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Au niveau articulatoire 1. Durée syllabique

Principales observations ________________________

3. Q UELS SONT LES PARAMETRES DONT L’EVOLUTION DANS LE BRUIT EST

1.2. Au niveau articulatoire 1. Durée syllabique

Figure 50. Représentation des signaux acoustiques d’un

même énoncé de la BD2 produit par une locutrice en condition silencieuse (sil), dans un bruit blanc de 85dBC (bb) et dans un bruit cocktail de 85dBC (cktl).

Tableau 13. Tendance moyenne d’évolution de la durée

syllabique pour les locuteurs et locutrices de la 1ère et de la 2ème base de données (BD1 et BD2). Ces résultats sont

présentés de façon plus détaillée en Annexe Res5.

La littérature mentionne très fréquemment un ralentissement du débit de parole en environnement bruyant (cf. Figure 50). C’est le cas de Davis et al. 2006 [62], Hanley et al. 1949 [133], Junqua 1993 [171], Kadiri 1998 [176], Kim 2005 [180] ou Pisoni et al. 1985 [272].

Nous avons également observé cette tendance dans la première base de données, mais pas de façon majoritaire : une augmentation significative de la durée syllabique a été constatée dans 8 cas sur 20 (les 20 cas correspondants aux 10 locuteurs dans les 2 types de bruit). Les 12 cas sur 20 restants montrent plutôt une évolution non significative de la durée syllabique dans le bruit, et deux d’entre eux montrent même une tendance à l’accélération du débit de parole dans le bruit cocktail. Pour la deuxième base de données, toutes les locutrices augmentent significativement la durée syllabique dans le bruit, et cela quel que soit le type de bruit.

Il est par conséquent logique d’observer un allongement syllabique moyen dans le bruit plus faible dans la BD1 (26ms ou de 17% d’augmentation) que dans la BD2 (39ms ou 26% d’augmentation) (cf. Tableau 13). De même, on observe que la variabilité intra-individuelle moyenne est assez importante vis à vis de l’évolution de la durée syllabique dans le bruit, proche de l’effet lui-même, voire supérieur dans le cas de la 1ère base de données. Nous avons vu que le ralentissement du débit de parole n’est pas une stratégie commune à tous les locuteurs, mais il semble qu’elle ne soit pas toujours adoptée non plus par un même locuteur dans tous les cas.

BD1 BD2 ΔEnergie entre 0 et 1 kHz 16.2 dB 15.3 dB ΔEnergie entre 1 et 2 kHz kHz 27.3 dB 25.2 dB ΔEnergie entre 2 et 4 kHz 27.7 dB 25.1 dB ΔEnergie entre 4 et 6 kHz 25.7 dB 23.0 dB BD1 BD2 26 ms 39 ms ΔDurée 17% 26%

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1.2.2. Amplitude et vitesse des mouvements articulatoires

Figure 51. Représentation des

mouvements articulatoires labiaux d’étirement A, d’ouverture B, de protrusion P1 et de l’aire intéro-labiale S au cours d’un même énoncé de la BD2 produit par une locutrice en condition silencieuse (sil), dans un bruit blanc de 85dBC (bb) et dans un bruit cocktail de 85dBC (cktl). La durée des énoncés a été normalisée sur cette figure de façon à faciliter la comparaison visuelle des signaux. Les images de face et de profil de la locutrice ont été extraites des enregistrements vidéo de ces énoncés pour le [u] de [Lula], à l’instant où la protrusion était maximale, pour le [a] de [Lula], à l’instant où l’aire intéro-labiale était maximale, et pour le [i] de [Lali], à l’instant où l’étirement était maximal.

Nous avons également observé une quatrième tendance importante de modification de la parole dans le bruit, concernant l’amplification des mouvements articulatoires d’ouverture de la

bouche L’étirement, l’ouverture et l’aire intéro-labiale augmentent significativement dans le bruit

pour les voyelles [a] de toutes les locutrices et quel que soit le type de bruit. Ils augmentent aussi significativement pour les voyelles [i], mais seulement pour 2 locutrices sur 3. Enfin ils augmentent significativement pour les voyelles [u] et pour toutes les locutrices, mais seulement dans le bruit cocktail. Ces résultats corroborent l’étude de Schulman 1989 [304] constituant la référence en ce qui concerne la corrélation entre l’augmentation de l’intensité vocale et celle de l’ouverture de la mâchoire. Plus récemment et plus spécifiquement à la parole Lombard, Davis et al. 2006 [62] ont rapporté à partir de mesures Optotrack que 90% des évolutions dans le bruit quant aux mouvements du visage peuvent être expliqués par l’amplification des mouvements d’ouverture/fermeture de la bouche et l’amplification de la protrusion labiale.

Tableau 14. Tendance moyenne d’évolution de

l’amplitude maximale de l’étirement labial A, de l’ouverture labiale B, de l’aire intéro-labiale S et de la protrusion labiale P1 pour les voyelles [a], [i] et [u] produites par les locutrices de la 2ème base de données (BD2). Ces résultats sont présentés de façon plus détaillée en Annexe Res5.

Moyenne

[a] [i] [u]

ΔMax A 7.6% de l’étirement maximal 7.1% de l’étirement maximal 21.2% de l’étirement maximal ΔMax B 17.7% de l’ouverture maximale 7.8% de l’ouverture maximale 8.3% de l’ouverture maximale ΔMax S 25.1% de l’aire maximale 13.6% de l’aire maximale 4.9% de l’aire maximale ΔMax P1 -23.5% de la protrusion maximale -14% de la protrusion maximale 12.2% de la protrusion maximale

Dans notre cas, la protrusion diminue dans le bruit pour les voyelles [a] et [i] de façon conjointe à une plus grande ouverture de la bouche sur ces voyelles. Cette diminution n’est significative que pour 2 locutrices sur 3. La protrusion a au contraire tendance à augmenter pour les voyelles [u], mais de façon non significative pour toutes les locutrices et quel que soit le type de bruit.

Dans l’étude de Schulman 1989 [304] sur la parole forte, une augmentation de la vitesse des mouvements articulatoires est observée conjointement à l’augmentation de leur amplitude. Dans notre étude, lorsque les mouvements de protrusion montrent des pics de vitesse, ceux-ci n’augmentent pas significativement dans le bruit pour aucune locutrice et aucun type de bruit. Lorsque l’aire intéro-labiale montre des pics de vitesse, ceux-ci augmentent peu significativement (*) dans la moitié des cas pour les voyelles [a] et [i], et dans un seul cas pour les voyelles [u]. L’augmentation de la vitesse des mouvements articulatoires ne semble donc pas être une caractéristique importante de l’adaptation de la parole dans le bruit. Ce résultat peut être expliqué par le fait que les mouvements articulatoires sont certes plus amples dans le bruit, mais également réalisés sur une durée allongée. Leur vitesse n’est donc pas nécessairement beaucoup plus importante.

Tableau 5. Tendance moyenne d’évolution des pics de vitesse

(lorsqu’ils existent) de l’aire intéro-labiale S et de la protrusion labiale P1 pour les voyelles [a], [i] et [u] produites par les locutrices de la 2ème base de données (BD2). Ces résultats sont présentés de façon plus détaillée en Annexe Res5.

1.2.3. Evolution formantique

Figure 52. Représentation dans le plan

F1*F2 des voyelles produites par une locutrice de la BD1 en condition silencieuse (sil), dans un bruit blanc de 86dBC (bb) et dans un bruit cocktail de 86dBC (cktl). Le triangle représenté a été construit à partir des valeurs moyennes de F1 et de F2 dans chaque condition pour les voyelles [a], [i] et [u].

L’augmentation de la fréquence centrale du premier formant représente une 5ème tendance principale d’évolution de la parole dans le bruit, en particulier chez les femmes.

La fréquence de F1 augmente très significativement dans le bruit sur les voyelles [a], pour tous les locuteurs et locutrices de la BD1 comme pour les locutrices de la BD2, et cela quel que soit le type de bruit. Elle augmente également très significativement sur les voyelles [i] et [u] produites par toutes les locutrices de BD1 et de BD2, quel que soit le type de bruit. En revanche, elle n’évolue jamais significativement sur les voyelles [u] produites par les hommes de BD1, et n’évolue significativement sur les voyelles [i] produites par des hommes de BD1 que dans la moitié des cas. La fréquence centrale du deuxième formant n’évolue jamais significativement sur les voyelles [a], pour aucun locuteur ou locutrice de BD1 comme pour BD2. Cette absence de significativité générale concerne également les voyelles [u] produites par tous les locuteurs et locutrices de la BD1, tandis qu’au contraire le 2ème formant des voyelles [u] augmente très significativement dans le bruit pour 2 locutrices sur 3 de la BD2. Enfin, le deuxième formant des voyelles [i] évolue de façon significative pour seulement 4 cas sur 20 dans la BD1, et en aucun cas dans la BD2. Les rares cas significatifs montrent d’ailleurs des tendances d’évolution opposées.

Quant à la fréquence centrale du troisième formant, elle augmente de façon significative sur les [a] produits par les locuteurs et locutrices de la BD1 dans 8 cas sur 20, et sur les [a] de la BD2 pour une locutrice sur 3. Elle augmente également significativement sur les [i] de la BD1 dans 7 cas sur 20 mais jamais pour la BD2. Enfin, on observe une augmentation significative du 3ème formant sur

Moyenne [a] [i] [u]

ΔPic de vitesse de S 2.7 %/s %/s 1.3 %/s 1.3 ΔPic de vitesse de P1 1.0 %/s

126B1. QUELS SONT LES ASPECTS DE LA PAROLE SIGNIFICATIVEMENT MODIFIES DANS LE BRUIT ?

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les [u] produits par une locutrice et deux locuteurs de la BD1, dans les deux types de bruit, mais aucune évolution significative pour les autres locuteurs, ni pour les locutrices de la BD2.

Tableau 15 . Tendance moyenne

d’évolution des 3 premiers formants vocaliques pour les voyelles [a], [i] et [u] produites par les locuteurs et locutrices de la 1ère et de la 2ème base de données (BD1 et BD2). Ces résultats sont présentés de façon plus détaillée en Annexe Res5.

L’évolution dans le bruit des premiers formants vocaliques est celle qui montre le plus de variabilité entre les différentes études antérieures, entre les genres et entre les langues étudiées. Ainsi, la quasi totalité des études s’accordent sur l’augmentation du 1er formant dans le bruit ou en situation d’effort vocal (Mixdorff et al. 2006 [244] ; Pisoni et al. 1985 [272] ; Traunmüller et al. 2000 [356] ; Ternström et al. 2006 [345] ;Van Summers et al. 1988 [361] ; Castellanos et al. 1996 [46] ; Davis et al. 2006 [62] ; Junqua 1992 [173] ; Lienard et al. 1999 [215]). Cependant, Bond et al. 1989 [31] rapportent que le F1 augmente surtout pour les voyelles [u] et Rostolland 1982 [289] que le F1 augmente pour toutes les voyelles mais peu pour les [a]. Nous n’observons pas de tels résultats, mais sommes au contraire en accord avec ceux de Boril et al. 2005 [32] notant une augmentation du F1 plus importante pour les voyelles ouvertes [a]. Il est possible que cette augmentation plus importante sur les voyelles [a] contribue à une meilleure distinctivité des voyelles du Français selon leur trait phonologique d’ouverture/fermeture. Nous examinerons cette hypothèse dans le chapitre 7.

En ce qui concerne le deuxième formant, nos résultats sont en accord avec ceux de Boril et al. 2005 [32], Bond et al. 1989 [31] et Mixdorff et al. 2006 [244] rapportant légère augmentation pour la majorité des voyelles, surtout pour les [u], mais au contraire pas d’augmentation voire une diminution pour les voyelles [i]. Pisoni et al. 1985 [272] observent une diminution de F2 sur toutes les voyelles, quand Castellanos et al. 1996 [46] et Davis et al. 2006 [62] notent au contraire une augmentation pour toutes les voyelles, Lienard et al. 1999 [215] et Van Summers et al. 1988 [361] ne remarquent pas d’évolution significative du deuxième formant, et enfin Junqua 1993 [171] rapporte une augmentation de F2 seulement pour les femmes.

Pour finir, peu d’études se sont intéressées à l’évolution du 3ème formant dans le bruit ou en situation d’effort vocal. Nos résultats corroborent plutôt ceux de Traunmüller et al. 2000 [356] et de Lienard et al. 1999 [215] sur la parole forte, n’observant pas d’évolution significative de F3. Ils vont au contraire à l’encontre de ceux de Davis et al. 2006 [62] sur la parole Lombard rapportant que le 3ème formant augmente dans le bruit, davantage que F1 et F2.

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