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INDICATEURS, MATERIEL, TRAITEMENT DES DONNEES : DES CHOIX DIFFICILES

C1 L A METHODE G USTAFSON ET SES DERIVEES

a) présentation

Gustafson (1950) a été le premier à élaborer une méthode d’estimation de l’âge au décès à partir de l’observation histologique de coupe de sections de dents. Il a évalué le changement de 6 caractères avec l’âge : l’attrition dentaire, la parodontose, la transparence et la résorption de la racine, la dentine secondaire et l’apposition de cément. Chacun de ces caractères est observé séparément et évalué sur une échelle de scores selon leur aspect morphologique. Ensuite, pour obtenir un score final, les scores obtenus pour chaque caractère sont additionnés. La méthode originale de Gustafson repose sur la régression linéaire de ce score final. Plusieurs critiques ont été faites sur cette méthode.

L’utilisation du score final suppose au préalable que chaque caractère ait le même poids pour estimer l’âge au décès, ce qui n’est pas le cas (Solheim, 1993 ; Hilsson, 1996a). Des erreurs statistiques ont été détectées (Maples et Rice, 1979 ; Nkhumeleni et al., 1989 ; Lucy et Pollard, 1995). L’échantillon est constitué de 41 dents dont plusieurs appartiennent au même individu. Les tests de cette méthode sur d’autres échantillons montrent que la différence entre l’âge réel et l’âge estimé est élevée (Dechaume et al., 1960).

Il existe de nombreux dérivés de la méthode de Gustafson (1950). La plupart cherchent à améliorer le système de cotation ou à tester la validité de chaque indicateur en proposant de nouvelles combinaisons (Dalitz, 1962 ; Johanson, 1971 ; Maples, 1978 ; Lamendin, 1988 ; Kashyap et Koteswara, 1990 ; Lamendin et al., 1990, 1992 ; Xiaohu et al., 1991 ; Solheim, 1993 ; Lucy et al., 1995). Ces études montrent que la corrélation à l’âge n’est pas forcément linéaire. De plus, les résultats des combinaisons entre caractères varient d’une étude à l’autre.

b) les problèmes méthodologiques

Les méthodes d’estimation de l’âge au décès à partir des dents posent plusieurs types de problèmes méthodologiques.

Les facteurs biologiques

! la parodontose est un caractère difficilement évaluable sur du matériel archéologique (Vlcek et Mrklas, 1975),

! le sexe est rarement pris en compte. Or, de nombreux travaux montrent que les caractères varient selon le sexe (Kilian, 1986 ; Maples, 1978 ; Solheim, 1990, 1992, 1993 ; Charles et

al., 1986),

! le fait le plus marquant est la variabilité entre les dents d’un même individu. Mais, dans la plupart des études sur les caractères dentaires, il y a peu de précisions quant à la dent utilisée et les résultats sont souvent donnés sur la totalité des dents alors qu’ils devraient l’être sur la totalité des individus (Rösing et Kvaal, 1998).

Les échantillons de référence

Les échantillons sont constitués de dents extraites sur le vivant, le plus souvent car elles sont pathologiques (Kvaal et al., 1994a, 1994b ; Kvaal et Solheim, 1995). Une étude récente (Vystrcilova et Novotny, 2000) montre que sur 147 dents extraites en chirurgie dentaire, seulement 63 étaient utilisables pour une analyse sur l’âge au décès.

Les études statistiques

Les tests de fiabilité des méthodes d’estimation de l’âge à partir des dents sont rares (Rösing et Kvaal, 1998). Dans les publications (tableau II.2), les coefficients de corrélation entre les caractères dentaires et l’âge chronologique sont souvent élevés, de 0.86 à 0.92 (Johanson 1971 ; Solheim, 1993 ; Kvaal et Solheim, 1994 ; Kvaal et Solheim, 1995). Mais ni la valeur du coefficient de détermination, ni la valeur du p ne sont indiquées. On ne nous indique pas non plus si la distribution par âge de l’échantillon de référence est homogène. Les performances ne sont que rarement testées sur des échantillons indépendants d’âge et de sexe connus.

Tableau II.2. : effectifs, coefficient de corrélation et de détermination de méthodes sur les critères dentaires (d'après Rösing et Kvaal, 1998)

Comme pour les méthodes d’estimation de l’âge à partir du tissu osseux, les méthodes dentaires utilisent la régression multiple. Elle est largement employée pour les données quantitatives des caractères dentaires (Solheim, 1990, 1992 ; Drusini, 1993 ; Drusini et al., 1990, 1991, 1997 ; Kvaal et al., 1994) observés sous forme de mesure. Elle est aussi utilisée pour les données qualitatives (Gustafson, 1950 ; Johanson 1971 ; Kashyap et Koteswara, 1990 ; Solheim, 1993 ; Solheim et Kvaal, 1993). Certaines régressions combinent des données quantitatives et qualitatives (Lamendin et al., 1990, 1992 ; Morse et al., 1993 ; Kvaal et Solheim, 1994). Mais, cet outil de prédiction souffre de nombreux biais, notamment la surestimation des jeunes et la sous-estimation des vieillards.

C2 - LA CEMENTOGENESE

L’apposition d’anneaux cémentaires selon un rythme annuel a donné l’espoir de mettre au point une méthode basée sur un indicateur lié directement à l’âge chronologique. Cette méthode repose sur l’observation des bandes alternées de différentes densités du cément (Condon et al., 1986). Un niveau de cément correspond à une bande sombre et une bande translucide.

D’abord utilisé pour déterminer l’âge de certains mammifères (Lieberman, 1993), cet indicateur s’est avéré excellent pour estimer l’âge et la saison d’abattage, sur des séries actuelles et fossiles (Martin, 1994, 1996). Cependant, outre l’influence des phénomènes pathologiques sur la cémentogénèse (Condon et al., 1986), plusieurs problèmes techniques et méthodologiques subsistent.

! la surface de formation du cément n’est pas toujours claire pour que le comptage soit possible. Certains individus ont deux fois plus de niveaux de cément qu’ils ne devraient par rapport à leur âge,

! la précision de la méthode diminue avec l’âge (Stein et Corcoran, 1994),

Auteurs N r r2 Gustafson (1950) 41 0,91 0,83 Burns et Maples (1976) 168 0,81 0,66 Dalitz (1962) 146 0,87 0,76 Johanson (1971) 165 0,92 0,85 Schwarz et al . (1980) 68 0,70 0,49 Lamendin et al . (1992) 208 0,57 0,32 Solheim (1993) 100 0,86 0,74 Kvaal et Solheim (1994) 452 0,90 0,81 Kvaal et al. (1995) 100 0,87 0,76

! il faut ajouter, au nombre de niveaux de cément, l’âge de l’éruption dentaire. Or les standards que nous possédons sont des standards actuels que nous appliquons sur les populations archéologiques,

! on note des différences de performance entre les dents. Les prémolaires fournissent de meilleurs résultats (Charles et al., 1986), ce qui démontre que la régularité de la déposition n’est pas vérifiée,

! il est nécessaire, pour les échantillons archéologiques, de prélever des dents incluses dans la mandibule, de manière à s’assurer que le cément n’a pas été altéré (Vincent, 1996), ! la résorption cémentaire pose un problème pour le décompte (Martin, 1996), puisqu’elle

attaque les bandes de cément.

Considérée comme la méthode tant attendue pour estimer l’âge au décès des adultes des séries archéologiques, la nature de la cémentogénèse est beaucoup plus complexe que prévue et les problèmes techniques sont variés.