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Comme pour les protéines de la voie de sécrétion, la protéine CFTR ainsi que son mutant F508del-CFTR sont synthétisées et assemblées dans le RE. Ces deux protéines se traduisent à raison de 2,7 acide aminés/seconde et par conséquent, la synthèse complète de la protéine se réalise en 9 minutes environ (Ward and Kopito, 1994). Le repliement de CFTR se fait de manière co-traductionnelle suivi et/ou complété par un processus post-traductionnel afin d’acquérir la conformation native (Lu et al., 1998; Kleizen et al., 2005).

Bien que certaines étapes de repliement ne soient pas claires, les données disponibles soutiennent l’idée que chaque domaine de CFTR se replie indépendamment avec insertion simultanée de segments transmembranaires dans la membrane du RE. Ce processus nécessite des interactions domaine-domaine qui commencent dès les premières étapes de repliement de CFTR et impliquent une interaction spécifique de NBD1 avec MSD2 par ICL4 (intracellular loops) et NBD2 avec MSD1 par ICL2 (Serohijos et al., 2008). Il est intéressant de noter qu’in vivo, les domaines CFTR sont reconnus comme mal repliés s’ils sont exprimés seuls ou en combinaisons incomplètes. Cela suggère que les interactions interdomaines sont essentielles pour atteindre la conformation native de la protéine. Cette hypothèse est supportée également par l’observation que les mutations CFTR résidant dans un domaine particulier conduisent à des défauts conformationnels dans d’autres domaines (Du and Lukacs, 2009), à savoir, les mutations MSD affectant le repliement de NBD et les mutations NBD affectant l’acquisition d’une structure MSD compacte (Loo et al., 2008).

56 Le déroulement de ce processus complexe se fait dans l’ordre suivant (Figure 24) :

1. Translocation du domaine transmembranaire MSD1 et son positionnement dans la membrane du RE (Lu et al., 1998),

2. Synthèse du domaine NBD1 et sa liaison transitoire par les deux chaperonnes Hdj2 (Hsp40) et Hsc70 (Hsp70) qui ont pour rôle de favoriser son repliement et sa stabilisation pendant le temps nécessaire à la synthèse du domaine R,

3. Synthèse du domaine R puis son interaction avec la moitié de la région N-terminale synthétisée. Cela conduit en une réduction de la liaison des Hsp40,

4. Synthèse du domaine transmembranaire MSD2 et son insertion dans la membrane du RE. Cette étape semble stabiliser les interactions NBD1-R, qui conduisent à la libération de la plupart des Hsp40 de la protéine,

5. La formation d’un complexe MSD1-MSD2 dans la membrane du RE qui pourrait également stabiliser les domaines NBD1 et R (Ostedgaard et al., 1997). La formation de ce complexe pourrait elle-même être facilitée par la chaperonne calnexine (Pind et al., 1994), 6. La synthèse du domaine NBD2,

7. Enfin, les modifications post-traductionnelles afin d’acquérir la conformation native.

Figure 24 : Biosynthèse de WT- et F508del-CFTR et assemblage des domaines. (d'après Farinha and Canato, 2017)

57 Au cours de sa translocation et en parallèle des étapes d’assemblage des domaines, la protéine CFTR est glycosylée sur deux résidus asparagines (N) dans la boucle extracellulaire ECL4 du domaine MSD2 (N894 et N900) et rentre dans le cycle calnexine (Pind et al., 1994; Okiyoneda et al., 2004, 2008; Chang et al., 2008). Des études ont démontré que la liaison à la calnexine est essentielle pour obtenir la conformation appropriée des sous-domaines de CFTR, y compris les MSDs, qui semblent être stabilisés par le processus de liaison de cette lectine (Rosser et al., 2008). Cependant, une étude a démontré que la diminution de l’expression protéique de la calnexine ou bien l’expression d’un CFTR non glycosylé (délétion des N894 et N900), incapable donc de se lier à cette chaperonne, n’a pas d’effet sur la fonction du WT-CFTR ni sur son trafic à la membrane plasmique ; néanmoins la protéine peut être moins stable (Chang et al., 2008). De la même manière, la protéine F508del-CFTR non glycosylée reste incapable de s’échapper du contrôle de qualité et demeure séquestrée dans le RE (Chang et al., 2008). D’autres études de susceptibilité aux protéases, agrégation thermique et ubiquitinylation ont identifié un rôle important de la glycosylation dans la stabilité de CFTR mais pas nécessairement pour sa fonction ou bien son trafic à la membrane cellulaire (Glozman et al., 2009). Il a également été constaté que la N-glycosylation est nécessaire pour un recyclage efficace de CFTR à partir de la membrane apicale et par conséquent, pour le renouvellement du CFTR de surface (Cholon et al., 2010).

Durant ce cycle calnexine, seules les protéines CFTR ayant atteint leur conformation native transitent vers l’appareil de Golgi via des vésicules COPII (Wang et al., 2004), où elles subiront d’autres modifications de glycosylation. La glycoprotéine est ensuite adressée vers la membrane apicale où elle acquiert sa fonction de canal chlorure et ses autres fonctions de régulation avant d’être recyclée ou dégradée. Ainsi, au cours de son processus de biosynthèse et de maturation, CFTR adopte quatre formes de glycosylation distinctes (Cheng et al., 1990). La forme A d’environ 130 kDa qui correspond au CFTR non glycosylé. La forme B d’environ 140 kDa, nommée « core-glycosylé » ou encore forme immature et qui correspond au CFTR réticulaire glycosylé. La forme B’ qui correspond à une population de la forme B (environ 30%) correctement repliée et prête à quitter le RE. En fin, la forme C d’environ 170 kDa qui correspond au CFTR mature, ayant transité dans l’appareil de Golgi et maturé par glycosylation (Cheng et al., 1990; Lukacs et al., 1994; Bertrand and Frizzell, 2003). Selon la littérature, de part de sa grande taille, ses nombreux domaines transmembranaires, et la nécessité de nombreux contacts intramoléculaires, la biogénèse de CFTR est inefficace et lente, avec 60 à 75% des protéines séquestrées par l’ERQC puis dégradées (Ward and Kopito, 1994; Abriel and Staub, 2005). De la même manière, la protéine mutée F508del-CFTR, de part sa mutation qui

58 l’empêche d’acquérir sa forme native, reste retenue par l’ERQC avant d’être envoyée vers la voie de dégradation (Cheng et al., 1990).

Plusieurs études tentent de comprendre comment l’absence de la phénylalanine perturbe le repliement de F508del-CFTR à l’origine de son défaut d’adressage à la membrane cellulaire (Cheng et al., 1990; Thomas et al., 1992; Lukacs et al., 1993; Welsh and Smith, 1993; Du and Lukacs, 2009; He et al., 2010; Wang et al., 2014). Il a été suggéré que le défaut de repliement est dû à un défaut d’interaction du domaine NBD1 avec les autres domaines (défaut d’assemblage de la protéine) et que la chaîne latérale de l’acide aminée F508 semble être le point central de ces interactions, en particulier entre NBD1 et les TMDs (Du et al., 2005; Cui et al., 2007). En effet, un problème de repliement local dans le domaine NBD1 a été observé à proximité de la mutation. De plus, il a été démontré que l’absence de F508 empêche l’établissement de contacts entre le domaine NBD1 et la boucle cytoplasmique ICL4 dans le domaine MSD2 et entraine un mauvais repliement de la partie carboxy-terminale de la protéine, incluant le domaine NBD2 (Du et al., 2005; Pissarra et al., 2008; Du and Lukacs, 2009; He et al., 2010; Rabeh et al., 2012; Mendoza et al., 2012; He et al., 2015). Ainsi, au cours de son processus de repliement dans le RE, F508del-CFTR est reconnue comme une protéine mal repliée par le système ERQC avant d’être dégradée (Cheng et al., 1990; Chang et al., 1999; Meacham et al., 2001b; Younger et al., 2006; Riordan, 2008; Määttänen et al., 2010).