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Archéologie et Moyen-âge au

collège François

Villon

L’éducation au patrimoine a pour finalité principale d’éveiller la conscience et de contribuer à l’épanouissement de personnes dans la communauté humaine. Elle passe par la mise en œuvre d’une véri- table pédagogie. La pédagogie n’est pas une fin en soi ; elle n’est qu’un moyen au service de finalités, de va- leurs, d’objectifs. La pédagogie est au service du sens. Elle est donc avant tout une pédagogie du citoyen et une pédagogie de la découverte. L’éducation au patri- moine implique la mise en place d’une pédagogie de projet et de contrat ainsi que d’une pédagogie de la réussite. Elle a pour but, non seulement de faire dé- couvrir aux citoyens leur patrimoine archéologique, historique et ethnologique local et régional, mais aussi de leur faire appréhender le monde dans lequel ils vi- vent d’une façon différente, à travers la vision qu’ils auront acquise du passé et de l’évolution de l’Homme. C’est en prenant conscience de son passé, de ses ra- cines, de son histoire que chaque citoyen arrivera à se situer dans l’époque et l’espace où il vit. Fort de ces repères et de cette connaissance historique, il pourra avoir une approche critique du monde dans lequel il évolue et disposera alors des moyens de le transfor- mer. Le but de la pédagogie du patrimoine n’est pas seulement d’apprendre quelque chose à son interlocu- teur, qu’il soit jeune ou adulte, mais de rechercher avec lui, les moyens d’en faire un acteur du monde dans lequel il vit. La pédagogie du patrimoine se maté- rialise sous différentes formes. C’est l’une de ces formes que nous avons choisi de présenter dans cet article à travers un projet d’éducation au patrimoine interdisciplinaire mené à l’année dans un collège du

XIVe arrondissement de Paris. Nous aborderons les

Archéologie et Moyen-âge au collège François Villon

rapport au patrimoine et à la culture, de la relation à l’altérité dans le quotidien d’un établissement scolaire parisien.

Le contexte

Le collège François Villon

Le collège François Villon est situé au sein du quartier prioritaire de Vanves (Paris XIVe) et dépend à ce titre de la « Politique de la Ville ». Les données du Contrat Urbain de Cohésion Sociale 2007-2009 ont montré une forte présence des jeunes (28% de moins de 25 ans), un retard scolaire important (23% des élèves de pri- maire) ainsi qu’une précarité très accentuée (18% sous le seuil de pauvreté et 16% de chômeurs).

Il semble par conséquent indispensable de répondre, de manière indirecte, à la problématique éducative et à celle de la délinquance qui peut se présenter lorsque les jeunes sont livrés à eux-mêmes. Pour cela, il est nécessaire de faire des propositions socialement adap- tées, avec un coût de participation symbolique qui ne constitue pas un frein économique venant s’ajouter aux freins culturels.

L’association imp-Actes

L’association imp-Actes est une association d’éducation populaire loi 1901 qui existe depuis 20 ans et qui a pour objet l’éducation au patrimoine, à l’environnement, à la santé et aux sciences au travers d’actions d’animation, d’ingénierie, de formation, de médiation et de recherche. Elle est habilitée par le Rectorat de Paris, agréée Jeunesse et Sports et agréée organisme de formation BAFA.

Elle s‘implique depuis de nombreuses années dans des actions de médiation culturelle (mais aussi dans les domaines de la santé et de l’environnement) : classes culturelles avec la DASCO1

, classes de découverte pa- trimoine, séjours de vacances archéologie et patri- moine, projets culturels ponctuels ou à l’année dans les écoles élémentaires et les collèges, interventions en centre de loisirs et dans les centres sociaux… Elle in- vente des outils et des dispositifs pédagogiques adap- tés aux publics auxquels elle s’adresse ou aux établis- sements culturels pour lesquels elle intervient comme des frises chronologiques ou des jeux de société : Gas-

trono-mix (pour la Cité de la Santé), une stèle maya

interactive pour le Musée Champollion à Figeac, Taba-

kitaba validé par le Mildt...

L’association a créée la première formation BAFA2

« Archéologie et Patrimoine » et le premier BEATEP3

et BPJEPS4

« médiation culturelle »5

car elle a toujours considéré que la question de la formation des média- teurs du patrimoine était une priorité. Pour imp-Actes tout le monde peut être médiateur de son patrimoine et n’a pas pour obligation d’être diplômé en archéolo- gie, histoire de l’art, histoire ou en médiation cultu- relle. C’est notamment pour cela que le droit de pa- role6, dans les lieux culturels, lui semble un non sens

1 Direction des Affaires Scolaires de la Ville de Paris.

2 Brevet d’Aptitude aux Fonctions d’Animateur.

3 Brevet d'État d'Animateur Technicien de l'Éducation Populaire et de la jeunesse.

4 Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l' Education Populaire et du Sport.

5 Philippe DE CARLOS, « Une formation professionnelle dans le domaine de la médiation

du patrimoine : le BEATEP Animateur du patrimoine archéologique, historique et ethnolo- gique », Actes de l’Université européenne d’été Val de Loire Patrimoine Mondial, « Economie et Patrimoine » sous l’égide de l’Unesco et labellisées par le Ministère de l’Éducation Nationale, 2005.

6 Les personnes habilitées à guider sur le domaine public sont indiquées dans un décret

(à partir de l'article 85) du 15 juin 1994 pris en application de la loi Tourisme du 13 juillet 1992.

car on ne peut pas dire au citoyen qu’il doit s’approprier son propre patrimoine et en même temps le déposséder en lui disant que seuls certains sont qua- lifiés pour en parler.

Une rencontre

Le projet est né de la rencontre entre M. Philippe de Carlos, président de l’association et Mme Catherine Joly, professeur de SVT au collège François Villon. Motivée à l’idée de mettre en œuvre un projet sur l’année, à la fois transversal et interdisciplinaire, Mme Joly a trouvé un écho favorable auprès de son chef d’établissement et de plusieurs de ses collègues : his- toire-géographie, français, anglais et documentaliste.

Le public bénéficiaire de l’action

Pour les raisons évoquées plus haut, le projet a été ré- servé à une classe de 21 élèves de 5ème en difficulté scolaire.

Le projet

L’équipe pédagogique de l’établissement et l’association ont eu pour objectif global d’intégrer le projet et plus particulièrement le thème du Moyen- Âge et de l’archéologie au sein des différents ensei- gnements. Il s’agissait de travailler en transdiscipli- naire dans le cadre de l’approche préconisée par le nouveau dispositif « Histoire des arts ».

Il a ainsi été envisagé :

- de pratiquer des ateliers artistiques et culturels du- rant les heures de cours de SVT, d’histoire-géographie, de français, d’arts plastiques, de mathématiques en adéquation avec les objectifs des programmes.

- de sortir dans Paris pour découvrir le patrimoine lo- cal.

- de concevoir une exposition finale de qualité profes- sionnelle pour présenter l’ensemble du travail réalisé et notamment les productions artistiques.

Les objectifs ont été définis en concertation avec les ensei- gnants du collège. Il ne s’agissait pas seulement de valoriser les « savoirs-appris » mais aussi de favoriser des comporte- ments propices aux apprentissages.

Objectifs généraux liés au comportement et à la scolarité des élèves

Objectifs pédagogiques liés au comportement de l’élève

Le manque d’implication de la part des élèves vient souvent de l’absence de lien entre les connaissances qu’on leur demande d’acquérir et leur utilité. Il s’agissait donc de développer l’appétence scolaire et de motiver les élèves par rapport à leur scolarité en don- nant du sens aux contenus proposés.

Objectifs éducatifs liés à la scolarité de l’élève

Ces objectifs s’inscrivent dans le cadre du dispositif « Histoire des arts » qui consiste à proposer une ap- proche transdisciplinaire (utilisation de l’ensemble des disciplines scolaires - voir « objectifs spéci- fiques ») autour d’une période historique (le Moyen- âge), d’une science humaine interdisciplinaire (l’archéologie) et de domaines artistiques (les arts vi- suels avec l’enluminure).

Nous avons souhaité favoriser les compétences trans- versales comme l’autonomie, la socialisation, les mé- thodes de travail c’est-à-dire la capacité à échanger et à travailler en groupe tout en apprenant à se respecter.

Archéologie et Moyen-âge au collège François Villon

Pour cela, notre intention était l’amélioration des ré- sultats scolaires par la valorisation d’activités pra- tiques (ateliers de création, de fabrication, de manipu- lation) ainsi que l’acquisition des compétences du socle commun relatives à la culture humaniste. Nous nous sommes donc donné les moyens pour que chaque élève puisse se constituer un livret de compétences et de connaissances qui contribue à sa préparation au di- plôme national du brevet dans le cadre d’une épreuve orale.

Objectifs généraux du projet

L’archéologie est une discipline scientifique qui a la particularité de se situer entre sciences exactes et sciences humaines. Grâce aux différents thèmes qu’elle aborde (l’Homme et les croyances, l’Homme et les techniques, l’Homme et l’habitat, le temps et l’espace, l’environnement, etc.), elle se trouve au car- refour des sciences et des arts en offrant des repères à travers une vision interdisciplinaire du monde qui mêle science, technique, culture et société. C’est dans cet esprit que nous avons souhaité sensibiliser les élèves au patrimoine archéologique et historique à tra- vers la découverte de lieux culturels et patrimoniaux parisiens (musées et sites) mais aussi, plus modeste- ment, en offrant la possibilité à ces jeunes de sortir de leur « quartier » pour rencontrer l’environnement cul- turel architectural et urbain de la ville de Paris. La fouille archéologique à laquelle ils ont été initiés avait pour principal objectif de leur faire appréhender la façon dont se construit l’histoire à travers la démarche scientifique.

Objectifs généraux liés à la fouille archéologique

L’archéologie nous touche en tant qu’êtres humains parce qu’elle nous interroge sur notre passé : elle est au croisement de plusieurs disciplines, elle mène à la découverte de l’altérité, à la prise de conscience identi- taire et à la conquête de l’autonomie. La coopération et la mobilisation autour d’un objectif commun dévelop- pent la tolérance.

- Développer une approche sensorielle : éducation du regard, de l’ouïe, du toucher. Apprendre à voir c’est mobiliser l’œil, mobiliser le corps, la main, le toucher, l’ensemble des sens et bien entendu mobiliser l’esprit, mobiliser la mémoire.

- Susciter le questionnement et éveiller la curiosité. - Développer la méthode comparative et l’esprit cri- tique.

- Favoriser l’expression et la transmission des émo- tions et des savoirs.

- Développer une compétence de communication orale et écrite pour transmettre les acquis à travers des écrits, de l’animation d’expositions, de vidéos, etc. Les moyens mis en œuvre par la pédagogie du patri- moine dans le cadre d’un chantier de fouilles archéo- logiques s’appuient sur les méthodes actives, la péda- gogie de projet, les pratiques coopératives, l’autodiscipline, l’interdisciplinarité, l’inter-culturalité et le partenariat (association, école, institutions, mé- diateur, scientifique). C’est pour cela que l’archéologie est propice à la modification du rapport au savoir (les jeunes concernés par le projet sont souvent en échec scolaire) et des attitudes à l’égard de la formation (re- lation formateur/apprenant basée sur un échange per- sonnalisé), à l’acquisition de compétences et de con- naissances transférables et à une meilleure compré-

hension de son environnement, de sa place dans la ci- té, de son appartenance à une histoire collective.

Objectifs généraux liés au thème du Moyen-Âge

La période du Moyen-âge est particulièrement intéres- sante car elle permet d’aborder des thématiques clas- siques variées (architecture, art, science, ordre social, etc.) ainsi que des sujets plus sensibles comme le rap- port entre occident et orient, chrétiens et musulmans. Ce dernier aspect est fondamental dans le cadre d’une pédagogie du citoyen. Il offre la possibilité de replacer un « vécu contemporain » (de nombreux élèves sont de confession musulmane) au sein d’une histoire et de prendre le recul nécessaire à sa compréhension. Il permet de relativiser les représentations que chacun peut avoir et donc de contribuer à la modification d’attitudes réflexes dans une société fortement média- tisée.

- Offrir aux élèves une vision globale du Moyen-Âge à travers les trois composantes de la société médiévale : le pouvoir religieux, le pouvoir militaire et la société « civile ».

- Aborder à travers des ateliers et la fouille d’un site médiéval les thèmes de la chronologie (frise du temps), de l’habitat et de l’urbanisme (sorties cultu- relles au musée de Cluny et au musée du Louvre), de l’art (ateliers enluminure et tapisserie de Bayeux), des techniques et de l’architecture (arc roman ; mesures et mesurer, châteaux forts), de l’héraldique (atelier bla- sons) et de l’administratif (ateliers sceaux) et, à tra- vers ces thèmes, la vie quotidienne, l’organisation so- ciale, les techniques... c’est-à-dire l’Homme.

- Prendre conscience des influences données et re- çues : empire byzantin, monde musulman… La culture

musulmane médiévale, héritière des avancées de l’Antiquité, que l’Occident chrétien a pu hériter et bé- néficier de connaissances enrichies.

- Prendre conscience que l’on évolue dans un monde contemporain fortement marqué par le passé : la cul- ture française est une culture composite.