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PREMIÈRE PARTIE. UNE MÊME ÉVOLUTION DE LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES CHOSES

SECTION 1. UNE AVÈNEMENT COMMUN DU PRINCIPE

19. L’office du juge français121 et le rôle des autres professionnels. L’histoire de l’article 1242, alinéa premier du Code civil français nous en dit long sur le fonctionnement du système du droit civil. Quel est le rôle du Code lui-même ? Comment les juristes, juges et universitaires l’interprètent-ils ? Comment les tribunaux justifient-ils leur décision d’appliquer le Code ? Les tribunaux ont-ils une fonction législative créative ? Une vision si étroite des fonctions judiciaires découle de l’idéologie de la Révolution française. Les principales cours de l’Ancien Régime (les parlements) étaient les bastions des privilèges aristocratiques, et les juges résistaient à tout effort de réforme initié par le roi et ses ministres. Les juges décidaient fréquemment des affaires selon leurs propres préjugés et non selon l’application des ordonnances royales. Afin de mettre fin à ce pouvoir judiciaire désordonné, l’Assemblée Constituante, qui a gouverné la France de 1789 à 1791122, a promulgué une loi instaurant un nouveau système judiciaire avec des juges élus et interdisant aux tribunaux de participer directement ou indirectement à l’exercice du pouvoir législatif123. La disposition législative interdisant aux juges de légiférer était une conséquence de la théorie élaborée par Locke (1632-1704) et Montesquieu (1689-1755) sur la séparation des pouvoirs124. Montesquieu avait une vision très limitée des fonctions judiciaires, les juges n’étaient que les « porte-paroles » de la loi125. En d’autres termes, les juges ne devaient pas faire du droit eux-mêmes mais devaient renvoyer les questions de droit douteuses au législateur lui-même pour résolution.

121 Sur cette question voir, notamment, J.-S. BORGHETTI, « L’office du juge en droit de la responsabilité civile », Revue de droit d’Assas, 2017.

122 Voir M. MORABITO, Histoire constitutionnelle de la France de 1789 à nos jours, 15e éd., 2018, Issy-Les-Moulineaux : LGDJ

123 Voir « Décret des 16-24 août 1790 sur l’organisation judiciaire. – Legilux », [visité le 20 janvier 2020], disponible sur Internet <URL : http://legilux.public.lu/eli/etat/leg/dec/1970/08/16/n1/jo

124 F. BARON, « La séparation des pouvoirs », publié le 7 juillet 2018, [visité le 20 janvier 2020], disponible sur Internet <URL : https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/270289-la-separation-des-pouvoirs

125 L’art. 5 du Code civil français dispose ainsi qu’«il est défendu aux juges de se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ».

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-Cette saisine législative, cependant, était une procédure facultative car la loi permettait aux juges eux-mêmes de décider si une question était douteuse. Le rôle des tribunaux a toujours été guidé dans l’évolution du droit de la responsabilité civile.

Aux yeux de la plupart des observateurs, le Code était conforme au modèle révolutionnaire d’une déclaration globale de la volonté générale du législateur qui ne laissait aux juges que la tâche technique d’application. Une disposition potentiellement discordante était l’article 4 du Code civil français, qui menaçait de punir les juges qui refusaient de trancher une affaire en raison du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi126. Mais cela n’était pas clair si les rédacteurs voulaient dire qu’il ne pouvait y avoir aucune lacune dans le code ou que les juges devaient décider de toutes les affaires même s’il y avait des lacunes. Dans son étude des méthodes d’interprétation et des sources du droit privé publiée pour la première fois en 1899, F. GÉNY127 a soutenu que les codificateurs de 1804 avaient une idée assez différente du rôle du droit écrit. Selon lui, le Code n’est pas apparu comme un énoncé complet de toutes les règles juridiques nécessaires pour résoudre les cas futurs, mais il y avait des lacunes qui se sont révélées avec le temps. Les Codificateurs ont réalisé l’état inachevé du Code et s’attendaient à ce que les juges l’achèvent au fils du temps.

L’histoire de la réception du régime de la responsabilité du fait des choses dans les tribunaux français montre que les juges font la loi. Non seulement ils font la loi, mais ils ont créé un système de jurisprudence. Ce qui différencie en fait, le système jurisprudentiel français de la Common Law, c’est avant tout la formule utilisée en France pour formuler les règles jurisprudentielles. Les juges français ne peinent pas à extraire les fonds des affaires antérieures, mais à formuler le plus précisément possible la règle de jurisprudence applicable. Cette approche permet un plus grand contrôle des Cours de cassation sur la loi applicable par les juridictions inférieures. Si un tribunal inférieur n’applique pas la bonne formule, l’annulation suivra sûrement. L’approche française présente néanmoins un avantage largement inaperçu, qui favorise la formulation de meilleures règles. Le système français donne plus de poids à ce que les juges font au fils du temps, tandis que l’approche de la Common Law met trop l’accent sur ce que les juges font lorsqu’ils sont confrontés, pour la première fois, à un problème. L’approche française ne donne pas autant de poids à ce que les premiers juges ont dit, mais

126 Art. 4 du Code civil français : « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ».

127 F. GÉNY, Méthode d’interprétation et sources en droit privé positif : essai critique, 2e éd., n°46, Paris : LGDJ, 1919.

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-regarde l’acception d’une règle de jurisprudence par les juges suivants. Ainsi, l’affaire principale au titre de l’article 1242, alinéa premier n’est pas Teffaine mais Jand’heur II.

En effet, la remarquable, voire la plus célèbre128, démonstration qui a eu lieu en droit français sur ce concept suffit à elle seule à justifier que les efforts judicaires destinés à formuler la responsabilité ont réussi à mettre en évidence l’importance de la composante judiciaire dans l’élaboration du droit129. Malgré les quelques points prononcés, il est dit que le régime de la responsabilité du fait des choses est une source d’insécurité juridique130 en matière d’assurance de responsabilité131. Les compagnies d’assurance voient en ces évolutions un caractère d’instabilité peu compatible132 avec les obligations inhérentes aux contrats d’assurance. Mais, ce que veulent les assureurs ne coïncide pas obligatoirement avec la jurisprudence. Cependant, selon H. GROUTEL, « l’instabilité juridique n’est pas forcement génératrice d’insécurité, sinon le droit se condamnerait à ne pas évoluer »133.

20. Le juge koweïtien, législateur supplétif. Le droit koweïtien adopte le système du droit civil et, ainsi, prévaut la méthode de codification. Cette méthode suppose la satisfaction aux objectifs d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi afin d’assurer la sécurité juridique. Le juge koweïtien alors contrairement au juge français, ne peut pas combler le vide législatif, mais uniquement suppléer à la lacune de la loi. L’alinéa deux du premier article du Code civil koweïtien dispose que « les textes législatifs s’appliquent aux différentes matières traitées dans ce code par application littérale ou en l’interprétant. À défaut, d’une disposition législative applicable le juge statuera, d’après les principes du fiqh islamique qui soit la plus conforme à la réalité du pays, à défaut de ces principes, le juge aura recours à la coutume »134. Le juge koweïtien est source de droit, à titre supplétif.

128 Ph. MALAURIE, L. AYNÈS, Ph. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, 3e éd., Defrénois, 2007, p. 96.

129 En ce sens, voir E. TRICOIRE, « La responsabilité du fait des choses immatérielles », Libre droit, Paris : Dalloz, p. 984.

130 Sur cette notion voir, notamment, T. PIAZZON, La sécurité juridique, Paris : Defrénois, coll. « Doctorat et notariat », Tome. 35, 2009.

131 Voir H. GROUTEL, « Rapport introductif », Insécurité juridique et assurances, Actes du colloque du 3 octobre 1996, publiés à la R. G. D. A., 1998.

132 A propos de l’insécurité juridique liée à l’instabilité des règles de responsabilité voir P. LE TOURNEAU, « Des mérites et des vertus de la responsabilité civile », Gaz. Pal., 1985, 1, p. 283.

133 Voir, H. GROUTEL « Rapport introductif », Insécurité juridique et assurances, Actes du colloque du 3 octobre 1996, Op. cit., n°3, p. 420.

134 Dans sa version originaire, cependant, le texte prévoit qu’à défaut d’une disposition législative, le juge se réfère aux coutumes et, en l’absence de ces dernières, aux principes du fiqh islamique. Une telle modification a été réalisée par la loi n° 15 de 1996 modifiant les dispositions du décret législatif n°67 de l’année 1980 promulguant le Code civil. Nous remarquons, cependant, une différence entre les termes utilisés par le Code civil-fiqh- et la constitution -charia-. Toutefois, la note explicative de la constitution koweïtienne n’a fait aucune différence entre ces deux termes. Celle-ci avait cité que « la charia islamique-signifiant le fiqh islamique- est la source de la

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-21. Division. En droit français, la responsabilité du fait des choses semble bien ancrée dans le système de responsabilité civile. C’est grâce à l’intervention jurisprudentielle française qu’un

principe de responsabilité du fait des choses a pris naissance135 (§1). Comparativement, le

législateur koweïtien a choisi d’intervenir directement : la responsabilité du fait des choses est

aujourd’hui expressément prévue par le Code civil koweïtien (§2). §1. L’intervention prétorienne française

22. Genèse du principe. La jurisprudence française a instauré un principe pour la responsabilité du fait des choses à travers l’arrêt Teffaine, en reprenant l’idée déjà avancée par la jurisprudence et la doctrine belges136. La solution judiciaire a été orientée vers l’élaboration d’un système nouveau, autrement dérogatoire de réparation à côté des autres systèmes de réparation, notamment celui du fait personnel et celui du fait d’autrui. L’analyse du principe de la responsabilité du fait des choses est désormais fort connue. De nombreux écrits doctrinaux en attestent137. Il n’en demeure pas moins, qu’en dépit de toute cette littérature, il reste important, dans notre étude, de retracer les manifestations de son amorce (A.) afin de pouvoir saisir et comprendre comment ce principe s’est durablement affirmé (B).

A. Les manifestations d’« amorce »

23. Division. La responsabilité du fait d’une chose est apparue sous une forme ou une autre dans l’ancienne culture juridique française, notamment le droit romain et l’ancien droit français. Cela, bien sûr, n’a pas été sans conséquence par la suite (1°). En effet, c’est à travers l’héritage de cette culture, déjà codifiée dans le Code civil, que la doctrine française moderne a tenté, à plusieurs reprises, de dégager une telle responsabilité (2°).

législation ». Il est donc acceptable d’utiliser les deux termes comme équivalant en droit koweïtien. Néanmoins, chaque terme a une connotation différente. Certains pays musulmans, comme le Maroc, l’Algérie et la Syrie, utilisent le terme fiqh au lieu de charia dans leurs constitutions. Voir par exemple, l’alinéa deux de l’article trois de la constitution syrienne promulgué par le décret n°94 de l’année 2012 qui dispose que « le fiqh islamique est une source principale de la législation ». Au Koweït, popularisée au cours des années 1980 par les mouvements musulmans, la charia tend à se substituer au fiqh dans le langage politique : H. ALRASHID, « La corrélation entre la charia islamique et les législations civiles koweïtiennes », Revue de la recherche juridique, droit prospectif, coll. « de l’université d’Aix-Marseille », 2013, p. 1908.

135 Comme l’indique G. RIPERT : « La jurisprudence a fait un sort particulièrement heureux à cette humble phrase qui, dans l’article 1384, alinéa premier, avait vécu quatre-vingt ans d’une vie ignorée et elle a proclamé le principe de la responsabilité du fait des choses inanimées » : G. RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, Paris : LGDJ, 1949, 4e éd., p. 202.

136 Trib. Civil de Bruxelles, 31 mai 1871, Belgique judiciaire 1871, col. 758: F. LAURENT, Principes de droit civil, T. XX, no639. La jurisprudence française a recouru à la thèse de Faidet et de Laurent.

137 Par exemple, voir H. CAPITANT, « La responsabilité du fait des choses inanimées d’après l’arrêt des chambres réunies du 13 février 1930 », DH, 1930, Chron. 29.

38 -1°. Dans l’ancienne culture juridique

24. Dans le droit romain. C’est l’idée de danger qui primait sur la responsabilité du fait des choses en droit romain. Les jurisconsultes romains ont, très tôt, été amenés à se préoccuper des dommages causés par certaines choses, notamment les choses animées considérées comme les plus dangereuses, telles que les esclaves et les animaux. C’est ainsi que le droit romain a admis sans difficulté que le maître de l’esclave ou de l’animal était tenu de réparer les dommages causés par l’un ou l’autre indépendamment des conditions de la mise en œuvre de la loi Aquilia138. Le maître se trouvait alors responsable du fait de ces choses, mais sa responsabilité était soumise au régime particulier de la noxalité139 par lequel le maître de l’animal ou de l’esclave l’abandonnait à la victime, au lieu de réparer le dommage. C’est ainsi que, même si aucune faute n’a pu être imputée au propriétaire, la réparation du dommage peut, tout de même, avoir lieu. Il « dérive de ce principe que les dommages provenant de notre chose nous soumettent à une obligation qui a cette chose pour tout gage »140. Toute idée de faute est donc exclue. N’est retenu que le fait de l’animal. On ne peut donc pas, dans ce cas-là, faire intervenir l’action damani iniuriae de la loi Aquilia. Seule ne sera retenue que la spontanéité141

de l’action de l’animal et non pas l’imprudence ou la négligence du maître.

Peu de temps plus tard, les jurisconsultes romains s’aperçurent qu’en plus des choses animées ayant une volonté propre, les choses inanimées pouvaient causer des dommages. Cependant, il apparaissait logique de constater que conformément à leur nature, ces choses inanimées ne pouvaient causer en elles-mêmes un dommage. Néanmoins, elles semblaient pouvoir être utilisées pour en causer un : une pierre ou un bâton peuvent être instrumentalisés pour blesser une personne. Pourtant, l’action de l’homme apparaissait ici nécessaire, laissant ainsi place logiquement à l’application de la responsabilité du fait de l’homme. Ainsi, bien qu’une chose fût intervenue, le droit romain ne ressentait pas la nécessité pour une telle situation d’édicter des règles particulières.

Les jurisconsultes romains ont par la suite pris conscience que même les choses inanimées pouvaient, dans certains cas, agir indépendamment de l’homme et avoir une action propre. C’est

138 Pour aller plus loin voir A. CASTALDO., J-P. LEVEY, Histoire du droit, n°618 et s., Paris : Dalloz, 2002.

139 L’abandon noxal est une procédure propre au droit romain par lequel le pater familias abandonne, dans l’ancien droit romain, sa femme, son enfant, son esclave ou son animal à la vengeance de la victime d’un acte commis par l’un d’eux. Aussi, à la fin de l’époque classique du droit romain, l’abandon noxal n’est plus utilisé que contre les esclaves et les animaux. Voir. R. DEKKERS, « Compte-rendu : De visscher (Fernand), Le régime de la noxalité. -De la vengeance collective à la responsabilité individuelle », Revue belge de philologie et d’histoire, Vol. 26, 1948, n° 1, pp. 263-266.

140 C. ACCARIAS, Précis de droit romain, T. II, A. Cotillon et Cie, 1874, p. 1189.

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-notamment le cas d’un mur qui s’écroule. Ainsi, la responsabilité du propriétaire d’une chose inanimée était susceptible d’être engagée dès lors que cette chose cause un dommage par sa chute ou si la chose est jetée par une fenêtre. Le prêteur accordait, dans ce cas, une action de positis et suspensis, de effusis et dijectis à la victime contre la personne qui habitait l’appartement, laquelle pouvait éventuellement par la suite se retourner contre le vrai coupable. Il apparaît que la responsabilité du fait des choses en droit romain pouvait alors être engagée seulement dans certains cas précis. Un principe général de responsabilité du fait des choses alors n’existait donc pas.

25. Dans l’ancien droit français. À partir de l’ancien droit français, la responsabilité du fait des choses a été dominée totalement par une conception morale. En effet, la responsabilité du fait des choses n’était pas absente de l’univers de la doctrine de l’ancien droit français142. Toutefois, ce dernier ne l’envisageait pas comme un système spécial de réparation. En effet, celui-ci, contrairement à l’idée reçue en droit romain, a travaillé pour une généralisation et une systématisation de la responsabilité civile143. À travers la notion de faute, il assimilait uniquement la responsabilité du fait des choses à la responsabilité du fait personnel, en cherchant le fait de l’homme ; il fondait ainsi, sur ce fait, sa responsabilité. De ce point de vue, l’alinéa premier de l’article 1384 vit le jour, dans sa version ultime du Code civil français de 1804. On peut ainsi dire que la généralité du fait des choses s’est trouvée façonnée d’une manière naturelle au genre de l’article 1382 ancien du Code civil. Cela signifie que l’ajout de cet alinéa à l’article 1384 ancien du Code civil n’a pas été le fruit d’un hasard144, alors que la majorité de la doctrine française actuelle ne voit, dans cet alinéa, qu’une simple phrase introductive précédant ceux consacrés aux cas spéciaux145.

142 Domat s’était contenté d’annoncer ou d’expliquer, par une formule générale, des exemples où l’on reconnaît très bien la casuistique du droit romain, et jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, le droit de la responsabilité délictuelle s’est passé de clause générale de responsabilité. J. L. GAZZANIGA, « Les métamorphoses historiques de la responsabilité », Les métamorphoses de la responsabilité, 6èmes Journées René Savatier, Publication de la Faculté de Droit de Poitiers, PUF, 1998. p. 3 et s.

143 J. DOMAT, Les lois civiles dans leur ordre naturel, Nabu Press, United States, 2011.

144 O. DESCAMPS écrit, à cet égard, que « dans l’ancien droit, comme pour les rédacteurs du Code civil, tout est ordonné autour de la responsabilité personnelle. Elle peut être soit directe, soit indirecte ». O. DESCAMPS, « La responsabilité civile dans le Code civil », Histoire de la justice, 2009/1, n°19, p. 291, [visité le 15/ 05/2017], disponible sur <URL : https://www.cairn.info/revue-histoire-de-la-justice-2009-1-page-291.htm

145 Voir, par exemple, S. ARENA, Objectivisme et responsabilité civile, Thèse, Paris 13, Tome 1, 2008, p. 187 : lorsqu’il écrit que « l’alinéa premier de l’article 1384 du Code civil ne faisait l’objet d’aucune application propre et était considéré comme une simple phase annonçant les différents types de responsabilité prévus à ce texte » ; Voir DEPADT-SEBAG, La justification du maintien de l’article 1386 du Code civil, 1er éd., Paris : LGDJ, 2000, n°1 ; aussi, J. BOURDOISEAU, L’influence perturbatrice du dommage corporel en droit des obligations, (Préf.) F. Leduc, « Bibl. dr droit privé », LGDJ, 2010, n° 177, p.166 : « la doctrine est unanime : cette disposition n’avait qu’une finalité didactique. Il s’agit d’annoncer les cas particuliers décrits aux articles 1385 et 1386 du Code civil ».

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-26. Le choix médian des rédacteurs du Code français de 1804. En 1804, les rédacteurs du Code civil prévoient, sur l’influence de l’ancien droit français, que l’attachement entre le fait de l’homme et le fait de la chose a suffi à organiser la réparation du dommage. Par conséquent, aucun texte spécifique au sujet de ce dernier n’avait été consacré. L’ancien article 1384, alinéa premier -aux termes duquel « on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des choses que l’on a sous sa garde » - était considéré comme une disposition sans aucune valeur propre. Ainsi, dans le cas d’un dommage causé par une chose autre qu’un animal ou un bâtiment, la doctrine et la jurisprudence françaises étaient d’accord pour appliquer le droit commun, centré sur le seul fait générateur personnel fautif. En effet, l’âme du Codificateur du Code civil français était d’envisager l’ensemble du droit de la responsabilité à travers un principe général pour faute146. Et, que celui-ci incluait aussi le cas particulier de responsabilité du fait des choses. Ainsi, pour obtenir réparation, la victime devait, conformément aux anciens articles 1382 et 1383 du Code civil, prouver la faute de l’auteur responsable147.

Néanmoins, le législateur, depuis la codification de ce Code, a constaté que certaines choses étaient des causes de dommage par elles-mêmes, comme le cas des animaux, article 1243 du Code civil français et des bâtiments mal entretenus ou mal construits, article 1244 dudit Code.