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CHAPITRE 5 DISCUSSION

5.3. Approche en rôle : Jouer un rôle ou être dans la peau du professionnel?

En faisant la mise à l’essai d’une SP en lien avec le métier du scénographe et dont la résolution s’appuie sur une approche en rôle, la possibilité que cela favorise l’engagement mathématique des élèves qui ne se sentent pas rejoints par une approche plus traditionnelle a été émise. Or, en plaçant les élèves dans le rôle du scénographe, l’un des objectifs était de les amener à s’engager davantage dans la résolution d’un problème mathématique. L’effet escompté découlait du fait que les élèves oseraient se questionner et proposer des solutions davantage en jouant un rôle qu’en étant eux-mêmes. Le droit à l’erreur serait alors plus accepté d’autant plus qu’elle viendrait du personnage joué et non pas de l’élève lui-même, ce qui permettrait une plus grande exploration des concepts à l’étude. De plus, tel qu’il en a déjà été discuté dans la précédente section, jouer le rôle d’un scénographe se voulait aussi une introduction à de nouvelles manières d’agir et de penser. L’élève était ainsi invité à réfléchir en prenant en compte les différentes contraintes et dimensions que considère usuellement le scénographe dans son métier. Bref, l’élève était amené à résoudre le problème proposé: « comme un scénographe » le ferait, dépassant ainsi le simple jeu de rôle.

La question demeure ainsi de savoir si l’approche en rôle a effectivement permis une variation positive de l’engagement mathématique chez les élèves ayant été identifiés comme étant usuellement peu engagés. Selon ce qu’Anna dit, l’approche en rôle l’a motivée, car elle a senti que son aide était nécessaire pour combler un besoin réel. En se fiant aux propos de Viau (1996), il est justifié de se demander si cette motivation exprimée par Anna a entraîné un engagement dans la tâche. À l’écoute des extraits vidéo, il est possible de constater qu’Anna a contribué aux échanges de groupe et a manifesté son engagement mathématique en posant deux questions visant à approfondir sa compréhension d’un concept à l’étude (voir les extraits analysés dans la section 4.4.4. : Extrait 1 : La définition d’un solide et Extrait 2 :

La définition d’un prisme, p. 89-90). Or, d’après les propos de l’enseignante avant

l’expérimentation, Anna n’a pas tendance à manifester ses bris de compréhension en posant des questions. Il s’agirait ainsi d’une variation dans son engagement.

D’un autre côté, l’intérêt suscité par l’approche en rôle ne semble pas avoir contribué à la dévolution du problème. En effet, rien ne démontre, dans les extraits vidéo et dans les observations faites, qu’Anna s’est investie d’une mission et qu’elle a mis en œuvre des actions pour résoudre le problème tel que l’aurait fait un scénographe. Tout au long du travail en équipe, elle est plutôt en recherche des étapes à suivre et semble avoir de la difficulté à déterminer son rôle dans l’équipe. Elle arrive mal à se figurer la démarche pour résoudre le problème et elle adopte des comportements d’évitement. Des difficultés d’ordre méthodologiques, causes probables des problèmes d’engagement d’Anna, sont mises en évidence ainsi.

De leur côté, Charles et Louis se sont partiellement sentis dans la peau du scénographe. Il semble que la méconnaissance du métier ait rendu difficile la prise en compte des différents éléments présents dans la pratique du scénographe. Des difficultés dues à l’appropriation du métier sont ainsi soulevées. Louis ajoute que les nombreuses contraintes qui leur étaient imposées (temps et nouveau logiciel) ne leur ont pas permis de considérer autant qu’ils ne l’auraient voulu la dimension artistique de ce métier. Cet élève n’est d’ailleurs pas le seul à avoir rencontré un obstacle dû au manque de temps. Cela est donc à considérer dans les limites ayant rendu difficile un engagement en profondeur et permettant de prendre en compte les différentes dimensions afférentes au métier du scénographe.

En contrepartie, Étienne, qui a de la facilité en mathématiques, ne s’est pas placé dans la peau du scénographe. Il dit qu’il a réalisé la même production que ce professionnel doit faire au quotidien, mais qu’il l’a davantage vu comme un travail scolaire. Il est donc possible d’en conclure que le changement d’approche ne lui a pas donné l’opportunité de se questionner davantage, ou du moins, autrement, et ainsi de s’engager mathématiquement. En effet, son intérêt était plus porté sur la résolution du problème scolaire, laissant ainsi de côté les éléments apportés par le contexte. Or, l’objectif de prise en compte des différentes dimensions qui colorent les décisions du scénographe, en utilisant l’approche en rôle, n’a pas été rencontré dans ce cas-ci. Il est ainsi possible de penser que la facilité en mathématiques

ne rime pas nécessairement avec un engagement mathématique en profondeur, tel que décrit dans le cadre conceptuel et par l’enseignante participante.

Somme toute, les résultats relevés dans le cas d’Anna portent à croire qu’un changement d’approche ne serait pas suffisant pour aider les élèves éprouvant des difficultés en mathématiques. Il est cependant envisageable de penser que cela peut être attribuable au temps accordé à l’appropriation d’une nouvelle approche, qui a été insuffisant dans ce projet. En effet, il est possible de percevoir, dans les propos de Charles et Louis, relatés plus haut, que les apprentissages nécessaires à la réalisation de la tâche demandée étaient trop importants pour arriver à résoudre le problème à la manière du scénographe.

Les résultats énoncés font écho aux résultats obtenus par Omniewski (1999) dans sa recherche portant sur les effets d’une approche intégrant la fusion de plusieurs formes d’arts à l’enseignement des mathématiques. Lors de son expérimentation, les élèves exploraient les suites logiques en utilisant des claviers musicaux. L’auteure mentionne cependant qu’après six semaines d’expérimentation, les élèves ne faisaient que commencer à être à l’aise avec l’approche utilisée. La possibilité que les élèves auraient été meilleurs s’ils avaient disposé de plus de temps pour s’approprier l’utilisation des claviers n’est pas écartée. Cependant, rien ne permet de confirmer que le temps d’expérimentation n’a pas été suffisant pour aider les élèves à développer une meilleure compréhension des suites logiques.

En considérant que connaître et comprendre le métier du scénographe contribue à prendre en compte (et à démontrer la prise en compte) des différentes dimensions qui colorent son activité, une piste de réflexion est émise quant aux difficultés d’engagement rencontrées par les élèves. Une entrée progressive dans l’approche en rôle et l’exposition plus fréquente à cette dernière contribuerait à une plus grande variation positive dans l’engagement des élèves.

5.4. APPORT DE LA TECHNOLOGIE : FREIN OU LEVIER POUR