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B.3 La migration des neuroblastes jusqu’au bulbe olfactif

en-suite jusqu’au bulbe olfactif sur une assez longue distance, autour de 5 mm chez la souris [Lois, Alvarez-Buylla (1994)]. Cette migration se divise en deux processus distincts : les neuroblastes migrent d’abord de manière tangentielle (parallèle à la surface cérébrale) dans le courant de migration rostral [Lois et al. (1996)]. Une fois parvenus à destination, ils migrent ensuite de manière radiale (perpendiculaire à la surface cérébrale) au sein du bulbe olfactif pour atteindre leurs couches cibles [Luskin (1993)].

II.B.3.a La migration tangentielle

Chez la souris, près de 30000 neuroblastes migrent chaque jour via le courant de mi-gration rostral [Lois, Alvarez-Buylla (1994); Alvarez-Buylla et al. (2001)]. Cette structure s’étend de la zone sous-ventriculaire au bulbe olfactif et passe à proximité de nombreuses régions : sa partie postérieure est située entre le corps calleux et le striatum, sa partie intermédiaire ventrale entre le néocortex et le nucleus accumbens, et sa partie antérieure traverse l’AON [Lois et al. (1996)]. Les neuroblastes en migration ont une morphologie caractéristique bipolaire : leur soma est allongé, ils possèdent une longue extension anté-rieure portant un cône de croissance, et parfois une petite extension postéanté-rieure [Lois et al. (1996)]. Ils migrent à une vitesse pouvant aller 30 à 80 µm/heure [Lois, Alvarez-Buylla (1994); Bolteus, Bordey (2004); Davenne et al. (2005)] : il leur faut donc entre 2 et 7 jours pour parcourir la distance de 5 mm qui les séparent du bulbe [Petreanu, Alvarez-Buylla (2002)]. Cependant, cette migration tangentielle n’est pas un phénomène constant : cer-tains neuroblastes peuvent aussi entrer en phase stationnaire, ou adopter ponctuellement un comportement exploratoire local [Nam et al. (2007)].

Dans le courant de migration rostral, les neuroblastes migrent en longues chaines continues : la partie postérieure de chaque cellule est accolée à la partie antérieure de la cellule suivante. Le courant de migration rostral serait ainsi constitué de 30 à 40 chaines continues de neuroblastes [Rousselot et al. (1995)]. Ces chaines sont entourées de cellules astrocytaires de type B, qui forment une structure tubulaire permettant de séparer les chaines de neuroblastes des tissus environnants [Alvarez-Buylla (1997); Peretto et al. (1999)]. Ce sont les neuroblastes eux-mêmes qui régulent la formation de cette gaine d’astrocytes [Kaneko et al. (2010)]. Des résultats variables ont été observés quant au rôle de cette gaine dans la migration des neuroblastes. En effet, certaines études ont mis en évidence que les neuroblastes pouvaient migrer même en l’absence des cellules gliales [Wichterle et al. (1997); Lim, Alvarez-Buylla (1999)]. Néanmoins, selon d’autres études, les astrocytes seraient importants pour l’initiation et la modulation de la migration des neuroblastes, [Mason et al. (2001)]. L’utilisation de lignées transgéniques de souris où la gaine d’astrocytes est rompue montre que l’absence de cette gaine altère la migration des neuroblastes [Chazal et al. (2000); Belvindrah et al. (2007)]. De plus, des neuroblastes cultivés sur une monocouche de cellules astrocytaires du courant de migration peuvent migrer in vitro, alors qu’ils restent immobiles en présence d’astrocytes corticaux [García-Marqués et al. (2010)]. La présence de la gaine d’astrocytes semble donc malgré tout importante pour la migration tangentielle des neuroblastes. Les astrocytes pourraient notamment contrôler la vitesse de migration des neuroblastes en régulant le niveau de GABA extracellulaire [Bolteus, Bordey (2004)]. En effet, la libération de GABA par les neuroblastes active leurs propres récepteurs GABAA, induisant un ralentissement de la migration. Les astrocytes de la gaine possédant des transporteurs au GABA, ils peuvent ainsi l’internaliser, limiter sa concentration extracellulaire et donc à terme moduler la vitesse de migration des neuroblastes.

La migration des neuroblastes est régulée par un ensemble complexe de facteurs in-trinsèques et exin-trinsèques : certains sont exprimés par les neuroblastes eux-mêmes, tandis que d’autres sont présents dans leur environnement.

Comme nous l’avons évoqué précédemment, les neuroblastes établissent entre eux des liaisons homophiliques, permettant leur migration en chaine. La molécule d’adhérence principale exprimée à la membrane des neuroblastes et qui permet leur adhésion est la PSA-NCAM (Polysialylated-Neural Cell Adhesion Molecule) [Bonfanti, Theodosis (1994); Rousselot et al. (1995)]. Les interactions établies grâce à la PSA-NCAM permettent aux neuroblastes de glisser les uns par rapport aux autres, et donc d’avancer progressivement. Cette molécule est primordiale, car son absence dans des lignées transgéniques de sou-ris entraine le ralentissement et l’altération de la migration tangentielle des neuroblastes [Ono et al. (1994); Hu et al. (1996)]. L’absence de PSA-NCAM perturbe notamment les interactions entre les neuroblastes et leur gaine d’astrocytes. Elle est à l’origine d’une di-minution considérable de la taille du bulbe olfactif [Chazal et al. (2000)]. La doublecortine

(DCX) est une autre protéine exprimée par les neuroblastes en cours de migration dans le courant de migration rostral [Nacher et al. (2002); Brown et al. (2003)]. Cette protéine est essentielle à la polymérisation des microtubules lors de la migration cellulaire [Moores et al. (2004)]. L’inhibition ou la suppression de la doublecortine provoque une altéra-tion de la migraaltéra-tion des neuroblastes in vitro [Ocbina et al. (2006)] et in vivo [Kappeler et al. (2006); Belvindrah et al. (2011)]. L’absence de doublecortine modifie notamment la morphologie des neuroblastes, qui adoptent une forme multipolaire, ce qui entraine des défauts de translocation nucléaire et donc de migration [Koizumi et al. (2006)]. Enfin, certains récepteurs à activité tyrosine kinase, comme le récepteur ErbB4, et leurs ligands, les neurégulines, semblent également jouer un rôle important dans la régulation de la migration [Anton et al. (2004)].

De nombreuses molécules de la matrice extracellulaire influencent également la migra-tion des neuroblastes. C’est le cas notamment de la tenascine C [Thomas et al. (1996)] ou de la laminine. De la même manière que pour les cellules progénitrices de la zone sous-ventriculaire, les neuroblastes expriment l’intégrine α6β1, un récepteur de la laminine. Plusieurs études ont montré que la présence de cette intégrine, en particulier l’intégrine

β1, et sa liaison avec la laminine de la matrice contrôle la formation des chaines de

neuro-blastes, et sont nécessaires à leur migration ainsi qu’au maintien de la gaine d’astrocytes [Murase, Horwitz (2002); Belvindrah et al. (2007)]. Le BDNF (Brain-Derived

Neurotro-phic Factor ) joue aussi un rôle dans la régulation de la migration des neuroblastes. Ce

facteur, présent tout le long du courant de migration rostral, est probablement synthétisé par les cellules endothéliales des vaisseaux sanguins, à proximité immédiate des chaines de migration [Snapyan et al. (2009)]. Le BDNF interagit alors avec le récepteur Trkb présent sur la membrane des neuroblastes : l’activation du récepteur favorise alors la migration des neuroblastes [Chiaramello et al. (2007)]. De manière intéressante, la libération de GABA par les neuroblastes entraine une succession de réactions au niveau des astrocytes de la gaine, aboutissant à l’externalisation de récepteur TrkB au niveau de leur membrane. Le BDNF est ainsi piégé et ne peut plus se fixer de manière optimale sur les neuroblastes, ce qui pourrait entrainer une diminution de la migration [Snapyan et al. (2009)].

Enfin, la bonne orientation de la migration tangentielle est rendue possible grâce à l’existence dans le courant de migration rostral de gradients de molécules, à la fois chimio-attractives et chimio-répulsives. Parmi elles, on trouve les protéines Slit 1 et 2, qui sont exprimées dans le septum, à proximité de la zone sous-ventriculaire. Leur interaction avec la protéine Robo, exprimée à la membrane des neuroblastes, entraine leur répulsion et les oriente vers le bulbe olfactif [Wu et al. (1999)]. Chez les souris n’exprimant pas la protéine Slit 1, on observe ainsi la migration dans le sens inverse de certains neuroblastes [Nguyen-Ba-Charvet et al. (2004)]. Les protéines Slit 1 et 2 agissent donc ici en tant que chimio-répulsifs. Le morphogène Sonic hedgehog, présent dans la zone sous-ventriculaire, participe également à la régulation de la migration tangentielle : il agit quant à lui de

manière chimio-attractive, et pourrait réguler le départ des neuroblastes depuis la zone sous-ventriculaire [Angot et al. (2008) Hor, Tang (2010)]. La présence de Sonic hedgehog est donc bien requise pour la migration correcte des neuroblastes [Balordi, Fishell (2007)]. La présence de certains facteurs au niveau de la zone sous-ventriculaire est ainsi nécessaire à la migration des neuroblastes.

De l’autre côté du courant de migration rostral, au niveau du bulbe olfactif, l’existence de facteurs chimio-attractifs impliqués dans la migration des neuroblastes a été sujet à débat. Certaines études montrent que le bulbe olfactif n’est pas nécessaire à la migration tangentielle des neuroblastes dans le courant de migration rostral : même en son absence, des neuroblastes peuvent continuer à migrer [Alonso et al. (1999); Kirschenbaum et al. (1999)]. Des résultats contradictoires montrent à l’inverse que l’ablation du bulbe olfactif entraine une diminution significative de la migration neuronale, et donc qu’il libère pro-bablement des molécules chimio-attractives [Liu, Rao (2003)]. Plusieurs de ces molécules ont pu être identifiées par la suite ; c’est notamment le cas de la prokinéticine 2. Les neuroblastes expriment normalement des récepteurs à cette molécule ; en leur absence, un élargissement du courant de migration rostral et une réduction de la taille du bulbe olfactif sont observés, suggérant une migration anomale [Prosser et al. (2007); Puverel et al. (2009)].

II.B.3.b La migration radiale

Une fois acheminés vers le bulbe olfactif, les neuroblastes se « détachent » les uns des autres et changent radicalement de direction, pour migrer radialement et individuellement à travers les différentes couches du bulbe jusqu’à leur position finale [Luskin (1993); Pe-treanu, Alvarez-Buylla (2002)]. Le détachement des chaines de neuroblastes constitue une étape primordiale, est régulé par différents facteurs. La reeline est l’une des protéines im-pliquées dans ce détachement, ainsi que dans l’initiation de la migration radiale. In vitro, la présence de reeline provoque la dispersion des neuroblastes préalablement assemblés en chaine ; in vivo, l’absence de reeline entraine une accumulation des neuroblastes dans le cœur du bulbe olfactif [Hack et al. (2002)]. La reeline constitue donc un facteur de déta-chement, mais pas un signal de guidage. Une autre molécule, la tenascine R, est quant à elle primordiale pour l’initiation de la migration radiale [Saghatelyan et al. (2004)]. Elle est retrouvée au niveau de la couche des cellules en grain, mais est absente du courant de migration rostral. Son absence dans des lignées de souris transgéniques est à l’origine d’une accumulation de neuroblastes dans le cœur du bulbe olfactif, et d’une diminution du nombre de neurones nouvellement générés. La prokinéticine 2, déjà mentionnée pré-cédemment, jouerait également un rôle dans le détachement des chaines de neuroblastes [Ng et al. (2005)]. De manière intéressante, l’expression de certaines protéines exprimées par les neuroblastes peut également être modifiée à leur arrivée dans le bulbe olfactif.

C’est le cas de la plexine-B2, qui constitue un récepteur des sémaphorines, des molécules de guidage présentes dans le milieu : les neuroblastes expriment la plexine-B2 dans le courant de migration rostral, mais cette expression diminue lorsque les futurs neurones commencent leur migration radiale [Saha et al. (2012)]. C’est également le cas de la pro-téine Slit 1, dont l’expression diminue dans les neuroblastes au moment du passage à la migration radiale [Nguyen-Ba-Charvet et al. (2004)]. Enfin, les neuroblastes qui migrent à travers la couche des cellules en grain utilisent également les vaisseaux sanguins comme support de migration [Bovetti et al. (2007)].