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2.4.2 La période d’arrivée : L’adaptation de cultures

L’immigrant a fait un choix, il va se retrouver dans un nouveau pays, dans une nouvelle ville et prêt à commencer une nouvelle vie. Cet immigrant, une fois arrivé dans son pays d’accueil, va expérimenter un processus d’adaptation et de réinsertion à une nouvelle société.

Pour comprendre le processus d’adaptation, j’ai trouvé assez pertinent, d’abord, de comprendre la signification réelle du mot « adaptation » dans la langue française afin que, la compréhension du processus puisse être claire. En ce sens, le dictionnaire « Larousse » définit ce mot dans la biologie comme : « Changement survenu chez un individu animal ou végétal, à une lignée ou à une espèce, et qui augmente leurs chances de survie et de reproduction dans le milieu où ils vivent. »108. S’adapter pour

survivre ? Qu’est-ce que le mot « s’adapter » comprendre et quels sont les changements que l’individu doit expérimenter? Selon la définition, s’adapter, c’est « modifier la pensée, le comportement de quelqu’un pour le mettre en accord avec une situation nouvelle, ou modifier quelque chose pour l’approprier envers quelqu’un, la mettre en accord avec quelque chose»109. Autrement dit, l’immigrant arrivé dans le pays d’accueil va devoir

suivre un processus par lequel, il va devoir modifier ses comportements et ses pensées propres de sa culture, de sorte qu’il puisse se mettre en accord avec la nouvelle société.

Ce phénomène a représenté, pour les immigrants, un amorti préalable au grand choc migratoire vécu en France. A ce sujet, les Péruviens affirment avoir vécu des expériences d’adaptation et intégration difficiles à Lima, dû aux classes sociales ségrégatives :

«En France, on retrouve de l’exclusion mais la discrimination, je l’ai senti plus forte à Lima, les gens n’acceptent pas les immigrants. Les gens te regardent mal, la convivialité va dépendre de la classe sociale et dans la rue, tu peux entendre quelqu’un te crier « cholo »107 […] ».

(Kike, Immigrant depuis 1992)

« J’ai eu deux chocs dans ma vie. Le premier, quand j’avais 14 ans et que j’ai dû partir de ma ville et émigrer à Lima et le deuxième, quelques années plus tard, quand je suis arrivé en France. »

(Luz, Immigrant depuis 2002 )

108 Définition du mot “adaptation”

extrait dans le dictionnaire de la langue française: “Larousse” 109 Idem

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Dans son article « Culture d’entre-deux et adaptation psychique des migrants», Alain Moreau cherche à expliquer les différentes définitions de cette notion en s’appuyant sur de nombreux auteurs comme Carmen Camilleri et Toby Nathan. C. Camilleri, qui affirme que le processus d’adaptation est une notion encore vague, dans lequel les immigrés vont devoir se servir d’une « stratégie identitaire » : « […] En privilégiant l’idée que, la culture n’est pas une entité figée et surdéterminante, dont le migrant serait la créature soumis et impuissante. Bien au contraire, celui-ci apparait comme l’acteur de sa vie ; au sein d’une culture qui ne lui est pas familière, il va donc développer des stratégies lui permettant de résoudre les difficultés liées à sa personne et aux situations dans lesquelles il se trouve placé du fait de sa condition d’immigré »110. T. Nathan, en

donnant un autre avis sur le sujet, essaye d’expliquer cette notion par un point de vue psychologique. Pour lui, l’individu émigrant est susceptible de perdre l’enveloppe de lieux, de sons, d’odeurs, de sensations de toutes sortes qui constituent les premières empreintes sur lesquelles s’est établi le codage du fonctionnement psychique : « […] L’émigration consiste donc à modifier l’enveloppe tout en tachant de préserver l’identité du noyau. […] L’expérience montre que cette entreprise à laquelle se livre tout migrant est la plupart du temps vouée à l’échec. […] Immigrer, c’est reconstruire seul, en l’espace de quelques années ce que des générations ont lentement élaboré et transmis. Est-ce seulement possible ? Peut-on être son propre démiurge ? Peut-on exiger de la psyché une telle autonomie par rapport aux structures externes? » 111. Tant est si bien que le processus d’adaptation va obliger

l’immigrant à changer ses comportements et les caractéristiques propres à sa culture d’origine. A. Moreau réaffirme le fait que, pour l’immigrant devoir quitter son cadre culturel va devenir une expérience traumatisante. D’autre part, cet immigrant va être terrifié du fait de changer, de devoir s’adapter. Il aura une forte confrontation personnelle où il essayera de préserver sa culture et son identité dans un environnement étranger pour lui.

Est-ce que les immigrés sont prêts, pour survivre une confrontation de ce niveau ? Comment est-ce qu’ils vont arriver à trouver l’équilibre et à ne pas perdre leur culture ? Comment vont-ils arriver à s’adapter et pouvoir garder leur identité ?

110 MOREAU, Alain. « Culture de l’entre-

deux et adaptation psychique des migrants ». Immigration et intégration l’état des savoirs. Paris, 1999, pp.246

111 Idem

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112 MOREAU, Alain. « Culture de l’entre-

deux et adaptation psychique des migrants ». Immigration et intégration

l’état des savoirs. Paris, 1999, pp.246 « J’ai changé [...] Tu commences à gagner des choses et à perdre des autres. Tu

perdes ce qui tu étais, mais tu adoptes des aptitudes de l’autre société. »

(Luz, Immigrant depuis 2002 )

Pour les Péruviens, ce processus d’adaptation va être accompagné par des sentiments très divers. D’un côté, la sensation d’avoir quitté ton pays soulage car tu as laissé derrière tous les problèmes, soit pour des facteurs politiques, économiques ou sociales ; soit pour des raisons personnelles. De l’autre côté, le fait de savoir que tu as pris une décision et que tu te trouves prêt à recommencer une nouvelle vie, peut faire peur mais aussi te rendre enthousiaste. L’émerveillement va être la première sensation dans un pays très différent où le premier regard de la ville va te passionner :

« […] Je suis passé par trois étapes depuis mon arrivée en France. J’ai étais d’abord émerveillé d’être en France : la ville, la culture, tout, pour moi était merveilleux. Surtout après avoir laissé un pays en crise, un pays avec des problèmes. La deuxième étape, a été une fois que j’ai vu de plus près la culture et la société. Là, tout a commencé à perdre son charme, la vie commençait à me paraitre différente, la société n’était pas ce que j’imaginais. La troisième étape pour moi, a été la décision de reprendre ma culture dans un pays très différente et c’est là, où j’ai commencé à faire de la musique. Elle m’a permis d’intégrer mon pays dans cette société. »

(Kike, Immigrant depuis 1992 )

Lors de mes entretiens et en parlant avec les immigrants, j’ai pu m’identifier à eux. J’ai perçu ces trois étapes, que directement ou indirectement, ces Péruviens ont vécu (et moi, je m’inclus dans ce processus). La première étape, va être définie par l’enchantement, la deuxième va suivre avec le désespoir et la déception et la troisième va permettre de comprendre qu’il existe des différences et qu’il faut trouver l’équilibre. Cette troisième étape a pour but de produire un mélange des caractéristiques propres aux deux cultures, l’immigrant va reprendre les particularités les plus solides de sa culture d’origine et il va les adapter aux autres éléments de la culture du pays d’adoption. Par ce croisement des cultures où les éléments vont être transformés et remodelés, A. Moreau définit comme une culture de «l’entre deux » : « […] Lorsqu’une population est issus d’une culture d’origine donnée, ils se trouvent confrontés à la culture d’un pays d’installation, on constate qu’ils en élaborent une troisième, qui constitue précisément celle de l’entre deux. » 112