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C.2 La connectivité des néo-neurones après l’apprentissage

basales, mais qu’en est-il à la suite d’un apprentissage associatif ? Il a été montré que l’enrichissement olfactif, c’est-à-dire l’exposition passive à de multiples odeurs, entraine une augmentation du nombre de cellules à axone court connectant les cellules en grain générées juste après la naissance [Arenkiel et al. (2011)]. De plus, la densité d’épines dendritiques des cellules en grain formées à l’âge adulte est plus importante suite à un apprentissage olfactif [Lepousez et al. (2014)]. Cependant, la manière dont les connexions des différentes populations de cellules en grain sont modulées par l’apprentissage reste inconnue.

Pour mettre en évidence ces potentiels effets de l’apprentissage sur la connectivité des cellules en grain, plusieurs groupes comportementaux ont été utilisés dans cette ex-périence. Dans les groupes contrôles, les animaux ne sont soumis à aucune expérience olfactive ; les animaux des groupes de « pseudo-entrainement » sont quant à eux expo-sés aux odeurs et reçoivent des récompenses mais sans aucun apprentissage ; enfin, les animaux des groupes « apprentissage » sont entrainés à discriminer plusieurs couples d’odeurs via un protocole de conditionnement opérant. Les animaux injectés avec le vec-teur rétroviral à P60 ou à P6 ont tous des performances comportementales similaires [Figure II.5]. Pour les groupes « pseudo-entrainés », aucun apprentissage n’est réalisé : les animaux vont chercher la récompense quelle que soit l’odeur présentée, et restent donc à un niveau de 50% de réponses correctes. Dans les groupes « entrainés », les animaux atteignent progressivement 85% de réponses correctes pour chacune des paires d’odeurs présentées ; la vitesse d’apprentissage varie en fonction de la difficulté de la tâche, mais est similaire pour les animaux injectés à P60 ou à P6. Deux jours après la fin des tests comportementaux, les animaux sont injectés avec le RABV ; ils sont perfusés une semaine plus tard, pour laisser au vecteur viral le temps de se propager jusqu’aux partenaires présynaptiques. En comparant les ratios de connectivité pour les différents groupes, il est donc possible de déterminer si l’apprentissage associatif peut moduler les connexions présynaptiques des cellules en grain. Il est néanmoins important de préciser que cette technique permet l’analyse des connexions une fois le critère d’apprentissage atteint, et pas celle des modifications transitoires de ces connexions au cours de l’apprentissage.

Dans cette expérience, les animaux injectés à P60 et à P6 possèdent un nombre de cellules starters semblable [Figure II.5] ; comme dans l’expérience précédente, les deux populations de cellules starters sont réparties selon une loi normale, avec une densité maximale autour du site d’injection. Concernant les ratios de connectivité, il n’y a pas de différence significative entre les groupes de comportement, que ce soit pour les connexions présynaptiques locales dans le bulbe ou en provenance de l’AON, des noyaux HDB/MCPO ou du cortex piriforme, à la fois pour les animaux injectés à P60 ou à P6.

Figure II.5 – Connectivité des cellules en grain suite à l’apprentissage

(A) Les performances des animaux sont évaluées en calculant les pourcentages de réponses correctes, pour 4 paires successives d’odeurs. Paire 1 : Hexanol vs. Octanal (ANOVA à deux facteurs à mesures répétées ; groupes « A » : P = 0,55, n = 10-12 ; groupes « P » : P = 0,55, n = 9-13). Paire 2 : Ethylbutarate (EB) vs. Amylacetate (AA) (ANOVA à deux facteurs à mesures répétées ; groupes « A » : P = 0,30, n = 10-12 ; groupes « P » : P = 0,92, n = 9-13). Paire 3 : Limonène+ (L+) vs. Limonène- (L-) (ANOVA à deux facteurs à mesures répétées ; groupes « A » : P = 0,42, n = 10-12 ; groupes « P » : P = 0,49, n = 9-13). Paire 4 : Cinéole vs. Valeraldehyde (ANOVA à deux facteurs à mesures répétées ; groupes « A » : P = 0,36, n = 10-12 ; groupes « P » : P = 0,69, n = 9-13). (B) Quantification du nombre de starters pour les animaux injectés à P60 ou à P6 (test de Mann-Whitney, P = 0,32, n = 8-21). (C) Localisation des starters selon l’axe médio-latéral (ANOVA à deux facteurs à mesures répétées, effet groupe : F1,27= 0,57, P = 0,46, n = 8-21). (D) Connexions des cellules starters formées à P60 ou P6 avec les interneurones présynaptiques présents dans la couche des cellules en grain (CCG) (test de Kruskal-Wallis, P60 : P = 0,82, n = 6-8 ; P6 : P = 0,81, n = 2-3). (E) Connexions des cellules starters formées à P60 ou P6 avec les neurones présynaptiques présents dans l’AON (test de Kruskal-Wallis, P60 : P = 0,48, n = 6-8 ; P6 : P = 0,65, n = 2-3). (F) Connexions des cellules starters formées à P60 ou P6 avec les neurones présynaptiques présents dans les noyaux HDB/MCPO (test de Kruskal-Wallis, P60 : P = 0,32, n = 6-8 ; P6 : P = 0,49, n = 2-3). (G) Connexions des cellules

Les résultats obtenus ici suggèrent donc que la connectivité des cellules en grain, for-mées à l’âge adulte ou au cours du développement néonatal, n’est pas modifiée par l’ap-prentissage associatif ni par l’exposition aux odeurs. Néanmoins, les ratios de connectivité calculés ici sont extrêmement variables d’un animal à l’autre ; il est donc assez difficile de tirer des conclusions claires de cette expérience. En particulier, pour les cellules en grain formées à P60, les valeurs des ratios pour les groupes « contrôles » diffèrent de ceux observés dans l’expérience précédente (test de Mann-Whitney, CCG : P = 0,025, n = 6-7). Cette variabilité pourrait notamment être expliquée par le fait que ces résultats proviennent de deux groupes d’animaux indépendants, eux-mêmes différents du groupe utilisé dans l’expérience précédente. Même si les résultats observés ici ne sont pas si-gnificatifs, on observe néanmoins une tendance pour les connexions en provenance des régions corticales : les ratios de connectivité sont légèrement plus élevés pour les groupes « pseudo-entrainement » que pour les groupes « apprentissage ». De plus, et bien que le nombre d’animaux injectés à P6 soit assez faible, il est intéressant de noter que, pour cer-tains d’entre eux, les ratios de connectivité avec les régions corticales suite à l’exposition olfactive sont plus élevés que ceux observés dans les conditions basales.

Dans cette étude, j’ai donc observé que les cellules en grain formées à l’âge adulte et au cours du développement étaient à la fois connectées par des interneurones locaux et par des fibres centrifuges en provenance de trois régions corticales principales : l’AON, les noyaux HDB/MCPO et le cortex piriforme. J’ai également démontré que, en condi-tions basales, les cellules en grain formées à l’âge adulte étaient la cible d’un plus grand nombre de connexions que celles formées au cours du développement. Cette différence de connectivité est observée en particulier pour les fibres centrifuges, qui semblent connec-ter préférentiellement les néo-neurones adultes. En revanche, la connectivité de ces deux populations de cellules matures ne semble que peu affectée par l’exposition aux odeurs et l’apprentissage associatif.

Le codage de la valeur des odeurs

dans le bulbe olfactif

Le rôle des neurones générés à l’âge adulte dans l’apprentissage associatif a déjà été mis en évidence dans de précédentes études [Alonso et al. (2012); Arruda-Carvalho et al. (2014)] : leur activation entraine une facilitation de l’apprentissage associatif, et leur ablation suite à cet apprentissage dégrade le souvenir de l’association odeur-récompense. Cependant, dans ces expériences, les animaux apprennent à associer des valeurs à des odeurs qui leur étaient jusqu’alors inconnues : les néo-neurones pourraient donc tout aussi bien être impliqués dans le codage de l’identité des odeurs que dans celui de leur valeur.

Dans la première étude menée pendant cette thèse, j’ai pu démontrer l’implication spécifique des néo-neurones formés à l’âge adulte dans le codage de la valeur des odeurs lors de l’apprentissage associatif. En effet, si une odeur a été préalablement associée à une récompense, elle entraine chez les animaux une activation des néo-neurones adultes plus importante que dans le cas où aucune valeur n’est associée à cette odeur. De plus, la stimulation de ces néo-neurones accélère l’apprentissage uniquement si elle est concomi-tante avec la présentation de l’odeur récompensée, y compris dans le cas d’une tâche de réversion où l’identité des odeurs est déjà connue. L’activation des néo-neurones formés à l’âge adulte permet donc de faciliter l’association entre odeur et récompense lors de l’apprentissage, qui est ainsi beaucoup plus flexible.

Ces résultats illustrent ainsi les propriétés spécifiques des néo-neurones adultes, qui apportent au système olfactif une forme de plasticité unique et permettent de faciliter l’apprentissage ; ils soulèvent néanmoins de nouvelles interrogations, et quelques pistes de réflexion seront abordées dans cette discussion.

I.A Les néo-neurones, à l’origine de l’association ?

I.A.1 Les mécanismes facilitant l’association odeur-récompense