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Manger de la viande, manger des viandes

IV- Le mouton, objet patrimonial

3- beldi contre roum

Les déclarations de la plupart des consommateurs montrent que les sentiments de proximité ou d’éloignement qu’ils entretiennent avec les pratiques d’élevage et les intrants utilisés sont primordiaux pour l’appréciation des viandes. A ce titre, nous avons relevé que deux qualificatifs sont couramment utilisés au Maroc pour faire référence aux produits animaux. Il s’agit de beldi et roumi : c’est ainsi que nos informateurs parlent de moutons, de poulets ou de vaches beldi ou roumi. De manière générale, le terme roumi (litt. romain, chrétien) sert à qualifier un objet, une personne ou une pratique considérés comme étant d’origine européenne ou nord américaine. Un professeur d’arabe, marocain, précise le sens que revêt actuellement le terme dans le langage courant : « roumi c'est étranger mais plus vers l'Europe.

Quand les gens veulent parler d'un roumi ça peut être un Européen, un Américain, un Australien. Ils ne font pas de différence, pour eux c'est le même mode de vie.»

Par opposition, le terme beldi est utilisé pour faire référence à ce qui est conçu comme local, comme authentiquement marocain. Le dictionnaire de langue et de culture marocaine de De Prémare et al. (1993, p.295) propose les traductions : « indigène, local; de production/de fabrication locale; non importé (objet, produit) ». Le qualificatif est construit sur la même racine que balad : « pays, territoire,

Les consommateurs appliquent les deux catégories beldi et roumi aux animaux en fonction de l’origine supposée de leurs races ou de leurs souches : « Les moutons

beldi, leur origine, leur noyau est local. » A l’opposé, les animaux roumi sont conçus

comme étant de races européennes ou françaises, importées au Maroc106. En ce qui concerne les ovins, de l’avis des consommateurs de Rabat, l’ensemble du cheptel national est constitué de races locales, de moutons beldi ce qui est exact. Les troupeaux constitués d’animaux de races étrangères sont tout à fait marginaux (Boujenane, 1999). A propos des poulets, les consommateurs et les autres intervenants de la filière (volaillers, grossistes, éleveurs) font partout la différence entre poulets beldi et poulets roumi. La majorité des volailles étant vendues en vif, ce sont des caractéristiques physiques qui sont mobilisées par les consommateurs pour les différencier. Le poulet roumi qui présente toujours un plumage blanc et uniforme est décrit comme étant d’origine européenne. Quant aux poulets beldi, les consommateurs disent les reconnaître à leur plumage coloré. Ils sont considérés comme étant de souche locale et typiquement marocains : « Il n’existe pas ailleurs »; « En France vous n’en avez pas »… Rappelons que 80% du volume de viande de poulet produite, au Maroc, est issu de l’élevage de poulets roumi. Pour les bovins aussi la même distinction existe. De l’avis des consommateurs, la viande de boucherie est principalement issue de bovins roumi, c’est-à-dire d’animaux de races importées. Dans la réalité environ 54% des effectifs du cheptel bovin marocain seraient de type local et 46% de types purs (races importées) et croisé (c’est-à-dire issu du croisement entre races locales et races importées). Il faut noter que cette situation est le résultat d’une évolution récente puisqu’en 1969, 95% des effectifs appartenaient au type local (Boujenane, 2002, p.13). Les caprins en revanche sont considérés par nos interlocuteurs comme étant tous d’origine locale (les troupeaux de races laitières sélectionnées, importées d’Europe, sont en effet marginaux en nombre).

A propos des termes beldi et roumi, les consommateurs évoquent aussi les sens de « traditionnel » et de « moderne ». A ce titre, Norguet-Dautry (1993) a souligné qu’au Maroc, est qualifié de traditionnel tout ce qui est justifié par l’allégation qu’il en allait de même autrefois. Mais elle ajoute que la tradition y revêt aussi une dimension géographique : « C’est le ‘chez nous’ confronté à un ailleurs parfois mal défini mais 106

La même catégorisation est employée à l’égard de fruits et légumes selon que les variétés sont considérées comme d’origine locale (le citron vert, les courgettes rondes, les concombres courts) ou importée (citron jaune, courgettes et concombres longs).

qui est essentiellement français. » Ainsi, des produits alimentaires (huile, beurre,

sucre…), les vêtements, les bijoux, l’ameublement sont dits beldi ou roumi selon que leurs procédés de fabrication ou leurs styles sont considérés comme d’origine locale ou occidentale. On parle aussi, au Maroc, de personnes beldi ou roumi en fonction de leurs modes de vie, d’habillement ou de leurs comportements selon que ceux-ci sont considérés comme traditionnels ou modernes et occidentalisés. A propos des animaux, l’opposition entre tradition et modernité concerne les pratiques d’élevage. Les techniques de stabulation sont présentées comme « modernes »,

« scientifiques » et importées d’Europe. A l’opposé, l’élevage sur parcours, en plein air, est considéré comme traditionnel et ancré dans l’histoire locale : « Il faut que les

moutons soient élevés dans la nature, sur les pâturages, selon les règles. » A propos

des animaux beldi, nos informateurs font référence au souvenir d’animaux élevés par leurs parents, leurs grands-parents ainsi qu’à des troupeaux ou des basse-cours vus dans les campagnes, lors de voyages. Ils leur apparaissent comme les produits d’élevages pensés comme identiques aux pratiques anciennes et par conséquent comme authentiquement marocains. L’utilisation d’aliments composés ou de pulpes sèches de betterave est décrite comme étant « moderne». En revanche, l’usage des céréales (orge, blé, maïs), la paille, la luzerne est considéré comme ancré dans la tradition. Il est important de relever que pour les personnes interrogées, les catégories d’animaux et les catégories de pratiques d’élevage se recoupent : les animaux beldi sont élevés selon des pratiques traditionnelles et les roumi selon des pratiques modernes et intensives. A ce titre, les animaux des différentes catégories sont vus comme étant adaptés à leurs modalités d’élevage respectives et comme ne pouvant pas supporter d’être élevés selon les pratiques opposées : « Le poulet

roumi, il ne peut pas être élevé dans la nature. Il est trop fragile. Il a besoin qu’on lui apporte sa nourriture. Il a besoin de chauffage artificiel (…) Le poulet beldi c’est le contraire. Tu ne peux pas l’élever dans les poulaillers industriels. Il a besoin d’être dehors, en plein air. »

Compte tenu de tout ce qui vient d’être dit, on comprend que les consommateurs marocains tiennent les animaux beldi pour être les « vrais» moutons ou les « vrais » poulets et qu’ils considèrent la saveur de leurs viandes comme étant authentique : « Le beldi il a le vrai goût du poulet. »... En effet, nous avons vu (chapitre 1) que la perception gustative d’un aliment est le résultat d’une construction mentale qui donne une signification aux messages sensoriels (transmis au cerveau par les terminaisons nerveuses) en les rattachant à des expériences et à des visions du monde

incorporées par les individus au cours de leur histoire (Chiva, 1996). Et c’est ainsi que le poulet de batterie est pensé (par opposition au poulet « authentique », le

beldi) comme étant artificiel (‘içtinâcî), industriel (çinâcî), fabriqué (maçnûc). Et on comprend que les consommateurs soient disposés à percevoir sa viande comme n’ayant pas le « vrai goût» du poulet, à la comparer à du carton ou du plastique ou encore à la considérer comme néfaste pour leur santé. D’un point de vue objectif, il faut dire que les deux catégories de viandes sont très différentes : celle de roumi provient de volaille de quatre-vingt-dix jours alors que celle de beldi vient de jeunes coqs qui ont parfois jusqu’à six mois. La chair de ces derniers est donc moins tendre et a une saveur plus intense que les premiers.

J.P. Poulain (1997, p.20) a aussi constaté, dans le contexte français, que « la

production animale conçue sur le mode taylorisé contribue à une chosification de l’animal destiné à l’alimentation. Elle le réduit à l’ordre de la matière première. La viande s’en trouve désanimalisée, dévitalisée » Le malaise des consommateurs

marocains à l’égard des animaux roumi et de leur viande nous paraît être similaire à celui des consommateurs occidentaux face à l’industrialisation de l’alimentation. Les transformations des filières agro-alimentaires, leur concentration, leur étirement, l’éloignement des mangeurs de l’origine des aliments font de ces derniers des produits non identifiables, chargés de mystères, des OCNI « objets comestibles non

identifiés » selon la formule de Fischler (1993, p.218). En vertu de l’effet de

l’incorporation (Chapitre 1) sur la recomposition identitaire du mangeur, l’ingestion quotidienne d’aliments mal identifiés agirait sur l’individu en installant chez lui une crainte de perdre la maîtrise de son propre corps, mais aussi de sa propre identité : « si nous ne savons pas ce que nous mangeons, ne devient-il pas difficile de savoir,

non seulement ce que nous allons devenir, mais aussi ce que nous sommes? »

(Fischler, 1993, p.70)

Ajoutons qu’au Maroc le clivage beldi / roumi prend aussi une dimension religieuse dans la mesure où le roumi est aussi nasranî (littéralement nazaréen), c’est-à-dire « chrétien ». Les dimensions géographique (occident) et religieuse (chrétienne) sont amalgamées. L'Encyclopédie de l'Islam, nous apprend que le mot roum apparaît dans la littérature arabe pour désigner indifféremment les Romains, les Byzantins et les chrétiens. Or des informateurs qui ne sont pas des hommes de religion (par exemple, un grand commerçant qui habite un quartier résidentiel ou une jeune femme qui habite un quartier moderne) affichent la conviction que l’intensification de

l’élevage est en contradiction avec le dogme islamique : « Dans notre religion, il ne

faut pas faire de mal aux animaux. Il ne faut pas les exploiter de façon scientifique »;

« C’est haram [interdit par la religion] de donner de la farine animale aux

vaches. »… Pour le mangeur marocain, à l’angoisse générée par la méconnaissance

des réalités des élevages intensifs, s’ajoute celle que génère l’origine supposée européenne ou occidentale, donc considérée comme chrétienne, des techniques et des souches animales employées. A cet égard, il faut se rappeler la longue histoire conflictuelle, entre les habitants des deux rives de la Méditerranée. Depuis le 16ème siècle au moins, l’Européen c’est « l’homme qui vient de la mer : l’envahisseur impie

contre lequel le jihâd est une obligation canonique » (Rivet, 2002, p.22) Cette figure

malfaisante de l’Européen gagne en vigueur pendant le presque demi-siècle d’occupation française (1912-1956). Rivet (2002, p.23-24) rapporte l’ensemble des images négatives et des stéréotypes dont il est l’objet : considéré comme ayant des origines impures (on le rattache parfois à Caïn), assimilé dans les contes populaires à un ogre repoussant,… il faut s’abstenir au maximum de le fréquenter sous peine de souillure.

Au même titre que les consommateurs français se sont sentis menacés d’américanisation par le développement de la vente de Coca-Cola sur leur territoire, après la Seconde Guerre Mondiale, puis par la multiplication des fast-food, à partir des années 1970 (Fischler, 1993, pp.221-226), on peut penser que les consommateurs marocains ressentent une anxiété à voir leur identité bouleversée par la consommation d’animaux roumi. A l’appui de cette hypothèse nous relevons les parallèles exprimés par nos interlocuteurs entre les animaux et les êtres humains : « Le poulet beldi est brun, comme nous. Le roumi est blanc comme vous. » (entendu plusieurs fois) Un informateur de la Médina nous rapporte : « J’entends

souvent les gens qui traitent les Européens de « poulets roumi ». Ils disent qu’ils sont fragiles et faibles, qu’il faut faire attention à eux. Les Marocains se comparent aux poulets beldi qui sont plus forts, plus résistants.» Dans le contexte marocain,

l’angoisse d’une recomposition identitaire est dramatisée par le fait qu’elle ne concerne pas seulement des traits nationaux mais aussi la religion et donc possiblement le salut de l’âme107.

107

A propos de cette anxiété identitaire et religieuse liée à la consommation de viande, Benkheira (1995) a souligné que les populations musulmanes n’ont jamais été autant rigoristes vis-à-vis du mode d’abattage des animaux que lorsqu’elles cohabitaient avec des non-musulmans. En témoigne le développement important des boucheries halal, en Europe alors que la plupart des docteurs en droit

Au final, nous faisons l’hypothèse que la plupart des consommateurs de viande interrogés considèrent le mouton comme un véritable objet patrimonial108. A ce titre, les personnes interrogées rattachent le mouton à leur patrimoine par un ensemble de croyances qui sont relatives : à l’origine des races élevées et consommées ; aux pratiques d’élevage pastorales considérées comme généralisées et appartenant à la tradition ; aux conditions écologiques et climatiques locales considérées comme étant les mieux adaptées à l’élevage du mouton ; au statut de victime préférentielle pour le sacrifice religieux (parfois ils formulent explicitement cette idée : « le mouton

est la viande préférée des Marocains parce que son sacrifice est recommandé par la religion. ») Les déclarations où s’entremêlent les références à cet animal comme

patrimoine local, l’élevage sur parcours et l’identité marocaine sont fréquentes chez les consommateurs interrogés : « Le Maroc c’est le pays du mouton » ; «Ici le

mouton est roi »…ou encore « les Marocains sont des éleveurs » ou « des bergers »,

etc. Ces observations nous engagent à adhérer à l’hypothèse de Corbeau (2002, p.109) selon laquelle la « conceptualisation patrimoniale » émerge lorsqu’il y a rupture. Dans le contexte étudié, les ruptures sont multiples et diverses. De nombreux consommateurs ont connu un passage récent (en une ou deux générations) de la condition de paysan-éleveur à celle de citadin, qui s’est accompagné d’un éloignement physique des lieux d’élevage et de la perte de la maîtrise des facteurs de production. Les néo-citadins aussi bien que les citadins de souche ont connu un bouleversement de la structure de l’offre en produits carnés : alors que le mouton y était dominant, il y a moins d’un siècle, il est maintenant relégué en troisième position, derrière le poulet et le bœuf. Les conditions et les techniques d’élevage de ces deux espèces ont elles mêmes connu de grands bouleversements qui ont résulté, pour ce qui concerne la volaille, dans la mise sur le marché d’un produit aux caractéristiques très différentes du traditionnel poulet de basse-cour.

Le statut d’objet patrimonial que les consommateurs confèrent au mouton, mais aussi au poulet beldi, permet de comprendre de manière significative l’utilisation privilégiée de leur viande dans le cadre de pratiques (réceptions d’hôtes, repas de fêtes) qui ont pour fonction d’entretenir ou de créer des liens entre individus. Dans ce islamique s’accordent sur le fait que la viande issue des abattoirs locaux est licite pour leurs coreligionnaires, à partir du moment où les animaux sont mis à mort par égorgement.

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cadre, le prestige conféré aux plats constitués de carcasses entières, de demi- carcasses, de quart-avant, d’épaules entières doit se comprendre du fait de la grande quantité de viande qu’ils représentent mais aussi parce qu’ils permettent de visualiser l’animal : on « voit que l’on mange du mouton » dit un consommateur. Cette valorisation des grands quartiers de viande dénote une nette tendance à la « zoophagie ». Rappelons que, parmi les consommateurs français, Vialles (1987, p.140) distingue les « zoophages » qui aiment à reconnaître le vivant dans ce qu’ils consomment, des «sarcophages » qui ne consentent à consommer qu’une substance abstraite où rien ne soit identifiable de l’animal.

Conclusion

Les analyses qui précèdent mettent au jour un ensemble de comportements et de motivations types à partir desquelles, par un travail de stylisation, on peut construire différents ethos de mangeurs de viande. Le premier, que nous proposons d’appeler « mangeur beldi », adhère à tout un réseau de croyances positives et normatives, qui font du mouton le type idéal des viandes, c’est-à-dire le modèle qui condense l’ensemble des propriétés et des caractéristiques qui définissent ce que doit être une viande : un aliment nourrissant, savoureux, dont la consommation confère du prestige et qui permet d’établir ou de renforcer les liens sociaux à travers les trois mécanismes du don, de la démonstration de générosité et de l’incorporation. Ce mangeur prête cette dernière propriété au mouton et au poulet beldi parce qu’il les tient pour des objets patrimoniaux. Parallèlement, la consommation de ces deux viandes provoque chez lui une remémoration à la fois sensorielle et affective : du

temps passé (dans le cas du poulet beldi chez les personnes qui ont vécu l’époque

où le poulet roumi n’existait pas…), du temps de la fête (goût du mouton associé à la fête du sacrifice et aux mariages…) ou des êtres proches chez qui il consommait ces produits (père éleveur, grand-mère qui possédait une basse-cour…). Au sein de cet ethos, des mangeurs ont supprimé ou diminué la fréquence de consommation du mouton, dans leur alimentation ordinaire, au profit du bœuf et du poulet, pour des raisons de santé (personnes souffrant d’hypercholestérolémie qui disent agir sur les conseils de leur médecin et personnes qui disent agir par prévention) ou pour des

raisons utilitaires et économiques (le bœuf est plus charnu et tient mieux à la cuisson). Toutefois, le mouton garde pour eux le statut de viande des grandes occasions et des réceptions. Pour achever de caractériser le « mangeur beldi », nous ajouterons qu’il est « tenant du tajine » et zoophage, surtout lors de repas festifs.

Au « mangeur beldi » nous opposons le « mangeur roumi ». Ce dernier renvoie la viande principalement à sa fonction de nourriture. C’est ce qu’exprime une jeune femme en disant : « Pour moi la viande c’est de la viande. » Il hiérarchise les produits carnés en fonction de qualités intrinsèques. Comme il est très sensible aux considérations diététiques, il dévalorise le mouton pour son aspect gras. Comme il est « tenant des grillades », il consomme surtout des viandes (bœuf, poulet) qui se prêtent à la préparation de ces spécialités : tranches de bœuf à griller, steaks hachés, escalopes de veau, de poulet, de volailles panées ou farcies au fromage, pilons ou brochettes de poulet marinées… Il ne trouve pas, parmi l’offre des bouchers, des produits à base de viande d’agneau, adaptés à ce mode de consommation (en dehors des côtelettes). Il réfute le statut très valorisé (qui domine dans son entourage) du mouton et du poulet beldi. Il considère tous les arguments relatifs au registre patrimonial et qui fondent la valorisation de ces deux viandes, comme relevant du « mythe », d’idées révolues ou en voie de l’être : « Je n’y crois

pas [à la qualité gustative supérieure du poulet beldi sur le roumi]. C’est un mythe » ;

« Ce sont les personnes âgées qui croient ça »… Il voit dans la rationalisation de l’élevage des gages de sécurité sanitaire : « Dans les fermes, on donne une

alimentation sélectionnée aux animaux. Ceux qui sont lâchés dans la nature mangent n’importe quoi. Parfois des déchets ou des sacs en plastique qui traînent» ;

« Il y a un suivi vétérinaire. Les animaux sont traités quand ils sont malades. »… Le « mangeur roumi » veut aussi dénier la fonction d’entretien des liens sociaux que le « mangeur beldi » confère à la consommation de viande. Il ne participe pas à la fête du sacrifice qui pour le « mangeur beldi » constitue le moment le plus intense d’agrégation communautaire autour de la consommation de viande et préfère profiter des quelques jours de congés pour s’adonner à des activités plus individualistes (voyages, vacances,…). Dans les grandes réceptions (mariages), il privilégie les aspects festifs autres que gastronomiques, notamment la musique et la danse. Il considère que l’organisation de grands repas perturbe ces aspects de la fête, en créant des temps morts (« quand ils ont mangé les gens ne veulent plus se lever

circulent avec les plats…). Parfois, il organise des repas sous la forme de buffets, ce qui plonge les « mangeurs beldi » qui sont invités dans la perplexité : « J’avais

organisé un buffet. Mais les gens n’ont rien compris. Ils restaient assis à leur place. J’avais beau leur dire de se lever, de se servir, ils ne bougeaient pas. A la fin, j’ai été