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Bilinguisme populaire ou bilinguisme de l’élite, quand le statut des langues influence les représentations du bilinguisme et des locuteurs

2. A PPROPRIATION DES LANGUES DES ELEVES

2.2. Processus du développement langagier

2.2.5. La production de mots et de phrases

2.3.3.1. Bilinguisme populaire ou bilinguisme de l’élite, quand le statut des langues influence les représentations du bilinguisme et des locuteurs

Pour Armand, Dagenais, Nicollin (2008 : 47), il existe « chez les locuteurs, tout un ensemble de représentations, d’attitudes, de sentiments plus ou moins positifs face aux langues, aux variétés de langues et à ceux qui les utilisent ». Ce qui signifie qu’en fonction de la langue parlée, les interlocuteurs n’auront pas la même attitude. Elles ajoutent même qu’ « en contexte de mondialisation émerge davantage encore un « marché aux langues » au sein duquel les langues peuvent se déprécier, être dévaluées ou, au contraire, gagner de la valeur ». Ce sont des facteurs économiques sociaux, politiques, démographiques qui vont permettre de donner du

« prestige » à une langue plutôt qu’à une autre. Nous faisons la distinction entre les groupes dont « la langue minoritaire a un faible statut dans la société » et ceux dont la langue a un statut élevé (Goï : 2016). Il faut rappeler que les compétences linguistiques varient et évoluent au cours de la vie. Il est donc difficile de vraiment classifier les différents types de bilinguismes. Mais l’influence de la société sur les langues influencent les enfants. Et bien que les linguistes pensent que toutes les langues se valent, les sociolinguistes montrent qu’il existe bien des différences sociétales entre les différentes langues en France. Pour Hélot, toutes les langues n’ont pas le même statut social(Hélot, 2014 : 52).

Il existe donc une hiérarchie des langues dans les sociétés et au niveau politique. Le bilinguisme dépend de variables sociales. Il existe un bilinguisme populaire et un bilinguisme de l’élite, des langues valorisées et d’autres minorées. Le bilinguisme d’élite a toujours existé (Hélot, 2006 : 4). Kail (2015 : 11) distingue le bilingue populaire du bilingue de l’élite, c’est-à-dire « des groupes dont la langue minoritaire a un faible statut dans leur société, dans laquelle la langue majoritaire a un statut élevé, de groupes qui parlent la langue dominante dans une société donnée, mais également une autre langue, qui leur confère une valeur additionnelle ».

Kail (2015 : 9) s’appuie sur les recherches de Hamers (1988) pour définir ces deux types de bilinguismes en fonction de l’importance donnée à la langue maternelle et de sa valorisation par la famille et par la société : le bilinguisme soustractif (populaire) et le bilinguisme additif (de l’élite). Pour ce type de bilinguisme, nous faisons la distinction entre les groupes dont « la langue minoritaire a un faible statut dans la société » et ceux dont la langue a un statut élevé (Goï : 2016).

Le bilinguisme additif ou de l’élite est une forme de bilinguisme qui permet à un enfant d’apprendre une seconde langue « socialement favorisée » sans pour autant nuire à la première langue qui est aussi « socialement favorisée ». Celle-ci est alors apprise et valorisée par la famille et la société.

Le bilinguisme soustractif quant à lui met en avant la langue seconde, souvent langue de scolarisation et de la société, au dépend des premières. Celle-ci n’est pas du tout valorisée par la société et parfois même par la famille. De ce fait, l’enfant perd les apprentissages réalisés dans sa langue maternelle. C’est très souvent le cas pour les langues dites par le fait minoritaires ou les langues des migrants. En effet, les élèves arrivent à l’école en ayant appris la L1 dans des « opérations cognitives non complexes » uniquement, pour traiter des situations « contextualisées ». Par ailleurs, ils vont apprendre la L2 dans des situations

« décontextualisées » en employant des « opérations cognitives complexes ».

« Le bilinguisme des migrants concerne plus particulièrement les minorités ethnolinguistiques dont le niveau socio-économique est différent de celui des élites internationales, et dont les deux langues n’ont pas le même statut. En effet, dans ce cas, c’est en général une langue dominante, celle du pays d’accueil qui est en contact avec une autre dite minorée, telle celle d’un ex pays colonisé ou une langue associée au fait migratoire, comme c’est le cas de l’arabe ou du turc aujourd’hui. Pour l’enfant bilingue qui vit dans ce contexte, les deux langues ont tendance à être en situation de concurrence plutôt que dans une relation de complémentarité parce que l’une est plus prestigieuse socialement et économiquement que l’autre » (Hélot, 2006 : 5).

Dans un contexte plurilingue, les rapports entre les élèves et entre élèves et enseignants, d’origines différentes, sont rendues compliquées par la hiérarchisation des langues et leur statut (Armand, Daganais, Nicollin, 2008 : 48). Mais Delamotte-Legrand et Sabria (2001 : 95) rappellent qu’il faut prendre en compte autant le statut formel que le statut informel des langues. L’importance donnée à des langues à une influence sur les pratiques familiales. Alors qu’un enfant de l’élite n’aura pas honte de sa langue, valorisée, utilisée en milieu scolaire, un enfant issu de l’immigration pourra cachée sa langue parce qu’il éprouve de la honte à l’utiliser en classe (Hélot, 2006 : 6).

En fonction de son acceptation, le bilinguisme n’aura pas le même impact sur le développement cognitif de l’enfant (Landry, 1982: 228). Pour appuyer son propos, il se base sur le schéma de Cummins en 1979. Dans ce schéma, nous pouvons remarquer que plus le bilinguisme est additif et plus les conséquences cognitives sont positives. Au contraire, lorsque que le bilinguisme est de type soustractif, les conséquences cognitives sont négatives pour le locuteur.

Figure 9 Effets cognitifs des différents types de bilinguisme. Source : Cummins (1979a) dans Landry (1982).

Le bilinguisme soustractif quant à lui, met en avant la deuxième langue, souvent langue de scolarisation au dépend de la langue maternelle. Celle-ci n’est pas du tout valorisée par la société et parfois même par la famille. De ce fait, l’enfant perd ses apprentissages dans sa langue maternelle. C’est très souvent le cas pour les langues minoritaires ou les langues des migrants. En effet, certains élèves arrivent à l’école en n’ayant appris la L1 que dans des « opérations cognitives non complexes » pour traiter des situations « contextualisées ». Par ailleurs, ils vont apprendre la L2 dans des situations « décontextualisées » en employant des « opérations cognitives complexes ».

Figure 10 Le bilinguisme additif versus le bilinguisme soustractif Source :Akinci (2014).

Ce schéma représente bien les deux types de bilinguisme. Une personne qui vit dans une communauté dans laquelle sa langue minoritaire jouit d’un statut moins élevé, va avoir tendance à négliger sa langue maternelle. Au contraire, lorsque le bilinguisme est additif, le locuteur a une acquisition rapide et facile des langues ultérieures, une meilleure capacité de solution de problèmes, une « oreille » plus performante et une meilleure concentration (Akinci, 2014).