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LES PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX : UNE ACTIVITE GENERATRICE DE REVENU

4- Avantages socio-économiques du commerce du Gnetum

La commercialisation des produits forestiers non ligneux au Congo est un phénomène à la fois économique et social.

- Il est économique parce que ce phénomène fait apparaître l’existence d’échanges monétaires, d’un espace élargi de circulation de ce produit, d’une division du travail et d’une certaine homogénéité des modes de commercialisation ;

- Il est d’ordre social parce que devant une multitude des consommateurs de feuilles de Gnetum, il y a lieu de s’interroger sur la catégorie socioprofessionnelle qui consomme beaucoup plus que les autres ce produit, autrement dit : qu’est-ce qui guide le choix de consommation de ce produit.

a) Les marges commerciales

Le concept de marge liée à la commercialisation des PFNL est presque inexistant dans le secteur informel. Il convient ici de préciser qu’il existe une différence entre marge de commercialisation et marge bénéficiaire du commerçant. Pour Griffon et Scott, 1996, une marge de commercialisation mesure la part du prix de vente final qui est captée par un agent particulier de la chaîne de commercialisation. Elle inclut les coûts et, généralement, mais pas nécessairement, quelques autres revenus nets.

Dans le cas de marge bénéficiaire, il faut prendre en compte tous les coûts de commercialisation. En réalité, une marge importante de commercialisation peut déboucher sur un gain limité ou nul, voire une perte pour le vendeur concerné. Tout dépend du prix d’achat et du prix de vente, mais aussi des structures de commercialisation du produit.

Pour le calcul des marges commerciales des ventes de feuilles de Gnetum, nous considérons ici encore les marchés Total et Sukissa. Les résultats du tableau suivant nous ont permis de déterminer au niveau de ces deux marchés, la moyenne du nombre de paquets vendus journalièrement par vendeuse, le gain journalier moyen par vendeuse et le nombre de jours de vente dans la semaine.

La prise en compte du concept coût est pour les vendeuses une donnée difficile à saisir. Cela s’explique par le fait que les vendeuses préfèrent dépenser leur énergie pour parcourir de longues distances à pied que d’utiliser le transport (le bus, surtout pas le taxi) deux fois par semaine. Ainsi, le coût dans cette activité commerciale est vu à trois niveaux. Il semble tantôt subjectif, apparent et parfois circonstanciel.

Les vendeuses du marché Total s’approvisionnent en ce produit avec des frais de transport qui s’élèvent à 1500 FCFA par vendeuse. Celles du marché Sukissa n’utilisent aucun moyen de transport moderne, donc ne subissent aucun contre coût toutes les deux fois dans la semaine, elles préfèrent marcher ; le marché Sukissa étant plus proche du lieu d’approvisionnement pour ces vendeuses.

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Tableau 26 : Quantité, montant, coût et marge de commercialisation au détail du Gnetum

Nombre des paquets vendus par mois par vendeuse ; un paquet de 200 g (0,2 kg) est vendu environ 3 200FCFA au détail sur le marché Total ou Sukissa.

Montant de la vente en FCFA/ vendeuse/mois pour le marché Total : une moyenne de 3 paquets sont vendus / jour x 2 fois de vente dans la semaine = 6 paquets x 4 semaines = 24 paquets/mois x 3200 FCFA le paquet = 76 800 FCFA par mois

Montant de la vente en FCFA/ vendeuse/mois pour le marché Sukissa : 2 paquets sont vendus /jour x 2 fois de vente dans la semaine = 4 paquets x 4 semaines = 16 paquets / mois x 3200 FCFA le paquet = 63 200 FCFA par mois

Le tableau 26 etrace les moyennes qui nous ont permis de déterminer les marges commerciales obtenues par les vendeuses aussi bien au marché Total qu’au marché Sukissa.

Nous constatons que la marge par une vendeuse du marché Total est plus élevée que celle acquise par une vendeuse du marché Sukissa. Cela s’explique par le fait qu’au marché Total, on vend beaucoup plus et ce marché accueille plus d’acheteurs venant de tous les coins de la ville de Brazzaville.

Par ailleurs, les tas vendus au marché Total sont plus petits que ceux vendus au marché Sukissa justifiant ainsi l’écart significatif des marges 5 000F CFA entre les deux marchés. Cet écart est pratiquement égal au coût de transport mensuel supporté par les vendeuses du marché Total.

b) Une activité génératrice de revenu

La cueillette des PFNL alimentaires permet aux femmes et aux enfants qui en sont les acteurs et les premiers bénéficiaires d’obtenir des revenus par la vente des produits forestiers. Cela participe à la lutte contre l’insécurité alimentaire dont la traduction est illustrée à travers les résultats de l’enquête démographique sur les revenus des ménages (INSD, 2003)1 : ces résultats montrent en effet qu’au niveau des ménages, 52% des dépenses en ville sont alimentaires contre 40,20% en milieu rural. Un des moyens de lutte pourrait consister en l’utilisation des plantes alimentaires forestières qui peuvent contribuer à l’autosuffisance alimentaire. En effet, les produits forestiers utilisés jouent un grand rôle dans la sécurité alimentaire : la sécurité alimentaire des ménages passe par une exploitation de toutes les ressources biologiques du milieu, de la nature. Les femmes jouent un rôle particulier dans cette sécurité en tant qu’actrices de la cueillette des plantes spontanées, détentrices des recettes culinaires traditionnelles et d’un savoir faire pour valoriser les productions végétales.

Une meilleure sécurité alimentaire passe par cette valorisation et une gestion rationnelle des ressources diversifiées que nous offre la nature.

1 INSD, 2003 – Enquête diagnostique sur les revenus des ménages en milieu rural au Burkina Faso.

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Le revenu résultant de la commercialisation des feuilles de Gnetum a réellement un impact sur la consommation et l’épargne des ménages. Grâce à ce revenu, ces femmes sont en mesure de supporter la scolarité ainsi que la santé des personnes à charge. Nous pouvons dès lors affirmer que le supplément de revenu ainsi généré par la commercialisation de feuilles de Gnetum permet de réduire des inégalités de revenu entre les ménages.

Grâce à ce revenu, les vendeuses arrivent à faire face aux mêmes préoccupations que les fonctionnaires ou les agents du secteur privé. En effet, cette activité commerciale est génératrice entre autres de revenu moyen qui va dans certain cas au-delà du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) des travailleurs des entreprises relevant du régime de la durée légale de travail hebdomadaire de quarante (40) heures.

Ce salaire de quanrante cinq mille (45 000 FCFA) par mois, soit cent trente six (1125FCFA) par heure, est resté inchangé depuis son décret N° 84/552/S.G.G. du 20 juin 1984 dans son article 1er. Les revenus de 68 000 FCFA et 63 200 FCFA observés aux marchés Total et Sukissa sont bien au-delà du SMIG. Les vendeuses de feuilles de Gnetum peuvent donc être classées comparativement à des employés des catégories professionnelles e échelons définis ar voie réglementaire pour les activités non régies par les conventions collectives.

Ainsi, une vendeuse de feuilles de Gnetum du marché Total qui, en moyenne, dispose d’une marge commerciale de 68 000 FCFA par mois a pratiquement le même salaire qu’un employé de la sixième catégorie du troisième échelon qui perçoit un salaire de 56 500 FCFA.

Tandis que celle du marché Sukissa, avec un salaire de 63 200 FCFA serait comparable à un employé de la cinquième catégorie du deuxième échelon.

De manière générale, les revenus générés par le commerce des feuilles de Gnetum offrent aux innombrables femmes qui exercent cette activité la possibilité de pouvoir augmenter leur consommation individuelle et collective.

L’activité des PFNL relève du secteur informel et pour cette raison, la quantification des produits vendus n’est pas toujours aisée. Dans ce secteur, l’unité de vente est souvent le tas ou le paquet du produit concerné. C’est le cas des feuilles de Gnetum et des noix de palme que nous nous proposons de quantifier en unité de mesure couramment utilisée, le gramme, le Kilogramme ou la tonne.

La méthode utilisée pour déterminer les quantités commercialisées est celle que nous avons employée pour évaluer la consommation journalière de feuilles de Gnetum par individu au Congo (Mialoundama, 1985, 1996).

Pour connaître le poids (en grammes) de chaque tas de feuilles de Gnetum, de noix de palme, nous avons acheté au moins 30 tas de chaque produit que nous avons pesé séparément à l’aide d’une balance de précision. Le poids moyen de chaque produit nous a permis de dresser les tableaux. Nous avons déterminé alors respectivement pour chaque produit, la quantité moyenne vendue par jour et par vendeur, la quantité totale vendue par jour après avoir évalué au préalable, le nombre de vendeurs et le nombre moyen de tas vendus par jour et par vendeur.

Pour déterminer la production totale annuelle commercialisée, la quantité a été multipliée par 365 jours pour le Gnetum et les noix de palme, produits vendus tous les jours

Quinze (15) marchés ont fait l’objet d’enquête à travers le territoire national. Il s’agit là des marchés de principaux centres urbains du pays. Les productions commercialisées de ces marchés reflètent donc les productions nationales à l’exception toutefois des productions autoconsommées dans les villages et les centres secondaires.

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Tableau 27 : Détermination des marges commerciales du PFNL : Gnetum en 2007

Brazzaville 675 95 123500 30875 9600 2700 80325 963900

Pointe Noire 360 90 117000 29250 4800 2300 80650 967800

Le tableau 27 laisse apparaître un grand nombre de vendeurs des feuilles de Gnetum, au total près de mille cinq cents vendeurs de ce type de PFNL dans tout le territoire national. Ceux-ci vendent en moyenne cinq cent tas par jour et par vendeur. Une marge de plus de quarante cinq mille francs CFA est dégagée par chaque vendeur et par mois, soit près de cinq millions de francs CFA (7621,95€) déduction faite de toutes les taxes et coûts y relatifs, ce qui est nettement supérieur au SMIG, à peine trente sept mille francs CFA. Les feuilles de Gnetum sont sutout vendues surtout dans la ville de Brazzaville en termes de tas, mais c’est dans la ville de Pointe Noire où se dégage une marge substentielle auprès des vendeurs. Ceci est dû par l’approximité de la forêt de Mayombe ou recèle cette ressource.

c) Facteurs explicatifs de la forte demande de feuilles de Gnetum

Face à une multitude des consommateurs de feuilles de Gnetum, nous nous sommes posés la question sur les motivations qui sont au centre de la consommation de feuilles de Gnetum par les différents agents interrogés. Existe-t-il une catégorie socioprofessionnelle qui s’intéresse à la consommation de feuilles de Gnetum plus que les autres ? Autrement dit, existe-t-il un lien entre la catégorie socioprofessionnelle et la forte consommation de ce produit ?

Pour essayer de répondre à cette interrogation nous avons utilisé le test statistique de khi-deux (χ2) à partir des données de l’enquête. Ainsi, le khi-deux étant la somme des écarts quadratiques réduits, il est ici égal à 5,21 c’est-à-dire χ2 = 5,21.

Le nombre de degré de liberté est égal à n = (3-1) (3-1) = 4. La valeur de χ2 lu au seuil de signification de 5 % est de 9,49.

On constate donc que : χ2 calculé est inférieur au χ2 lu dans le tableau, c’est-à-dire 5,21 < 9,49.

Nous pouvons alors déduire qu’il n’y a pas de différence significative dans la consommation du Gnetum pour les individus du secteur public, privé ou informel. Les feuilles de Gnetum restent donc un produit consommé avec une forte fréquence par les agents interrogés. Il n’y a pas de préférence spécifique dans la consommation du Gnetum par les catégories socioprofessionnelles. Les consommateurs de feuilles de Gnetum éprouvent le même désir de retrouver ce produit à table. Les raisons traduisant le désir de consommer ce produit peuvent être recherchées dans la tradition culinaire, l’orgueil national (retrouver les habitudes alimentaires du pays), le marqueur culturel.

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