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Cadre conceptuel : le modèle « Do-Live-Well » ou « Vivez-Bien-Votre Vie »

Dans le document Une ergothérapie préventive (Page 24-27)

2 Problématique : cadre exploratoire et théorique

2.4 Cadre conceptuel : le modèle « Do-Live-Well » ou « Vivez-Bien-Votre Vie »

D’après Marie-Chantal Morel-Bracq, « un modèle conceptuel est une représentation mentale simplifiée d’un processus qui intègre la théorie, les idées philosophiques sous-jacentes, l’épistémologie et la pratique » (2017, p.2).

Le modèle canadien « Do-Live-Well » ou « Vivez-Bien-Votre Vie » semble pertinent pour théoriser cette recherche car il met en lumière les liens existants entre l’occupation (« ce que les gens font tous les jours »), la santé et le bien-être en s’appuyant sur des données probantes. Ce modèle de référence en ergothérapie préventive publié en 2015 a été conçu par des ergothérapeutes canadiennes. Il promeut l’équilibre occupationnel et l’engagement dans des activités signifiantes, points-clés de la présente étude, selon une approche individuelle et collective. Il élargit le discours actuel sur la promotion de la santé pour prendre en compte les résultats en matière de santé et de bien-être liés à l’engagement dans un large éventail d'activités physiques, mentales, sociales, cognitives et productives. Selon Moll, Gewurts, Krupa, Law, Larivière et Levasseur, ce cadre conceptuel est « conçu pour faciliter la réflexion individuelle, la défense d’intérêts communautaires et le dialogue à l’échelle du système sur l’impact des occupations quotidiennes sur la santé et le bien-être » (Moll et al., 2015, p.9).

Le modèle « Vivez-Bien-Votre Vie » explore différents concepts catégorisés ainsi : - Les dimensions de l’expérience

- L’utilisation du temps et de l’horaire de vie - Les facteurs personnels et sociaux

Tous ces éléments sont identifiés comme impactant la santé et le bien-être.

Figure 1 - Do Live Well - Description du modèle (Do Live Well, 2015)

Nous avons interrogé une ergothérapeute canadienne ayant contribué à élaborer ce modèle. Selon ses propos, en Amérique du Nord la planification de la retraite est particulièrement axée sur l’aspect financier « mais néglige le bouleversement occupationnel que cela génère ». Le modèle

« VBVV12 » lui parait approprié pour le passage à la retraite puisque « cette transition amène à se repositionner sur son horaire de vie », sur « ce qui donnera du sens, etc. » Elle n’a cependant pas connaissance d’utilisation concrète du modèle par des ergothérapeutes dans ce contexte actuellement.

Les différents concepts du modèle sont explicités ci-après.

2.4.1 Dimensions de l’expérience

La première dimension, Activer son corps, son esprit et ses sens se réfère aux activités qui stimulent les capacités physiques, intellectuelles et les cinq sens. « Selon les données probantes, l’engagement dans cette dimension améliore la forme physique, la force et la santé mentale et est associé à la réduction des risques de mort prématurée et de maladies » (Warburton, Charlesworth, Ivey, Nettlefold, & Bredin, 2010, cités par Moll et al., 2015, p.13). Il a été démontré que la participation à des activités stimulantes sur le plan cognitif, ainsi que l'engagement productif dans les activités sociales et de loisirs intellectuellement stimulants réduisent le risque de déclin cognitif à un âge avancé (Depp, Harmell, & Vahia, 2012; Valenzuela & Sachdev, 2009, Ibid.).

La deuxième dimension, Créer des liens avec les autres, implique de s’engager dans des activités favorisant des relations soutenantes et gratifiantes permettant de se sentir intégré socialement.

Les personnes socialement intégrées et bénéficiant d’un réseau social soutenant ont une meilleure santé mentale, un niveau de bien-être subjectif plus élevé et des taux de morbidité et de mortalité plus faibles (Holt- Lundstad, Smith, & Layton, 2010, Ibid.). L'appartenance, la connectivité et l'interdépendance favorisées par l'engagement occupationnel sont en corrélation positive avec le bien-être (Suh & Koo, 2008, Ibid.).

La troisième dimension, Contribuer à la communauté et à la société se réfère à toute action reliée à contribuer à la société ou la communauté, qu’elle soit réalisée contre rémunération ou non. Le bénévolat est lié à des taux de mortalité et de dépression plus faibles, à une plus grande capacité fonctionnelle et à une amélioration de la santé et du bien-être perçu des personnes âgées (Gottlieb & Gillespie, 2008 ; Grimm, Spring, & Dietz, 2007 ; Onyx & Warburton, 2003, Ibid.).

La quatrième dimension, Prendre soin de soi, implique de prendre soin de sa santé physique, émotionnelle et spirituelle en étant à l’écoute des motivations, valeurs et croyances qui nous importent. Prendre soin de soi par des activités telles que le yoga, la pleine conscience, la méditation et le temps passé dans la nature, peut avoir un impact positif important sur la santé

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mentale ou émotionnelle et la satisfaction de vivre (Keng, Smoski, & Robins, 2011 ; Köhn, Persson Lundholm, Bryngelsson, Anderzén-Carlsson, & Westerdahl, 2013, Ibid.).

La cinquième dimension, Construire sa prospérité, comprend les activités permettant une sécurité financière et sociale. S'engager dans des activités productives, significatives et rémunérées offre aux individus un moyen de parvenir à la sécurité économique et sociale et contribue à prévenir les effets néfastes de la pauvreté (McKee-Ryan, Song, Wanberg, & Kinicki, 2005, Ibid.). Certains retraités font par exemple le choix de reprendre une activité rémunérée pour compenser une pension de retraite ne leur permettant pas de subvenir à leurs besoins.

La sixième dimension, Développer et exprimer son identité personnelle, implique de développer ses intérêts, préférences, valeurs ainsi que ses forces personnelles. Les personnes s’engageant dans cette dimension ont une meilleure santé mentale et un taux inférieur de comportements à risque pour la santé.

La septième dimension, Développer ses capacités et son potentiel, implique de développer des compétences, des connaissances et des habiletés afin de d’actualiser son soi idéal. Le fait de développer sa croissance personnelle favorise l’auto-efficacité et une plus grande confiance en soi pour essayer de nouvelles activités et reprendre le contrôle de sa vie (Hammond, 2004, Ibid.).

La huitième et dernière dimension de l’expérience, Vivre du plaisir et de la joie, est reliée à la participation à des activités qui procurent un bien-être. Le fait de participer à des activités plaisantes, procurant du bonheur, augmente le niveau de satisfaction envers la vie, diminue la pression artérielle, procure la perception d’un meilleur fonctionnement physique et améliore la santé en général (Pressman et al., 2009, Ibid.).

2.4.2 Utilisation du temps et horaire de vie

Cinq éléments-clés en lien avec l’utilisation du temps et l’horaire de vie peuvent avoir des répercussions positives sur la santé et le bien-être sous condition de leur bon dosage. Chacun de ces éléments s’étend sur un continuum où chaque extrémité est liée à un risque potentiel pour la santé. Ainsi par exemple, en termes d’engagement, investir trop d'énergie émotionnelle peut conduire à des problèmes tels que la fatigue ou l'épuisement (Gallagher, 2013, Ibid., p.15).

Le premier élément est l’engagement et le deuxième élément est le sens personnel. Ces deux premiers éléments se réfèrent à l’engagement dans les activités signifiantes précédemment développé. Les adultes âgés qui créent un sens personnel malgré la perte de leurs rôles sociaux ont des taux plus élevés de résilience et de satisfaction à l’égard de leur vie (Krause & Shaw, 2003 ; Wong, 1989, Ibid.). Inversement, la perte de sens à l'âge adulte a été mise en lien avec une mauvaise santé mentale (Wong, 1989, Ibid.).

Le troisième élément relié à l’utilisation du temps et l’horaire de vie est l’équilibre, concept également détaillé plus en amont.

Le quatrième élément réunit le choix et le contrôle. Avoir un sentiment de contrôle sur l’utilisation de son temps et de son horaire de vie, en déterminant soi-même ses activités, est un élément-clé pour la santé et le bien-être. Des recherches ont démontré qu’avoir du choix et du contrôle sur ses activités favorise l’efficacité personnelle, l’estime de soi, la motivation et le pouvoir d’agir (Bandura, 1982, Ibid.). Cependant, le fait d’avoir trop de choix peut être un facteur de stress chez certaines personnes.

Enfin, le cinquième élément comprend les routines. Les routines sont des modèles de comportement ou d'emploi du temps réguliers, répétitifs et prévisibles, incluant les habitudes, les rituels et les rythmes de vie (Christiansen & Townsend, 2010, Ibid., p.16). Lors d’une transition de vie telle que la retraite, ces routines peuvent être perturbées. Idéalement, elles doivent être flexibles afin de s’adapter aux imprévus de la vie (Moll et al., 2015).

2.4.3 Facteurs personnels et sociaux

Les facteurs personnels comprennent les caractéristiques individuelles telles que l’âge, le sexe, le statut social, la culture et l’état de santé. Ces facteurs peuvent influencer ce qu’une personne veut faire, est capable de faire et ce qui est attendu d’elle. Aussi, une personne nouvellement retraitée dotée d’une personnalité persévérante s’engagera probablement plus facilement dans des activités signifiantes qu’une personne plus indolente. Cet engagement facilité impactera également de façon positive les dimensions de l’expérience ainsi que son horaire de vie et son utilisation du temps.

Les facteurs sociaux, englobent l’environnement physique, institutionnel et socioculturel d’une personne. Par exemple, les valeurs priorisées par une société peuvent grandement influencer les investissements politiques et les possibilités de participation à des activités qui en résulteront (Do Live Well, 2015).

Nous avons nourri notre recherche sur la retraite d’apports conceptuels ; explorons à présent le cadre socio-politique et les modalités de l’accompagnement de cette transition occupationnelle.

2.5 L’accompagnement de la transition vers la retraite

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