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LES PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX : UNE ACTIVITE GENERATRICE DE REVENU

3- Quels avantages a-t-on en considérant le producteur comme une entreprise ?

3- Quels avantages a-t-on en considérant le producteur comme une entreprise ?

Considérer le producteur comme une entreprise à part entière nous permet d’utiliser l’approche market driven pour résoudre le problème actuel d’amélioration des revenus des paysans alors que naguère on privilégiait plutôt la production. Dorénavant, nous proposons qu’on commence par le marché actuel des producteurs.

a) Les catégories des producteurs

Selon leur ancienneté dans le métier, leur niveau scolaire et leur âge, Kana (2006)1 distingue trois types de producteurs des PFNL alimentaires, à savoir : le petit producteur traditionnel, le petit producteur moderne et le grand producteur moderne.

- Le petit producteur «traditionnel»

Le petit producteur traditionnel des PFNL alimentaires est une personne adulte habitant les zones rurales et dont l’âge varierait entre 30 et 70 ans.

Il travaille soit seul, soit avec sa famille et a un niveau scolaire faible voire inexistant. Il utilise des méthodes traditionnelles pour produire et exploite des faibles superficies souvent inférieures à 1 ha. Une partie des produits cultivés est destinée à l’autoconsommation et l’autosubsistance, une autre partie est destinée à la commercialisation. L’agriculture est la principale source de ses revenus et introduit même des innovations dans la transformation agroalimentaire. Il est démontré que dans le cadre de la transformation du manioc au Congo en chikwange, les producteurs ont remplacé la technique traditionnelle d’extraction des fibres à l’aide d’un couteau spécial appelé mbélé par une séparation solide liquide dont le process complet est appelé soula chez certaines ethnies du Congo Brazzaville, notamment les kongo et les laris.

Le petit producteur traditionnel peut être considéré comme le garant des savoir-faire traditionnels sur la valorisation des aliments traditionnels de l’Afrique centrale. Si une partie du potentiel de ces savoirs est aujourd’hui exploitée dans les ménages ruraux, en revanche la grande partie de ce potentiel reste sous exploitée. Adjanohoun et al (1988)2 auraient montré par exemple la valeur thérapeutique de plusieurs PFNL alimentaires.

- Le petit producteur moderne

Le petit producteur moderne est jeune ou adulte ayant un bon niveau scolaire dans les métiers de l’agriculture ou dans un autre domaine qui, face au taux de chômage et les difficultés de trouver un emploi rémunéré, s’est lancé dans l’agriculture. Il évolue soit seul, soit en association dans un groupement. Il utilise les méthodes modernes de production agricole et développe des stratégies nouvelles pour vendre ses produits. Il est prêt à suivre des formations pour le renforcement de ses capacités et accepter des innovations apportées par les

1Kana, R. 2006. Business plan d’une entreprise rurale de production et de commercialisation de plants améliorés d’arbres fruitiers locaux. Cas de la pépinière à Makénéné. Mémoire de fin de formation en contribution partielle à l’obtention du diplôme d’Etudes Supérieures de Commerce. Ecole Supérieures des Sciences Economiques et Sociales (ESSEC). Université de Douala.

2 Adjanahoun et al. 1988. Contribution aux études ethnobotaniques et floristiques en République populaire du Congo. Paris : ACCT. 605p

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chercheurs. Mais, à l’image du petit producteur traditionnel, il exploite des petites superficies inférieures ou égales à 2 ha.

- Le grand producteur moderne

Le grand producteur moderne est une personne qui dispose de surfaces importantes de terre acquises après achat ou par héritage. Pour les valoriser, il se lance dans la production des PFNL alimentaires, soit pour compléter ses revenus issus soit de sa pension pour les retraités, soit de son salaire lorsqu’il est encore fonctionnaire. Il utilise les méthodes modernes pour produire des quantités importantes. Ainsi au Cameroun par exemple, on assiste de plus en plus à une présence massive des élites dans la culture du palmier à huile, la banane plantain, le safoutier et d’autres fruitiers, comme l’avocatier. Il en est de même au Gabon où des élites se sont lancées dans l’agriculture et surtout l’arboriculture fruitière. Contrairement aux petits producteurs traditionnels et le petit producteur moderne, ils exploitent des superficies importantes supérieures à 2 ha.

b) Le producteur et son environnement

On constate que l’environnement du producteur est constitué de plusieurs acteurs dont les principaux sont le secteur privé et le fournisseur des semences, des intrants et des plants améliorés, car ils travaillent directement avec eux tous les jours. Mais le secteur privé serait le plus important parce qu’il constitue la principale clientèle donc le principal marché pour notre producteur. Si longtemps, les partenaires au développement se sont concentrés sur le producteur seul, en revanche, ils doivent maintenant considérer le producteur ou le groupement de producteur dans un système.

- Au niveau de Brazzaville

Parmi tous les PFNL alimentaires, le plus consommé reste le Gnetum africanum (Anonyme 2001 ; Mialoundama 1985)1.

Le Gnetum est aussi, selon les conclusions d’une réunion internationale sur les PFNL tenue à Limbé au Cameroun (Sunderland et al, 2000)2, le premier des PFNL ayant une valeur élevée tant pour la consommation domestique que pour la commercialisation.

Selon Batsotsa et Makouaya, 20013, les feuilles de Gnetum sont emballées en forêt par les cueilleurs et livrées aux grossistes moyennant 50 FCFA le paquet ; ce dernier est revendu à Brazzaville aux détaillants à 100 Frs CFA. Le véhicule spécialisé peut transporter des chargements d’une valeur de 200.000 à 400 .000 Frs CFA selon le type de véhicule, soit 4.000 à 8.000 paquets de Gnetum transportés.

Au cours de la semaine, le même véhicule peut effectuer deux voyages entre la localité de production (lieu de cueillette) et la ville.

1 Anonyme .2001. Les produits forestiers non ligneux comestibles utilisés dans les pays africains francophones.

Non Wood News, FAO, N° 8, 5 - 13.

Mialoundama F 1985. Etude de la croissance rythmique chez le Gnetum africanum Welw. Thèse de doctorat d’Etat es Sciences naturelles. Université d’Orléans. 156 P.

2 Sunderland T C H ; Clark L E et Vantomme P. 2000 : Les Produits Forestiers non ligneux. Recherches actuelles et perspectives pour la conservation et le développement. Réunion Internationale sur les Produits Forestiers non Ligneux. FAO. Rome, 304P.

3 Batsotsa P G et Makouaya S A. 2001. op. cit.

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Les détaillants sont souvent des femmes dont l’effectif dans les huit (8) marchés de Brazzaville était de six cent six (606) en 2001et près de sept cent (694) en 2006, alors qu’en 1980, il n’a été dénombré que près de quatre cent (400) femmes à Brazzaville et à Pointe Noire (Mialoundama, 1985)1.

- Au niveau du territoire national

En ce qui nous concerne, quinze (17) marchés ont fait l’objet d’enquête à travers le territoire national. Il s’agit là des marchés de principaux centres urbains du pays. Les productions commercialisées dans ces marchés reflètent donc les productions nationales à l’exception toutefois des productions autoconsommées dans les villages et les centres secondaires.

Le tableau 25 ci-après donne une indication de la quantité des feuilles de Gnetum commercialisée dans le territoire national. La quantité vendue des feuilles de Gnetum s’élève à 1646 tonnes par an. Brazzaville, la capitale brasse à elle seule près de 836 tonnes de ce produit, soit plus de la moitié (50,78 %) de la quantité totale vendue dans le territoire national pendant toute l’année. Pointe Noire, elle, vend près 423 tonnes de feuilles de Gnetum par an, soit plus du quart (25,69 %) de la production nationale.

L’activité des PFNL est très importante dans le secteur socio-économique au Congo et de plus, l’activité sur les PFNL est génératrice d’emplois dans le secteur informel. En effet, nous comptons près de 1500 vendeurs au détail sur les marchés pour le commerce du Gnetum compte non tenu des cueilleurs dans les forêts et de ceux qui sont chargés de le transporter des villages jusque dans les différents centres urbains.

Les marchés locaux de collecte, transports, courtage et stockage avant exportation sont des marchés d’initiés basés sur des relations très fortes, familiales ou non, entre les individus. En ce qui concerne le Gnetum, on observe que les producteurs vendent généralement sur les marchés les plus proches ; cependant d’autres vendent à des collecteurs qui viennent dans les villages. Dans ce cas, le collecteur a généralement prêté de l’argent au producteur et il se rembourse avec le Gnetum (koko). Les collecteurs vendent ensuite aux exportateurs. Ces derniers, grâce à ces réseaux de collecteurs, cherchent à régulariser leurs approvisionnements.

Tableau 25 : Evaluation de la quantité de Gnetum commercialisé (Poids moyen du tas : 35,72 g) en 2007

1 Mialoundama F 1985. Etude de la croissance rythmique chez le Gnetum africanum Welw. Thèse de doctorat d’Etat es Sciences naturelles. Université d’Orléans. 156 P.

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- Le prix

L’analyse des prix occupe une place particulièrement importante dans le circuit de commercialisation. Selon Scott et Griffon, 19991, les prix constituent l’un des principaux indicateurs économiques entre l’offre et la demande. Les données sur les prix sont souvent les informations sur les marchés les plus faciles à obtenir, voire les seuls disponibles dans les pays en développement. Or, la fixation des prix des PFNL d’Afrique centrale n’est soumise à aucune réglementation particulière (Tabuna H., 1999)2.

Celui-ci a montré que certains produits avaient des prix fixes (Gnetum, feuilles de manioc, …) et ne semblent pas dépendre des fluctuations de l’offre et de la demande.

Après notre enquête, nous avons constaté que le prix de vente de gros d’un paquet de feuilles de Gnetum est couramment fixé à 100 FCFA. Mais depuis un certain temps, affirment les femmes vendeuses, celui-ci connaît une fluctuation pour multiples raisons :

- la cueillette de ce produit devient de plus en plus difficile, il faut marcher sur de longues distances depuis le village jusque dans la forêt profonde, parfois tout une journée pour une récolte dérisoire de la ressource, celle-ci devenue rare à proximité des villages à cause d’une récolte parfois sauvage (arrachage des plants, feu de forêt pour des cultures d’autres produits vivriers, …) ;

- quand le grossiste se trouve en face d’un grand nombre d’acheteurs, il fixe le prix à 125 voire 150 FCFA. Dans le cas inverse, le prix peut baisser jusqu’à 75 FCFA. Cette dernière situation se produit lorsque le grossiste n’a pu écouler son produit (avec le risque de détérioration de celui) même après s’être rendu sur le marché de détail ;

- les fluctuations du prix de gros sont aussi provoquées d’une part, par la présence sur les lieux d’approvisionnement des femmes commerçantes de la République démocratique du Congo (RDC), car le Gnetum africanum, qui autrefois était commun, est devenu difficile à trouver pour des raisons évoquées plus haut, et d’autre part par les africains d’Europe qui viennent acheter, et vont revendre dans les épiceries des produits tropicaux d’Europe ;

- il y a également la saison de pluies qui influe grandement sur la disponibilité de la ressource. Lors de grandes pluies, le transport devenu difficile entraîne une augmentation du prix de gros.

Le prix de gros est considéré dans ce commerce comme le prix d’ajustement. La moindre fluctuation de ce prix entraîne des effets de diminution ou d’augmentation sur des quantités vendues sur les marchés. Bien qu’à ce niveau, le prix soit maintenu constant (50 FCFA), les tas sur les marchés diminuent. La conséquence directe de cette variation est plus visible sur les marchés périphériques qui d’habitude proposent des tas moins gros.

Bien qu’étant organisé autour d’un certain nombre de principes, le commerce de feuilles de Gnetum reste une activité typiquement informelle. Les paramètres quantité et prix

1 Scott G.et Griffon D., 1999, Prix, produits et acteurs : méthodes pour analyser les produits agricoles dans les pays en développement, édition Kartala, CIRAD et CIP, pp. 22, 24.

2 Tabuna H. 1999. Le marché des Produits Forestiers Non Ligneux de l’Afrique Centrale en France et en Belgique. Produits, Acteurs, Circuits de distribution et de débouchés actuels. Document spécial N° 19.CIFOR, Bogor –Indonésie , 35 P.

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conditionnent les gains journaliers obtenus par les femmes commerçantes. Ainsi, dans ce commerce, le prix de gros demeure un bon indicateur pour suivre l’évolution des variations du volume des tas et des gains journaliers perçus sur les marchés de proximité et de ceux plus éloignés du lieu d’approvisionnement.