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C. Premiers cris (1971 – 1975)

5. Bilan intermédiaire 1 La RA

Ainsi, nous pouvons relever en conclusion de cette partie que la RA est très rapidement perçue comme un élément, certes marginal mais néanmoins présent, du paysage médiatique haut-valaisan.

301 Werz-Lengen, Hans, « Ein Bärendienst », WV du 23.10.1975, p. 9.

302 Le KO répond à cet article dans le WB (ce qui montre à la fois la disposition du WB à publier des prises de position du KO

et les limites de la RA induites par son concept de parution) où il estime qu'aucune des informations publiées dans la RA n'a été contredite, tout en mettant en évidence la complaisance du journaliste envers ses deux partenaires d'entretien. KO, « Vogel-Strauss-Politik », WB du 25.10.1975, p. 5.

303 Fayet, Jean-François, « L'anticommunisme est-il vraiment un sujet d'histoire ? L'exemple suisse », in Caillat, Michel et al.,

Histoire(s) de l'anticommunisme en Suisse, Zurich, Chronos, 2009, p. 16.

304 Furrer, Markus, Die neue Opposition in der Urschweiz, op. cit., p. 249. 305 Locher, Beat, Der Staatsratsproporz im Kanton Wallis, op. cit., p. 57.

Trois dimensions principales peuvent en témoigner. La première est liée au processus interne du KO et à son répertoire d'actions politiques. En effet, ce qui était à l'origine une création improvisée, bricolée sous forme de dossier dans l'urgence et destinée à ouvrir les débats occupe progressivement une place centrale dans l'activité du KO, au détriment des autres formes d'action communicationnelles – ce qui se perçoit d'une part dans la place prépondérante de la RA dans les finances de l'organisation et d'autre part, dans le processus de critique interne qui pousse à davantage de codification et d'organisation. Le deuxième facteur est constitué par les réactions jugées positives du lectorat, notamment traduites par l'augmentation du tirage, qui témoignent dans la vision du KO à la fois de la justesse des positions exprimées, du besoin existant dans la population pour une information alternative et du succès de la forme de communication choisie. Enfin, le dernier aspect est constitué par la réception de ses « concurrents » de son produit de presse, qui oscille entre déni et rejet, mais également par l'évolution du paysage médiatique. En effet, avec le « Schreibverbot » imposé par le

WV, donc par le CSPO, et son rédacteur Heinzmann au KO, et la disposition fluctuante du WB à

publier des prises de position koïstes, l'importance d'un organe dédié à la diffusion d'informations et d'idées critiques se fait sentir avec toujours plus d'acuité. En outre, la reprise en main partielle en décembre 1975 du WV par le NF de Luisier, qualifié d'ennemi du peuple et d'extrémiste de droite par la RA 8,306 exprime pour les membres du KO la droitisation toujours plus poussée des chrétiens-

sociaux du Haut-Valais, et donc la nécessité d'offrir une alternative à la fois politique et médiatique. A côté de la RA, l'une des techniques utilisées pour contrer le manque d'écho du KO dans la presse locale consistait à l'occasion de conférences de presses à faire appel à la presse extra-cantonale – toujours prompte selon Garbely à faire ses choux gras des « affaires » valaisannes – dont les compte- rendus provoquaient ensuite un tollé dans le Vieux Pays.307 On voit ainsi comment un groupe

marginalisé par les instruments de communication traditionnels se montre inventif lorsqu'il s'agit de diffuser ses opinions. D'autre part, s'il est évident que la création de la RA répond à la fois à l'aspect unilatéral de la presse quotidienne et à la contradiction du paysage politique haut-valaisan – qui est caractérisé par l'existence de deux partis politiques apparemment concurrents mais en réalité intégrés dans des dynamiques d'accaparement du pouvoir – et si nous pouvons suivre Zumthurm lorsqu'il dit que la disposition variable de la presse bourgeoise à l'égard du KO a donné naissance à la RA,308 il

nous semble que l'histoire de cette création « accidentelle », ainsi que le caractère « mono- thématique » et « actionniste » des premières éditions indiquent que la RA n'est pas uniquement à reconduire à l'opposition stricte à cette presse bourgeoise, mais qu'elle constitue un projet plus large

306 « Vorwort », RA 8, décembre 1975, p. 1.

307 Pour le membre en question, « c'était la seule manière de se faire connaître parce qu'eux ils racontaient des salades sur

nous », à l'instar de la rumeur selon laquelle le KO serait financé par Moscou. Entretien mené le 15.12.2016 avec Frank Garbely.

de déconstruction politique, culturelle et médiatique qu'avait en quelque sorte annoncé le « Briger Herbst ».

Les trois dimensions relevées sont également résumées dans un texte de Peter Bodenmann publié début 1976 dans l'INFO, où il appelle d'une part à une organisation plus rigoureuse du KO par une centralisation plus poussée, afin notamment de pouvoir vérifier l'application des décisions des assemblées. D'autre part, le renforcement de l'organisation doit aller de pair avec une plus grande régularité du travail politique, également en ce qui concerne la parution de la RA, Bodenmann rappelant le caractère spontané des éditions publiées jusqu'à présent. En effet, au vu du volume important des ventes et des réactions positives, il souligne la nécessité d'améliorer la qualité de la RA et d'augmenter sa fréquence de parution, d'autant plus qu'il estime que le Haut-Valais se dirige tout droit vers une situation de monopole médiatique (par Mengis du WB ou par Luisier).309 Cette

articulation entre facteurs internes et externes s'illustre enfin également par le fait que la RA est l'unique organe de l'opposition dans la partie germanophone du canton, de sorte que ses producteurs ne sauraient oublier que la revue doit s'adapter aux préoccupations et aux expériences des travailleurs, afin que la lecture ne présente pas de difficultés majeures, s'ils veulent en accroître la diffusion.310

Avec la décision prise par l'assemblée plénière du 16 avril 1976 d'accepter cette requête de Bodenmann pour une organisation plus rigoureuse, ainsi que le début des discussions au sujet de l'instauration d'un poste de secrétaire rémunéré, le KO remet en question le fonctionnement spontané et quelque peu improvisé des premières années, et commence à emprunter la voie vers une forme plus classique et plus organisée d'organisation politique.311 Comme nous le verrons, dans ce processus qui

s'étend jusqu'à la fin de l'année 1976 et au-delà, la RA joue un rôle déterminant, comme l'illustrent en septembre 1978 les propos de Niklaus dans une interview pour le journal Vorwärts:

« In dieser [ersten] Phase haben wir nicht immer den richtigen Ton getroffen; wir haben manchmal über die Köpfe der Bevölkerung hinweg politisiert. Alle diese Aktivitäten gingen stark von unseren eigenen Interessen aus, nicht so sehr von den Bedürfnissen der Bevölkerung. Unsere ganze Tätigkeit hat sich dann verändert, als wir mit der Zeitung der " Roten Annelieses ", angefangen haben. Wir haben damals versucht nicht mehr nur nach persönlichen Interessen zu politisieren, sondern von den Bedürfnissen der Bevölkerung auszugehen; wir sind in die Tagespolitik eingestiegen. »312

5.2 Les revues alternatives alpines: Éléments de comparaison

Ce petit bilan intermédiaire est également l'occasion d'observer rapidement et schématiquement les

309 La RA 9 utilise d'ailleurs ce fait comme argument de vente (qu'il ne faut pas entendre au sens strictement économique) en

indiquant avec une certaine ironie « dass wir die Rote Anneliese unter keinen Umständen an André Luisier verkaufen werden. », « Wussten Sie schon... », RA 9, décembre 1976, p. 1.

310 INFO-Intern 1/76, p. 19 – 25, « Bemerkungen zur Arbeit des Kritischen Oberwallis ». 311 INFO-Intern 4/76, p. 2 – 4, « Protokoll der Vollversammlung vom 16.04.76, Rest. Suisse ».

différences et les similitudes existant entre les différentes revues alpines qui émergent toutes entre 1972 et 1976; il s'agit d'Alternative (UR), à l'origine porté par la rédaction puis par une association de soutien dès 1977 et dont le n° 1 paraît en mars 1973; de Steibock (NW), édité par le parti social- démocrate de Nidwald mais qui dispose d'un statut autonome et qui naît en septembre 1974; de la

Glarner Zeitung (GL, ci-après GZ), fondée en septembre 1974 et éditée par le Verein GZ; de Oberländer Holzwurm (Oberland bernois, ci-après OH) dont le n° 1 sort à l'occasion du Premier Mai

1976 et qui s'arrête déjà en décembre 1979 après onze éditions; et Viva – dont les débuts sont caractérisés par un mélange linguistique, puisqu'y figurent des articles en allemand, en italien et en romanche – qui est lancé en 1972 par le VIVA-Kollektiv.

Le premier aspect remarquable est que les six revues considérées s'inscrivent, à l'exception de OH et de Viva, dans des régions alpines relativement peu peuplées – le Haut-Valais comptant d'ailleurs plus d'habitants que Glaris, Nidwald et Uri – dont les centres (autour desquelles gravitent ces revues) ne dépassent guère les 8000 habitants et ont un statut de bourg secondaire par rapport aux grandes villes du Plateau, surtout en ce qui concerne les cantons de Suisse centrale. De plus, ces régions sont caractérisées par une domination des partis bourgeois et une influence faible, voire inexistante de l'opposition de gauche.313 A l'exception du canton de Glaris, les partis de gauche des cantons

considérés sont tous crédités de moins de 10% aux élections cantonales; seul Uri compte un conseiller d'État socialiste à partir de 1972 (en n'ayant toutefois que cinq députés sur 64 au parlement). Le Haut-Valais, Uri et Nidwald connaissent même une situation de majorité absolue en faveur des partis conservateurs.314 D'autre part, ces régions semblent connaître des situations de

quasi-monopole en matière de journaux,315 ce qui constitue également un facteur explicatif pour l'émergence de publications alternatives.

En effet, si toutes ces revues trouvent leur origine dans un élément précis et particulier,316 Alternative,

313 A Glaris, les sociaux-démocrates se situent autour des 20% de la représentation politique au parlement au début des années

1970, pourcentage qui s'élève à 7,81% à Uri (1972) et 6,67% dans les Grisons (1973). En 1973, la gauche haut-valaisanne compte deux sièges au Grand Conseil (sur les 41 qui reviennent au Haut-Valais), alors qu'aux élections de Nidwald de 1974, les sociaux-démocrates perdent leur unique siège.

314 En 1973, les partis C haut-valaisans totalisent plus de 95% des voix; le CVP uranais occupe en 1972 42 des 64 sièges du

Landrat (65%); à Nidwald (1974), le CVP dispose de 42 sièges sur 60 (70%). A Uri et à Nidwald, la majorité absolue du CVP se maintient jusqu'en 2000, respectivement 2002. Dans le cas haut-valaisan, les partis C ont en 2017 encore raflé plus du 2/3 des sièges haut-valaisans au Grand Conseil (23 sur 34). Les différentes données sur les parlements cantonaux sont tirées des diverses éditions de Gilg, Peter; Gruner, Erich (dir.), Année politique suisse, Publications de l'Association suisse de science politique, Berne, [1970 – 2002].

315 Uri, qui n'a pas de quotidien, dispose de deux hebdomadaires (Urner Wochenblatt, conservateur, et Gotthard-Post, libéral),

de même que sont diffusés trois quotidiens lucernois, tandis que Glaris a les Glarner Nachrichten (unique quotidien) et Nidwald le Nidwaldner Volksblatt, hebdomadaire conservateur, mais pas de quotidien.

316 Nous l'avons vu, l'élément moteur de la création de la RA a été l'annonce soudaine de la fusion Alusuisse/Lonza. A Uri, les

impulsions fondatrices trouvent leur origine dans la ressemblance trop forte entre les deux hebdomadaires uranais, liés aux deux grands partis politiques, dans l'absence de moyen d'expression pour l'opposition (n° 1, p. 1), ainsi que dans les refus répétés de la presse conventionnelle de publier des lettres de lecteurs critiques (n° 18, p. 24). Steibock réagit à la perte de l'unique siège social-démocrate et veut constituer une étincelle pour des initiatives citoyennes. Le n° 1 de la GZ se place sous le signe de l'initiative dite contre l'emprise étrangère, alors que le premier numéro d'OH paraît à l'occasion de l'initiative pour la semaine à 40 heures.

Steibock et la GZ expriment dès leur premier numéro la volonté de briser le monopole bourgeois sur

l'information, de relater des faits, des expériences, des nouvelles qui sont ailleurs passés sous silence, alors que Viva veut constituer « ein klares " Kontrasprogramm " zu den bestehenden Informationsträgern » et se conçoit comme « Kampforgan »317 – objectifs pas immédiatement présent

dans le cas de la RA qui ambitionnait « d'ouvrir le débat » et dont on peut dire qu'elle est devenue une revue. En effet, en parlant de premier numéro, il est remarquable que la RA soit la seule de ces revues alpines à ne pas connaître de n° 1, à ne pas se penser a priori comme un produit médiatique destiné à s'établir dans la durée – toutes les autres revues exposant leur projet dans les grandes lignes dès leur création.318 Alternative ose même promettre dans son premier numéro: « Wir versichern Ihnen: DIE

NAECHSTE NUMMER KOMMT BESTIMMT ». Même s'il existe, dans la multitude des petites feuilles lancées au tournant des années 1960/1970, probablement des exemples de revue n'ayant pas dépassé une première édition, une telle promesse implique l'existence d'une réflexion et de débats en amont du premier numéro, au moins en ce qui concerne les conditions d'existence minimums d'une reproduction. A Nidwald, où tous les membres du SPN (Sozialdemokratiche Partei Nidwalden) ne sont pas convaincus du bien-fondé d'un tel projet, les discussions ont montré que les finances constituaient le frein principal, et ce n'est que par un « Glücksfall » – la récupération à bon prix de machines qui appartenaient à une ancienne imprimerie – que le projet a pu être lancé.319 Comme

évoqué, ces discussions préparatoires n'ont pas eu lieu dans le cas de la RA, le caractère de coup de force ayant même été critiqué en interne.

Les rythmes de parution sont également plus soutenus dans les autres revues alpines qu'en ce qui concerne la RA; Alternative et OH publient cinq éditions en moins d'un an, tandis que la GZ et

Steibock poussent ce chiffre à six et Viva à sept, alors qu'il faut attendre deux ans pour que paraisse la RA 6. D'ailleurs, Steibock annonce dès le n° 1 que la revue paraîtra tous les deux mois, imité par Alternative et la GZ, à partir des n° 5 et 4 – promesse que ces journaux tiennent dans une large

mesure – créant une sorte de « routine de parution ». Ainsi, un des aspects fondamentaux caractérisant les premiers numéros de la RA – à savoir qu'elle paraît selon les envies du KO et les impulsions données par ses groupes de travail – ne se retrouve pas dans les autres revues, lesquelles se soumettent elles-mêmes à des contraintes – contraintes provoquées précisément par leur ambition de produire un journal à même de s'établir dans le champ médiatique local. Seul OH se rapproche du modèle spontané de la RA, mais comme cette revue également se « pense » comme un journal, elle

317 « Nichts sehen, nichts hören, nichts sagen », Viva, n° 1, 1972 [sans plus de précision], p. 3.

318 Steibock, Viva et la GZ sont ainsi disponibles en abonnement dès leur premier numéro. Pour Alternative, il faut attendre le

n° 5 (janvier 1974, soit neuf mois après la création de la revue), alors que le n° 4 (février 1977, soit neuf mois après sa naissance) de l'OH annonce avoir 50 abonnés. Nous avons vu que la souscription à l'abonnement de la RA apparaît avec la

RA 7, qui paraît en automne 1975, soit deux ans après le n° 0.

prend le parti d'expliquer à ses lecteurs la raison de la parution retardée du n° 3.320

Il a été relevé que les premières RA avaient un caractère de dossier thématique articulé autour d'une thématique principale – en quoi elle se rapproche de Alternative (dont les dix premiers numéros tournent autour d'un « Hauptthema »), de la GZ (au moins jusqu'au n° 5), et de l'OH. En ce qui concerne leur ancrage territorial, ces revues mettent l'accent sur le local, ce qui est révélé soit dans le titre (Glarner Zeitung, Oberländer Holzwurm), soit dans le sous-titre (« die andre urner zeitung », « politisch-kulturelles Magazin für den Kanton Nidwalden »). Quant à l'ancrage politique, seule la revue haut-valaisanne, par le jeu de mot et le choix de la couleur autour de « Rote Anneliese/Analyse », désigne explicitement dans son titre le camp politique auquel elle compte appartenir, alors que dans les autres revues, cette affiliation est plutôt diffuse, dans la mesure où les termes clivant de « links, Sozialismus » ne sont pas immédiatement présents (Steibock, bien qu'édité par le sociaux-démocrates, affirmant vouloir être « ein offenes Blatt »).

Sur le plan de l'apparence, il existe de nombreux points communs entre la RA, Alternative, GZ et OH qui apparaissent comme des créations bricolées avec peu de moyens, proposant un agrégat de textes, où les images et la couleur sont absentes, aux polices d'écritures variées et marquées par une faible attention donnée à la mise en page (excepté la GZ où les articles sont plus ou moins clairement délimités). Seuls Steibock et Viva contiennent des images d'une certaine qualité et offrent dès leur premier numéro l'apparence d'un magazine répondant à certains critères formels des organes de presse dominants (page de titre, éditorial, table des matières, délimitation marquée des articles, police standardisée etc.). Viva (n° 1 – 19) s'ouvre et se ferme systématiquement sur un mélange entre images et textes, sur fond imprimé en couleur rouge. Cette image plus professionnelle se constate aussi dans la pagination, puisque Steibock oscille moins fréquemment que les autres revues dans le nombre de pages que compte chaque numéro. Steibock et Viva fixent « réellement » un prix pour leur n° 1 (Fr. 1.50), alors que le n° 0 de la RA est distribué gratuitement aux travailleurs et aux employés, mais facturé Fr. 1.-- aux actionnaires et aux administrateurs, que OH signale une collecte de Fr. 1.--, qu'Alternative vend son n° 1 « zum alten inflationspreis von 80 rappen » et que la GZ ne fait pas figurer de prix. Il est également remarquable que ces revues sont toutes imprimées chez ropress à Zurich, à l'exception de l'OH, où l'impression est le fait de la rédaction elle-même.

Les formes d'organisation divergent quant à elles et si Steibock est, à l'instar de la RA, édité par un groupe politique (SPN), les autres revues sont portées par la rédaction elle-même, voire progressivement par des associations de soutien dont le but est de permettre le financement de la publication. La RA peut néanmoins être considérée comme le seul organe partisan, puisqu'il est

accordé une grande autonomie à Steibock par rapport au parti, dont les relations sont définies dans un statut qui accorde une certaine autonomie à la rédaction par rapport au parti.321 Si la GZ et OH ne

sont pas expressément liés à des groupes politiques partisans, Alternative occupe un statut quelque peu hybride, dans la mesure où le n° 5 annonce une réorientation de la revue, qui ambitionne d'être également active dans le domaine de la politique, par des actions concrètes,322 alors que le VIVA- Kollektiv est composé à ses débuts de certains militants actifs du Parti socialiste.

On retrouve également chez certaines revues une disposition explicite à défier les normes dominantes de la pratique journalistique. Ainsi l'OH affirme dès la première phrase de son premier numéro que « diese Zeitung ist nicht objektiv » – attaquant de front l'une des caractéristiques les plus prégnantes de l'éthique journalistique, à la fois comme technique d'écriture et comme crédo professionnel – mais qu'il prend au contraire parti pour les laissés-pour-compte, ceux qui sont les plus touchés par la crise économique. Alternative ne dit pas autre chose et considère toute information alternative comme partisane, l'objectif étant de proposer une présentation des faits d'un autre point de vue que la presse bourgeoise.323 Atton et Hamilton estiment que les médias alternatifs sont caractérisés par leur nature

explicitement partisane qui les mène à proclamer haut et fort leurs partis pris et leur subjectivité, n'ayant au contraire que peu d'intérêt pour le « balanced reporting ». En effet, selon ces deux auteurs, l'argument moral dominant d'une telle position répond à la volonté des médias alternatifs d'une part de contrer une présentation des événements par la presse conventionnelle perçue comme étant intrinsèquement déjà biaisée, et d'autre part d'inverser « la hiérarchie des accès », c'est-à-dire offrir