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utiles. Le mod`ele g´en´erique pourra ˆetre utilis´e comme base pour d´ecrire un cas particulier, tandis qu’un mod`ele sp´ecifique pourra ˆetre g´en´eralis´e `a plusieurs cas.

2.5

Notre approche de mod´elisation

Dans le contexte de cette th`ese, nous nous int´eressons `a la diffusion d’innova- tions en g´en´eral. Ce mod`ele vise donc `a ˆetre g´en´erique. Nous nous reposerons es- sentiellement sur des observations secondaires pour construire le mod`ele. D’autres observations indirectes nous permetteront d’´evaluer la plausibilit´e de notre mod`ele. Nous avons confirm´e la qualit´e de ces observations indirectes en ne retenant que des ph´enom`enes ou processus observ´es dans des ´etudes de terrain ind´ependantes. Afin de v´erifier certains de nos choix, nous avons ´et´e amen´es `a mener une campagne d’entretiens avec des consommateurs ; certaines de ces observations seront crois´ees avec l’´etat de l’art pour ´elaborer le mod`ele.

Toutefois, comme pr´esent´e en introduction, notre objectif `a long terme est de d´ecrire et pr´edire la diffusion d’innovations. Nous d´evelopperons donc un mod`ele visant `a ˆetre rapport´e au terrain, dont les param`etres pourront ˆetre mesur´es et les r´esultats compar´es `a la r´ealit´e.

Chapitre 3

Observations sur la diffusion

d’innovations

Avant-propos

Ce chapitre vise `a recenser les principales observations secondaires sur lesquelles nous baserons notre mod`ele. Nous identifierons les variables d´ecisionnelles de l’institution et les besoins en recherche identifi´es dans le domaine. Nous retiendrons les faits stylis´es essentiels observ´es au niveau collectif, les processus identifi´es au niveau individuel et les m´ecanismes d’interaction interpersonnels.

La diffusion d’innovation, comme le marketing, sont des domaines de recherche pluri- disciplinaires. L’adoptant potentiel de la diffusion d’innovation est ´egalement le consom- mateur ´etudi´e par le marketing et la cible des messages ´elabor´es par marketing mix. Au sens de la psychologie sociale, il est aussi un ˆetre situ´e dans un environnement social. L’identification des ´el´ements pertinents et utiles dans cette vaste litt´erature constitue en elle-mˆeme une partie du processus de mod´elisation. Ces informations seront compl´et´ees dans la formalisation du mod`ele en fonction des besoins.

En traitant uniquement d’observations g´en´erales, nous perdrions rapidement le contact avec la r´ealit´e du ph´enom`ene social de terrain. Nous introduisons donc l’exemple de diffusion de la pilule contraceptive au Kenya, qui sera utilis´e `a fins d’illustration jusqu’`a la fin de ce m´emoire.

Culture, peurs et planification des naissances au Kenya rural

En 1980, le Kenya demeurait un exemple de pays dans lequel des barri`eres culturelles s’opposent `a la planification des naissances [Watkins, 2000]. La polygamie est autoris´ee, et les hommes d´etiennent un pouvoir d´ecisionnel non contestable par les femmes. Les surfaces agricoles sont g´er´ees au niveau communal et ne d´esavantagent pas les grandes familles. Au

contraire, de l’avis g´en´eral, “les grandes familles sont riches”. Un fils travaille et rapporte de la nourriture. Une fille mari´ee, c’est 15 ou 20 vaches au moins ; et les vaches permettent d’acheter des femmes et de marier les fils. C’est aussi un prestige social : “avoir de nombreux enfants fait de vous quelqu’un dans le village”. Pourtant, le Kenya a subitement connu une chute des naissances `a partir de 1989 ; le recensement national prouve une augmentation rapide de l’usage de moyens de contraception `a partir de ce moment.

Suzan Watkins ´etudie les causes de cette transition inattendue dans la r´egion de Nyanza [Watkins, 2000], en se basant sur des questionnaires, groupes de discussions et entretiens. Comment le mod`ele de reproduction wazungu (terme Luo, la langue locale, qui d´esigne les ´etrangers blancs) a-t-il pu s’implanter dans un tel contexte culturel ? Son analyse d´emontre que les moyens de contraception n’ont pu ˆetre adopt´es que grˆace `a des mutations culturelles profondes. La colonialisation du Kenya par les Anglais a fait apparaˆıtre la notion d’argent et d’impˆot, imposant aux Kenyans de collaborer avec les wazungu pour obtenir de l’argent. Des postes ´etaient maintenant propos´es : enseignants, ministres, secr´etaires, interpr`etes, chauffeurs et soldats. Mais pour briguer ces emplois au salaire ´elev´e et stable, il fallait faire des ´etudes. L’´education elle-mˆeme ´etait une innovation qui se diffusa rapidement au vu des avantages qu’elle procurait imm´ediatement. Toutefois, l’´ecole ´etait ch`ere : frais de scolarit´e, vˆetements, transport, livres, argent de poche et objets de prestige (belles chaus- sures, maquillage). Peu `a peu apparut la possibilit´e d’un choix entre de nombreux enfants travaillant aux champs, et un petit nombre d’enfants qui allaient `a l’´ecole et gagnaient un salaire. L’´ecole faisait ´egalement d´ecouvrir, par des journaux, publicit´es, un mode de vie occidental qui s´eduisait les ´etudiants.

Au contact des wazungu, il ´etait ´evident qu’ils ´etaient riches. Il ´etait tout aussi ´evident que les wazungu avaient peu d’enfants. En public, les Luo d´efendaient les grandes familles. En priv´e, les mentalit´es ´evoluaient lentement. Les familles qui avaient peu d’enfants pou- vaient payer les frais d’´education et se nourrir. Par contre, il ´etait plus difficile pour les m`eres des grandes familles de combiner ´education, nourriture et vˆetements. Elle travaillaient da- vantage, ´etaient plus fatigu´ees. Finalement, chaque femme eut dans ses connaissances des exemples de petite et grande famille. Peu `a peu, l’id´ee d’utiliser un moyen de contraception devint moins honteuse. Quand les hˆopitaux commenc`erent `a promouvoir le contrˆole des naissances, avec le soutien d’un gouvernement progressiste et des fonds de la banque mon- diale, de fortes oppositions culturelles avaient d´ej`a ´et´e vaincues. Des Kenyans demand`erent aux m´edecins de la ville : “nous savons que les europ´eens font juste le nombre d’enfants qu’ils veulent. Comment pouvons-nous faire ainsi ?”.

Toutefois, il y a un grand pas entre connaˆıtre l’existence de la contraception, s’autoriser `

a l’envisager, et l’adopter. Comme le d´emontrent les ´etudes de terrain men´ees par Naomi Rutenberg et Suzan Watkins [Rutenberg et Watkins, 1997] dans les ann´ees 1994-1995, il faut ´egalement comprendre le fonctionnement de l’innovation, obtenir l’accord du cercle familial, et vaincre les peurs naturelles renforc´ees par des rumeurs persistantes.

Lorsque les auteurs arriv`erent sur le terrain, et qu’ils d´ecrivirent leur volont´e de mener une ´etude sur les discussions interpersonnelles `a propos de la pilule contraceptive, leur contact local s’exclama : “Ah, les mythes et les rumeurs !”. Il apparut que de nombreuses craintes se propageaient et s’auto-renfor¸caient parmis les femmes. Comme le disaient les

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travailleurs sociaux : “le probl`eme, c’est qu’on les informe, mais qu’aussitˆot apr`es elles dis- cutent entre elles, et prˆetent plus attention `a leurs mythes”. Par nature, les informations transmises par des travailleurs sociaux locaux proviennent de blanches ; or la m´edecine va- lable pour les blanches, ou les femmes d’une autre r´egion, est souvent consid´er´ee comme inadapt´ee pour ces femmes. Les auteurs d´ecrivent une femme qui, `a peine sortie d’un entre- tien, s’est pr´ecipit´ee sur un balayeur pour se faire expliquer et confirmer les informations re¸cues [Rutenberg et Watkins, 1997].

La rumeur court que la pilule fait mettre au monde des enfants malform´es. Ils auront des yeux en plus ou en moins, plusieurs tˆetes, pas de peau, ou des cornes. Certaines femmes affirment avoir vu de tels enfants. “La natalit´e est per¸cue comme une force puissante”, expliquent les auteurs. “Pour s’y opposer, il faut donc une force encore plus grande, qui est capable de produire des enfants avec des cornes ou quatre yeux”. L’oubli de la pilule, sur lequel insistent les formateurs, est parfois suppos´e mener `a de tels probl`emes. Certaines femmes estiment que la pilule r´eduit le d´esir - “c’est exactement pour cela qu’on la prend !” r´epond une femme avec bon sens. L’ensemble de ces perceptions subjectives des risques de la pilule contribue `a en freiner l’adoption. Faute d’une compr´ehension plus pr´ecise du fonctionnement de la pilule contraceptive, ces raisonnements ne manquent pas de logique. Afin de contrer ces rumeurs, des groupes de discussions furent organis´es, et les travailleurs sociaux furent form´es `a r´epondre avec tact `a ces affirmations. Par ailleurs, les auteurs re- marquent que le test sanguin rassure les femmes, qui le consid`erent comme une v´erification que la pilule “rythme” avec leur corps. Une simple prise de tension peut rassurer suffisam- ment les jeunes femmes en supprimant l’impression que le produit n’est pas adapt´e `a leur corps de Luo.

L’influence normative d’une m`ere convaincue de ces risques est importante sur sa fille ou belle-fille. “Seule une belle-m`ere intelligente tol`ererait le planning familial ; mais il n’y a pas de belle-m`ere intelligente !” plaisante une jeune femme pendant un entre- tien. Des sociologues ´etudi`erent cette influence sociale (par exemple [Behrman et al., 2002, Kohler et al., 2001]), afin de comprendre avec qui les femmes parlaient de la contraception, et lesquelles de ces conversations avaient un impact important. Il apparut que, de fa¸con g´en´erale, les femmes discutent beaucoup entre elles mais peu avec les hommes (93% des conversations tenues sur la contraception par les femmes ont eu une femme pour inter- locuteur). La contraception est d’ailleurs un sujet de conversation d´elicat dans un couple - environ 20% des femmes qui prenaient la pilule le faisaient sans en informer leur mari. Lorsque des femmes de la mˆeme g´en´eration discutent, la pression sociale joue ´egalement en faveur de la contraception. “Voil`a pourquoi quelqu’un peut vous convaincre d’utiliser un moyen de contraception. Elle vous dit : ’moi, j’ai pris ¸ca, et c’est bien. Peut-ˆetre que pour- riez y aller et l’essayer”’. De fa¸con g´en´erale, plus une femme connaˆıt de femmes utilisant la pilule, plus grande est la probabilit´e de l’adoption [Behrman et al., 2002].

3.1

Point de vue de l’institution

3.1.1 Acteurs de la diffusion d’innovations

L’institution

L’institution est une entit´e qui cherche `a faire adopter une innovation. L’institution peut ˆetre une entreprise, un organe gouvernemental, une association ou toute autre structure. Dans bien des cas, l’institution est en r´ealit´e un conglom´erat plus ou moins soud´e d’entit´es orient´ees vers un mˆeme but, que l’on analyse par simplification comme une entit´e unique. Le but principal de l’institution est de maximiser la proportion d’adoptants potentiels qui adopteront l’innovation. De fa¸con secondaire, elle cherche aussi `a r´eduire le coˆut de diffusion de son innovation, en particulier en r´eduisant le budget de communication (m´edia de masse, agents de changement). Il est souvent utile de pr´evoir la dur´ee de cette diffusion, afin de dimensionner la chaˆıne logistique sollicit´ee pendant la diffusion (stocks de produits, formation de personnel ou infrastructures), et ´eventuellement de pr´evoir le renouvellement d’une g´en´eration de produits.

L’innovation

L’innovation est d´efinie par Rogers comme une id´ee, une pratique ou un objet per¸cu comme nouveau par un individu ou une unit´e d’adoption [Rogers, 2003, p. 12]. On ´etudie en diffusion d’innovations les cas dans lesquels les adoptants ont la libert´e d’adop- ter ou non l’innovation : le m´edecin est souverain dans ses prescriptions, tout comme le paysan conserve son libre arbitre pour sa gestion de l’eau. Notons que l’institution peut, dans certains cas, modifier les caract´eristiques de l’innovation elle-mˆeme pour faciliter son adoption.

Le concept g´en´eral d’innovation, tout comme le concept d’agent (2.2), permet d’´etudier des ph´enom`enes vari´es sous un mˆeme point de vue ; il s’av`ere parfois utile de raffiner ce concept [Garcia et Calantone, 2002]. Une innovation incr´ementale est une am´elioration d’un produit ou concept existant : nouvelle g´en´eration d’un produit, ´evolution d’une technologie, modification d’une pratique. Par exemple, la pilule contraceptive micro-dos´ee est une ´evolution de la pilule traditionnelle, qui introduit des ´el´ements de nouveaut´e propres, mais repose en grande partie sur l’acceptation du principe de planification familiale et sur les croyances d´ej`a accept´ees pour la pilule classique. En r´ealit´e, les innovations de rupture sont rares ; la plupart des innovations ´etudi´ees sont donc innovations incr´ementales [Gerwin, 1988]. Une innovation pr´eventive est une innovation dont les effets ne sont pas imm´ediatement visibles [Rogers, 2003, p. 176]. Le port du pr´eservatif, arrˆeter de fumer, se vacciner, r´eduire la vitesse sur les routes, faire bouillir l’eau sont des innovations pr´eventives. Une innovation tabou, au sens de Rogers [Rogers, 2003, p. 85], est une innovation consid´er´ee comme extrˆemement priv´ee et personnelle. Cette perception est principalement d´efinie par les normes sociales de la population vis´ee. Par exemple, le planning familial a longtemps ´et´e une innovation tabou au Kenya.

3.1. POINT DE VUE DE L’INSTITUTION 37 Population

Les adoptants peuvent ˆetre des individus, des foyers ou des structures (entreprises, as- sociations). D’autres entit´es sont parfois ´etudi´ees comme les unit´es de production agri- coles, les hˆopitaux, les couples, en fonction de l’innovation ´etudi´ee. Par adoptants, nous entendons les adoptants potentiels cibl´es par l’innovation. La population d’adoptants est h´et´erog`ene. Les individus se distinguent notamment par leurs croyances, leurs aptitudes, leur budget (financier et temps), leurs motivations et d’autres caract´eristiques socio- d´emographiques. Afin de pouvoir ´etudier une population, sa diversit´e est g´en´eralement simplifi´ee sous forme de segments qui regroupent des adoptants ou consommateurs partageant de mˆemes caract´eristiques. La segmentation d´epend de l’objectif de son ins- tigateur ; on peut segmenter sur le cycle de vie, le style de vie [Cathelat, 1990], les types de loisirs, la cat´egorie socio-professionnelle et d’autres crit`eres. Rogers a propos´e une segmentation bas´ee sur la propension plus ou moins innovatrice des individus (cf 7.3 p. 159).

On sait aussi que les adoptants potentiels diff`erent par leur comportement de com- munication - certains discutent plus naturellement des nouveaut´e que d’autres - ainsi que leur force de persuasion. Les leaders d’opinion sont les adoptants potentiels qui disposent d’une influence plus importante sur leurs accointances par leur carisme, leur expertise reconnue et/ou leur statut social.

3.1.2 Outils et variables d´ecisionnelles

Variables d´ecisionnelles [VD 1] Communica-

tion institutionnelle

L’institution d´ecide du contenu du message institutionnel, choisit un m´edia de masse en fonction de l’audience cibl´ee et d´etermine l’exposition au message (3.1.2).

[VD 2] Agents de changement

L’institution peut choisir des agents de changement qui transmettront un message donn´e (3.1.2).

[VD 3] Cr´eer une image subjective

L’institution peut influencer l’image subjective de son innovation par la communication de masse, le branding et le marketing ´ev`enementiel (3.1.2). [VD 4] Provoquer du

bouche `a oreille

L’institution peut faciliter le bouche `a oreille sur son produit en en faisant un sujet dont les gens d´esirent parler, ou en cr´eant un ´ev`enement associ´e au produit permettant d’en faire parler (3.1.2).

[VD 5] Changer l’in- novation

Dans certains cas, l’institution peut modifier les caract´eristiques de l’in- novation pour faciliter sa diffusion.

Table 3.1: Variables d´ecisionnelles de l’institution

Communication institutionnelle de masse

Afin de promouvoir son innovation, l’institution envoie de la publicit´e par canaux de masse ; elle choisit le canal de masse qui transmettra l’information, le contenu du message transmis, ainsi que la fr´equence d’´emission du message. Les m´edias de masse sont les canaux qui permettent `a un ´emetteur d’envoyer un message `a une large audience [Rogers, 2003, p. 205]. Ils diff`erent par les caract´eristiques et la taille

de leur audience, mais aussi par l’attention des r´ecepteurs aux messages et leur coˆut [Armstrong et Kotler, 2007]. Les gens tendent g´en´eralement `a s’exposer s´electivement aux m´edias qui sont d’accord avec leurs opinions, ou qui transmettent des informa- tions correspondant `a leurs centres d’int´erˆet [Rogers, 2003, p. 171]. L’exposition d’un individu `a un canal de masse en fonction de ses caract´eristiques idiosyncratiques, ou inversement la caract´erisation de l’audience d’un canal de masse, sont relativement bien connues. En effet, les organes qui g`erent ces canaux ont int´erˆet `a ´etablir des statistiques pr´ecises et r´eguli`erement actualis´ees de leur audience, afin d’am´eliorer la satisfaction de leurs clients et/ou pour monnayer des temps d’audience.

La communication institutionnelle s’apparente g´en´eralement `a de la publicit´e, d´efinie comme une communication qui prend le parti d’une organisation (entreprise, administration ou autre), d’une personne, d’une id´ee, d’une marque ou d’un produit [Lendrevie et al., 2006, p. 517]. La publicit´e est une communication intrusive, non d´esir´ee par le r´ecepteur, qui doit donc attirer l’attention sur son message. Ce message est court, pour des raisons de coˆut mais aussi de limites d’attention ; le volume d’information transmis est donc r´eduit `a l’essentiel (une seule id´ee) [Lendrevie et al., 2006, p. 316-20].

La publicit´e ne vise pas `a persuader ou `a conduire imm´ediatement `a l’adoption d’une innovation ni d’un produit. Comme expos´e dans le Mercator [Lendrevie et al., 2006, p. 517] : “le but de la publicit´e n’est pas l’information pour elle-mˆeme, mais la cr´eation ou la stimulation du d´esir en donnant de l’int´erˆet `a des produits et `a des marques qui parfois n’en ont gu`ere. La publicit´e cr´ee rapidement de la notori´et´e ; elle construit - plus lentement - des images. Dans certains cas, elle peut, `a elle seule provoquer l’achat, mais le plus souvent, elle n’est qu’un des moyens d’un dispositif commercial plus vaste.”. Un constat similaire est dress´e en diffusion d’innovations : la publicit´e permet essentiellement de faire connaˆıtre l’innovation, et non de persuader de ses b´en´efices [Rogers, 2003, p. 205].

En pratique, le flux de communication se fait en deux temps : la publicit´e attise la curiosit´e de quelques r´ecepteurs, qui v´erifient et propagent ensuite cette information par communication interpersonnelle (two-steps flow model [Lazarsfeld et al., 1944, p. 151]). Les recherches sur l’agenda-setting concluent que la communication de masse n’est pas capable de changer des croyances pr´eexistantes, mais qu’elle est par contre tr`es efficace pour faire penser `a des sujets pr´ecis [Cohen, 1963].

Agents de changement

L’institution peut utiliser des agents de changement, c’est-`a-dire des individus ext´erieurs `a la population qui exercent une influence en faveur (ou d´efaveur) de l’innovation. Dans la diffusion de la pilule contraceptive, les agents de changement sont les dispensaires, les hˆopitaux et le personnel m´edical. Dans d’autres cas, il peut s’agir d’enseignants, de consultants ou encore de vendeurs. Ils nouent des contacts interpersonnels avec les adoptants potentiels, ce qui leur permet de mieux comprendre

3.1. POINT DE VUE DE L’INSTITUTION 39 leurs besoins, de raisonner leurs inqui´etudes, de discuter leurs arguments ou de leur expliquer le fonctionnement de l’innovation. En r´esum´e, le rˆole des agents de changement est de donner les cl´es pour que les autres comprennent l’avantage de l’innovation [Rogers et Shoemaker, 1971].

Cr´eer une image subjective de l’innovation

Le marketing a subi des ´evolutions importantes pendant les quatres derni`eres d´ecennies, qui refl`etent des changements profonds dans le fonctionnement de la soci´et´e. Pendant la premi`ere moiti´e du 20`eme si`ecle, les grandes entreprises ´etaient essentiellement des industries qui commercialisaient des biens r´epondant `a des besoins primaires, ou des inventions r´ecentes : t´el´ephone, ´electricit´e, automobile ou r´efrig´erateur. Adopter l’une de ces innovations exigeait un changement de mode de vie et de mode de pens´ee. La publicit´e s’en tenait alors `a son strict sens de r´eclame :