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Une adaptation visant à renforcer des indices de

structuration de l’énoncé ?

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1. I

NDICES DE FRONTIERE SYLLABIQUE

2. I

NDICES DE FRONTIÈRE ENTRE UN DÉTERMINANT ET UNE UNITÉ LEXICALE

3. I

NDICES DE DEBUT DE L

ENONCE

4. I

NDICES DE FIN DE L

ENONCE

Comme nous l’avons vu dans le chapitre 5, l’adaptation de la parole dans le bruit se traduit entre autres par une augmentation de l’intensité vocale, par un ralentissement du débit de parole, par un élargissement de l’ambitus de F0 et par l’amplification des gestes articulatoires. Dans les chapitres 6 et 7, nous avons examiné en quoi ces différentes modifications de la parole pouvaient être les indicateurs de stratégies de communication visant à émerger acoustiquement du bruit ambiant ou cherchant à faciliter la reconnaissance des unités phonétiques pour l’interlocuteur. Or ces différents aspects acoustiques et articulatoires de la parole sont également reliés à la prosodie. C’est pourquoi nous allons examiner maintenant dans ce chapitre une autre hypothèse selon laquelle l’évolution dans le bruit de ces caractéristiques pourrait être l’indicateur de stratégies de communication visant à améliorer l’intelligibilité en renforçant certains indices prosodiques de la parole, en particulier les indices de structuration de l’énoncé.

La parole n’est en effet pas seulement une succession de sons ou de mouvements articulatoires, mais leur organisation pour former des mots, des syntagmes et des énoncés. Plusieurs théories linguistiques complémentaires tentent d’expliquer la façon dont l’auditeur segmente la parole continue en mots (cf. Wauquier-Gravelines 1999 [371] pour une revue) : d’un côté les théories post-lexicales de la segmentation soutiennent l’hypothèse que l’auditeur se sert de ses connaissances sur le lexique, les règles syntaxiques et phonotaxiques de la langue écoutée pour deviner l’emplacement le plus probable des frontières entre les mots. De l’autre coté, mais pas nécessairement de façon opposée, les théories pré-lexicales de la segmentation postulent l’existence dans le signal de parole d’indices produits par le locuteur pour marquer l’emplacement des frontières entre les mots. Nous nous intéresserons ici à l’hypothèse pré-lexicale de segmentation du flux de parole, afin de poursuivre notre exploration des stratégies d’adaptation de la parole en environnement bruyant, motivée par la recherche d’intelligibilité. C’est pourquoi nous allons dans ce chapitre nous intéresser plus particulièrement aux indices produits par le locuteur pour structurer son énoncé en Français, et examiner si ces indices sont conservés, atténués ou renforcés lorsque le locuteur s’exprime dans le bruit.

Parmi les différents indices de structuration de l’énoncé ayant été mis en évidence dans des études antérieures, l’allongement de la consonne initiale d’un mot de contenu a été montré par Christophe 1993 [52] comme étant un indice de frontière entre la fin du déterminant et le début d’une unité lexicale. De même, Vaissière 1983 [357] et Fougeron et al. 1997 [95] ont montré que la syllabe initiale d’un énoncé a tendance à être allongée et hyperarticulée, ce qui peut être considéré comme un indice de début d’énoncé. Tous les auteurs s’accordent également sur le fait de considérer l’allongement de la syllabe finale d’une unité prosodique comme un indice de fin en Français (Wenk et al. 1982 [378] ; Delattre 1966 [67]), avec un allongement d’autant plus marqué que l’unité en question est de haut niveau (Christophe 1993 [52]; Bagou et al. 2002 [19]), donc maximal en fin d’énoncé. Cet allongement est également associé à une « chute finale majeure » de la fréquence fondamentale à la fin d’un énoncé déclaratif, correspondant à un ton bas de frontière (Vaissière 1983 [357]). Tabain, 2003 et Lœvenbruck, 1999 ont également observé une hyperarticulation de la syllabe finale d’un énoncé. Enfin, il arrive fréquemment que les frontières syntaxiques importantes de l’énoncé soient marquées par l’introduction de courtes pauses dans le flux de parole (Vaissière 1983 [357] ; Grosjean et al. 1975

[125]).

Nous examinerons donc ici s’il existe dans le bruit des stratégies de renforcement de ces indices acoustiques et articulatoires de frontière syllabique, de frontière entre un déterminant et une unité lexicale, de début et de fin d’énoncé.

138B1. INDICES DE FRONTIERE SYLLABIQUE

179

1. INDICES DE FRONTIERE SYLLABIQUE

Nous avons vu dans le chapitre 6 que les voyelles sont davantage renforcées dans le bruit par rapport aux consonnes, conformément à d’autres études antérieures sur la parole Lombard (Fairbanks et al. 1957 [87] ; Dohalska et al. 2000 [73] ; Castellanos et al. 1996 [46]). Nous avons envisagé que ce phénomène soit lié à une stratégie de compensation du masquage fréquentiel induit par le bruit ambiant. Cela ne semble pas être le cas. D’autres auteurs interprètent ce renforcement des voyelles dans le bruit ou dans la parole à forte distance de l’interlocuteur, comme le signe que les voyelles portent davantage l’intelligibilité du message que les consonnes. Dohalska et al. 2000 [73] ont également proposé l’idée de « patrons vocaliques » à partir desquels l’interlocuteur pourrait reconstituer le message.

En observant l’allure de la courbe d’intensité vocale en fonction du temps, nous avons été frappés par son aspect relativement « lisse » dans le silence, suivant globalement les syntagmes accentuels de l’énoncé, avec une chute de l’intensité au niveau de leur frontière, et au contraire l’apparition de « lobes » dans le bruit, alignés sur chaque syllabe (cf. Figure 112), et justement liés au renforcement plus important des voyelles que des consonnes. Nous nous sommes alors interrogés sur le rôle de ces lobes sur l’intelligibilité de la parole, et si la chute d’intensité avant une syllabe ne pouvait pas constituer un indice de frontière syllabique qui serait renforcé dans le bruit. La parole produite dans le bruit nous a en effet paru à l’écoute plus « scandée » dans le bruit que dans le silence. Nous avons même observé que des locuteurs inséraient une courte pause entre les différentes syllabes d’un mot, dans certains niveaux de bruit très intenses ou lors de la répétition d’un mot incompris par l’interlocuteur.

Figure 112. Représentation des variations de l’intensité vocale au cours

d’un énoncé, dans le silence, dans le bruit blanc (bb) et dans le bruit cocktail (cktl).

Nous avons donc tout d’abord voulu vérifier si l’apparition de ces « lobes » d’intensité dans le bruit était un phénomène marginal ou observé dans de nombreux cas. Pour cela, nous avons mesuré la dynamique du lobe d’intensité de chaque syllabe (définie en Annexe Met1)

- dans la BD1, sur les 2 syllabes des 16 mots cibles prononcés dans le silence et dans la condition de bruit cocktail à 86dB. Cela représente donc 32 mesures par locuteur pour chaque condition.

- dans la BD2, sur la syllabe du déterminant [la] et sur les 2 syllabes des 17 logatomes cibles, prononcés en position initiale et finale de l’énoncé pour la condition de silence et de bruit cocktail. Cela représente donc au total 102 mesures par locutrice pour chaque condition.

Nous avons réalisé des tests Anova à un facteur (BRUIT) pour déterminer si la dynamique d’intensité de chaque syllabe évoluait significativement avec le bruit. Les résultats détaillés de ces tests statistiques sont présentés en Annexe Res8.

Les Figure 113 et Figure 114 de la page suivante synthétisent ces résultats en représentant l’évolution du silence au bruit de la dynamique du lobe d’intensité de chaque syllabe, pour les locuteurs et les locutrices de la 1ère et de la 2ème base de données. On observe effectivement un renforcement significatif de cette dynamique chez tous les locuteurs, excepté chez L7. Ces résultats laissent penser qu’il puisse exister dans le bruit une stratégie de renforcement des indices de frontière syllabique. Cependant, avant de pouvoir conclure, il serait nécessaire de mener des tests perceptifs afin de déterminer si la chute d’intensité en fin de syllabe peut être un indice perçu et utilisé par l’auditeur pour segmenter un mot en syllabes.

Figure 113. Représentation pour les locutrices (a) et locuteurs (b) de la BD1 de la dynamique d’intensité des syllabes dans le silence et dans le bruit.

Figure 114. Représentation pour les locutrices de la BD2 de la dynamique d’intensité des syllabes dans le silence et dans

le bruit.

a)

b)

*** *** *** *** **

*** *** * ns *

*** ***

***

2. INDICES DE FRONTIERE ENTRE UN DETERMINANT ET UNE UNITE LEXICALE

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2. INDICES DE FRONTIERE ENTRE UN DETERMINANT ET UNE

UNITE LEXICALE

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