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C.1 La différenciation des neuroblastes en neurones

II.C.1.a La différenciation morphologique

Les néo-neurones formés à l’âge adulte sont quasi exclusivement des interneurones GA-BAergiques, en majorité des cellules en grain (plus de 90% des néo-neurones), et dans une moindre proportion des cellules périglomérulaires. Néanmoins, plusieurs études ont mis en évidence la formation à l’âge adulte d’autres populations neuronales. Des interneurones de la couche plexiforme externe, comme des cellules à axone court superficielles ou des cellules multipolaires, peuvent ainsi être générés [Yan et al. (2008)]. De manière intéres-sante, la formation de néo-neurones adultes glutamatergiques, appartenant à la catégorie des cellules à axone court, a également pu être observée [Brill et al. (2009)]. La formation de ces différents types de neurones à l’âge adulte reste néanmoins minoritaire. Nous nous intéresserons ici principalement à la maturation et à la différenciation des cellules en grain, qui constituent l’objet principal de cette thèse.

La maturation morphologique des cellules en grain se divise en cinq grandes étapes [Fi-gure II.5] [Petreanu, Alvarez-Buylla (2002); Lledo, Lagier (2006)]. Les cellules au stade I sont des neuroblastes non différenciés, et ont entre 2 et 7 jours : ils sont situés dans

l’extension bulbaire du courant de migration rostral, et leur morphologie est semblable à celle des neuroblastes migrant tangentiellement. Au stade 2, lorsque les cellules ont entre 7 et 9 jours, elles migrent radialement dans le bulbe et leurs extensions cytoplasmiques commencent à s’allonger : le prolongement apical se ramifie progressivement, et le cône de croissance rétrécit. Au stade III, les cellules, qui ont alors entre 9 et 11 jours, arrêtent leur migration et atteignent leur position définitive dans la couche des cellules en grain. Les dendrites basales commencent à apparaître, et l’arbre dendritique apical se développe et s’étend vers les couches plus superficielles. Entre le 11e et le 15e jour après leur naissance, les cellules passent au stade IV : le développement de l’arbre dendritique se poursuit, et les ramifications s’étendent jusqu’à la couche plexiforme externe. Des connexions sy-naptiques commencent alors à se former, mais les cellules ne possèdent à ce stade que très peu d’épines dendritiques. Enfin au stade V, lorsque les cellules ont entre 15 et 30 jours, les épines dendritiques se développent en grande quantité, et les cellules en grain sont alors complètement développées et différenciées. L’arborisation dendritique continue à se développer encore pendant plusieurs mois durant lesquels le nombre et la longueur des ramifications augmente. La séquence de maturation des cellules périglomérulaires est assez similaire, bien qu’un peu plus longue [Lledo, Lagier (2006)].

Figure II.5 – Stades de maturation des cellules en grain formées à l’âge adulte.

Les classes (1) à (5) correspondent aux différents stades de développement de cellules en grain. L’intégration synaptique des néo-neurones est un processus rapide : ils reçoivent des afférences excitatrices et inhibitrices dès leur arrivée dans le bulbe. Les synapses efférentes sont quant à elles produites plus tardivement, environ deux semaines après la naissance des neurones. La maturation des contacts synaptiques continue ensuite pendant plusieurs mois. RMS : courant de migration rostral ; GCL : couche des cellules en grain ; MCL : couche des cellules mitrales : EPL : couche plexiforme externe. Adapté d’après [Nissant, Pallotto (2011)].

II.C.1.b La différenciation physiologique et synaptique

Au cours de leur migration puis de leur intégration dans le réseau, les néo-neurones subissent également une différenciation physiologique et synaptique. Les neuroblastes qui migrent tangentiellement dans le courant de migration rostral expriment déjà des récep-teurs au GABA, ainsi que des réceprécep-teurs AMPA [Carleton et al. (2003); Bolteus, Bordey (2004)]. L’expression des récepteurs NMDA serait quant à elle plus tardive, et aurait lieu au début de la migration radiale [Carleton et al. (2003)]. Ce dernier point est cependant discuté, puisque l’expression de récepteurs NMDA fonctionnels a également été observée chez des neuroblastes en cours de migration, et ceci avant leur entrée dans le bulbe [Platel et al. (2010)]. Ces récepteurs seraient d’ailleurs essentiels pour la survie des neuroblastes. Une fois parvenues dans le bulbe olfactif, les cellules en grain commencent à dévelop-per des synapses à la fois afférentes et efférentes : celles-ci apparaissent précocement et séquentiellement au niveau des différents domaines dendritiques [Carleton et al. (2003); Whitman, Greer (2007); Kelsch et al. (2008); Panzanelli et al. (2009); Lepousez et al. (2015)] [Figure II.6]. Les premières synapses sont afférentes, et commencent à être for-mées peu de temps après l’arrivée des cellules dans le bulbe olfactif. Les cellules en grain reçoivent en premier lieu des afférences axo-dendritiques, au niveau de leur soma et de leurs dendrites proximales. Elles sont d’abord connectées par des neurones GABAergiques, principalement des cellules à axone court, puis par des neurones glutamatergiques, en par-ticulier par les fibres centrifuges et les collatérales d’axones des cellules principales [Whit-man, Greer (2007); Kelsch et al. (2008); Deshpande et al. (2013)]. Après environ deux semaines, les synapses dendrodendritiques réciproques avec les cellules de projection se forment sur les dendrites apicales des cellules en grain ; on observe également la formation de synapses additionnelles au niveau des dendrites basales. De nouvelles synapses seront ensuite formées en grande quantité jusqu’à la fin du premier mois : la densité d’épines dendritiques atteint alors son maximum, et décroit ensuite progressivement [Whitman, Greer (2007); Pallotto et al. (2012); Sailor et al. (2016)]. La séquence de maturation des cellules en grain formées à l’âge adulte est différente de celle observée durant le dévelop-pement néonatal : en effet, chez les nouveaux-nés, les synapses réciproques apparaissent en même temps que les synapses entrantes [Kelsch et al. (2008)].

Une activité électrique spontanée apparait rapidement après l’arrivée des futurs neu-rones dans le réseau bulbaire. Néanmoins, ils n’acquièrent la capacité de générer des potentiels d’action que beaucoup plus tard, vers la fin de la maturation [Carleton et al. (2003)]. En effet, les canaux sodiques dépendants du voltage apparaissent lentement et tardivement sur les membranes des cellules en grain ; la stimulation de ces cellules entre les stades de maturation I à IV n’entrainent donc pas de réponse électrique. Peu de temps après avoir acquis la capacité de générer des potentiels d’action, des synapses efférentes fonctionnelles commencent à être mises en place, même si la plupart d’entre elles ne

sont formées qu’environ un mois plus tard [Bardy et al. (2010)]. Les cellules en grain néoformées reçoivent donc leurs entrées synaptiques bien avant de pouvoir envoyer des informations efférentes vers leurs cibles. Cette excitabilité différée constitue une propriété unique des neurones formés à l’âge adulte, et permettrait de contrôler leur intégration. En effet, les néo-neurones doivent s’intégrer dans un réseau préexistant, et l’établissement de contacts aberrants pourrait perturber le fonctionnement du bulbe olfactif. La formation des synapses appropriées avant l’activation neuronale permet d’éviter ce problème : les néo-neurones « écoutent » avant de « parler ».

De manière intéressante, la maturation physiologique et synaptique des cellules pé-riglomérulaires est assez différente de celle des cellules en grain. Les canaux sodiques apparaissent beaucoup plus tôt sur la membrane des cellules périglomérulaires, et celles-ci peuvent donc émettre des potentiels d’action avant la formation de synapses fonction-nelles : dans ce cas, les néo-neurones « parlent » avant « d’écouter » [Belluzzi et al. (2003)]. Ces différences fonctionnelles pourraient être le résultat de différences intrinsèques entre les deux populations neuronales, et/ou de différences extrinsèques liées aux microcircuits distincts où s’intègrent les deux populations.

Figure II.6 – Les différents domaines dendritiques des cellules en grain

Les connexions synaptiques entre les cellules en grain nouvellement générées et les différents types cellulaires sont formées dans des domaines dendritiques précis. Adapté d’après [Lepousez et al. (2015)].