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de surface du Val Millun

III.3 Caractérisation des débits et des matières en suspension (MES) des eaux de surface du Val de Millun

Dans le val de Milluni, la plupart des points échantillonnés sont des cours d’eaux de premier ordre hydrologique, car ils constituent une des sources du système hydrologique de l’altiplano. De ce fait, la majorité de cours d’eau présentent un faible débit, rarement turbides (Tab. III.XIV). Ainsi les teneurs en matières en suspension (MES) dans ces ruisseaux sont faibles, à l’exception de J5 et G9 en forts débits de

la période humide (Tab. III.XIV). Compte tenu de ces faibles teneurs en MES, l’idéal aurait été de pouvoir filtrer des grands volumes d’eau pour avoir une bonne estimation de la quantité moyenne en MES des ruisseaux. Cela aurait également permis d’avoir des quantités de MES plus importantes pour pratiquer des digestions acides (§ II.2.6.2). Malheureusement, en raison des limites pratiques imposées par le système de filtration et les conditions d’altitude (§ II.2.2.1), nous n’avons pu récupérer de grands volumes d’eau filtrée. Toutefois, nous avons pu évaluer les quantités de MES pour les eaux de la vallée à partir des échantillons récoltés. Les faibles teneurs de MES dans les eaux de surface de la vallée, et notamment celles affectées par l’activité minière, laisse supposer que la phase en suspension ne représente pas un contrôle majeure des métaux lourds dans le système de Milluni. Contrairement au bassin voisin du Val de Zongo (Caballero et al., 2004), il n’existe pas ici de réseau de mesures hydrologiques. En conséquence, les données de débits présentés ici (Tab. III.XIV) sont des données uniques, mais ponctuelles et instantanées. Toutefois, leurs mesures en différents points du bassin montrent bien les variations saisonnières le long de la vallée, avec une diminution des débits pendant la saison sèche (avril-septembre, hiver austral), en accord avec les données présentées dans la figure III.3. Ce changement saisonnier des conditions hydrologiques peut être noté à l’entrée du canal by-pass (J9, Fig. III.26 a et b’), mais de façon encore plus spectaculaire sur le niveau de l’eau stockée dans le réservoir amont de Zongo (Fig. III.26 c et d). Le changement des conditions hydrologiques se manifeste aussi sur la variation du paysage du secteur central aplani de Milluni Chico, partiellement inondé et bien végétalisé pendant la saison humide (octobre-mars, été austral, Fig. III.26a), asséché et rougeâtre pendant la saison sèche (hiver, Fig. III.26b).

Tableau III. XIV. Débits et teneur en matières en suspension (MES) dans les eaux de surface du Val de Milluni pour des saisons hydrologiques contrastées ; quand il existe une seule mesure, elle est présente en

étant que valeur moyenne. NB : -, sans données.

L’étude des débits des cours d’eau de la vallée (Tab. III.XIV) montre que pendant la saison humide, les principales sources d’eau proviennent du glacier situé en Huayna Potosi en amont de la mine et de la fonte des neiges du bassin supérieur reflété par les cours d’eau comme P1 et J5. Dans le secteur

Thèse de Doctorat de l’Université Toulouse III – Matías M. Salvarredy Aranguren 125 minier, seul l’effluent de drainage acide M1 présente un débit important, semblable au débit du cours d’eau provenant du secteur de Ventanani (M3). Cet effluent se mélange avec des eaux provenant du lac Jankho Kkota, qui apporte un débit de 522 l.s-1 (J10, Fig. II.8). Ces deux sources sont essentielles dans le stockage d’eau en aval de la mine, M1 représentent 23%. Le lac Milluni Chico stocke au moins 32% de l’eau arrivant au secteur de Milluni Chico, le restant est évacué vers le lac de Milluni Grande par le point M8. Le drainage aval de ces eaux fournit autour de 90% de l’eau superficielle arrivant au réservoir de Milluni Grande.

Figure III.26. a, canal by-pass et détail du niveau d’eau pendant la saison humide, notez la verdure du secteur aplani de la vallée ; b, même secteur avec la trace du canal by-pass en saison sèche, notez les couleurs ocrées de la plaine de

la vallée ; b’, détail du niveau d’eau dans le canal ; c, deux photos montrant le niveau du réservoir d’eau du Zongo pendant la saison humide ; d, même réservoir d’eau pendant la saison sèche : notez la diminution du niveau d’eau.

Cette configuration change radicalement pendant la saison sèche, car les précipitations atmosphériques sont très réduites (Fig. III.3), ce qui provoque un assèchement des cours d’eaux superficielles du secteur supérieur du bassin (points : P1, J5, J9, G9, V1, M3, Tab. III.XIV). Les débits sont très réduits de 7 à 90 fois par rapport à la saison humide. Cela a une grande influence sur le niveau du Lac de Jankho Kkota qui peut à peine assurer l’écoulement entre l’entrée (J9) et la sortie (G9) du canal by- pass (Fig. III.26b’). La chute du niveau du Lac Jankho Kkota empêche également l’écoulement des eaux de l’amont de la mine vers le secteur de Milluni Chico, ce qui provoque l’assèchement de la laquette de Milluni Chico proche de la mine et une diminution très importante du niveau du lac résiduel de Milluni

Chico en aval de la mine. Ainsi, pendant la saison sèche, les eaux en aval de la mine n’ont pas d’autres origines que les eaux météorique, les eaux souterraines, les drainages acides de la mine et des eaux de surface en contact avec le fond géochimique de la mine et leurs déchets. Dans le secteur de la mine et en aval, le changement saisonniers se fait aussi sentir, mais de façon moins spectaculaire que dans le secteur amont. Les débits sont de 1.5 à 6 fois plus élevés pour la saison humide que pendant la saison sèche. Ce changement hydrologique moins intense que dans le bassin amont est probablement dû à une influence mineure des apport météoriques dans le bilan hydrologique de ce secteur (voir la réduction considérable de précipitation à El Alto par rapport au Zongo, Fig. III.3), mais également à l’apport significatif des eaux souterraines via les effluents de la mine (M1, M4), ainsi que probablement à la contribution d’eaux de nappe issues de dépôts morainiques (Fig. II.2). Il est important de signaler que dans ce secteur le contraste hydrologique le plus fort est observé dans les points M6 et M8, où les processus d’évaporation jouent certainement un rôle important.

Pendant la saison humide, le canal by-pass (J9-G9) a un débit suffisant pour fournir l’eau au canal d’alimentation de la ville de La Paz, et très peu d’eau est prélevé au réservoir de Milluni Grande. En revanche, pendant la saison sèche presque la totalité de l’eau fournie à La Paz provient de la source contaminée par la mine de Milluni. Le débit sortant du réservoir est contrôlé par l’homme en fonction de la quantité d’eau à fournir à la ville de La Paz, différente selon la saison hydrologique (données mesurées à G11, 519 et 1228 l.s-1 pour la saison humide et sèche, respectivement). Ceci est probablement dû au fait que ce bassin devient la principale source d’eau au niveau régional pour la ville pendant la saison sèche.

Le contenu en matière en suspensions (MES) des cours d’eau est faible dans tout le bassin (Tab. III.XIV). Malgré tout, un contraste évident existe dans la quantité de MES que présentent les eaux à pH neutre (P1, J5, J9, G9) et acide (V1, M3, M1, M4, M6, M8, G3, G8), avec une diminution marquée pour ces dernières. Le changement hydrologique se reflète partiellement au niveau des matières en suspension, notamment dans le bassin en amont de la mine (Tab. III.XIV), par une augmentation nette des MES pendant la saison humide. En revanche, après la mine les MES varient peu sur l’année, même si elles sont légèrement plus abondantes en période sèche, comme c’est le cas pour l’effluent de la mine M4 (Tab. III.XIV, Fig. III.27).

Thèse de Doctorat de l’Université Toulouse III – Matías M. Salvarredy Aranguren 127 Le tableau III.XV présente les quantités de MES utilisées pour les digestions acides et les valeurs de concentrations en métaux lourds dans différents points du bassin de Milluni. Les quantités utilisées sont proches de la limite de précision de la balance (0.01 mg), ceci est particulièrement vrai pour l’échantillon G8 en saison sèche (SS). Pour s’affranchir des erreurs de pesée, il est recommandé de travailler au-dessus 5 mg (Valladon M., pers. comm.). Etant donné que plusieurs échantillons se trouvent en dessous de cette limite, les pesées ont été réalisées avec une attention particulière en pesant pendant des longtemps. Par ailleurs, tous les réactifs d’attaque ont été utilisés en quantités proportionnelles à la faible quantité de matière à attaquer, et des précautions ont été aussi prises pour les dilutions.

Les données présentées ici (Tab. III.XV) nous permettent d’avoir une vision générale sur les variations spatiales et saisonnières des MES des cours d’eau de la vallée, en prenant en compte les MES des fonds géochimiques différents (secteurs Pata Kkota et Ventanani) et de la sortie du système (G8). Les métaux lourds déjà signalés dans les autres compartiments comme principaux polluants (Fe, Zn, As, Cd), sont plus élevés dans les MES de la partie aval de la vallée. Les éléments restants (Mn, Pb, Sn) ont en général aussi de concentrations dans les MES plus élevés dans la partie aval de la vallée. L’unique exception est le cuivre qui présente en toutes saisons, des concentrations plus élevées dans les MES du fond géochimique de la mine (V1).

Tableau III.XV. Quantités de MES utilisée lors de la digestion acide et concentrations en métaux lourds et en Sc des MES pour différents points du Val de Milluni. Les concentrations sont exprimées en mg.Kg-1, à l’exception du Fer en % (1%=10000 mg. .Kg-1). NB : SH, saison humide; SS saison sèche ; -, sans données.

Elément Quantité attaquée de

MES (mg) Fe % Zn (mg.Kg -1 ) Mn (mg.Kg-1) As (mg.Kg-1) SH SS SH SS SH SS SH SS SH SS P5 1.8 4.39 4.76 2.13 660.01 378.91 954.30 321.00 517.50 321.40 V1 3.26 1.16 3.09 7.10 374.66 1064.00 194.83 601.18 158.17 477.64 G8 1.76 0.57 31.07 8.06 1787.80 12451.84 478.37 2868.73 4239.52 654.20 G12 - 9.34 - 21.20 - 4984.32 - 1591.03 - 118.28 Elément Cu (mg.Kg-1) Cd (mg.Kg-1) Pb (mg.Kg-1) Sn (mg.Kg-1) Sc (mg.Kg-1) SH SS SH SS SH SS SH SS SH SS P5 40.67 168.00 1.40 1.68 69.97 25.37 20.33 9.55 20.53 4.10 V1 202.02 732.52 0.80 17.28 37.87 123.85 108.86 217.86 9.29 20.08 G8 68.33 182.13 4.51 38.11 74.77 67.90 237.01 47.70 4.03 9.86 G12 - 422.17 - 12.54 - 28.37 - 1.13 - 4.61

Le point G12 a été prélevé exceptionnellement en saison sèche à la sortie d’un moulin qui ajoute de la chaux au canal d’alimentation en l’eau de la ville de La Paz (Fig. III.28). L’objectif était de percevoir des changements créés par cette action qui fait monter les teneurs en MES à 154.6 mgl-1. De ce fait, la fraction des MES devient beaucoup plus importante qu’en amont pour ces eaux. Cette action a pour finalité d’élever le pH pour ne pas attaquer les turbines que se trouvent en aval pour la génération d’électricité. L’effet géochimique observé dans les MES se traduit par une réduction des teneurs en

métaux lourds pour presque tous les éléments (Zn, Mn, As, Cd, Pb, Sn). Cette réduction est produite principalement par une simple dilution physique. Le fer et le cuivre sont les seuls éléments dont les teneurs augmentent dans les MES après l’ajout de chaux, ce qui produit une réduction des concentrations de ces deux éléments dans la phase dissoute des eaux.

Figure III.28. a, Moulin où est ajouté la chaux à une fraction du canal fournisseur d’eau à La Paz ; b, Détail du moulin ; c, Mélange des eaux avec la chaux dans la partie restante du canal.

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