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2 LA SEQUENCE DES GISEMENTS SAINT-MARTINOIS

2.3 LE NEOINDIEN RECENT

2.3.5 Baie Rouge

2.3.5.1 Contexte environnemental

La plage de Baie Rouge est située dans la partie occidentale de l’île, sur la côte nord de la péninsule des Terres Basses (fig. 18). Le site est localisé à l’extrémité orientale de la baie sur un replat surplombant la plage à une dizaine de mètres d’altitude et à environ 60 m du rivage actuel. Ce replat, situé entre deux petits mornes d’une quarantaine de mètres de hauteur, correspond au parking d’accès à la plage de Baie Rouge (fig. 467). D’un point de vue géologique, les terrains sont attribués à la formation de la Pointe Arago, soit à une série volcano-sédimentaire à dominante andésitique (Dagain et al. 1989). Cette formation constitue dans ce secteur un relief littoral relativement étroit qui isole en arrière le Grand Etang de Simsonbaai (fig. 84).

2.3.5.2 Historique des recherches

Le site de Baie Rouge a été découvert par les époux Keur en 1957 (Hartog 1981) puis décrit par les époux Bullen dans les années 60 (Bullen, Bullen 1966). Des sondages réalisés en 1982, permettent d’attribuer alors les productions céramiques à la sous-série elenan-ostionoïde et de les comparer à celles du site de Freeman’s Bay à Antigua (Spykens Smitt, Versteeg 1988). Sur la base du mobilier découvert en prospection en 1987, Jay B. Haviser confirme alors ce diagnostic culturel (Haviser 1988). En 1994, une intervention de sauvetage réalisée par l’AAHE lors de la construction d’un mur de clôture (fig. 468), permet de déterminer une principale période d’occupation maintenant affiliée à la sous-série chican-ostionoïde (Hénocq, Petit 1998b). L’étude du site documente un dépotoir et une sépulture. En 2005, lors d’une intervention ayant pour objectif la protection du gisement par la pose d’un remblai (fig. 368), une cartographie des dépôts archéologiques a été réalisée au préalable sur la parcelle du parking en cours d’érosion (Stouvenot 2005).

2.3.5.3 Synthèse des recherches

2.3.5.3.1 Géométrie et stratigraphie des dépôts Les recherches conduites par Christophe Hénocq le long du mur de clôture nord de la parcelle AB 320 (fig. 467), soit 12 sondages de reconnaissance de 0,40 m de côté et une aire de recherche de 8 m de longueur (Hénocq, Petit 1998b), ont permis de localiser une portion de dépotoir (fig. 468). Presque dix ans plus tard, une cartographie de la parcelle AB 13 située juste au nord a été réalisée par une série de sondages à la tarière (Stouvenot 2005). Les résultats permettent de visualiser l’épaisseur de la couche archéologique au-dessus du substratum. Elle s’avère la plus conséquente dans la partie centrale de la parcelle avec deux principales concentrations (fig. 468). Cependant, les observations de terrain ont révélé que la

plus forte densité de vestiges à la surface du sol se situe juste à l’ouest des deux concentrations, vraisemblablement du fait de l’érosion de cette zone. L’ensemble des résultats met donc en évidence une aire dépotoir qui s’étend de part et d’autre du mur mitoyen entre les parcelles AB 320 et AB 13 (fig. 468). Les limites du gisement ne sont actuellement pas reconnues au-delà. Une séquence stratigraphique a été relevée le long du mur de clôture situé entre les parcelles AB 13 et AB 320, entre les carrés J1 et L1 (Hénocq, Petit 1998b). Elle présente de la base au sommet (fig. 469a) :

- 011 : un sable jaune stérile à graviers, correspondant au substrat érodé,

- 009 / 010 : un sable gris cendreux à abondants rejets, interprété comme un niveau dépotoir. Il renferme de la céramique, des coquilles de mollusques, des ossements de poissons, de l’industrie lithique et des charbons,

- 008 : une lentille de sable jaune et graviers qui pourrait être interprétée comme un remblai provenant d’un creusement dans le substratum,

- 007 : un rejet de coquilles,

- 005 : un sable gris jaune pauvre en mobilier, - 004 : le comblement de la fosse de la sépulture 1, - 006 : le creusement de la fosse,

- 003 : un dépôt cendreux à ossements de faune, - 002 : un niveau de rejets à céramique et coquilles, - 001 : un sable gris clair, correspondant à l’humus. La séquence révèle donc une stratification caractéristique des dépotoirs précolombiens du Néoindien.

2.3.5.3.2 Les pratiques funéraires

Les recherches réalisées en 1994 ont permis de documenter des pratiques funéraires par la découverte d’une sépulture dans le carré J1 (Hénocq, Petit 1998b). Il s’agit d’un individu adulte, probablement un homme, âgé entre 18 et 25 ans d’après une des clavicules dont l’épiphyse n’est pas soudée. Il a été inhumé dans une fosse en pleine terre (fig. 469 c et d). Le sujet repose sur le dos en position fœtale, les membres inférieurs sont repliés à gauche sur l’abdomen. L’avant-bras droit et la main reposent sur le pubis sous les membres inférieurs. Le membre supérieur gauche n’est pas conservé. Le crâne est en position primaire et repose sur le bord de la fosse en entonnoir. La fosse, plus large que l’espace du corps, et les observations taphonomiques, permettent de conclure que le sujet a été inhumé en espace colmaté et de possibles liens ont pu maintenir la position du corps. Le comblement de la fosse a révélé un fragment de pot à encolure, une lame de hache sur cherto-tuffite et un racloir sur une coquille de Codakia orbicularis.

2.3.5.3.3 Les datations radiométriques

La campagne de recherche de 1994 a fait l’objet de trois datations radiométriques dont les échantillons ont été prélevés dans la séquence stratigraphique du carré M1 (Hénocq, Petit 1998b). Le niveau dépotoir 010 a livré un

résultat de 1395 à 1515 AD (tab. 4) et son sommet l’unité 009 a fourni une datation de 1410 à 1600 AD (tab. 4). En revanche, la datation d’un niveau très supérieur, l’unité 002 (fig. 469 a), s’avère incohérent avec un résultat plus ancien entre 1000 et 1200 AD (tab. 4). Cette dernière datation a été rejetée de l’analyse chronologique. Le niveau dépotoir est donc daté entre 1395 et 1600 AD.

2.3.5.4 Les mobiliers

2.3.5.4.1 La céramique

La céramique n’ayant pu être consultée car elle actuellement inaccessible10, l’étude de Christophe Hénocq a été utilisée pour ce chapitre (Hénocq, Petit 1998b). La série comprend 128,6 kg de céramique découverte lors des recherches de 1994. Ce mobilier provient des aires de recherches et des déblais consécutifs au creusement de la tranchée du mur (fig. 368).

2.3.5.4.1.1 Evaluation de la population de récipients Les études statistiques ont été réalisées sur la céramique provenant de l’aire M1 d’une superficie de 2 x 1,75 m qui comprend 1428 restes pour 28335 g, soit un poids moyen par tesson élevé de 19,8 g. Les bords ont été classés suivant 6 catégories. Les plus représentées sont celles des bords droits arrondis, soit 47,8 % et aplatis, soit 29,8 %. Les bords renflés vers l’intérieur totalisent 6,7 % des effectifs, ceux renflés vers l’extérieur 9 % et ceux renflés à l’intérieur et à l’extérieur 1,5 %. Les bords en biseau effilé représentent 4,5 % et on compte 0,7 % d’indéterminés.

Les formes ouvertes sont largement les plus abondantes avec 84 % des récipients, les formes fermées représentent un taux de 15,3 % et les formes indéterminées seulement 0,7 % ce qui s’avère très peu par comparaison avec les autres assemblages de l’île. Sur les 154 bords de récipients identifiés la famille de forme a été déterminée pour 149 individus. Les bols représentent 40,3 % des effectifs. Les plats, les assiettes et les écuelles ont été regroupés, ils totalisent 33,6 % des contenants. Les platines représentent 9,3 % et les autres récipients sont des formes fermées soit 15,3 % et 0,7 % sont des formes indéterminées.

2.3.5.4.1.2 Description du corpus Les platines

Les platines sont apodes avec un bord plus ou moins relevé selon les individus. Leur profil est très variable en

10 Tout le mobilier archéologique de Saint-Martin est actuellement stocké dans deux containers dans l’attente de l’aménagement du nouveau dépôt archéologique.

section : il est soit triangulaire, soit étiré vers l’extérieur soit plat ou arrondi (fig. 470 : 1 à 13).

Les assiettes

Les assiettes ont des formes très simples avec une paroi rectiligne et un bord droit ou renflé selon les individus (fig. 470 : 14 à 16 et 18 à 26). Un type se distingue par un marli décoré dont la largeur varie selon les assiettes (fig. 470 : 17, 475 : 8 et 9). Les marlis sont ornés d’incisions formant des motifs curvilignes.

Les écuelles

Des formes à profil convexe et à bord droit fournissent des récipients de différents diamètres et d’épaisseur variable dans les catégories des écuelles et des plats creux (fig. 471 : 1 à 7).

Les assiettes ou les écuelles décorées

Une série de bords appartenant à des assiettes ou des écuelles, dont la famille de forme est difficile à déterminer compte tenu de la taille des fragments, porte plusieurs types de décors. On identifie des bords droits arrondis ornés de papules bifides ou unique (fig. 471 : 8 à 11), des bords à méplat étroit décoré de pointillés (fig. 471 : 12 à 14) et des bords droits aplatis portant un trou de suspension (fig. 471 : 15 et 16). Un bord droit aplati porte un petit modelage fixé de façon perpendiculaire, également perforé d’un trou de suspension (fig. 471 : 17). Des bords arrondis de petits récipients, vraisemblablement des écuelles, portent des décors de cordons incisés formant un anneau sur deux exemplaires (fig. 471 : 18 à 20). Enfin, des modelages incisés de têtes anthropomorphes ou zoomorphes, sont fixés sur le bord de petits récipients.

Les bols

L’assemblage comprend de petits bols d’un diamètre inférieur à 18 cm. Ils ont un corps à profil convexe et un bord droit arrondi (fig. 472 : 1 et 2). Un individu se distingue par un bord à méplat étroit qui porte un décor linéaire de cannelures, de ponctuations et des traces de peinture blanche (fig. 472 : 3). Une série de jattes dont le corps est à profil convexe et à bord droit de section variable selon les récipients, complète la famille des bols (fig. 472 : 4 à 25).

Les pots

La famille des pots est représentée par une certaine diversité de récipients. Des pots vraisemblablement globulaires et incomplets, sont à bord droit avec un corps à profil convexe (fig. 473 : 1, 6, 7 à 15). Le même type de forme est identifié avec un décor externe de profondes incisions et de cannelures (fig. 473 : 17 à 19). L’un des pots porte un modelage appliqué évoquant un bras ou une patte (fig. 473 : 21). Un deuxième type apparemment

globulaire, se distingue par une paroi rectiligne au niveau de l’embouchure (fig. 473 : 2, 16) et également par un individu décoré d’incisions profondes (fig. 473 : 20). On identifie un bord de pot engobé en rouge et orné cannelures parallèles ainsi que des fragments portant le même décor (fig. 473 : 24 à 27). Un troisième type de pots très incomplets, de différents diamètres, consiste en des embouchures de récipients à paroi pratiquement verticale (fig. 473 : 3 et 4). Un quatrième type est représenté par un pot à encolure haute dont le corps est à profil convexe (fig. 473 : 22). Il porte côte à côte deux grands boutons de suspension ayant également la fonction de préhension compte tenu de leur dimension (fig. 475 : 1).

Les fonds

La grande majorité des fonds suffisamment complets sont plats et leur épaisseur est très variable (fig. 474 : 1 à 7). La transition entre le fond et le corps est effectuée par un angle ou une courbe. Un seul individu à fond rond correspond à une petite écuelle (fig. 471 : 3). Il s’agit de l’unique récipient à fond convexe identifié parmi toutes les collections du Néoindien à Saint-Martin. Un second exemplaire à fond convexe provient des recherches anciennes (Sypkens Smit, Versteeg 1988 : 270).

Les systèmes de préhension et de suspension

Ils sont relativement peu fréquents. On note de simples trous de suspension percés dans les corps de formes ouvertes (fig. 471 : 15 et 16) et fermées (fig. 473 : 5 et 6). Un bouton fixé sur le bord d’un récipient est également perforé d’un trou de suspension (471 : 17). Le second système correspond à de grands boutons de suspension ayant également comme fonction la préhension (fig. 473 : 22, 23, fig. 475 : 1). On note deux fragments d’anses de section ovalaire et circulaire dont une porte une cannelure linéaire (fig. 474 : 12 et 16). Les tessons utilisés et les tessons perforés

Trois tessons utilisés de forme circulaire ont été identifiés (fig. 474 : 14) ainsi qu’une ébauche de tesson perforé (fig. 474 : 13).

Les fusaïoles

Ces objets sont interprétés ici comme des fusaïoles mais il pourrait également s’agir de volants d’inertie de foret, de poids de filets de pêche ou encore de perles. Ces éléments sont au nombre quatre et ils ont été modelés dans l’argile crue puis cuits (fig. 474 : 17 à 20). Ils se différencient donc des tessons perforés taillés dans des fragments de panse récupérés sur des récipients probablement devenus inutilisables. Il existe certainement des fonctions différenciées entre ces deux catégories d’objets.

Deux de ces éléments sont décorés. L’un d’eux porte de fines ponctuations autour de la perforation (fig. 474 : 19) et le second est orné d’un décor complexe d’incisions et de ponctuations (fig. 474 : 20). Cet élément se distingue également par son profil en toupie.

Un peson ou un pied ?

Un élément inédit a été interprété comme un peson (Hénocq, Petit 1998b) mais il pourrait également correspondre à un pied de récipient (fig. 474 : 15).

2.3.5.4.1.3 Les décors

Parmi les restes décorés 47,7 % sont engobés en rouge et 12,3 % portent un décor modelé et incisé (tab. 75). Les cannelures apparaissent sur 11 % des récipients et les modelages sur 7,7 %. De profondes incisions étroites ont été relevées sur l’extérieur de pots (fig. 473 : 16 à 19) et représentent 6 % des décors. Des fragments de pots engobés en rouge avec des cannelures (fig. 473 : 23 à 26) représentent 6,2 % des décors ainsi que les ponctuations sur les bords de récipients. L’association de cannelures et de ponctuations est relevée sur deux individus dont un comporte de la peinture blanche (fig. 472 : 3).

Les éléments caractéristiques de cet assemblage sont d’une part des pots à profondes incisions formant des lignes et des demi-cercles (fig. 473 : 17 à 20), des lignes de ponctuations sur les bords (fig. 471 : 12 à 14) et des modelages (474 : 8 à 11) dont certains figurent des têtes anthropomorphes ou zoomorphes (fig. 471 : 21 et 22). D’autre part des cordons incisés, rectilignes ou formant des anneaux, apparaissent également spécifiques à cette production (fig. 471 : 18 à 20) ainsi qu’un modelage appliqué de bras ou de patte (fig. 473 : 21).

Cependant, certains modes décoratifs trouvent leur origine dans les productions antérieures identifiées à Baie aux Prunes. En effet, les éléments bifides fixés sur les bords de récipients (fig. 471 : 8 à 11) et les pots à cannelures engobés en rouge (fig. 463) sont également présents dans l’assemblage de Baie aux Prunes daté du stade 2 du Néoindien Récent et affilié au style Mamora Bay de la sous-série mamoran-troumassoïde. Les marlis ornés d’incisions formant des motifs curvilignes (fig. 470 : 17, 475 : 8 et 9) rappellent le répertoire cedrosan-saladoïde de Hope Estate (fig. 340 : 9 et 11) et celui de Baie aux Prunes (fig. 363.5 : 4 à 6). On distingue cependant comme différence que le trait horizontal interne du motif ovalaire est terminé ici par l’impression d’une ponctuation (fig. 475 : 8). Ces observations témoignent d’une certaine « lignée » des productions sur l’île.

2.3.5.4.1.4 Observations technologiques

Les récipients et les ustensiles sont montés à partir de colombins et le dégraissant ajouté dans la pâte est minéral et plutôt grossier. L’observation des sections de tessons montre que la cuisson a été réalisée dans une atmosphère

oxydo-réductrice. L’épaisseur des parois des contenants varie entre 5 et 15 mm. Les surfaces sont traitées par lissage, brunissage et polissage.

2.3.5.4.1.5 Conclusion

Les spécificités de la céramique de Baie Rouge, correspondant au stade 3 du Néoindien récent de l’île (fig. 476), permettent d’affilier cette production au style Esperanza de la sous-série chican-ostionoïde (Hénocq, Petit 1998b) défini pour la partie orientale de Porto Rico dans les Grandes Antilles (Rouse 1992). Les caractéristiques du style Esperanza (Rodríguez López 1992, Rouse 1992, Curet et al. 2004) identifiées ici, sont de profondes incisions sur des pots dont les motifs sont des lignes et des demi-cercles, des modelages de têtes zoomorphes ou anthropomorphes, des points aux extrémités de lignes incisées, des lignes de pointillés sur les bords de récipients et de l’engobe rouge. On notera également une influence du style Boca Chica dans la représentation des modelages anthropomorphes de Baie Rouge (fig. 471 : 21, 22, 475 : 7) qui s’avèrent très comparables à ceux connus pour ce style (Rouse 192 : 112, fig. 27b). Si cette production est clairement différenciée d’un point de vue typologique et chronologique sur l’île, une filiation avec l’assemblage antérieur de Baie aux Prunes est cependant identifiée du fait de la permanence de certains modes décoratifs. Ainsi le répertoire de Baie Rouge conserve les principaux traits décoratifs du stade antérieur tout en y associant un nouveau répertoire décoratif dont l’origine est la série ostionoïde des Grandes Antilles. Des productions comparables à celles du site de Baie Rouge ont été également identifiées sur l’île voisine de Saba (Hofman 1993).

2.3.5.4.2 Les différentes productions matérielles D’après le mobilier recueilli durant les recherches de 1982, 1994 et 2005 (Sypkens Smit, Versteeg 1988, Hénocq, Petit 1998b, Stouvenot 2005) l’industrie lithique a fourni de nombreuses lames et ébauches de haches en cherto-tuffite (fig. 477 : 1 à 3). Il s’agit d’éléments complets souvent très altérés et de fragments de lames et de talons parfois bien conservés. Les nombreux éclats de débitage témoignent de la taille sur le site. On identifie de petits galets très polis ayant vraisemblablement servi de brunissoir (fig. 477 : 4). Des blocs de calcédoine et de quartzite présentent des traces d’enlèvements (fig. 477 : 5 et 6). Des dalles épaisses de beach rock ont servi de meule ou de polissoir (fig. 477 : 7). De nombreux fragments de calcirudite provenant de la Pointe Arago (fig. 477 : 8) et un zémi façonné dans cette roche (fig. 477 : 9), révèlent une taille de ces éléments sur le site. Un deuxième zémi fragmentaire est façonné dans un calcaire beige (477 : 10) et un troisième dans du corail (Sypkens Smit, Versteeg 1988 : 275). L’industrie sur coquille est peu décrite, mais on note cependant la présence d’une lame sur coquille de

strombe, de grattoirs ou de racloirs sur Codakia orbicularis et d’une perle sur olive (Sypkens Smit, Versteeg 1988 : 276, 275, 276, Hénocq, Petit 1998b). Le corail a été également exploité durant l’occupation du site comme en témoignent les vestiges retrouvés dans les niveaux dépotoirs (Hénocq, Petit 1998b). On identifie des fragments d’Acropora palmata (Stouvenot 2005) et un élément de type racloir / affûtoir / polissoir et un zémi (Sypkens Smit, Versteeg 1988 : 275).

2.3.5.4.3 Les moyens de subsistance

Les restes de faune n’ont pas fait l’objet d’une étude détaillée néanmoins certaines observations ont été réalisées. Des coquilles de différentes espèces de mollusques marins ont été identifiées : Cittarium pica, Arca zebra, Strombus sp. dont S. gigas, Acanthopleura granulata et Chione paphia (Hénocq, Petit 1998 a, b). De nombreux ossements de faune vertébrée ont été récoltés grâce à un tamisage sur une maille fine de 2,7 mm, il s’agit essentiellement de restes de poissons (Hénocq, Petit 1998 a et b). Ainsi, l’alimentation carnée de la communauté du site de Baie Rouge reste, à cette période tardive, tournée vers l’exploitation du milieu marin avec la collecte de coquillages et la pêche.

2.3.5.5 Un village chican-ostionoïde du stade 3 du Néoindien récent

L’ensemble des données permet d’interpréter globalement la fonction du gisement et son statut. Bien que les limites du site soient encore méconnues et que l’occupation soit documentée par un unique dépotoir et une seule sépulture, il est très probable que ces vestiges correspondent à ceux d’une portion de village. En effet, comme cela a été analysé à travers différents gisements du Néoindien à Saint-Martin, la richesse des productions matérielles constatée ici, son association en contexte de dépotoir à une faune abondante et apparemment diversifiée et la présence d’une sépulture, révèlent plutôt un contexte de village que de site spécialisé.

Les spécificités typologiques et chronologiques de la céramique de Baie Rouge ont permis d’affilier cet assemblage à la sous-série chican-ostionoïde et préférentiellement aux styles Esperanza et Boca Chica (Rouse 1992, Rodríguez López 1992, Curet et al. 2004), aspects qui montrent que les populations sont affiliées tardivement à cette aire géoculturelle. La datation de ce gisement entre 1395 et 1600 AD en fait donc un des sites les plus tardifs des Petites Antilles. Ainsi, le gisement de Baie Rouge apparaît contemporain de la période du « Contact » et il est envisageable que les populations amérindiennes de ce village aient pu entrer en relation avec les premières vagues de colonisateurs européens.

3 L’APPORT DES GISEMENTS