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Approches quantitatives et qualitatives : le choix de l’étude de cas

Puisque cette étude est consacrée à la manière, au « comment » de l’intervention de la matière dans la construction de l’expérience esthétique du lieu, l’étude de cas permet l’observation d’évènements (une expérience du lieu par l’individu) ancrés dans une réalité culturelle

contemporaine. L’étude de cas permet également d’employer une multitude de sources afin de mettre à profit des données documentaires, d’observation et même des artefacts s’il y a lieu. (Yin, 2009)

2.2.1 Les critères de choix des cas-clés

À travers une étude de cas multi-sites issue d’un échantillonnage volontaire (Creswell, 2018), des récits d’expériences sont rassemblés, incluant ceux de la chercheuse elle-même, afin de permettre l’extraction de réalités communes à la nature spécifique du phénomène à l’étude. Les trois cas instrumentalisés sont apparentés par leur concepteur et leur typologie architecturale selon le principe de diversification interne de l’objet d’étude. (Poupart, 1997) Le Musée d’art de

Bregenz, le Musée d’art Kolumba et le Musée de la mine de zinc d’Allmannajuvet sont conçus par le même architecte et sont réalisés sur trois décennies. Les raisons ayant motivé la sélection de trois réalisations de l’architecte suisse Peter Zumthor, telles qu’exposées en introduction, résident dans la maîtrise dont ses bâtiments font preuve quant à l’élaboration d’atmosphères hautement sensibles. Sa philosophie à l’égard du rôle de la matière au sein du projet d’architecture, suggérant la pleine exploitation du potentiel d’évocation et d’expression du matériau, constitue une

justification supplémentaire à la désignation de ses musées comme cas d’étude distinctifs. Zumthor est considéré par nombre de ses pairs comme un maître de l’architecture sensible ou atmosphérique. Il est nommé en exemple dans la majorité des publications consacrées à cette dimension de l’expérience perceptuelle de l’environnement bâti. De ce fait, l’échantillonnage des cas d’étude est entièrement consacré aux projets de l’architecte, assurant ainsi un niveau de qualité appréciable quant vécu esthétique potentiel des lieux observés. La diversification de l’échantillon

s’opère à travers les années de réalisation, les contextes géographiques et les thématiques et vise l’atteinte d’une saturation empirique en vue d’une potentielle généralisation des résultats. Puisque l’objet d’étude implique la compréhension d’un élément spécifique interne aux cas examinés, soit la matière au sein de chacune des architectures choisies, une stratégie holistique plutôt qu’intégrée est privilégiée. (Yin, 2009) Ainsi, la matière constituera l’unité d’analyse « unique » et sera systématiquement examinée au sein de chacun des trois cas formant l’échantillon.

Figure 10. Schéma inspiré des types de stratégies de recherche pour les études de cas, Case Study Research: Design and Methods, Yin, 2009

La typologie muséale est une autre caractéristique partagée par les cas sélectionnés. Cette vocation commune vise à faciliter la comparaison des éventuels récits de visite. Bien que plusieurs projets de Zumthor appartenant à des typologies variées (thermes, chapelle, etc.) aient été

CAS Unité d’analyse unique HOLISTIQUE (unité d’analyse unique) INTÉGRÉE (unités d’analyse multiples)

CAS UNIQUE CAS MULTIPLES

CONTEXTE CONTEXTE CONTEXTE CONTEXTE CONTEXTE CONTEXTE CONTEXTE CONTEXTE CAS CAS CAS CAS CAS Unité d’analyse intégrée 1 Unité d’analyse intégrée 2 CAS CAS CAS Un ité 2 Un ité 1 Un ité 6 Un ité 2 Un ité 4 Un ité 5 Un ité 3 Unité d’analyse unique

envisagés, la divergence des vocations et son influence sur le déroulement de l’expérience des espaces ont été considérées comme un facteur de complexification de l’interprétation des données recueillies. Par exemple, le touriste qui visite une station thermale dans le but d’obtenir une série de soins spécifiques à des heures données ne bénéficiera peut-être pas de la même profondeur de vécu « architectural » qu’un voyageur qui planifie un arrêt dans un musée afin de faire la

découverte d’une collection d’artefacts commémoratifs. A priori, cette divergence fonctionnelle entre les cas a été jugée périlleuse et donc écartée des critères de sélection. De ce fait, trois musées sont sélectionnés parmi les réalisations de Peter Zumthor. Ils sont inaugurés en 1996, 2007 et 2016 et abordent des thématiques distinctes : art actuel et design, religion et société, commémoration et histoire matérielle. Chacun des musées à l’étude dispose d’environnements intérieurs présentant des qualités expérientielles indéniables. Sur le plan de la matérialité, tant le Musée d’art de Bregenz que le Musée Kolumba ou le Musée de la mine d’Allmannajuvet arborent un langage matériel qui retient l’attention par son intransigeance ; le premier avec sa chape de verre

translucide, le deuxième avec ses murs extérieurs mi-ruines, mi-briques contemporaines, le dernier avec sa rigueur monochromatique au cœur d’un paysage sauvage. Le contexte géographique des cas-projets est imposé par le fait que toutes les réalisations de l’architecte se situent sur le

continent européen. Bien que cette particularité limite substantiellement le potentiel d’observation directe, l’utilisation impénitente du langage du design et spécialement de la matière, est hautement inspirante et semble, encore une fois, légitimer la sélection des cas. L’éloignement des sites a forcé la circonscription de l’observation directe à un seul cas, la visite des réalisations en sol norvégien et autrichien nécessitant un investissement de ressources temporelles et financières indisponibles au moment de l’enquête de terrain. Cette limite a été prise en compte dans le processus nominatif ; la qualité de la documentation disponible sur le Musée d’art de Bregenz a constitué un argument favorable au maintien de la composition de l’échantillon. De la même façon, la concrétisation très récente et la facture matérielle singulière du Musée de la mine de zinc d’Allmannajuvet ont été envisagées comme des éléments de diversification essentiels à la pertinence de l’échantillon.

2.2.2 Le potentiel d’observation directe

Le Musée Kolumba de Cologne a été visité par la chercheuse en octobre 2016. Il s’agit à regret du seul cas ayant bénéficié de l’observation directe. À cette occasion, un large éventail de

données est rassemblé : un journal de visite, des photographies, un guide d’observation annoté, des enregistrements sonores et vidéos, des empreintes matérielles, des dépliants et des ouvrages. Le temps accordé à la visite n’est pas limité et la chercheuse effectue plusieurs fois le parcours liant les quatre planchers d’exposition, les ruines et la cour extérieure.