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AGE AU DECES DES ADULTES : APPROCHE THEORIQUE

C2 L E REMODELAGE HISTOLOGIQUE DU TISSU DENTAIRE

a) formation de la dentine secondaire

La dentine est formée par les odontoblastes. Après l’odontogénèse, les odontoblastes continuent à former une dentine plus régulière et secondaire à un taux plus bas (Bodecker, 1925). Le facteur biologique responsable de cette formation est la répétition de stress mécanique et les variations thermiques (Bang, 1989). La dentine secondaire a été considérée comme un marqueur de vieillissement de la dent (Goldberg, 1989). On observe effectivement une réduction de la cavité pulpaire avec l’âge (Torneck, 1990) qui est due à la croissance continue de la dentine secondaire mais aussi à l’augmentation de la calcification dégénérative (Sayegh et Reed, 1968). La formation de la dentine est étroitement liée aux phénomènes pathologiques. Elle est le résultat de la réaction des odontoblastes face aux agressions microbiennes ou mécaniques. Elle est liée à la parodontose et non à l’âge du sujet (Lamendin

et al., 1990). Ces paramètres pourraient expliquer que la dentine secondaire est un phénomène

plus variable qu’il n’a été attesté jusqu’à ce jour (Mc Bridge, 2001).

b) la transparence de la racine

Les prolongements des odontoblastes (les canalicules) se minéralisent au cours du vieillissement et aboutissent à la formation d’une dentine scléreuse ou translucide. Ce phénomène est rare dans la zone coronaire mais précoce dans la zone radiculaire. Les zones de dentine coronaire ainsi comblées deviennent donc transparentes. La transparence de la racine est due à la minéralisation des tubules dentinaires, qui deviennent d’une finesse imperceptible. Avec l’âge, il y a calcification des tissus des tubules périphériques créant la dentine péritubulaire (Beust, 1931 ; Pilz, 1959 ; Bang et Monsen, 1968 ; Hess, 1970). Le fait que ce phénomène soit ou non affecté par des pathologies dentaires (Drusini et al., 1990) est discutable. L’étude de l’épaisseur tubulaire des dents extraites par suite de maladie périodontale n’est pas significative (Kvaal et al., 1994).

c) la résorption de la racine dentaire

Sur certaines dents, la surface radiculaire se résorbe, produisant une apparence irrégulière. Ce phénomène est observé plus fréquemment dans le cas des sujets âgés. Ce critère a une incidence faible avec l’âge (Dalitz, 1962 ; Johanson, 1971 ; Solheim et Kvaal, 1993), voire négative (Maples, 1978). La résorption radiculaire s’observe parfois sur les dents pathologiques mais également sur des dents en hyper-fonction occlusale soumises à des microtraumatismes répétés.

d) l’apposition du cément

Le cément est le tissu dentaire le plus proche de l’os. C’est un élément du parodonte, susceptible de remaniement par apposition cémentaire, qui rappellent ceux de l’os, ou par résorption comme les lacunes de Howship (Kaqueler et al., 1989). Le cément est déposé continuellement sur la surface de la racine pendant la vie. Cette adaptation physiologique des dents leur permet de s’ancrer de façon optimale dans le complexe os alvéolaire/ligament desmodontal/cément. L’apposition du cément est variable en fonction des excitations mécaniques, physiques ou chimiques. Pour certaines dents, les changements pathologiques influencent la formation du cément. Puisque la cementogénèse implique la calcification du ligament périodontal, toute pathologie affectant celui-ci affecte le cément (Condon, 1986). De plus, les conditions pathologiques et traumatiques peuvent contribuer à la résorption de la surface de la racine (Solheim, 1998). Le cément subit donc l’interaction complexe des facteurs fonctionnels, génétiques, climatiques et nutritionnels. Il y a une réduction de l’apposition de cément chez les plus âgés (Johanson, 1971, Solheim, 1990) ; peut-être est-ce le résultat d’un processus de régulation ou de réduction de la force masticatrice.

La sénescence du tissu dentaire est donc aussi variable que le tissu osseux et subit l’influence de paramètres qui n’ont rien à voir avec l’âge.

D - CONCLUSION

L’âge biologique d’un individu se réfère à la situation d’un organisme, en fonction de la longévité potentielle qui lui reste. L’apparence physique et l’état de santé d’un individu ne correspondent pas toujours à son âge chronologique. Certains individus subissent une sénescence plutôt lente, d’autres plus rapide. Il est impossible de fixer l’âge auquel la sénescence commence (Susanne, 1986). L’âge chronologique se réfère à l’âge de la naissance et s’exprime en années.

La variabilité est le mot clé de l’évolution du squelette et des dents d’un individu avec le temps. L’interaction entre génétique et milieu environnant est indéniable. Certes, l’âge intervient, mais dans une proportion trop faible pour estimer un âge chronologique au décès précis. La variabilité est non seulement présente entre individus d’une même population mais aussi entre populations. Il y a un intérêt croissant dans l’étude des populations vivantes pour comprendre le schéma de sénescence et les différences biologiques entre populations (Iscan, 1998).

Les changements relatifs à la sénescence du squelette humain sont contrôlés par divers facteurs. Nous devons voir les stades des indicateurs non seulement comme des stades de changements du squelette, qui sont liés à l’âge, mais aussi à une multitude d’autres facteurs. L’âge ne contribue pas à plus de 30% de la variabilité des changements (Jackes, 2000). La corrélation entre indicateur et âge ne dépasse par 0.6, ce qui signifie effectivement que 2/3 des paramètres sont différents de l’âge (Masset, 1993). La précision d’une estimation chronologique à l’année près est une utopie à l’heure actuelle (Maples, 1989 ; Theureau, 1996). Il est beaucoup plus prudent de chercher à donner des indications sur l’âge par intervalle chronologique (Angel, 1984).

L’utilisation des indicateurs d’âge et l’élaboration des méthodes doivent à tout prix prendre en considération la variabilité de la sénescence du squelette sans oublier que l’âge a une part relativement mince dans ce processus. De plus, cette sénescence hyper-variable entre individus et selon les caractéristiques des populations conduit à une hétérogénéité des risques de mortalité. Il y a ceux qui résistent au stress, les survivants, et ceux qui ne résistent pas, ceux qui décèdent à des âges plus précoces. Or cette capacité à résister au stress ne trompe-t- elle pas notre lecture du squelette ? La notion de « slow ager » et de « quick ager » (Angel, 1984 ; Molleson, 1993a, 1993b) prend ici tout son sens. Les jeunes inhumés sont ceux qui

n’ont pas réussi à vivre à un âge avancé. Un individu décédé jeune peut avoir un squelette usé, et un individu mort à âge avancé, un squelette qui paraît jeune (Molleson, 1995), son potentiel somatique lui ayant permis de résister au stress.

Fort de ces analyses, que pouvons-nous proposer pour améliorer l’estimation de l’âge au décès et permettre une utilisation fiable de ces estimations dans le domaine anthropologique ? Il semble plus pertinent d’extraire l’information donnée par l’âge et rechercher une augmentation de la fiabilité de l’estimation, c’est à dire reconsidérer la précision recherchée.

CHAPITRE II

INDICATEURS, MATERIEL, TRAITEMENT DES