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A.2 Une neurogenèse adulte dans des régions spécifiques

neuro-genèse chez d’autres espèces, en particulier l’humain, sera abordée dans la discussion. La neurogenèse adulte a lieu dans des zones bien précises du cerveau adulte, que l’on appelle niches neurogéniques. Chez les rongeurs, les deux niches neurogéniques principales sont d’une part le gyrus denté de l’hippocampe, et d’autre part la zone sous-ventriculaire, à l’origine des nouveaux neurones du bulbe olfactif. Néanmoins, une neurogenèse adulte existe dans d’autres zones que celles classiquement établies [Feliciano et al. (2015)]. On retrouve dans ces niches neurogéniques des cellules souches neurales, ainsi que différents autres types de cellules, qui créent un microenvironnement adapté au maintien des cellules souches neurales dans un état quiescent et non différencié [Morrison, Spradling (2008)].

II.A.2.a Les régions neurogéniques principales

Le gyrus denté de l’hippocampe est la première région neurogénique à avoir été mise en évidence [Altman (1963); Altman, Das (1965)], et probablement la structure la plus étudiée à ce jour en ce qui concerne la neurogenèse adulte. Chez les rongeurs, près de 9000 nouveaux neurones sont produits chaque jour dans cette région [Cameron, Mckay (2001)]. Les cellules souches neurales sont situées à la base de la zone granulaire du gyrus denté,

dans la zone sous-granulaire [Figure II.1]. Ces cellules souches neurales de type 1 sont des cellules astrocytaires [Seri et al. (2001)]. Une fois activées, elles donnent naissance à des progéniteurs neuronaux de type 2, des cellules transitoires à division rapide qui se multiplient rapidement [Alvarez-Buylla, Lim (2004); Varela-Nallar, Inestrosa (2013)]. Ces progéniteurs neuraux génèrent ensuite des cellules de type 3, qui correspondent aux neuroblastes. Les cellules de type 1 et 2 sont capables de se diviser asymétriquement : à chaque division sont ainsi formées une cellule du même type et une cellule du type sui-vant. Une fois formés, les neuroblastes migrent le long de prolongements astrocytaires, et se différencient pour donner naissance un type spécifique de neurones glutamatergiques, les cellules en grain du gyrus denté.

Figure II.1 – La production de nouveaux neurones adultes dans le gyrus denté

La neurogenèse adulte dans le gyrus denté de l’hippocampe comprend cinq stades de dévelop-pement. Le stade 1 correspond à la prolifération : les cellules souches (en bleu) sont localisées dans la zone sous-granulaire et donnent naissance à des cellules transitoires à division rapide ou « transient amplifying cells », qui donnent elles-mêmes naissance à des neuroblastes (en bleu clair). Le stade 2 correspond à la différenciation des cellules en neurones immatures (en vert). Le stade 3 correspond à la migration des neurones immatures dans la couche des cellules granulaires (en vert clair). Le stade 4 correspond au développement des axones et des dendrites : les neurones immatures (en orange) étendent leurs projections axonales le long de la voie des fibres moussues jusqu’à la couche des cellules pyramidales de la région CA3. Leurs dendrites se développent dans la direction opposée, à travers la couche moléculaire. Enfin, le stade 5 cor-respond à l’intégration synaptique : les cellules granulaires nouvellement formées reçoivent des afférences du cortex entorhinal, et envoie des efférences vers le hilus et la région CA3. DG : gy-rus denté ; ML : couche moléculaire ; GL : couche granulaire. Adapté d’après [Ming, Song (2005)].

Une fois parvenues à destination, les cellules en grain projettent leurs axones le long de la voie des fibres moussues, jusqu’à la couche des cellules pyramidales de la région 3 de la corne d’Ammon, ou CA3, ainsi que vers le hilus [Hastings, Gould (1999); Mar-kakis, Gage (1999)]. Elles étendent leurs dendrites dans la direction opposée, à travers la couche moléculaire, et développent au cours des jours suivants de nombreuses épines dendritiques. Au cours de la différenciation des neurones, une séquence particulière de formation des synapses est mise en place [Espósito et al. (2005); Tozuka et al. (2005); Zhao et al. (2006)]. A la fin de leur maturation, les nouveaux neurones formés sont phy-siologiquement et morphologiquement identiques aux cellules en grain préexistantes, et sont fonctionnellement intégrés dans le réseau hippocampique [Van Praag et al. (2002); Ming, Song (2005); Laplagne et al. (2006); Toni et al. (2007, 2008)].

Le bulbe olfactif est la deuxième grande région neurogénique à avoir été mise en évidence [Altman, Das (1969); Altman (1966)]. Dans cette région, plusieurs milliers de nouveaux neurones sont produits chaque jour [Kaplan et al. (1985)]. Tous les neurones du bulbe olfactif ne sont pas renouvelés à l’âge adulte : cette neurogenèse tardive concerne quasi exclusivement des interneurones GABAergiques, principalement les cellules en grain, et dans une moindre mesure les cellules périglomérulaires. Ces neurones sont produits à partir de cellules souches neurales présentes dans la zone sous-ventriculaire, sous les ven-tricules latéraux. Les neuroblastes formés migrent ensuite le long du courant de migration rostral pour venir s’insérer dans le réseau préexistant du bulbe olfactif. Étant l’objet prin-cipal de cette thèse, les mécanismes de la neurogenèse adulte dans le bulbe olfactif seront développés plus en détail dans les parties suivantes.

II.A.2.b Les régions neurogéniques non canoniques

Le gyrus denté de l’hippocampe et le bulbe olfactif constituent les principales régions où la neurogenèse est constitutive. Néanmoins, des études ont montré que de nombreuses autres zones neurogéniques pourraient exister dans le cerveau adulte des mammifères [Figure II.2] [Gould (2007); Feliciano et al. (2015)].

L’une des zones neurogéniques aujourd’hui assez reconnue est l’hypothalamus ; cette région contient plusieurs noyaux distincts, et jouerait le rôle de régulateur homéostatique dans de nombreuses fonctions physiologiques [Cheng (2013)]. La première mention de cellules prolifératives dans l’hypothalamus date du début des années 2000 [Evans et al. (2002)]. La niche neurogénique de ces néo-neurones est située au niveau de la paroi du 3ème ventricule [Xu et al. (2005)]. De là, les néo-neurones migrent dans le parenchyme de l’hypothalamus, où ils s’intègrent dans le réseau neuronal et forment des synapses. D’autres études ont ensuite mis en évidence l’existence de nouveaux neurones dans l’hy-pothalamus ; le nombre de néo-neurones formés est cependant beaucoup plus faible que dans le gyrus denté de l’hippocampe et le bulbe olfactif [Feliciano et al. (2015)].

D’autres zones neurogéniques ont également été proposées, telles que le néocortex, le striatum, l’amygdale, la substance noire, le tronc cérébral, le tubercule olfactif ou le cortex piriforme [Gould (2007)]. Néanmoins, pour toutes ces zones, des résultats contradictoires existent. Si certaines équipes ont mis en évidence la production de nouveaux neurones dans ces régions via l’incorporation de thymidine tritiée ou de BrdU, d’autres n’ont pas réussi à reproduire ces résultats, ou alors uniquement dans des conditions de lésions cérébrales ou suite à des injections de facteurs de croissance. L’existence d’une neurogenèse constitutive dans ces zones est donc toujours sujet à débat ; si elle existe, elle est néanmoins d’un niveau beaucoup plus faible que dans les régions neurogéniques classiquement établies.

Figure II.2 – Les potentielles zones neurogéniques au cours du XXe siècle

Avant les années 1990 (en haut à gauche), toutes les régions étaient considérées comme non-neurogéniques (en gris). Dans les années 1990 (en bas à gauche), seuls le gyrus denté de l’hip-pocampe et le bulbe olfactif étaient considérées comme des zones neurogéniques (en rouge). Aujourd’hui (à droite), d’autres zones sont suspectées comme étant neurogéniques (en rose). Adapté d’après [Gould (2007)].