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Francisco Morazán : du personnage historique à la figure héroïque (1829-1858)

I. 1. a. Lutte de pouvoir entre deux caudillos centraméricains

Dans le cadre de la lutte d‘hégémonie entre les élites centraméricaines générée suite à l‘Indépendance, le débat tourne autour du type de régime à adopter, même si désormais ces élites sont toutes d‘accord sur le principe d‘une République à l‘échelle de l‘Amérique Centrale. D‘un côté, un projet centralisé est défendu, perspective attribuée au parti conservateur, essentiellement par les guatémaltèques qui veulent conserver leur prépondérance héritée du régime colonial ; de l‘autre côté, un projet fédéraliste est soutenu,

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revendication identifiée avec le parti libéral, principalement par les salvadoriens appuyés par les autres États, dans l‘objectif de consolider leur pouvoir.112 Plus qu‘une véritable opposition politique entre libéraux et conservateurs, partis alors en construction, on assiste à des conflits au caractère personnel inscrits dans une lutte d‘hégémonie entre l‘ancienne capitale et les provinces, et y compris au sein de ces dernières.113 Les réseaux familiaux s‘étendent dans tous les champs du pouvoir (politique, économique et ecclésiastique), et ils s‘affrontent sous couvert de motifs idéologiques afin de fonder une légitimité politique exclusive. Les élites centraméricaines ont donc été avant tout préoccupées par leurs intérêts localisés.

Les libéraux et les conservateurs ne sont pas des groupes homogènes, les alliances politiques sont extrêmement complexes et les fidélités changent selon les circonstances. De nombreuses personnalités sont ainsi passées d‘un bord à l‘autre, à commencer par le salvadorien Manuel José Arce, qui avait participé au processus indépendantiste, et qui fut désigné premier président de la République Fédérale. De tendance libérale, M.-J. Arce a été converti au parti conservateur par la majorité du parlement pour défendre un projet centralisé.114 Les guerres fédérales de 1826 à 1829 ont provoqué la désillusion de certains vis-à-vis des idées libérales, remettant en cause leur efficacité pour accéder au « bonheur » en Amérique Centrale.115 Malgré une vision bipolarisée du champ politique, S. Alda soutient que les deux partis ont alors le même objectif de construire une république selon le modèle occidental, et qu‘ils se sont opposés principalement sur la forme et les moyens à utiliser.116

Des divergences sont malgré tout bien réelles, par exemple concernant la hiérarchie sociale et la participation de nouveaux acteurs politiques.117 A. Taracena explique toutefois que malgré l‘intention affichée du parti libéral d‘élargir la citoyenneté, c‘est l‘intégration au marché mondial qui est avant tout recherchée.118 Les élites centraméricaines ont ainsi partagé une même culture politique et un même projet économique, divergeant principalement sur la

112 Voir : TARACENA ARRIOLA, Arturo, « Historia polìtica de Centroamérica… », op. cit., p. 155 et CASAÚS ARZÚ, Marta Elena, et GARCÍA GIRÁLDEZ, Teresa, Las redes intelectuales…, op. cit., p. 58.

113 FERNÁNDEZ, José Antonio, « El proceso de la Independencia y la República Federal (1821-1842) », CECC,

Historia del istmo centroamericano, Xochimilco, Editorial Offset, 2002, t. 2, chap. 10, p. 280.

114 TARACENA ARRIOLA, Arturo, « Naciñn y república… » op. cit. p. 49.

115 Le discours indépendantiste a présenté le bonheur comme l‘objectif à atteindre avec la mise en place d‘un nouvel ordre social qui devait abolir les différences notamment ethniques établies durant la colonie: DÍAZ ARIAS, David, et VIALES HURTADO, Ronny, « La felicidad prometida y sus límites. Desarrollo institucional, inclusión/exclusión social y el legado colonial en Centroamérica, 1770-1870 », in DÍAZ ARIAS, David et VIALES HURTADO, Ronny (ed.), Independencias, Estados y polìtica(s)…, op. cit., pp. 60-62.

116 ALDA MEJÍAS, Sonia, « El debate entre liberales y conservadores… », op. cit., p. 304.

117 Avec l‘instauration de la République Fédérale, les élites locales parviennent à obtenir des charges publiques, remettant en cause les privilèges des élites d‘origine coloniale en particulier de la ville de Guatemala : FERNÁNDEZ, José Antonio, « El proceso de la Independencia… », op. cit, pp. 284-85.

118 Le projet libéral a fini par produire des citoyennetés différenciées, réduisant l‘universalité du suffrage aux seuls propriétaires et à ceux qui savaient lire (TARACENA ARRIOLA, Arturo: « El predominio conservador… », op. cit., p. 297).

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relation que devait entretenir l‘Église avec l‘État et plus généralement sur le poids de la religion dans la société.119

Chaque parti a prétendu représenter la volonté populaire et les valeurs républicaines de manière exclusive en accusant les adversaires de constituer une « faction » source de division et entravant la consolidation du bien commun. Cette recherche de l‘unanimité a poussé chacun des partis à utiliser des termes péjoratifs pour se référer à l‘autre, opposant ainsi les

fiebres aux serviles.120 Cette perspective est consolidée par la présence de leaderships forts, chaque camp étant incarné par des personnalités particulières. Y compris au sein du parti libéral, différentes tendances ont été identifiées. Elles furent représentées par deux « Sages » durant le processus indépendantiste : José Cecilio del Valle d‘une part, et Pedro Molina d‘autre part. Le premier incarne un courant modéré alors que le second représente un libéralisme « exalté ».121 Cependant, tous deux s‘opposent à l‘évêque Ramñn Casaús, en revendiquant une citoyenneté inclusive contre la ségrégation.

La distinction entre les deux tendances libérales est pour le moins relative, elle n‘est pertinente que dans le but de mettre en évidence les tensions qui ont existé y compris au sein des partis durant la période post-indépendantiste. Mariano Gálvez, chef d‘État du Guatemala et représentant de la branche modérée des libéraux, bien qu‘en conflit avec Morazán en tant que président de la Fédération, a par exemple établi un gouvernement considéré comme un des plus radicaux.122 M. Gálvez avait pourtant permis aux exilés conservateurs de 1829 de revenir au Guatemala et de prendre des postes à responsabilité comme ce fut le cas de Juan

119 C‘est durant la période de la Fédération que les libéraux ont revendiqué l‘anticléricalisme comme un élément définissant leur parti. Voir : ACUÑA ORTEGA, Víctor Hugo, « El liberalismo en tiempos de la independencia (1810-1850) », in FERNÁNDEZ SEBASTIÁN, Javier (ed.), La aurora de la libertad. Primeros liberalismos en

el mundo iberoamericano, Madrid, Marcial Pons Historia, 2012, pp. 117-145. La question religieuse a été le

principal élément d‘opposition entre les deux partis à l‘échelle de l‘Amérique Latine bien que la religion ait été une composante essentielle des identités nationales : GUERRA, François-Xavier, Modernidad e

Independencias…, op. cit., p. 376.

120 ALDA MEJÍAS, Sonia, « El debate entre liberales y conservadores… », op. cit., p. 276. Voir aussi : ACUÑA ORTEGA, Víctor Hugo, « Las concepciones de la comunidad polìtica… », op. cit., pp. 36-37. À l‘échelle de l‘Amérique Latine, F.-X. Guerra considère que l‘imaginaire organique du corps politique a fait perdurer l‘idéal unanimiste (GUERRA, François-Xavier, Modernidad e Independencias…, op. cit., p. 361).

121 Valle provient dune famille de propriétaires honduriens, et était l‘oncle de Dionisio de Herrera (lui-même parent de Morazán). Il s‘est rendu à la capitale guatémaltèque pour étudier, et devint un des principaux avocats de la colonie, très respecté par l‘élite créole. Il fonde le journal El Amigo de la Patria en 1820 en insistant sur la mission éducative des intellectuels. Molina était médecin ayant des liens proches avec les familles de l‘élite centraméricaine. Député de l‘Assemblée Nationale Constituante, il a participé à la commission qui a élaboré le projet de Constitution Fédérale. Il a fondé le journal El Editor Constitucional en 1820 et a été président du Guatemala en août 1829. Molina prônait l‘établissement d‘un nouvel ordre social grâce à l‘instruction et aux politiques radicales menées depuis l‘État en accord avec les valeurs humanistes. Voir : WOODWARD, Ralph Lee, « Cambios en el estado guatemalteco… », op. cit., p. 121; et CASAÚS ARZÚ, Marta Elena, et GARCÍA GIRÁLDEZ, Teresa, Las redes intelectuales…, op.cit, pp. 17-22, p. 44 et p. 65.

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José Aycinena, donnant ainsi lieu à des alliances entre des élites membres des deux partis.123

En ce sens, ce sont les intérêts locaux qui ont prédominé sur la construction d‘un projet politique à l‘échelle de l‘Amérique Centrale.

Le phénomène du caudillisme fait son apparition en Amérique Centrale dans le cadre des guerres fédérales. Selon A. Taracena, il consiste en des « groupes de personnes armées, dirigées par un chef et unies par des liens personnels de domination et de soumission (parenté, clientélisme et esclavage) qui cherchaient à se protéger dans un environnement violent, de même qu‘à s‘enrichir et à acquérir du pouvoir par la force des armes. »124 Les caudillos se sont affirmés en satisfaisant les intérêts des populations locales qui les soutenaient et sont devenus de nouveaux acteurs à la fois militaires, politiques et économiques, qui ont su s‘allier aux élites traditionnelles.125 E. García considère que ce phénomène a renforcé « la tendance à la ruralisation de la politique » et a mis en relief la figure du militaire converti en politique dans le processus de légitimation du pouvoir.126 Cette violence entretenue et focalisée autour de leaders particuliers a entravé l‘institutionnalisation des systèmes politiques : le caudillo impose sa volonté à titre personnel et non comme fonctionnaire de l‘État.

Le caudillo est avant tout une figure militaire qui assure des fonctions politiques grâce au soutien populaire dont il jouit. Il s‘attache donc à justifier ses actions en identifiant sa personne avec des principes absolus. Les élites centraméricaines ont puisé leurs références idéologiques dans la pensée de l‘Illustration venue d‘Europe notamment autour du concept de « civilisation ». Selon A. Taracena, cette notion était avant tout comprise dans le champ économique en tant que promesse de prospérité matérielle et était inscrite dans une vision manichéenne de la société.127 Même si l‘œuvre de l‘argentin Sarmiento n‘a été publiée qu‘en

123 WOODWARD, Ralph Lee, « Cambios en el estado guatemalteco… », op. cit., p. 124. C‘est par un décret du 26 juillet 1837 que M. Gálvez autorise les exilés à revenir au Guatemala.

124 TARACENA ARRIOLA, Arturo, « El predominio conservador… », op. cit., p. 293. Le caudillisme est né dans un contexte d‘insécurité généralisée, les gouvernements n‘ayant pas les moyens de garantir les vies et biens des personnes. D‘autres auteurs considèrent que ce phénomène prend ses racines dans les traditions indigènes du cacique. Voir notamment : LYNCH, John, Caudillos en Hispanoamérica 1800-1850, Madrid, Editorial Mapfre, 1995, p. 117 et p. 225.

125 Les caudillos sont devenus des propriétaires terriens et des fonctionnaires de l‘État, ce qui les a rapproché des élites d‘origine coloniale défendant des intérêts locaux (TARACENA ARRIOLA, Arturo, « El predominio conservador… », op. cit., p. 294).

126 GARCÍA BUCHARD, Ethel, Polìtica y Estado…, op. cit., p. 304; et GARCÍA, Ethel, « El camino hacia la centralización del poder en Honduras: una relectura del periodo conservador (1838-1872) », in DÍAZ ARIAS, David et VIALES HURTADO, Ronny (ed.), Independencias, Estados y polìtica(s)…, op. cit., p. 105 et pp. 113-114. Cette hypothèse n‘est peut-être pas valable dans le cas du Costa Rica, pour lequel V.-H. Acuña souligne que le champ du politique était confiné dans les villes principales du centre du pays, ce qui expliquerait en partie pourquoi le phénomène du caudillisme y aurait été moins généralisé : ACUÑA ORTEGA, Víctor Hugo, « Las concepciones de la comunidad polìtica… », op. cit, pp. 27-40.

127 TARACENA ARRIOLA, Arturo, Etnicidad, Estado y naciñn…, op.cit., p. 239. L‘État était envisagé comme l‘acteur principal du processus de civilisation. En accord avec la pensée « éclairée » de l‘époque, les populations indigènes sont considérées comme un obstacle à ce processus : ALDA MEJÍAS, Sonia, « El debate entre

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1845, son succès dans toute l‘Amérique Latine montre que cette vision du monde était déjà partagée par la majorité des élites, s‘inscrivant dans une culture politique amplement diffusée.128

Si la plupart des caudillos incarnent une échelle locale, certains cependant arrivent à s‘élever au niveau de l‘État, mais rares sont ceux comme Morazán et Carrera qui ont pu étendre leur sphère d‘influence à l‘échelle centraméricaine. Le statut de caudillo de ces personnages historiques nous intéresse particulièrement car il donne lieu à des cultes de la personnalité et à une rivalité pour incarner le projet de nation à construire. Le 20 avril 1829, suite à la prise de la capitale guatémaltèque, l‘assemblée législative de cet État, bientôt suivie par le président du congrès fédéral, décide de décorer Morazán d‘une médaille d‘or et déclare que son nom doit être précédé de celui de Benemérito. Morazán décline la proposition, sans doute dans le but de démontrer le caractère désintéressé de ses actions. En 1834, c‘est au tour de l‘assemblée du Salvador de le déclarer Général en chef de l‘armée salvadorienne et

Benemérito de la patrie. De son vivant, Morazán est ainsi célébré pour ses victoires militaires

et pour son rôle en tant que Président de la République, comme le fait le congrès fédéral installé à San Salvador en 1835 :

Pénétré de gratitude pour les services remarquables que le Général Francisco Morazán a rendu à la nation en défense de la liberté et de l’ordre, désirant en même temps donner un témoignage de l’estime avec laquelle il a vu sa fermeté et son engagement pour soutenir la loi fondamentale en diverses occasions dans lesquelles celle-ci a été menacée.129

Morazán a été considéré comme le seul caudillo capable de construire un projet de dimension centraméricaine selon les principes libéraux, ses victoires militaires lui ayant liberales y conservadores…», op. cit., p. 304. X. Avendaðo considère d‘ailleurs que les conflits générés suite à l‘indépendance sont à inscrire dans une lutte de pouvoir entre créoles et indigènes au niveau local, d‘autant plus que les municipalités ont gardé le contrôle du système électoral (AVENDAÑO ROJAS, Xiomara, Centroamérica

entre lo antiguo y lo moderno…, op. cit., p. 208).

128 L‘ouvrage est intitulé Facundo. Civilización y barbarie en las pampas argentinas ou Civilización y barbarie.

Vida de Juan Facundo Quiroga y aspecto físico, costumbres y hábitos de la República Argentina, selon les

éditions.

129 Archivo nacional de Costa Rica (San José), Fondo Federal, 001032 [congreso, 001906, n°19], Decreto declarando a Francisco Morazán Benemérito de la Patria‖, San Salvador, 24 janvier 1835, Congreso federal a Costa Rica, 1835-03-07 et 1835-09-19: ―El congreso federal de la República de Centro-América penetrado de gratitud por los relevantes servicios que el General Francisco Morazán ha prestado a la nación en defensa de la libertad y el orden: deseando al mismo tiempo dar un testimonio del aprecio con que ha visto su firmeza y decisión por sostener la ley fundamental en las diversas ocasiones que esta ha sido amenazada, ha venido en declarar : ES BENEMÉRITO DE LA PATRIA EL C. FRANCISCO MORAZÁN.‖ Son ascension au poste de Président de la Fédération est également célébrée à travers des poèmes, en particulier au Guatemala et au Honduras. Voir : MARTÍNEZ LÓPEZ, Eduardo, « Biografía del general Francisco Morazán » in CARÍAS REYES; Marcos, Album Morazánico, Tegucigalpa, Talleres Tipográficos Nacionales, 1942, pp. 85-86. En 1836, Juan Galindo a aussi proposé de créer un District portant le nom de Morazán sur la zone frontalière de la côte atlantique costaricienne dans le but de prévenir une invasion de colons du Belize, initiative envisagée comme une usurpation de la part du gouvernement colombien (VÁZQUEZ OLIVERA, Mario, La República Federal…,

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conféré un charisme certain. Le 6 mars 1829 a lieu la bataille de San Miguelito, non loin de la ville de Antigua Guatemala. Pour commémorer la victoire, le village a pris le nom de San Miguel Morazán. Des poèmes ont aussi été écrits au Salvador pour célébrer ses faits d‘armes.130 Une certaine sacralisation de Morazán peut être observée dans les poèmes du hondurien José Trinidad Reyes qui proclame l‘immortalité de sa mémoire.131 Cette poésie est un outil de communication politique, et il est intéressant de remarquer que l‘exaltation de Morazán est généralement implicite de manière à mettre en valeur le patriotisme de l‘ensemble des soldats, comme c‘est le cas dans l‘hymne écrit en l‘honneur des vainqueurs de la bataille de Gualcho.132 C.-G. López souligne que ce sont les célébrations collectives qui sont officiellement privilégiées durant la période de la Fédération, l‘individualisation du panthéon ne se développant que quelques années plus tard.133 Sans doute cette perspective est-elle assumée pour relativiser le pouvoir du caudillo en rappelant que celui-ci ne tient qu‘au soutien populaire. Morazán a d‘ailleurs su négocier avec des milieux conservateurs comme la paysannerie hondurienne.134 Alors qu‘une entente a d‘abord été envisagée avec l‘élite conservatrice guatémaltèque, il a finalement choisi de démanteler le réseau adversaire avec l‘expulsion de l‘archevêque Ramón Casaús et des prêtres dominicains et franciscains, ainsi que d‘autres opposants politiques.135

Ce sont les mesures anticléricales du gouvernement de Morazán qui ont déclenché une rébellion populaire dans la région orientale du Guatemala menée par R. Carrera en 1837.136

130 MARTÍNEZ LÓPEZ, Eduardo, « Biografía… », op. cit., p. 27, p. 40 et p 172.

131 RANDAZZO, Francesca, Honduras…, op. cit., p. 42.

132 MARTÍNEZ LÓPEZ, Eduardo, « Biografía… », op. cit. (―A los vencedores de Gualcho. Himno. Coro: Columna gloriosa,/ Legión de honor/ la patria hoy respira/ Por vuestro valor// de males sin cuento/ la habéis libertado/ habiendo triunfado/ de servil poder./ Desde este momento/ de inmortal memoria/ Y, su esplendor, su gloria,/ verá renacer.// Que tiemble el tirano/ godo detestable/ que la paz amable/ turbó en San Miguel/ que tiemble el que vino/ y erguido creyera/ que siempre le diera/ la suerte un laurel.// No es vez primera/ que a serviles crueles/ humillan aquellos/ de Marte en la lid;/ no es de hoy que los viera/ el sol combatiendo/ bizarro vencido/ a Ibero Adalid. // ¡Cual huye el infame!/ ¡Cual huye el malvado!/ de oprobio colmado/ de terrible estupor!// Cual por donde quiera / tan despavoridos/ los restos vencidos/ del vil opresor.‖). Notons les références à l‘Espagne dans cet hymne, moyen d‘expression qui révèle peut-être une voix populaire.

133 LÓPEZ BERNAL, Carlos Gregorio, Mármoles, Clarines y Bronces…, op. cit., pp. 13-14. Il fait référence à un décret des années 1830 célébrant les « citoyens » en tant qu‘incarnation du peuple souverain luttant pour la liberté. Il mentionne également un décret de 1839 rendant hommage au « général et l‘armée victorieuse des actions de Las Lomas et Espíritu Santo » sans que le nom de Morazán ne soit mis en relief.

134 FERNÁNDEZ, José Antonio, « El proceso de la Independencia… », op. cit., p. 284.

135 Morazán a été accueilli en 1829 par l‘archevêque et ils ont semblé vouloir coopérer dans le but de rétablir la paix et l‘ordre au Guatemala. Le conflit a été déclaré quand des conspirations au sein du clergé contre le gouvernement de Morazán auraient été décelées. Les opposants sont exilés à La Havane, Cuba, sur décision de l‘Assemblée du Guatemala au mois de juillet de la même année, et leurs biens expropriés au profit de la Fédération (WILHELMINE WILLIAMS, Mary, « La política eclesiástica de Francisco Morazán y los demás liberales centroamericanos » in Lecturas de Historia de Centroamérica, BCIE-EDUCA, 1989, pp. 392-393).

136 Carrera est né en 1814 dans la ville de Guatemala, de parents pauvres, et s‘est marié à la fille d‘un propriétaire terrien de Mataquescuintla. Il entre dans l‘armée centraméricaine et monte rapidement en grade durant la guerre civile, se formant alors à la pensée conservatrice. Voir la biographie de Carrera de la Fondation

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Les élites guatémaltèques ont d‘abord pris peur de cet « indien des montagnes » qui exprimait le refus de la paysannerie de changer son mode de vie traditionnel et ses coutumes rurales liées à la religion.137 Elles demandent alors à Morazán de les aider à anéantir le « soulèvement des masses ». En 1838, un manifeste signé par « les patriotes du Guatemala » (parmi lesquels Pedro Molina et Francisco Xavier Valenzuela) fait appel au pacificateur : « vous qui avez rétabli autrefois les institutions, accourrez maintenant pour sauver le peuple de l‘anarchie. »138

Un portrait du caudillo peint par le hollandais Frederich Van Dolvetz lui est offert comme un hommage des États du Salvador, de Los Altos et du Guatemala.139 Morazán, représentant de la « Civilisation » selon le modèle occidental, est alors radicalement opposé à Carrera, incarnant la « Barbarie » indigène. Cette même année, le gouvernement guatémaltèque dirigé par Gálvez a d‘ailleurs chargé Alejandro Marure d‘écrire un texte historique pour comparer la Révolution de la Vendée avec le soulèvement dirigé par Carrera.140 A. Taracena estime que ce discours s‘appuyait sur la peur d‘une guerre des castes, les élites sentant leurs intérêts de