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Thèse de Doctorat de l’Université Toulouse III – Matías M. Salvarredy Aranguren 177

IV.1

Introduction

Ce chapitre a pour but de quantifier l’impact de la contamination minière dans la région de Milluni, et notamment les stocks de métaux lourds dans les sédiments, ainsi que leurs transferts depuis la région de Milluni vers les régions alentours. Ces transferts de métaux lourds s’effectuent en particulier via l’eau, en phases soluble et en suspension, et peuvent affecter spécialement l’approvisionnement en eau de La Paz-El Alto, ainsi que l’alimentation en eau pour l’arrosage des régions agricoles (Anonyme, 2006a ; 2006b). En outre, le cours d’eau issu (rivière Milluni) du barrage de Milluni passe aussi à travers des secteurs de la banlieue d’El Alto (Fig. IV.1), et ses sédiment sont habituellement utilisés pour la construction. Il est donc fondamental de connaître les stocks et les flux sortants du Val de Milluni pour évaluer leur impact à l’échelle régionale.

Figure IV.1. Régions voisines de Milluni et activités potentiellement affectées par les transferts de la contamination minière de la région de Milluni.

Dans cette analyse, sont exclus les transferts par voie éolienne et le transport des sédiments de fond dans les cours d’eau sortant du barrage du lac Milluni Grande. Le transport de métaux lourds par le vent semble avoir été très important pendant la période des activités minières, au moins localement, selon les études réalisées dans la tourbière Milluni Grande Salida et secondairement dans la tourbière du Zongo (voir § V.II.III). Actuellement, le flux atmosphérique

semble être revenu à des niveaux normaux historiques à l’exception de certains éléments. Toutefois, ce flux reste difficile à évaluer, car l’explosion démographique d’El Alto a sans doute une importance significative dans la contamination atmosphérique actuelle de la région. En outre, les sédiments de fond des cours d’eau sortant du barrage de Milluni Grande sont certainement atténués d’une bonne proportion de sédiments contaminés qui sont retenus par le barrage. Ainsi, les eaux de surface sensu stricto constituent la source majeure de transfert des métaux hors du bassin de Milluni.

IV.2

Stocks en métaux lourds dans les déchets miniers et les

sédiments récents du Val de Milluni

Dans la section précédente les déchets et sédiments du Val de Milluni ont été identifiés comme source secondaire de la contamination, mais aussi comme lieu de stockage permanent et transitoire des métaux.

Pour avoir un aperçu de l’extension de la contamination, une première analyse pourrait consister en la réalisation d’une carte d’isoconcentration de métaux. La difficulté d’une telle approche est que l’activité minière dans le Val de Milluni a mélangé anarchiquement les déchets et les sédiments, c'est-à-dire qu’à quelques mètres de distance les concentrations peuvent varier fortement. Il n’y a donc pas de variation spatiale homogène, notamment dans le secteur proche de la mine (§ Tab. III.XIII). Ces variations brusques de concentrations entraîneraient des courbes d’isoconcentrations intermédiaires inexistantes sur le terrain. D’autre part, la présence de différents points d’exploitation secondaires (G3), qui n’engendrent pas de grands volumes des sédiments contaminés, complique aussi cette analyse. Enfin, la vallée présente des secteurs fortement minéralisés sans exploitation (V1), qui peuvent avoir un contenu en métaux élevé sans générer nécessairement des contaminations importantes.

Pour caractériser les stocks en métaux lourds dans les déchets miniers, une méthodologie habituelle consiste à utiliser les données compilées par la concession minière comme la taille des opérations minières, ainsi que les volumes ou tonnages d’extraction et les surfaces qu’occupent les résidus de la mine. Malheureusement, le site de Milluni ne comporte que très peu d’information publiée à ce sujet (Lehmann, 1978 ; Ríos, 1985). En outre, l’exploitation de la mine est arrêtée depuis 1987 (APA, 2007), ce qui a rendu impossible des entretiens avec le personnel pour obtenir des renseignements directs sur l’exploitation. De plus, comme il a été décrit précédemment, les déchets miniers ont été disposés anarchiquement sur le site ; il est donc probable qu’il y ait eu des registres d’exploitation, mais pas de gestion des résidus issus de l’exploitation. Le problème de l’accès à l’information pour évaluer l’impact environnemental des sites d’exploitation minière n’est pas exclusif à la Bolivie, mais est très répandu mondialement (Septoff, 2006).

Tous ces constats précédemment mentionnés nous ont poussé à essayer d’établir une méthode pour caractériser le stock en métaux lourds pour le Val de Milluni. Pour cela, une définition des secteurs des échantillons solides a été réalisée à l’aide de l’imaginerie satellitaire

Thèse de Doctorat de l’Université Toulouse III – Matías M. Salvarredy Aranguren 179 obtenue à partir de Google Earth et traité avec MapInfo (§ chap. II). Les surfaces occupées et leurs volumes en fonction des épaisseurs observées sur le terrain, ont pu être ainsi déterminés (Fig. IV.2 et IV.3). Les densités considérées ont été choisies en fonction de la nature des matériaux et notamment en fonction des densités observées dans les différentes carottes réalisées dans la région. La définition des superficies et des épaisseurs choisies ont été les plus fines possibles, permettant de localiser des secteurs de sédiments sableux à fins (pour plus de détail § II.5). Ainsi, il a pu être défini certains stocks en métaux qui peuvent une fois agrégés, permettre d’évaluer leur impact concret dans la vallée (Tab. IV.I, pour plus de détail voir § II.5.1). Ces stocks restent estimatifs, mais il est probable que ces calculs sous-estiment les stocks en métaux lourds dans la vallée, étant donné que le volume des déchets minéraux a été estimé, par une source officielle du gouvernement bolivien (Anonyme, 2003), être supérieur au million de m3 dont 25% sous forme de minerai.

Figure IV.2. Surface considérée pour le calcul des stocks en métaux dans les sédiments du lac Ventanani (V1). Ce lac présente une granulométrie fine uniquement dans le secteur souligné en jaune, les autres versants

sont affectés par des pentes très importantes avec très peu de sédimentation fine. La pente est aussi très marquée en profondeur, en effet ce petit lac (0.45 km2) atteint jusqu’à 27 mètres de profondeur.

Selon notre approche, les volumes produits par l’activité minière ont été estimés être trois fois plus faibles (225 000 m3, Tab. IV.I), et le dépôt de minerai frais représenterait 10.5% du volume estimé.

Toutefois, les estimations présentées dans le tableau IV.I semblent être dans l’ordre du tonnage qui a rempli le lac Milluni Chico. Comme il a été signalé dans les chapitres précédents II et III, le lac de Milluni Chico a été colmaté par l’activité minière en laissant deux petites laquettes

résiduelles. Malheureusement, nous n’avons pas d’information précise sur la taille de ce lac avant ce colmatage. Selon les observations de terrain ainsi que les images satellitaires, ce lac aurait pu avoir une surface d’environ 456 000 m2. Il est fort probable que ce lac ait été peu profond, probablement moins que le lac de Milluni Grande. Sa profondeur moyenne ne serait que d’environ 0.5 m. Ces données nous permettent d’estimer un volume hypothétique total de 228 000 m3 pour le lac Milluni Chico avant l’activité minière. Ce volume est du même ordre de grandeur, bien qu’équivalent au double du volume issu de la somme des volumes des secteurs « M » remplissant la surface du lac du Milluni Chico (Tab. IV.I, M10 à M8) qui selon notre estimation serait de 111 000 m3.

Figure IV.3. Images satellitaires obtenues avec Google Earth et surfaces sédimentaires issues de l’exploitation minière définies à l’aide de MapInfo. NB : J8, canal temporaire des drainages acides provenant de la mine ;

M10, déchets miniers frais ; M2, sédiments contaminés du lac Milluni Chico peu oxydés ; M6, déchets miniers très oxydés (pointillé en rouge) ; M9, déchets miniers oxydés avec des précipités par évapotranspiration ; M8, sédiments du Lac de Milluni Chico ; G8, sédiments du lac Milluni Grande.

Bien évidemment, la dispersion des déchets ne s’est pas arrêtée exclusivement au colmatage du lac Milluni Chico, le bassin en aval a aussi reçu des sédiments contaminés. Le lac de Milluni Grande a reçu au moins 114 000 m3 des sédiments contaminés. Ce volume de solide n’a réduit que de seulement 1.2% la puissance de ce grand réservoir liquide formé originellement de 9.9 millions de m3 (Ríos, 1985 ; Raffaillac, 2002). Des estimations antérieures donnent une réduction d’environ

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