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Le BHNS parmi d’autres solutions: perspectives à l'issue de 40 ans de recherche et de

3. ANALYSE DES EXPERIENCES EUROPEENNES DE BHNS

3.7 Le BHNS parmi d’autres solutions: perspectives à l'issue de 40 ans de recherche et de

transports publics

L'objectif de cette section60 est de proposer un panorama de quelques tendances suivies au cours des 40 dernières années par la recherche et le développement dans le domaine des transports publics urbains, afin de mettre en évidence certaines conclusions susceptibles d'être bénéfiques pour le développement du BHNS et pour son évolution dans les années qui viennent. Le contexte est le suivant : même si le BHNS est souvent observé à la lumière du BRT, il peut également être étudié à travers l'évolution des transports publics urbains en France et en Europe. La concurrence entre le BHNS et le tram ne constitue qu'un aspect limité de cette problématique.

Dans le domaine des transports publics urbains, l'innovation peut se résumer à la chronologie simplifiée suivante, selon laquelle quatre périodes distinctes peuvent être identifiées, en faisant abstraction des quelques chevauchements inévitables.

• 1970-1980 : invention de « nouveaux modes de transports » automatiques, dont la complexité décroît : PRT (Personal Rapid Transit), suivi d'ARAMIS, puis des métros automatiques légers, tels que le système VAL en France, ou d’autres systèmes mis en œuvre en Amérique du Nord, au Japon et en Europe ;

• 1980-1990 : débuts de la réintroduction du tramway dans certaines villes ;

• 1990-2000 : nouveaux concepts, appelés « systèmes intermédiaires », mais correspondant en réalité à trois types différents de systèmes guidés sur pneus (transport en surface) ;

• 2000-2010 (en particulier 2005) : définition du concept de BHNS, « Bus à haut niveau de service ».

Il est nécessaire de prendre en compte l'ensemble des modes de transport sur une période étendue. La complexité évolue : aujourd'hui, elle est moindre pour le système ou le concept en lui-même, mais elle est supérieure au niveau de ses interfaces, ainsi que dans certains nouveaux composants.

Quarante ans de recherche et de développement dans le domaine des transports publics urbains entièrement automatiques

À partir de 1970, et pendant quelques années, les transports publics urbains entièrement automatiques ont été considérés comme une potentielle solution universelle, contribuant ainsi à retarder le retour du tramway et l'amélioration des réseaux de bus. Mais la diffusion d'une telle solution s'est avérée difficile, principalement en raison des réticences des villes à accepter les voies aériennes et du coût élevé des tunnels (ou de l'effet de coupure pour les solutions en surface). Dans le contexte européen, cette solution s'est cependant révélée adéquate dans certains cas spécifiques, qui comprennent les métros et mini-métros, afin d'augmenter l'attractivité du système aux heures creuses, ainsi que les systèmes couvrant des distances courtes à moyennes pour lesquels une fréquence importante est nécessaire. La concurrence entre ces systèmes et le tram est bien sûr plus importante qu'avec le BHNS.

Dans certaines villes où le tram a été préféré au VAL (p. ex. Strasbourg et Bordeaux), la possibilité de construire un réseau de tram s'appuyant sur plusieurs lignes plutôt qu'une ou deux lignes de VAL a constitué un argument en faveur de cette solution. Aujourd'hui, cette problématique pourrait être transposée au choix entre le tram et le BHNS, bien que le contexte soit différent et l'écart de coût plus faible entre deux systèmes en surface par rapport à une comparaison entre un système en surface et un système souterrain. Il convient de

60 Par Claude Soulas, IFSTTAR - GRETTIA.

garder à l'esprit le délai important nécessaire à la maturation de tels systèmes innovants : dans le cas du VAL, l'apparition du système NEOVAL, doté d'un système de guidage optimisé, a attendu 40 ans.

Nouveaux systèmes guidés sur pneus61

La chronologie simplifiée du développement de nouveaux systèmes équipés d'un guidage mécanique est la suivante :

• Guidage latéral par bordure (au-dessus du plan de roulement) : O-Bahn (Essen), bus guidés ;

Rail central, guidage vertical : GLT / TVR à Nancy et Caen ;

• Rail central, guidage oblique « en V » : Translohr à Clermont-Ferrand, en Italie, en Chine, etc.

La chronologie simplifiée du développement de nouveaux systèmes équipés d'un dispositif de guidage dit « immatériel » est la suivante :

- Filoguidage : expériences antérieures à Fürth (Allemagne), mise en œuvre dans le tunnel sous la Manche pour le véhicule de service, le contexte étant différent de celui des transports publics urbains ;

- Guidage optique : TEOR à Rouen, CIVIS à Castellón,

- Guidage électronique (enregistrement de la trajectoire et transpondeurs) : PHILEAS à Eindhoven, EVEOLE à Douai.

Complexité des systèmes : quelques conclusions tirées des systèmes automatiques et des systèmes dits « intermédiaires » (p. ex. le TVR)

Les interactions entre la complexité des systèmes (dotés p. ex. de nouvelles fonctions) et celle de la réglementation en matière de sécurité sont à l'origine de nombreux problèmes.

C'est actuellement le cas du système EVEOLE de Douai (une évolution du système PHILEAS construit à Eindhoven) : il combine plusieurs innovations dans les domaines du guidage, de l'orientation des roues, de la motorisation, de l'hybridation et de la légèreté de construction. Dans les années qui viennent, l'apparition de véhicules de BHNS innovants éventuellement dotés de nouvelles fonctions, p. ex. des bus de 24 m de long à capacité variable, pourrait le cas échéant occasionner ce genre de problèmes.

L'influence du contexte ou de l'environnement général du système est importante. Par exemple, malgré une expérimentation satisfaisante à Rochefort en Belgique, les projets français de TVR ont connu certains problèmes suite à une modification de la conception du véhicule en vue de l'obtention d'un plancher bas.

Plusieurs tentatives en matière de bimodalité

L'action COST 303 relative à la bimodalité énergétique a été menée aux alentours de 1980.

Les rapports finaux, intitulés « Évaluation technique et économique des programmes de trolleybus bi-mode », ont été publiés en 1985. Seuls les trolleybus bi-mode, c'est à dire dotés de deux motorisations complètes ou de deux types d'alimentation, étaient ici concernés. La coordination de cette action a été assumée par l'IRT de Paris (institut ayant précédé l'INRETS), avec la contribution du SNV de Hambourg.

Très peu de mises en œuvre de trolleybus bi-mode ont suivi cette action COST : seul le système de Nancy, abandonné aujourd'hui, a notamment vu le jour en France.

On peut considérer la bimodalité associée au guidage mécanique comme une tentative de combinaison des avantages des véhicules guidés (moindre consommation d'espace, réduction des lacunes aux stations, etc.) et non guidés. Cependant, on constate les éléments suivants :

- Ce système est généralement soumis à des limites : longueur de véhicule maximale de 24 m ;

61 Réf. : Les transports guidés sur pneus dits « systèmes intermédiaires » dans le contexte de l’innovation en transport collectif urbain – Claude Soulas - oct./déc. 2003 – Transport Urbain –

- Dans le cas du système O-Bahn ou des bus guidés dont les véhicules reposent sur un système simple, la bimodalité est opérationnelle, mais le guidage par bordure présente des inconvénients : croisement impossible des voies équipées de guidage, rayon de courbure, etc. ;

- Le TVR élimine les inconvénients du guidage par bordure (grâce à des rails situés sous le plan de roulement) mais la complexité du véhicule augmente (faible niveau de fiabilité) et la mise en œuvre de la bimodalité est difficile.

Bimode à l’origine, le système Translohr a rapidement abandonné cette solution : il consiste aujourd'hui en un tramway sur pneus.

La tentative de développer des systèmes bimodes illustre bien la complexité associée au concept de flexibilité, auquel on a souvent recours pour décrire des notions différentes.

Différents niveaux de flexibilité : quelques avantages à nuancer

D'un point de vue technique, on peut considérer la flexibilité offerte par les pneus sur tous les types de bus (BHNS et autres) ainsi que sur les trams sur pneus (de type Translohr). Cette solution constitue un avantage pour les pentes de plus de 10 % (généralement limitées à 13 % pour des raisons de confort), ainsi que pour les faibles rayons de courbure, même si ces derniers sont à éviter dans le cas des systèmes à hautes performances afin de maintenir la vitesse commerciale à un niveau suffisant.

La notion de flexibilité s'applique également à l'itinéraire. Celle-ci doit être évitée afin de favoriser l'identification de la ligne et l'urbanisation. Le BHNS est un système de bus qui perd en flexibilité dans le but d'améliorer son efficacité.

En cas de perturbations, la flexibilité peut rester un avantage du BHNS. Dans le cas du tram, dont la ligne exige un niveau de protection supérieure, deux cas se présentent : les trams modernes sont bidirectionnels afin d'être en mesure de circuler sur une portion de ligne ; certains trams anciens sont quant à eux monodirectionnels, mais s'appuient sur un réseau de plusieurs lignes sur lesquelles ils peuvent être déviés en cas de perturbation (p. ex. Bâle, Dresde).

La flexibilité relative à l'utilisation des lignes apparaît lorsque plusieurs lignes de bus utilisent la même voie. Certaines villes font également cohabiter le bus et le tram sur la même voie.

La flexibilité en matière d'investissement est un autre aspect qui serait à discuter.

Familles de transports publics urbains en Europe

Il existe une grande variété de systèmes de transports publics urbains, dont l'adaptation aux différents contextes est variable et dont le développement est plus ou moins abouti :

- Systèmes à la demande (taxi collectif, minibus, etc.) : il s'agit ici d'une mise en œuvre véritable de la notion de FLEXIBILITÉ. En raison du coût élevé des conducteurs dans le contexte européen, la mise en œuvre de cette solution doit se limiter à un service complémentaire au réseau classique dans des zones et à des horaires spécifiques.

- Bus classique

- BHNS et tram léger (sur roues fer ou pneus) - LRT (dit « métro léger ») /tramway

- Métro classique, pour une fréquentation (très) importante - Systèmes automatiques classiques en site propre intégral

- PRT (Personal Rapid Transit) : un concept ancien qui est encore parfois défendu aux États-Unis et ailleurs, bien que la plupart des experts considèrent cette solution comme peu réaliste lorsqu'il s'agit d'établir un réseau urbain complet, et non un nombre très restreint de stations dans un aéroport.

• Des recherches sont menées dans le domaine des STI (systèmes de transport intelligent) afin de promouvoir de nouvelles solutions tels que les systèmes entièrement automatisés de surface (voitures automatiques ou « cybercars », bus automatiques, etc.). Ces solutions exigent des investissements moindres que les PRT

car elles ne nécessitent pas de, site propre intégral mais elles sont par ailleurs sujettes à de nombreuses difficultés au niveau des règles de sécurité, de la cohabitation avec les autres véhicules et les piétons, etc.

Comparaison du BHNS et du tram

Le choix du BHNS ou du tram ne doit pas reposer uniquement sur une comparaison des coûts. Par exemple, une telle comparaison, menée il y a trente ans pour le réseau de la ville d'Erlangen (Allemagne), est parvenue à la conclusion qu'un système H-Bahn entièrement automatisé reviendrait moins cher qu'un système de bus. L'étude reposait cependant sur l'hypothèse d'une fréquence d'1 minute aux heures de pointe, un scénario qui représente des coûts d'exploitation importants pour un système de bus circulant en centre-ville.

Par rapport à d'autres études, la comparaison des coûts de la FGSV (publiée en 2008) coordonnée par V Deutsch (université de Wuppertal) présente deux avantages significatifs :

- Elle évite les comparaisons qui n’ont pas de sens, en veillant autant que possible à sélectionner des conditions similaires ;

- Elle a limité la portée de la comparaison à une fréquentation raisonnable correspondant à un contexte européen.

Le choix de certains paramètres demeure bien sûr difficile et les résultats dépendent du contexte. Une comparaison prudente du BHNS et du tram parviendrait aux conclusions suivantes :

- En prenant comme critère les coûts totaux sur une période de 30 ans, un système de BHNS bi-articulé de 24 m fonctionnant au diesel peut s'avérer sensiblement moins onéreux qu'un tram (30 % étant envisageable en fonction des hypothèses choisies), mais pas deux fois moins cher.

- Dans le cas d'un trolleybus BHNS bi-articulé de 24 m, les coûts totaux sont comparables à ceux du tram dans certaines conditions, si l'on considère un intervalle de 5 minutes pour les trolleybus et un intervalle de 8 minutes pour le tram.

Certains éléments n’ont pas été pris en compte parce qu'ils sont difficiles à quantifier en matière de coût, par exemple la largeur plus faible des voies de tram, qui constitue un avantage significatif dans certaines villes.

La comparaison globale des coûts souligne l'importance de certaines questions telles que le coût des chaînes de traction électriques aussi bien pour le tramway que pour le BHNS électrique (trolleybus). En France et en Allemagne, la question d’une utilisation accrue de l'électricité pour les transports publics et privés constituera un sujet important dans les années à venir.

La problématique du financement des transports publics est un autre sujet prépondérant à court terme : même si le coût global au km du BHNS peut s'avérer plus économique que celui du tram dans certaines conditions, l'objectif est une augmentation significative de la longueur des réseaux ; les fonds destinés aux transports publics ne devraient donc pas être réduits.

BHNS et tram : plus de points communs que de différences

Le BHNS et le tramway représentent deux concepts de transport de nature relativement similaire. La multiplication des mises en œuvre de ces deux solutions (ce qui ne signifie pas que le tram doit être implanté dans toutes les villes) associée au développement d'une recherche conjointe applicable aux deux systèmes pourrait permettre de parvenir à une synergie :

- Composants communs : conception des arrêts, chaînes de traction électriques pour les trolleybus (BHNS électriques) et les trams ;

- Optimisation de l'itinéraire : impact important de la distance interstation et de la diminution des courbes sur l'efficacité du système ;

- Usage des sols / voies réservées : acceptation, conception, problématiques de sécurité par rapport aux piétons, etc.

pervers), complémentarité avec les autres transports en commun, le vélo, la voiture, les taxis, etc. ;

- Capacité d'une ligne de BHNS à évoluer en une ligne de tram ou en une ligne de trolleybus en fonction du contexte ;

- Modération de la circulation automobile et de son impact sur l'attractivité des transports en commun dans un contexte selon lequel le développement des voitures dites « vertes » et des véhicules électriques joue en faveur de l'utilisation des voitures particulières en ville ;

- Nouvelles approches du financement des transports en commun : association de plusieurs solutions.

Un défi pour les BHNS dans l'UE

Sur la base de nos recherches, il semble raisonnable d'affirmer que, dans certaines circonstances, le BHNS est potentiellement en mesure d'améliorer les TC dans les aires urbaines.

Il semble également que le potentiel du BHNS puisse être important en ce qui concerne le nombre de lignes, sous certaines conditions :

- Le concept et les véhicules doivent demeurer simples, bien que certaines innovations puissent être introduites ;

- Il convient d'éviter de se concentrer sur le nombre relativement réduit de lignes mettant le BHNS et le tram en concurrence (découlant parfois d'un choix politique / de l'estimation difficile de l'augmentation de la fréquentation à moyen terme) si l'objectif est l'amélioration d'un nombre de lignes de bus important ;

- Dans un contexte d'évolution de l'ensemble des modes, l'objectif de l'action COST consiste moins à déclarer que le BHNS est la meilleure solution qu'à étudier les moyens d'amélioration du BHNS à différents niveaux ;

- Une synergie existe avec le tram, qui repose sur la même « philosophie de transport », contrairement aux nouvelles alternatives telles que les voitures électriques particulières ou publiques (p. ex. Autolib) et le covoiturage, qui s'avèrent parfois utiles mais peuvent avoir des effets pervers : utilisation partagée des couloirs bus difficile, augmentation de la dépendance automobile, moindre prise en compte de la nécessité d'une évolution de l'urbanisme.