~161 cm-1 pour (AcO-, Cs+) (Tableau 3.1). Ils sont largement inférieurs à l’écart ∆ν pour l’anion acétate libre, qui est de ~329 cm-1. Cette différence remarquable entre les écarts des paires d’ions et celui de l’acétate libre indique que la signature vibrationnelle du carboxylate est particulièrement sensible à la formation de paires d’ions. Par ailleurs, on remarque que cet écart augmente légèrement le long de la série des alcalins (Tableau 3.1). Cette augmentation montre non seulement que la signature spectrale du carboxylate est sensible à la nature du cation, mais suggère aussi, par la tendance à se rapprocher de la valeur observée pour l’acétate libre, que l’énergie de l’interaction cation-anion diminue le long de la série.

L’énergie de complexation est calculée en prenant en compte l’énergie électronique de la paire d’ions au niveau CCSD(T) corrigée de la valeur de l’énergie au point zéro (ZPE) et des énergies de référence des ions correspondants formant la paire :

Ecomplexation = (EAnion+ ZPEAnion+ EM+) − (EPaire d′ions+ ZPEPaire dions)

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Les énergies de complexation calculées pour les paires (AcO-, M+) sont répertoriées dans le Tableau 3.1. Les valeurs diminuent le long de la série des paires d’ions, allant de 708 kJ mol-1

pour (AcO-, Li+) à 495 kJ mol-1 pour (AcO-, Cs+). La diminution de l’énergie de complexation est notamment liée au changement de la nature du cation d’un système à l’autre. La taille du cation augmente le long de la série des paires, entrainant une diminution de la densité de surface de charge, puisque la même charge est distribuée sur une surface plus grande. Par conséquent, l’interaction ionique entre le carboxylate et l’ion lithium est plus forte que dans le cas de l’ion césium. On peut déduire que cette variation de l’énergie de complexation est liée à la diminution de la force de l’interaction entre le cation et l’anion.

On remarque ainsi une corrélation entre la diminution de l’énergie de complexation et l’augmentation de l’écart ∆ν dont les modes symétrique et antisymétrique se rapprochent progressivement des fréquences de l’acétate libre (Tableau 3.1). Ainsi, lorsque l’énergie de complexation diminue, la force d’interaction entre les deux ions devient faible et l’écart ∆ν entre les modes d’élongation symétrique et antisymétrique augmente. Il est alors important de

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déterminer si cette corrélation entre l’énergie de complexation et l’écart ∆ν est reproduit expérimentalement.

Ce phénomène a été observé dans une autre étude portée sur la caractérisation de paires d’ions chargées, en présence de cations alcalino-terreux (Ca2+, Mg2+) [7, 8]. Les fréquences harmoniques ν(CO2)sym et ν(CO2)anti ont été comparées à celles du carboxylate libre : il a été

remarqué que l’élongation antisymétrique se déplace vers les modes de basses fréquences, tandis que le mode symétrique est décalé vers les modes de hautes fréquences. Ce phénomène a été également observé chez des paires d’ions chargées formées d’un anion propanoate (CH3-

CH2-CO2−) et un cation calcium (Ca2+) ou magnésium (Mg2+) [9]. Le déplacement des bandes

vibrationnelles est si important que les auteurs observent une inversion du doublet attribué aux deux modes d’élongations symétrique et antisymétrique.

En revanche, les modèles (AcO-, M+) ne peuvent pas être étudiés par spectroscopie IR et UV à cause de l’absence de chromophore UV. Une seconde série de systèmes a été étudiée, les phénylacétates d’alcalin (C6H5-CH2-COO-, M+ ou PA-, M+) comprenant un groupement

phényle servant de chromophore UV.

3.2. Étude des paires d’ions en phase gazeuse : les phénylacétates