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I. L’HERITAGE DES ANCIENS 19

I.1. C NOMMER LE MELANGE ET L’HOMME-ANIMAL 43 

Pour étudier les différents lexiques liés à l’apparition, dans la péninsule Ibérique, de nouveaux phénotypes pendant l’esclavage moderne, il convient de se référer aux étymologies, qui se présentent comme un « discours vrai ». Evelyne Samama, spécialiste de la période classique gréco-romaine, fournit à ce sujet de précieuses informations, car l’histoire des mots révèle aussi la vision que les hommes de ces époques avaient de ceux qui faisaient l’objet de ces nominalisations.

Nommer ces différents mélanges chez les Anciens permet aussi de cerner leur approche de l’Autre, ce qui éclairera bien des aspects de ces taxinomies modernes, malgré les aspects arbitraires et subtils de l’application de ce langage.

D’après Evelyne Samama, la fabrication des termes dans plusieurs langues européennes pour rendre compte du « mélange » se fait à partir d’une racine indo-européenne restituée : meik, qui signifie « mêler ». De là dérivent les mots grec mignumi et latin misceo, ce dernier donnant à son tour naissance à des verbes actuels de certaines langues, tels que to mix (en anglais), mischen (en allemand) ou miscere (en latin).48

Les Grecs de l’époque classique emploieront ce verbe dans le sens très général de « mêler, unir, joindre » ; avoir des relations intimes avec quelqu'un. Le terme couvrira aussi l’action : mixis, en latin, au sens de « mélange » et d’une union. Son neutre migma, qui devrait désigner le résultat de cette action, signifiera chez Aristote « mélange », mais uniquement pour les choses, en faisant référence, comme à partir du IIe siècle de notre ère, à un remède composé de multiples ingrédients, à un mélange de couleurs ou de styles d’écriture. Il ne renverra jamais à une personne issue d’une union charnelle entre deux êtres humains.

A partir de l’adjectif verbal miktos, les Grecs ont fabriqué un terme dérivé, summeiktos, qui peut se traduire par « mélangé avec ». L’historien Thucydide l’utilisera dans le sens de « mélangé avec ; composé ; mêlé ensemble, confondu », lorsqu’il traite de la population de la cité d’Amphiolis, fondée par les Athéniens (436 A. J .C.). Cette ville était peuplée de gens venus de tous horizons (summiktoi). La famille de mots dérivés de meignumisert sert donc à nommer

      

48 SAMAMA, Evelyne, « Discours et Théories Officiels », In Histoire des métissages hors d’Europe, sous la dir.

des opérations diverses de mélange mais jamais à définir ce qui est devenu dans le monde moderne le métis.49

Chez les Romains, le radical mis (ou mix), que l’on retrouve dans le verbe miscere, a le même sens que dans le grec meik. Le terme sera prolifique puisqu’on le trouve « composé » dans les adjectifs miscellus ou miscellaneus, avec le sens de « mêlé, mélangé ». Il produira deux substantifs, mixtio et mixtura, qui désignent en latin à la fois le mélange et la mixture. L’historien Pline l’utilise une seule fois dans l’acception d’ « accouplement ».

De son participe passé employé en tant qu’adjectif : mixtus, pour désigner le résultat d’un mélange, les pères de l’Église tireront un dérivé, mixticius, que saint Jérôme (347-420) utilisera à quatre reprises pour traduire le grec summeiktos, de la Septante, quand il fait référence à la population mêlée de l’Égypte50 et de la ville de Ninive.51

L’usage de ces mots par les Grecs, et les Romains jusqu’à saint Jérôme, n’implique aucunement une signification proche de l’usage que l’on fait aujourd’hui du terme « métissage », car, pour ces deux peuples, un tel emploi n’avait pas le sens de « mélange de deux origines ». Pour les Athéniens, une telle idée aurait été mal vue, en raison de leurs principes d’autochtonie et de pureté de l’héritage ancestral.

Quant aux Romains, cette approche était tout simplement impensable aux plans biologique et anthropologique car, dans leur société, la femme n’était pas prise en considération dans la transmission du patrimoine et de la citoyenneté. Cette situation excluait toute vision fondée sur un apport équilibré du père et de la mère. L’enfant étant toujours le fils de son père, toute considération de métissage était impensable.52

Revenons à l’un des auteurs dont la pensée scholastique a eu le plus d’impact dans les domaines philosophique et anthropologique sur la manière de voir le monde et l’organisation du projet colonial dans le Nouveau Monde.

Saint Thomas d’Aquin, puisqu’il s’agit de lui, est né en 1225 dans le royaume de Naples. Ses idées ont eu une grande influence dès le début de l’expansion des Espagnols et des Portugais

      

49 SAMAMA, Evelyne, idem., p. 14.

50Commentariorum in Jeremiam Prophetam V, 25 ad vers. 19 (ed. Migne, 1845, tome 4, col. 837 et ed. CSEL, vol.

59, ed. S. Reiter, Leiptzig, 1913, p. 308) et aussi Commentariorum in Ezechielem IX, 30, Migne tome 5, col. 292) : Peribunt quoque in Aegypto Aethiopes, Lybies, et Lydi, sive juxta Septuagina, Persae, Cretense, et Lydi et Lybyes est Arabes, et omne reliquum vulgus, quos Hybridas atque mixticios Septuaginta transtulerunt ». In SAMAMA, Evelyne, ibid., p. 15.

51Commentarium in Naum, III, 70 (ed. Migne, 1884, tome 5, col. 1268), In SAMAMA, Evelyne, ibid., p. 15. 52SAMAMA, Evelyne, ibid., p. 16.

dans le monde, du XVe jusqu’au XVIIe siècle, ainsi que sur d’autres penseurs européens du siècle des Lumières au XVIIIe siècle.

D’Aquin inspirera une certaine vision de l’Autre marquée par la perception ambiguë qu’auront de l’homme africain et de l’Indien non pas uniquement les Portugais et les Espagnols, mais l’ensemble des Européens lorsqu’ils sont entrés en contact avec ces peuples à partir du XVe siècle. Les Ibériques se sont amplement inspirés des principes philosophiques des écrits de saint Thomas d’Aquin, enseignés aux élites dans les couvents et universités en Europe puis dans leurs colonies.

Dans la Summa contra Gentiles et la Summa Theologica, saint Thomas s’inscrit dans la lignée d’Albert le Grand. Il approfondit le concept de La Grande Chaîne de l’Être de ce théologien, qui considère qu’il y a dans la nature une hiérarchie au sein de laquelle les membres les plus hauts placés d’une espèce sont toujours proches, dans leurs formes, de ceux qui se trouvent dans l’échelon situé juste au-dessous.

Ces idées impliquent qu’il existe un type d’hommes si proche de la frontière de l’animalité qu’il est difficile pour les autres êtres humains de les considérer comme faisant partie du même genre et de la même espèce qu’eux. Cette vision du monde inspirée par Platon et Aristote, et reformulée par le néoplatonicien Albert le Grand, qui considérait que l’univers était organisé sous la forme d’une « Grande Chaîne de l’Être », animé par les principes de plénitude, de continuité et de graduation entre les êtres.

Le recyclage de ses idées dans ces différentes périodes a permis à des colonisateurs et penseurs d’imaginer que des peuples comme les Pygmées, les Khoi-San (Hottentots) et les Indiens d’Amérique étaient « dépourvus d’âme » et qu’ils descendaient d’une autre espèce issue d’Adam. Ils les considéraient comme des similitudinis hominis, pas vraiment des hommes comme les Européens.

Dans son ouvrage « The Great Chain of Being », publié en 1936, le philosophe Arthur Lovejoy a analysé la pensée philosophique de saint Thomas d’Aquin dans tous ses aspects. Il s’est attaché à dégager les répercussions des conceptions du penseur sur les idées des philosophes modernes et les débuts de la pratique anthropologique en Occident.

Certains savants gardaient l’espoir que la science du XVIIIe siècle permettrait d’établir un « rapprochement » entre l’homme et le singe. Comme l’a bien montré un historien de l’anthropologie du XVIIIe siècle, le premier pas dans cette direction impliquait que :

« the missing link was sought at the lower limits of humanity itself. It was held to be not impossible that among the more remote peoples semi-human beings might be found such

as had now and then described in traveller’s narratives. Some voyageurs testified to having seen with their own eyes men with tails; others had encountered tribes incapable of speech. (…)”53.

L’intérêt pour la quête d’un lien entre l’homme et les anthropoïdes a persisté de façon tenace, attirant l’intérêt des philosophes et des écrivains pour les nombreuses descriptions des Hottentots écrites par des voyageurs à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle. A l’époque, ils étaient considérés comme « the lowest savage races thus far known ».

Plus d’un écrivain voyait alors en eux « a connecting link between the anthropoids and homo sapiens ». Tels les essayistes anglais, Blackmore and Hughes, qui écrivirent ainsi, en 1713: « how « surprising and delightful it is » to trace « the scale of gradual ascent from minerals to man ». Et d’ajouter :

’Tis easy to distinguish these Kinds, till you come to the highest one, and the lowest of that next above it; and then the Difference is so nice, that the Limits and Boundaries of their Species seem left unsettled by Nature to perplex curious, and to humble the proud Philosopher. … The Ape or the Monkey that bears the greatest Similitude to Man, is the next Order of Animals below him. Nor is the Disagreement between the basest Individuals of our species and the Ape or Monkey so great, but that, were the latter endow’d with the Faculty of Speech, they might perhaps as justly claim the Rank and Dignity of the human Race, as the savage Hottentot, or stupid native of Nova Zembla…. The most perfect of this Order of Beings, the Orang-Outang, as he is called by natives of Angola, that is the Wild man, or the Man of the Woods, has the Honour of Bearing the greatest Resemblance to Human Nature. Tho’ all that Species have some Agreement with us is our Features, many instances being found of Men of Monkey Faces; yet this has the greatest Likeness, not only in his Countenance, but in the Structure of the Body, his Ability to walk upright, as well as on all fours, his Organs of Speech, his ready Apprehension, and his gentle and tender Passions, which are not found in any of the Ape Kind, and in various other respects.54

      

53 N15, GUNTER, H., Die Wissenschaft vom Menschen im achtzenhnten Jahrhundert, 30. In LOVEJOY, Arthur,

The Great Chain of Being. Harvard University Press, Harvard, 1938, p. 234.

54 N17, The Lay Monastery, by Blackmore and Hughes (2d ed. Of The Lay Monkey) (1714), 28. Cf. the remarks

of Sir John Ovington, Voyage to Surat (1696), cited by R. W. Frantz in Modern Philology (1931), 55-57: the Hottentots are “the very Reverse of Human kind, … so that if there’s any medium between a Rational Animal and the Beast, the Hottentot lays the fairest claim to that species.” Sir William Petty had still earlier remarked, in treating of the “Scale of Creatures,” that “of man itself there seems to be several species,” and refers to the “Negros who live about the Cape of Good Hope as he most beastlike of all Sorts of Men with whom our travelers are well acquainted” (The Petty Papers, 1927, II, 31). Soame Jenyns in the middle of the century also cites, among the evidences of the continuity of the chain of beings, the way in which the attribute of reason “in the dog, the monkey and the chipanzè unites so closely with the lowest degree of that quality of man” – exemplified here also by “the brutal Hottentot” – “that they cannot easily be distinguished one from the another.” In LOVEJOY, Arthur, idem.,p. 234-5.

L’assimilation des Hottentots et des Noirs à des « similitudinis hominis » les situe à l’opposé de l’homme. Ils seraient les représentants du « chaînon manquant » entre l’« Animal raisonnable et la Bête ». Selon ces penseurs, il y aurait dans l’Échelle de la Création diverses espèces d’hommes, ceux du Cap de Bonne-Espérance étant, parmi tous ceux que les voyageurs avaient pu rencontrer, les plus proches de la Bête.

Dans son livre Le fromage et les vers – L’univers d’un meunier du XVIe siècle, l’historien Carlo Ginzburg soulève des questions de microhistoire importantes pour notre réflexion. Elles nous aident en effet à nous transposer un siècle plus tard dans la mentalité des gens impliqués dans les événements qui se sont déroulés en Angola au XVIIe siècle.

Ainsi, le chroniqueur portugais Cadornega assure avoir « vu de ses propres yeux » des gens ressemblant à des singes, qui communiquaient au moyen de signes et dont le langage se résumait à des clicks. En outre, l’analyse que fait Carlo Ginzburg du procès du meunier Menocchio pendant l’Inquisition éclaire un phénomène semblable qui s’est produit un siècle plus tard, vers 1764. Le père jésuite João Daniel, missionnaire en Amazonie brésilienne, rapporte que des Indiens lui ont raconté l’histoire de gens qui, en mimant des singes, voulaient éviter d’avoir à travailler pour les Portugais comme les Indiens, obligés de ramer sur les pirogues des conquérants.

Ces comportements étranges et les relations très codifiées qui ont eu cours tant en Afrique qu’au Brésil, à l’intervalle d’un siècle, manifestent, de la part des esclaves noirs, un processus d’identification collectif qui les rapprocherait des Khoi-San d’Angola. Une identification fondée sur de probables relations communautaires ethniques qui, au fil du temps, structurent les fondements d’une appartenance raciale. Voici ce qu’explique Weber à ce propos.

L’« appartenance raciale », c’est-à-direla possession de dispositions semblables, héritées et transmissibles par l’hérédité, réellement fondée sur la communauté d’origine, constitue une source bien plus problématique de l’activité communautaire que les faits exposés ici [chapitre IV]. Naturellement, elle ne conduit à une « communauté » que si elle est ressentie subjectivement comme une caractéristique commune ; ceci ne se produit que si un voisinage local ou une association de gens de races différentes sont liés à une façon d’agir commune (politique, le plus souvent) ou, inversement, si les destins, quels qu’ils soient, communs à des individus de même race s’allient à une opposition quelconque entre des individus de même race. L’activité communautaire qui en résulte est, d’ordinaire, purement négative : elle s’exprime par la ségrégation et le mépris ou, au contraire, elle se manifeste par la crainte superstitieuse de ceux qui, d’une manière frappante, sont d’une autre espèce. L’individu d’après son habitus extérieur peut « faire » et être ce qu’il veut, il est de toute façon méprisé en tant que tel ou, vice versa, il est adoré superstitieusement là où il reste constamment en état de supériorité.

Toutefois, la répulsion est l’attitude primaire et normale. Mais premièrement cette sorte de « répulsion » envers les individus différents n’est pas particulière aux porteurs d’éléments anthropologiques communs, sa mesure n’est aucunement déterminée par le degré de parenté anthropologique, et surtout, deuxièmement, cette répulsion ne se rattache aucunement aux seules différences héréditaires, mais tout autant à d’autres différences apparentes de l’habitus extérieur. (…).55

Or l’expérience de ce lot d’esclaves qui avait été refusé par les marchands leur enseignait que les Portugais les percevaient d’une autre manière. D’où la terminologie usitée par Cadornega, qui ne leur accorde pas un nom ethnique ou métaethnique puisqu’il ne les appréhende que par l’absence d’un langage articulé ; ces gens communiquent par des clicks et des gestes, et montrent un visage tout à fait simiesque.

Du reste, certains noms aujourd’hui encore attribués à ces populations sont péjorativement connotés, tels « Hottentot » (origine hollandaise), ou « Bushmen » (anglaise). Ce dernier terme n’est d’ailleurs que la traduction par des essayistes anglais, quelques décennies plus tard, de celui employé en 1664 dans le récit du chroniqueur portugais.

Les essayistes évoquent des ressemblances entre les singes et les hommes africains, ce qui prouverait l’existence de la « Grande Chaîne de l’Être ». Sur une échelle humaine comparative allant de l’homme à l’animal, c’est le Hottentot qui représente le plus bas niveau, le plus proche du singe. Les essayistes anglais affirment aussi que ce que les Angolais appellent orang-outang (homme de la forêt) est celui qui a le privilège de ressembler le plus à l’homme, puisqu’il partage avec lui les organes de la parole, la marche, la station debout, et peut en plus marcher à quatre pattes contrairement aux autres types de singes.

Selon toute vraisemblance, ces populations avaient « intégré » des idées étrangères à leurs groupes, imposées de l’extérieur par les soldats et marchands portugais ou autres. D’autres noms de peuples forgés par une culture étrangère sont eux aussi péjorativement connotés. Par exemple, le nom « Nagôs », l’un des termes définissant les Yoruba, est d’origine Fon et signifie : « pouilleux ». Ces peuples l’ont débarrassé de son contenu négatif et l’ont intégré à leur identité ethnique au Dahomey.

De même, les Khoi-San ont sans doute intégré la vision étrangère qui les assimilait aux singes pour élaborer une stratégie d’auto-défense. L’esclave ayant été défini par Aristote comme « un instrument doté de voix », c’est le non-usage (simulé) de la parole qui a évité au lot de Khoi-San d’être acheté par les marchands d’esclaves.

      

Ginzburg rappelle que l’on reprochait autrefois aux historiens de ne s’attacher qu’à « la geste des rois ». Aujourd’hui, ils se tournent vers ceux qui ont bâti Thèbes ; si les sources ne nous disent rien à leur sujet, les interrogations restent légitimes et font sens. Hélas, la rareté des témoignages sur les comportements par le passé de ces « populations subalternes », « analphabètes » ou sans écriture constitue le principal obstacle pour la reconstitution de leur histoire.

Toutefois, il existe d’autres façons – indirectes – de recomposer l’environnement, le cadre social et la vie d’un individu. Ginzburg s’est employé à le fairedans son analyse du procès intenté au meunier du Frioul : Domenico Scandella, dit Menocchio, qui jeté au bûcher sur l’ordre du Saint Office. L’analyse des dossiers des deux procès qui lui ont été faits ont permis de restituer à cet homme qui avait mené une vie simple ses pensées et ses sentiments.

D’autres documents ont fourni des renseignements sur ses activités économiques, sur la vie de ses enfants, ses lectures et ses écrits. Avec le peu de matériau que Ginzburg a recueilli sur Menocchio, il a pu reconstruire un fragment de ce qu’on appelle la « culture des classes subalternes » ou « culture populaire ».

Ginzburg souligne que c’est grâce à l’anthropologie culturelle, avec le concept de « culture primitive », que le mot « culture » - pour définir le complexe d’attitudes, de croyances, de codes de comportements des classes subalternes - a été admis par les chercheurs. Auparavant, ces populations étaient considérées comme « les couches inférieures des peuples civilisés ».

« Cette conception a évolué avec le changement du paradigme qui percevait le folklore comme un simple « recueil de curiosités », mais également les conceptions qui ne voyaient dans les idées des classes subalternes, leurs croyances et leurs visions du monde, qu’un amas inorganique d’idées, de croyances et de visions du monde élaborées par les classes dominantes, peut-être plusieurs siècles auparavant ».56

Dès lors, un dialogue a pu s’ouvrir sur le rapport entre la culture des classes subalternes et celle des élites, pour déterminer dans quelle mesure la première était subordonnée à la seconde. La culture subalterne n’exprime-t-elle pas, au contraire, des contenus d’une autre nature ? Et ne pourrait-il y avoir une « circulation » entre les deux niveaux de cultures ?57

      

56GINZBURG, Carlo, Le fromage et les vers – l’univers d’un meunier du XVIe siècle, Flammarion, Paris, 1980, p.

7.

Pour l’étude de la culture populaire des classes subalterne, l’un des écueils tient à ce qu’elle est surtout de nature orale. Lorsque historiens et anthropologues traitent des cultures