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Présentation de l’ajonc d’Europe et des variabilités des traits d’histoire de vie entre

2. V ARIABILITE ET EVOLUTION DES TRAITS D’HISTOIRE DE VIE

Différents traits d’histoire de vie de l’ajonc ont été étudiés concernant la reproduction, la croissance et la résistance ou défense contre les ennemis naturels. Nous proposons pour chaque groupe de traits une synthèse sur leur variabilité au sein de la zone native (France et Ecosse), puis entre zones natives et introduites (Nouvelle-Zélande et Réunion). En d’autres termes, nous aborderons les préadaptations au sein de la zone native et les évolutions au sein des zones introduites.

2.1. La reproduction

En France, dans la zone native, il existe une grande variabilité des stratégies de reproduction au sein des populations d’ajonc notamment pour la date et la durée de la floraison (Tarayre et al. 2007). Coexistent ainsi au sein de mêmes populations d’une part des individus avec une floraison courte et tardive (printemps) et d’autre part des individus avec une floraison longue et un début de floraison généralement plus précoce (hiver). Dans ce second cas, l’initiation de la floraison est variable et permet de s’acclimater au mieux aux conditions environnementales et d’augmenter la production de graines (Hornoy 2012). Les travaux de Tarayre et al. (2007) et Atlan et al. (2010) ont montré que la date de début de floraison a une origine génétique. L’environnement a surtout un effet important sur la quantité de fleurs et de gousses produites : à l’ombre par exemple, l’ajonc diminue l’allocation de ressources à la reproduction pour maintenir sa croissance (Delerue 2013; Atlan et al. 2015a).

Entre les zones natives et envahies, la première différence concerne le nombre de pics de floraison et de fructification. En France, l’ajonc accomplit un seul cycle de reproduction tandis qu’il en réalise deux dans certaines zones envahies comme en Nouvelle-Zélande (Hill et al. 1991; Barat 2007). De plus, la floraison a plutôt lieu en printemps-été dans les régions tempérées et plutôt en hiver dans les régions tropicales comme La Réunion (Hornoy 2012). Le niveau d’auto-compatibilité (testées sur des individus d’un jardin expérimental), comme le

57 nombre de graines par gousse sont des traits variables en fonction des individus, des populations et des saisons mais non significativement différents entre les zones natives et introduites (Hornoy, 2012 ; Atlan et al., 2015b, ANNEXE 1). La vitesse de germination est

également plus rapide dans les zones envahies par rapport à la zone native et pourrait être liée à la différence de masse de graines (Atlan et al., 2015b).

2.2. La croissance

En France, la hauteur des plantes adultes est très variable entre les populations et entre les individus, elle peut varier de 50 à 400 cm et a une origine génétique (Atlan et al., 2010 ; Hornoy, 2012). La croissance des individus est aussi influencée par les conditions environnementales, biotiques (compétition) et abiotiques (lumière, phosphore, vent) (Augusto et al., 2005 ; Delerue, 2013). Les populations côtières par exemple, en subissant les effets du vent et des embruns ont un port beaucoup plus prostrés et une taille plus réduite que les populations de l’intérieur des terres. Au sein des zones envahies il y a également une forte variabilité de la hauteur des plants adultes mais il n’y a pas de différence significative entre zones natives et envahies (différences observées sur des populations naturelles). Toutefois, la hauteur observée la plus grande se trouve dans une zone envahie : la Nouvelle-Zélande (Hornoy, 2012). De plus, la hauteur des plantules d’un an cultivées sous serre est significativement plus importante pour celles issus des zones envahies par rapport à celles issues des zones natives (Hornoy et al., 2011).

2.3. Le parasitisme des graines et la consommation des fleurs

Les taux de parasitismes des graines varient en fonction des saisons et des conditions lumineuses (Barat, 2007 ; Davies et al., 2008 ; Atlan et al., 2010). Les plants plus à l’ombre ont des taux de parasitisme inférieurs aux plants se développant à la lumière, ce qui peut s’expliquer par le tropisme des apions pour la lumière (Delerue, 2013 ; Atlan et al., 2015a).

Le taux de parasitisme varie également en fonction des individus (0 à 100%), des familles (2 à 80%) et des populations (19 à 54%) et est lié à de multiples autres traits d’histoire de vie tels que la taille de la plante, son architecture, la phénologie de fructification, la densité de gousses et la concentration en alcaloïde quinolizidiniques (Tarayre et al., 2007 ; Atlan et al., 2010 ; Hornoy et al., 2011, 2012). Les travaux de Tarayre et al. (2007) et Atlan et al. (2010) ont mis en évidence la coexistence de deux stratégies d’évitement de la prédation des graines (directement liées aux deux stratégies de floraison précédemment exposées) : la satiété du

58 prédateur, et l’évitement dans le temps. Dans le premier cas, les individus fleurissent et fructifient massivement sur une courte période et les gousses sont riches en alcaloïde quinolizidiniques (Hornoy et al. 2012) ce qui conduit à une assez faible proportion de gousses infestées. Dans le second cas, les individus fleurissent et fructifient sur une longue période (jusqu’à 6 mois) et produisent en hiver un certain nombre de gousses suffisamment lignifiées (dures) avant l’entrée en activités de pontes de prédateurs.

Dans les zones envahies, et notamment en Nouvelle-Zélande, les prédateurs de graines introduits pour la lutte biologique ne sont actifs que pendant l’un des deux pics de fructification. Dans cette région en effet, même si les prédateurs de graines introduits réduisent la production de graines entre 70 et 94% au printemps, sur la production annuelle totale le taux de prédation ne dépasse pas 35% car il n’y a aucune prédation sur la fructification d’automne (Hill et al. 2000; Rees & Hill 2001).

Hornoy et al. (2011), à partir d’une étude en jardin expérimental, n’ont pas mis en évidence de différence significative sur la sensibilité aux attaques de prédateurs de graines Exapion ulicis et Cydia succedana entre les plantes des zones natives et des zones introduites. Dans les mêmes conditions expérimentales, la comparaison des concentrations en alcaloïde quinolizidiniques, dont la présence réduit le taux d’infestation par les prédateurs de graines E. ulicis, Cydia

succedana et par le pathogène Uromyces genistae-tinctoriae, ne montre pas non plus de

différence entre zones natives et introduites (Hornoy et al. 2012).