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Francisco Morazán : du personnage historique à la figure héroïque (1829-1858)

I. 2. b. Mise en scène de l’exécution de Morazán

Rapidement, les décrets et réformes du gouvernement libéral de Morazán provoquent des polémiques au Costa Rica.279 Le décret proclamant l‘intégration de cet État à la République Fédérale d‘Amérique Centrale et instaurant le service militaire obligatoire a été parmi les mesures les plus contestées en étant interprété comme une légitimation de l‘usage de la force, aucun accord avec les autres gouvernements centraméricains n‘étant alors envisageable.280 La menace d‘une guerre et la présence de troupes salvadoriennes en territoire costaricien lui font perdre le soutien populaire. Les costariciens n‘ont pas voulu participer à l‘effort de guerre (autant sur le plan financier que sur le plan humain), qui aurait commencé par une confrontation armée avec le Nicaragua sous prétexte que celui-ci voulait envahir la région frontalière du Guanacaste. Morazán est donc finalement considéré comme un intrus et son armée comme un envahisseur. Le comportement odieux de ses officiers est aussi mentionné, même si J.-M. Saravia, alors ministre de son gouvernement, fut une personnalité

275 Gaceta Oficial, Guatemala, num. 46, 23 juin 1842. Il est question ici d‘un article du Correo semanario del

Salvador reproduit intégralement. Voir aussi un article du Boletin oficial del Salvador, num. 19, reproduit dans : Gaceta Oficial, Guatemala, 9 juillet 1842.

276 Gaceta Oficial, Guatemala, num. 47, 28 juin 1842.

277 Gaceta Oficial, Guatemala, num. 46, 23 juin 1842. M. Aguilar, résidant alors au Salvador, n‘aurait pas exprimé sa position face au retour de Morazán.

278 Gaceta Oficial, Guatemala, num. 45, 17 juin 1842.

279 I. Molina considère que l‘administration de Morazán a remis en cause la centralisation de l‘État développée sous le gouvernement de Carrillo : MOLINA, Iván, « Poderes y educación en Costa Rica a finales del periodo colonial » in DÍAZ ARIAS, David et VIALES HURTADO, Ronny (ed.), Independencias, Estados y

polìtica(s)…, op. cit. M. Cálix Suazo veut au contraire démontrer que le Costa Rica doit son régime

démocratique à l‘administration de Morazán. Voir : CÁLIX SUAZO, Miguel, « Morazán reconstructor del Estado de Costa Rica », op. cit., pp. 3915-3932.

280 ―Decreto unionista de Costa Rica‖, 20 juillet 1842, in Fondation Enrique Bolaðos: http://sajurin.enriquebolanos.org/vega/docs//1842%20Decreto%20Unionista%20de%20Costa%20Rica.pdf Pourtant les libéraux centraméricains, y compris au Costa Rica, utilisaient le terme de « nation » pour se référer à l‘Amérique Centrale et « État » pour chaque entité politique qui constituait la Fédération. V.-H. Acuña considère ainsi que quand Morazán appelle les costariciens au rétablissement de la nation centraméricaine, il utilise un vocabulaire partagé (ACUÑA ORTEGA, Víctor Hugo, « Historia del vocabulario polìtico… », op. cit., p. 64). C. Obregón affirme que les costariciens, de même que les nicaraguayens, étaient méfiants vis-à-vis d‘une fédération conçue selon les intérêts des élites guatémaltèques et salvadoriennes : OBREGÓN QUESADA, Clotilde María, « General de la Confederación », op. cit.

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admirée.281 L‘exécution du fils du prócer Pedro Molina, Manuel Angel, accusé de trahison, et ce malgré les supplications du père, a aussi été un événement essentiel pour le déclenchement de la rébellion.282

Ces critiques vont de pair avec une remise en question de la Constitution Fédérale de 1824 : Morazán est accusé de vouloir la rétablir sans réformes alors que l‘opinion publique considère que l‘expérience a montré qu‘elle n‘était pas adéquate.283 La mise en doute des capacités de Morazán en tant que chef d‘État reprend ainsi le dessus : il est accusé de ne pas servir les intérêts du peuple mais ses propres ambitions. La dichotomie entre la tyrannie et la civilisation, et leur personnification en Morazán et Carrera respectivement, continue de faire l‘objet d‘articles dans la presse centraméricaine.284 Ces critiques sont légitimées en étant inscrites dans des réflexions générales à caractère universel : « Quand les nations ont un enthousiasme pour quelque caudillo, ce n‘est pas pour le plaisir de se sacrifier gracieusement au service d‘une personne mais parce que sa gloire, ou bien ses intérêts et son bien-être, sont liés à l‘existence de celui qui les protège ».285

Dès le 17 août 1842, le gouvernement du Salvador envoie une note au Guatemala en l‘informant que Morazán veut équiper le Costa Rica de canons mais que les peuples refusent « et qu‘ils attendent seulement le mois de novembre pour lui enlever les armes et unir cet État aux autres ».286 C‘est le 11 septembre que commence le soulèvement à Alajuela, qui se propage à San José puis enfin à Cartago, les trois villes les plus importances du Costa Rica qui ne sont pas très éloignées les unes des autres.287 Cette révolte « populaire » a choisi son chef en la personne du militaire d‘origine portugaise Antonio Pinto.288 Morazán est cantonné

281 ―Libro copiador de las comunicaciones del ministro general Saravia‖, Revista de los Archivos Nacionales, San José Costa Rica, num. 1-2, janvier-février 1943. José Miguel González Saravia, d‘origine guatémaltèque, avait d‘abord été nommé auditeur de guerre de l‘armée fédérale de Morazán.

282 Certains témoins insistent sur cet épisode pour expliquer le soulèvement : ―Una carta sobre los últimos momentos del general Morazán, la escribe un testigo presencial del martirio. Costa Rica, Cartago, 4 octubre 1842‖, lettre reproduite dans la Gaceta de Guatemala, ainsi que dans El redactor oficial de Honduras, en décembre 1842 (Anales de los Archivos Nacionales de Honduras, Tegucigalpa, num 8, año 4, août 1970).

283 Gaceta Oficial, Guatemala, num. 48, 3 juillet 1842.

284 Gaceta Oficial, Guatemala, num. 54, 3 août 1842.

285 Gaceta Oficial, Guatemala, num. 48, 3 juillet 1842.

286 AGCA (Guatemala), Archivo colonial, B99.2 exp. 32912 leg. 1407 fol. 1 vuelto, 17 août 1842, ―Informa el Ministro General de El Salvador al comisionado del de Guatemala tener información de que el general Morazán estaba apertrechado con cañones en Costa Rica pero que las gentes no lo quieren y que solo estaban aguardando el mes de noviembre para quitarle las armas y unir aquel Estado a los demás‖.

287 Les actes concernant le soulèvement des trois villes, de même que d‘autres documents relatifs à la révolte sont reproduits dans la presse guatémaltèque : Gaceta Oficial, Guatemala, num. 74, 25 novembre 1842. Pour situer les villes, voir la carte du Costa Rica en Annexe (p. 514).

288 PACHECO COOPER, Federico (comp.), « Documentos histñricos… », op. cit., pp. 75-76. A. Pinto accepte de se mettre à la tête des rebelles costariciens dans une proclamation signée le 11 septembre où il appelle à prendre les armes en exaltant l‘héroïsme des soldats pour « libérer vos compagnes sensibles dont les larmes ont baigné les maillons de ces chaînes ». Ce document publié dans le Boletín Nicaragüense du 5 octobre 1842 est

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dans son quartier général mais refuse une capitulation proposée par des membres de l‘élite costaricienne qui lui annoncent : « Vous êtes sur un volcan, et ce volcan va exploser. De vous dépend, général Morazán, votre sort et celui de vos compagnons. »289

Morazán organise alors une sortie en force de son quartier général et s‘enfuit vers la ville de Cartago où il pense trouver refuge auprès de son ami d‘origine salvadorienne et commandant de la ville, Pedro de Mayorga. Mais celui-ci le fait prisonnier dans sa maison et envoie une lettre à A. Pinto lui annonçant avoir « accompli sa mission ».290 Le général Saravia, fait prisonnier avec Morazán, s‘est donné la mort quand on allait lui mettre des menottes.291 Villaseñor, également prisonnier, a aussi tenté de se suicider en se donnant des coups de couteau mais ses compagnons l‘en ont empêché. Seul Morazán serait resté impassible, avec une blessure à la tête sans gravité. Les deux prisonniers encore vivants sont alors conduits à San José, et sont condamnés à être fusillés, sans jugement préalable. La décision de l‘exécution aurait été prise par le peuple, malgré les appels au calme de A. Pinto. On a laissé trois heures à Morazán pour écrire son testament dans lequel il s‘identifie avec l‘idéal défendu :

JE DÉCLARE : que mon amour pour l’Amérique Centrale meurt avec moi. J’incite la jeunesse, qui est appelée à donner vie à ce pays, que je laisse avec regret se trouver dans l’anarchie, et je désire qu’ils imitent (sic) mon exemple de mourir avec fermeté avant que de ne le laisser abandonné au désordre, dans lequel malheureusement il se trouve aujourd’hui.292

Il affirme ainsi ne pas avoir abandonné son projet politique et ce jusqu‘à la fin, assumant sa mort comme un sacrifice en vue du bien commun et octroyant une dimension transcendante à l‘idéal unioniste pour lequel il s‘était battu.293 Malgré le fait qu‘il dénonce sa mort comme reproduit dans : Revista de los Archivos Nacionales, San José Costa Rica, année VI, num. 9-10, septembre-octobre 1942, p. 485. A. Pinto s‘était battu en tant que républicain en 1823 dans la bataille de Ochomogo contre les monarchistes de la ville de Cartago et est lié par sa famille au parti de Carrillo.

289 Idem. C‘est Juan Mora Fernández qui s‘est ainsi adressé à Morazán. Le prêtre José Antonio Castro faisait également partie de la commission de négociation.

290 Idem. Soulignons cependant que cette « trahison » n‘apparaît pas dans le testament de Morazán, où seul le manque de parole du mandataire Spinach est mentionné :MORAZÁN, Francisco, Memorias…, op. cit., p 100.

291 Idem : ―Carta de Juan Freses Ñeco al seðor general en jefe de los pueblos unidos‖, 14 septembre 1842.

Saravia se serait donné la mort avec du poison qu‘il portait sur lui. Il avait essayé de se suicider une première fois avec un pistolet mais Morazán l‘en aurait empêché.

292 MORAZÁN, Francisco, Memorias…, op.cit., p. 100 : ―DECLARO : que mi amor a Centro América muere conmigo. Excito a la juventud, que es la llamada a dar vida a este país, que dejo con sentimiento por quedar anarquizado, y deseo que imiten mi ejemplo de morir con firmeza antes de dejarlo al desorden en que desgraciadamente hoy se encuentra‖. Morazán déclare avoir tâché de donner un « gouvernement de lois » au Costa Rica, soulignant ainsi son respect de la volonté populaire. Il insiste sur les deux échelles, locale et centraméricaine, de son projet politique. Morazán explique que les soldats qu‘il a réunis avaient pour mission de défendre le Guanacaste face aux prétentions du Nicaragua et que seuls ceux qui y étaient disposés auraient été mobilisés pour reconstruire la République « parce que jamais une œuvre semblable n‘est réalisée avec des hommes forcés. »

293 Idem, p. 99. Son sacrifice est aussi souligné par le fait qu‘il aura dépensé toute sa fortune dans son projet politique, assumant même des dettes. Il réfute ainsi la critique d‘enrichissement personnel comme motif d‘action.

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un assassinat, il pardonne à ses ennemis et leur souhaite même beaucoup de bien, mettant ainsi en relief sa grandeur. Dans le même temps, il reconnaît les erreurs qu‘il a commises tout en insistant sur le caractère désintéressé de ses intentions. Comprenant la transcendance que son idéal pouvait obtenir avec son exécution, et préoccupé par son image face à la postérité, Morazán fait de son testament un appel aux générations futures à suivre son exemple. En ce sens, nous envisageons ce texte comme une confirmation de la préoccupation du personnage historique concernant la mémoire de sa figure.294

Morazán et Villaseñor sont fusillés ensemble le 15 septembre 1842, jour du 21ème

anniversaire de l'indépendance de l'Amérique Centrale.295 Alors que Villaseñor, blessé, est assis, les yeux bandés et le dos tourné comme un traître, Morazán est debout, les yeux ouverts et dit à son compagnon : « mon cher ami, la postérité nous rendra justice ». Il a lui-même donné l‘ordre de tirer, mettant ainsi en scène sa sérénité face à la mort. Après la première décharge, Morazán a encore eu un souffle pour dire « je suis encore vivant… ».296

L‘importance accordée à cet événement est immédiate : quelques jours après son exécution, la fosse a été ouverte, certaines personnes voulant vérifier que c‘était bien le cadavre de Morazán dont il s‘agissait, comme si la nouvelle avait du mal à être crue.297

Dès le lendemain de l‘exécution, A. Pinto émet un décret annonçant à ceux qui se sont battu avec Morazán qu‘ils sont invités à se rendre pour le respect de leurs vies et propriétés, bien qu‘en état d‘arrestation jusqu‘à la reddition du général Isidoro Saget.298 Il diffuse un message aux peuples du Costa Rica dans lequel il affirme que la mort de Morazán permet aux habitants de l‘État de retrouver leur tranquillité selon les traits identitaires en cours d‘élaboration.299 Les costariciens sont d‘ailleurs héroïsés et Morazán diabolisé, selon une Morazán affirme de plus avoir rectifié son projet politique concernant la nation centraméricaine en envisageant des réformes à la constitution fédérale comme les peuples le revendiquaient.

294 Idem. Il voulait d‘ailleurs imprimer et diffuser son testament et aurait aussi demandé l‘autorisation d‘écrire un Manifeste adressé aux peuples centraméricains, ce qui lui a été refusé, révélant sans doute la prise de conscience du danger que la défense écrite des actions de Morazán représentait pour ses adversaires.

295 Idem. Morazán a lui-même souligné la concordance entre les dates dans son testament. Il aurait d‘ailleurs dit en entrant dans San José avant d‘être exécuté : « Avec quelle solennité on célèbre l‘indépendance ! »

296 Voir l‘extrait du témoignage de Carlos Ulloa, reproduit dans : CANIZALES, Rolando, et PORTILLO, Dennis, « Plan interpretativo… », op. cit., p. 1282.

297 Gaceta Oficial, Guatemala, num. 73, 13 novembre 1842. Il s‘agit d‘une lettre signée par Francisco de Paula Gutiérrez également publiée dans le numéro du 30 décembre 1842 de El Redactor Oficial de Honduras. L‘auteur estime à 5000 le nombre de costariciens armés de fusils et de pierres, dont des femmes, et assure que les officiers, très peu nombreux, n‘ont pas été nécessaires à la victoire.

298 Décret signé par A. Pinto le 16 septembre 1842, in PACHECO COOPER, Federico (comp.), « Documentos históricos… », op. cit., chap. 3. I. Saget, général d‘origine française, a été un des plus fidèles soutiens de Morazán.

299 ―Del general en gefe a los pueblos de Costarrica‖, message de Antonio Pinto, San José, 16 septembre 1842 in

Revista de los Archivos Nacionales, San José, Costa Rica, année XII, num. 9-10, sept-oct 1948. Cette lettre est

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perspective manichéenne. Bien que la dimension régionale de l‘événement soit aussi mise en avant, c‘est l‘unité au sein du Costa Rica qui est avant tout soulignée. Un paradoxe peut être relevé : le fait que le Costa Rica ait commencé à créer une identité locale autour du mythe d‘un peuple pacifique et que ce soit là une justification de la rébellion armée et de l‘exécution de Morazán.300

Le 21 septembre, A. Pinto envoie une circulaire aux gouvernements centraméricains pour rendre compte de la situation et expliquer la décision prise d‘exécuter le caudillo du fait de son gouvernement tyrannique qui cherchait à reconstruire la République Fédérale sous sa domination.301 Les autorités costariciennes justifient ainsi la mort de Morazán comme « une triste leçon pour les tyrans, mais salutaire pour les peuples qui ont su faire usage de leurs droits imprescriptibles. »302 De cette manière, le soulèvement et son dénouement sont légitimés en vertu du droit des peuples à se rebeller contre un gouvernement considéré comme injuste.303 S. Alda considère que la légitimation d‘une révolution au motif de sauver les principes républicains a été récurrente tout au long du XIXème siècle et que la reconnaissance du droit à l‘insurrection est à inscrire dans une conception de pacte de la société.304 C‘est précisément ce qui est reproché à Morazán : ne pas avoir pris en compte les revendications du peuple costaricien dans son projet politique qui était tourné vers l‘extérieur dans le but de reconstruire l‘union. Il est ainsi accusé de ne pas avoir respecté son engagement de rétablir un gouvernement démocratique au Costa Rica suite à la dictature de Carrillo, ce pourquoi il avait été appelé. C‘est donc au nom de la souveraineté populaire bafouée que le peuple affirme avoir pris les armes contre le tyran pour permettre l‘organisation de nouvelles élections. le caudillo des esclaves faibles est mort : les habitants de l‘Amérique Centrale se dédient à partir d‘aujourd‘hui à cultiver la terre, en savourant, avec leurs chères familles, le doux nectar de leur tranquillité retrouvée ».

300 Voir : ACUÑA ORTEGA, Víctor Hugo, « Las concepciones de la comunidad polìtica… », op. cit., pp. 27-40. Nous reviendrons sur la polémique concernant les mythes identitaires costariciens dans le chapitre suivant.

301 ―Circular de A. Pinto a los gobiernos centroamericanos dando cuenta de la situaciñn‖, 21 septembre 1842, in PACHECO COOPER, Federico (comp.), « Documentos histñricos… », op. cit., chap. 2.

302 « Nota de José María Alfaro del 30 de setiembre de 1842 », Revista de los Archivos Nacionales, San José, Costa Rica, année XII, num. 9-10, sept-oct 1948. Le 30 septembre, le lendemain de la réception du manifeste de Carrera adressé au peuple costaricien l‘appelant à prendre les armes, José Marìa Alfaro rédige une note affirmant que le soulèvement populaire a confirmé les arguments qui y étaient exposés.

303 Des personnalités politiques comme Manuel Irrungaray écrivent également pour justifier l‘exécution de Morazán. Le langage utilisé n‘est pas le même suivant que l‘écrit soit privé ou public: alors que dans le premier cas, le ton est particulièrement agressif envers le « tyran », dans le second cas, la rhétorique est plus souple de manière à ne pas attirer les foudres de ses partisans sur les costariciens, dont le caractère pacifique est souligné (l‘article est signé le 21 novembre 1842). Voir : Revista de Costa Rica, San José, 6 (4), avril 1925, pp. 80-89.

304 ALDA MEJÍAS, Sonia, « Las revoluciones liberales y su legitimidad: la restauración del orden republicano. El caso centroamericano 1870-1876 » in Revista de Historia, San José, num. 45, 2002, p. 230. X. Avendaño souligne que ce droit à la résistance correspond à une conception traditionnelle de la société selon laquelle le pouvoir est délégué et peut être destitué s‘il ne répond pas au bien commun, révélant que la finalité du système représentatif n‘avait pas été totalement assumée. Voir : AVENDAÑO ROJAS, Xiomara, Centroamérica entre lo

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Son exécution est immédiatement considérée comme un événement à justifier face à l‘Histoire. Dès 1843, le gouvernement costaricien souhaite publier un ouvrage compilant des documents historiques de façon à légitimer la conduite de cet État face au reste de l‘Amérique Centrale, en prouvant que son peuple a agi dans son droit et avec beaucoup de courage.305Cet ouvrage a pour objectif de diffuser à l‘échelle de la région les preuves justifiant l‘exécution de Morazán, sans doute afin d‘éviter tout désir de vengeance de la part de ses partisans. Il semble aussi que le gouvernement costaricien envisage le long terme en souhaitant laisser un témoignage à la postérité. Les autorités costariciennes avaient probablement pris conscience de la possibilité pour les admirateurs de Morazán d‘élaborer une mémoire héroïque et du danger que cela pouvait représenter pour cet État. Soulignons d‘ailleurs que la figure de Morazán n‘est pas totalement dénigrée et que son courage est reconnu. Notons également que la chronologie des événements à justifier est bien délimitée et ne concerne que l‘histoire locale : de l‘arrivée de Morazán en territoire costaricien jusqu‘au départ de ses partisans.

I. 2. c. Célébration de la mort du « tyran »

À cause de la difficulté des communications, la nouvelle de la mort de Morazán met du temps pour être diffusée en Amérique Centrale.306 Peut-être aussi avait-on du mal à croire l‘événement, des preuves étaient attendues avec impatience.307 Selon R.-L. Woodward, c‘est le 17 octobre que la capitale du Guatemala apprend la mort de Morazán.308 Un bulletin nicaraguayen qui rend compte des détails de sa chute et de son exécution est reproduit intégralement dans un numéro extraordinaire de la Gaceta Oficial du Guatemala le 21 octobre.309 Le 11 novembre, ce même journal annonce pouvoir enfin confirmer la nouvelle.310

305 Mentor costarricense, San José, imprenta del Estado, num. 16, 29 avril 1843: ―Útil recuerdo‖, pp. 58-59 : « Justice sera faite au gouvernement si on publie l‘histoire de sa glorieuse révolution avec tous les documents qui la soutiennent et l‘illustrent. » Une des premières mesures prises par le gouvernement costaricien établi suite à la