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L'appréhension commune du phénomène entrepreneurial immigré en France

du phénomène entrepreneurial immigré

Chapitre 1: L'entrepreneuriat immigré en France, définition et importance

1.2. L'appréhension commune du phénomène entrepreneurial immigré en France

Malgré son importance significative, il y a encore peu d’études sur l’entrepreneuriat immigré en France.

La plupart des travaux abordant la question de l’entrepreneuriat immigré en France se concentrent, en fait, sur certaines activités jugées les plus significatives et sur certaines localisations (Paris, Lille et le Nord-Pas de Calais, Lyon, Marseille, l’Est de la France). L’établissement de la liste de ces localisations fortement urbaines et de ces activités offre une première représentation de l’entrepreneuriat immigré pour les chercheurs. Sur cette base, les secteurs de prédilection pour l’entrepreneuriat immigré seraient le commerce (MA-MUNG et SIMON, 1990 ; JOSEPH, 1990), la vente ambulante (SIMON, 1984), la restauration (BOUBAKRI, 1984), et le bâtiment. Nous présenterons leurs principaux résultats (1.2.1.) avant de discuter les typologies obtenues (1.2.2).

42 Cf infra. paragraphe 1.3.

43 Une telle définition est très proche de celle retenue par Ma Mung et Simon (1990, p. 12) pour étudier le commerce maghrébin et asiatique en France : « Dans la présente étude, on entendra par (…) - commerce étranger, une unité de distribution spatialement autonome dont le tenancier est un ressortissant d'un pays étranger. Cependant pour ne pas se tenir à une définition purement administrative de la nature du commerce, on y a incorporé une nuance « ethnique ». Ainsi, on a inclu les cas de personnes immigrées ayant acquis la nationalité française et de personnes nées en France d'un ou deux parents immigrés et ayant la nationalité française. Parmi ces cas de figures, retenons pour exemple, celui des Harkis ou encore celui différent de commerçants eurasiens lorsque ceux-ci commercialisent des produits asiatiques importés ou des produits fabriqués en France par la communauté asiatique, c'est-à-dire lorsqu'ils participent effectivement aux circuits économiques asiatiques en France ».

44 Elles sont en revanche privilégiées dans les contextes anglo-saxons ou canadiens où le repérage statistique par ethnie est autorisé.

1.2.1. -Les rares travaux empiriques et leurs limites

MA MUNG et SIMON (1990) constatent une double « sélectivité » dans l’entrepreneuriat étranger qui est à la fois géographique et sectorielle.

1.2.1.1. Une dynamique géographique liée à la localisation des populations immigrées

La sélectivité géographique n’est guère surprenante. Elle est liée à la localisation des populations immigrées sur le territoire français. De ce fait, l’entrepreneuriat immigré serait essentiellement un entrepreneuriat urbain45. MA MUNG et SIMON (1990) constatent que les commerçants étrangers (4.8% des étrangers en France) sont surtout implantés dans les grandes villes, plutôt à l’Est, en particulier sur Paris et Mantes-la-jolie, sur la conurbation du Nord (Lille, Lens, Douai, Maubeuge), dans les grandes villes de l’Est (Conurbation de Nancy/Metz/Thionville/Hagondange, Strasbourg, Conurbation de Mulhouse/Montbéliard, Reims, Troyes), ainsi qu’en Rhône-Alpes (Grenoble, Lyon, mais surtout St Etienne où le pourcentage d’étrangers parmi les commerçants dépasse 6%) et dans le sud-Est (Montpellier, Marseille-Aix, Grasse-Cannes-Antibes-Nice).

Plus précisément, cette localisation se situe soit dans les vieux centres villes (souvent délabrés, comme à Metz ou à Marseille), soit dans les quartiers périphériques, « la distribution spatiale des commerçants maghrebins suit globalement celle de la population maghrebine » (MA-MUNG et alii, op. cit., p. 50).

Excepté pour le Sud-Est où c’est la proximité des portes d’entrée qui explique l’implantation immigrée, on retrouve des entrepreneurs immigrés dans les anciens bastions industriels (textile ; sidérurgie ; mine) qui ont motivé l’afflux de main-d’œuvre dans les années soixante et soixante dix.

La sélectivité dans l’activité est moins évidente a priori.

45 Historiquement, il y a eu un entrepreneuriat immigré rural dans les vallées maraîchères avec une forte présence d'entrepreneurs italiens en Vallée du Rhône et ibères dans le Grand Ouest. Aujourd'hui, ces activités sont marginales.

1.2.1.2. Un choix d’activité très ciblé

Les auteurs s’accordent pour identifier une sur-représentation de l’entrepreneuriat immigré pour certaines activités privilégiées telles que la restauration et le commerce de détail alimentaire (épicerie, fabrication et vente de produits exotiques, fruits et légumes, boucheries musulmanes, etc.).

Le dynamisme commercial des immigrés d’origine maghrébine est notable : ils représentent près de la moitié des commerçants étrangers (48.7%) alors que les maghrébins actifs ne représentent que 36% des étrangers actifs (Sources INSEE)46.

Les particularismes historiques créent aussi des niches d’activité pour certaines catégories de migrants. On retrouverait essentiellement des algériens parmi les tenanciers étrangers d’hôtels et de débits de boisson (70% d’entre eux) du fait de la difficulté pour un étranger d’obtenir une Licence IV, barrière que les Algériens, français jusqu’à 1962, ont pu contourner plus facilement, car les accords d’Evian n’ont pas remis en cause cette possibilité (MA-MUNG, SIMON, 1990, p. 33).

Ces travaux sont également confirmés par les études exploratoires conduites par A.L.E.X.I.S. (BARNIER, 2001) qui faisaient très clairement ressortir une sur-représentation des porteurs de projet issus de l’immigration dans les activités de commerce et, au contraire, une sous-représentation dans l’industrie et dans le service aux entreprises.

Sur les entrepreneurs issus de l’immigration ayant lancé leur affaire après avoir été accompagnés par la Boutique de Gestion A.L.E.X.I.S. entre Janvier 2000 et Juin 2001, 50% avaient

46 Pour les tenants d’une approche culturaliste fondée sur la religion, ce dynamisme commercial et la surreprésentation de l’activité commerciale dans les entreprises créées par des migrants de culture musulmane s’expliqueraient par l’exemple du prophète Mohamed qui était marchand. Pour TRIBOU (1995, p. 208), «Suivant l’exemple du prophète, le musulman peut envisager sans scrupules, la réalisation de ses entreprises commerciales (alors que l’exemple du Christ est pour le moins inhibitrice). Mais l’encouragement à commercer est tel que cela peut nuire au projet industriel. Alors que le protestant angoissé par son destin s’épuise dans l’austérité à produire les signes de son salut, le musulman serein se complait dans une prospérité marchande à vendre ce que d’autres produisent ». Cette thèse séduisante n’explique pas que l’on constate la même surreprésentation commerciale chez des migrants non musulmans, comme BONACICH et MODELL (1980) la constataient chez les juifs d’Europe ou comme PAIRAULT (1995) la remarque chez les asiatiques. D’ailleurs, jetant lui-même le discrédit sur son approche, TRIBOU (op. cit.) reconnaît que l’exemple du prophète est contrebalancé par les textes coraniques dont on sait l’importance en Islam. « Ce n’est cependant qu’un bémol car nous avons noté par ailleurs que Coran et Sunna glorifient le travail industriel ». Retraçant le rôle entrepreneurial qu’ont d’apparence souvent joué les minorités religieuses et ethniques dans l’histoire, PAPILLON (2000, pp. 47-48) rejette radicalement l’influence de l’appartenance religieuse sur l’esprit entrepreneurial. Pour ce faire, il s’appuie sur les travaux de l’historien quantitativiste Pierre Chaunu dont les travaux contestent brillamment la thèse de Max Weber. Dans la suite de nos investigations, cette thèse étant contestée, nous ne considèrerons la religion que comme un vecteur implicite et non déterminant de la culture de l’immigré.

effectivement ouvert un commerce alors que la part d’entreprises créées dans le commerce par l’ensemble des créateurs accompagnés par A.L.E.X.I.S. sur la même période n’est que de 29%. Les études soulignent également un système de gestion spécifique.

1.2.1.3. Une gestion très prudentielle

PAIRAULT (1995) relève ainsi que les entrepreneurs chinois ont faiblement recours aux crédits bancaires tout en soulignant que, contrairement aux idées reçues, le recours à la tontine est également peu développé et ne constitue qu’une « survivance » des pratiques de financement au pays. En France comme aux Etats-Unis, l’essentiel du financement des entreprises asiatiques provient malgré tout d’un financement bancaire (PAIRAULT, 1995 ; BATES, 1994).

Dans l’ensemble de son échantillon (95 entrepreneurs), PAIRAULT constate la structure de financement suivante : Epargne personnelle 27.8%

Prêt d’origine bancaire 37.4% Prêt d’origine familiale 9.9% Recours à une tontine 24.9%

L’emprunt familial est également une source de financement plus prisée que dans le reste de la population des entrepreneurs, notamment chez les maghrébins. Mais servant à la constitution de l’apport personnel, il n’apparaît pas systématiquement dans les statistiques. Il est notamment moins structuré que « la tontine ».

Sur 136 commerçants marocains ou algériens étudiés par MA-MUNG et alii (1990), 77% ont constitué le capital de départ de leur commerce grâce à des prêts de leur famille ou de leurs compatriotes, le plus souvent sur la base d’un simple engagement verbal. 19% seulement ont fait appel au crédit bancaire, souvent auprès de la Banque Chaabi. 4% ont compté uniquement sur leur apport personnel mais, la plupart du temps, ils exerçaient déjà au Maroc ou en Algérie. Si la reconnaissance de dettes à l’égard d’un membre de la famille ou d’un proche est le plus souvent purement verbale, c’est parce que, fondamentalement, l’entrepreneur immigré reproduit partiellement en France son espace culturel dans lequel la parole donnée a plus de poids que l’écrit. Cet engagement moral va jusqu’au « tributariat » (TSIKA, 1995) et les auteurs identifient chez les entrepreneurs immigrés du Maghreb comme de Chine, la recherche d’un éthos de la notabilité ainsi qu’un rôle social fort vis-à-vis de la communauté.

Le recours marqué au financement familial offre une alternative au financement bancaire et à ce stade de la réflexion, on ne peut que lister les causes possibles de la bancarisation limitée à partir de nos observations exploratoires:

-une certaine méfiance d’ordre culturel par rapport au banquier, le prêt avec intérêt n’étant pas autorisé dans une application stricte de l’Islam,

-une difficulté à négocier avec lui voire la perception de discriminations de sa part,

-une absence de besoins financiers importants découlant du choix d’activités au capital de démarrage modéré, notamment dans le commerce,

-un plan d’investissement très prudent comme l’illustre, à l’extrême, le cas de Chiguer BOU. (Cas 4).

Cas N°4 : Chiguer BOU.

Marchand ambulant, il revendiquait ne pas avoir sollicité d’emprunt bancaire en retraçant sa carrière. « C’est un gage de sagesse. Tu ne peux dépenser que ce que tu as, que ce que Dieu t’a donné. J’avais un peu d’argent. J’ai acheté quelques tapis et j’ai commencé à les vendre au porte à porte. Puis avec l’argent gagné de la vente de mes tapis, j’ai épargné et j’ai d’abord pu m’acheter une camionnette, puis un étalage et à présent, je vends du tissu sur les marchés… Un jour peut-être, j’achèterai autre chose. »

Si cet exemple suggère que les différentes explications du faible recours au crédit bancaire se

conjuguent, il souligne surtout l’existence d’un mode de gestion très prudentiel que l’on

retrouve chez de nombreux entrepreneurs issus de l’immigration.

Ils s’efforceraient de maîtriser scrupuleusement leur Besoin en Fonds de Roulement, évitant ainsi l’écueil fréquent des jeunes entreprises (SAMMUT, 2001) dans lesquelles « une accumulation de trois phénomènes freine le décollage :

-les clients paient moins vite que le dirigeant ne le souhaiterait ;

-les fournisseurs insistent pour être payés plus vite que l’entrepreneur ne le voudrait ;

-les stocks, du fait d’une appréciation imprécise du volume des ventes, sont supérieurs à ce que le chef d’entreprise envisageait » (SAMMUT, 2001, p. 62).

Cette gestion prudentielle de maîtrise du Besoin en Fonds de roulement est également illustrée par la politique d’Amid au démarrage.

Cas N°847: Amid.

Amid a ouvert en Décembre 2000, le premier libre-service en fleurs coupées de Biarritz. Trouvant un local bien positionné mais à aménager, il a négocié avec le bailleur pour en disposer au 1er Décembre en s'engageant à y faire les travaux avec ses amis. En contrepartie, le bail ne courrait que du 1er Janvier 2001. Amid nous confie malicieusement qu'il avait bien calculé son coup. "Grâce aux travaux qu'on a fait avec mes amis, j'ai pu ouvrir pour les fêtes de fin d'année et dégager du chiffre pour payer le premier loyer et les premières charges….. C'était calculé. Je ne voulais pas ouvrir à un autre moment".

L’obnubilation de la maîtrise des dépenses qui freine parfois le développement conduit à penser que l’éthos de la rentabilité n’est pas le motif principal de l’entrepreneuriat pour ce public.

1.2.1.4. Un éthos de la notabilité et une fonction communautaire

PAIRAULT (1995) considère que la petite entreprise familiale chinoise sur Paris est davantage mue par « un éthos de la notabilité » que par « un éthos du profit ».

Cet éthos n’a pas forcément de répercussion économique directe comme c’est généralement le

cas en Afrique. Si l’entrepreneuriat commercial maghrebin contribue peu à l’emploi de la

communauté maghrébine, il remplit pourtant une fonction socio-communautaire importante. « Le commerce maghrebin est souvent vécu comme un lieu de ressourcement culturel, que ce soit sur le plan religieux ou sur le plan de la convivialité intra-communautaire et du maintien des liens avec le pays d’origine ». (SIMON et MA-MUNG, op. cit., p. 74).

Outre son utilité matérielle (proposer de la viande halal et maintenir ainsi la tradition), il sert une véritable fonction symbolique (« le magasin est perçu par l’ensemble de la communauté comme un morceau de bled ») et, parfois, socialisante (comme c’est le cas des cafés et restaurants spécifiquement dédiés à la clientèle masculine qui vit seule l’exil loin de la famille restée au pays).

Le « hamout » (magasin) joue le rôle de lieu d’échanges d’informations sur la famille, sur le village avec ceux qui arrivent du bled mais aussi de lieu de conseil sur le marché de l’emploi, etc.

Dans ces schémas, l’entreprise est au cœur d’un réseau social et l’entrepreneur fait appel à des renforts de main-d’œuvre dans son entourage pour lui « filer un coup de main ». La famille reste un important réservoir de main-d’œuvre souvent informel. La forme la plus originale dépeinte

par le professeur BOUBAKRI va jusqu’à « l’association libre ». Si 56% des commerçants maghrébins et asiatiques répertoriés par MA-MUNG et SIMON (1990) sont établis en EURL ou en SARL, certains ont, de plus, adopté un système « d’association avec la force du corps ». Dans ce cas, l’associé ne participe à aucun apport en capital, à aucun financement, même pour la rénovation du magasin. Son seul apport est son travail et sa présence continue dans le magasin. A ce titre, il bénéficie d’une participation aux bénéfices. Cela arrive notamment quand l’apporteur de capitaux doit se rendre "au bled". Il propose à un de ses employés de devenir tel un associé avec promesse de participer au bénéfice en fonction du Chiffre d’Affaires du magasin. Ces dispositifs provoquent une ethnicisation des relations d’affaires qui n’est pourtant que

partielle d’après ces études. Chez les commerçants soussi enquêtés par MA-MUNG et alii, 87% des employés sont soussi et généralement du même Arch (la même tribu) que le commerçant qui les emploie, 35% sont même de sa famille (cousins ; frères…). Pourtant, les sources d’approvisionnement sont très variées et ne sont pas spécifiquement ethniques. Les commerçants

recourent autant au commerce banal qu’aux entreprises de gros françaises et aux

approvisionnements directs en Afrique du Nord. Les auteurs ajoutent que, dans l’Est, ce sont les Turcs qui alimentent la filière « restauration et alimentation » pour les commerçants et restaurateurs maghrébins…

En revanche, ces études, limitées au commerce immigré, ne permettent pas de tirer des conclusions significatives quant aux performances (notamment en termes de Chiffre d’Affaires ou de résultat) des affaires étudiées.

D’autres travaux sociologiques non spécifiquement consacrés à l’entrepreneuriat immigré mais étudiant les femmes immigrées complètent ce panorama en soulignant un esprit d’entreprise marqué et très original, malgré la perception d’une « double discrimination ».

1.2.1.5. Un esprit d’entreprise significatif chez les femmes et chez les jeunes de seconde génération

L’une des spécialistes français des femmes issues de l’immigration, Camille

LACOSTE-DUJARDIN évoque « un vif esprit d’entreprise commun à un certain nombre de femmes

maghrebines en France ». (LACOSTE-DUJARDIN, 1992, p. 221-225)48. ZOUITEN (2002) qui a passé en revue les motivations entrepreneuriales des femmes dans différents pays rejoint les conclusions de LACOSTE-DUJARDIN en démontrant que la motivation entrepreneuriale de ces femmes est surtout liée à la recherche d’un épanouissement personnel et à la reconnaissance par la famille, l’éthos du profit ne passant qu’au second plan. Dans le cas particulier des femmes de seconde génération, LACOSTE-DUJARDIN (op. cit.) place la voie entrepreneuriale sur le même plan que l’obtention d’un travail salarié valorisant dans le prolongement des études, comme un moyen d’une prise d’autonomie par rapport à « l’influence patriarcale ». L’auteur évoque le cas de Djamila qui a ouvert un restaurant avec sa tante et, de ce fait, repousse plus facilement l’échéance du mariage à plus tard (p. 226). L’entrepreneuriat apparaît d’abord pour ces femmes

comme un moyen de différer des pressions sociales et patriarcales fortes. MUAMBA et

POTAKEY (2000, p. 9) accompagnant des femmes issues de l’immigration dans le cadre du Collectif des Femmes de Louvain-la-Neuve, insistaient sur le rôle de ce dispositif d’aide pour briser leur isolement dans leurs communautés respectives.

D’autres travaux soulignent une double spécificité de l’entrepreneuriat féminin immigré. MOKVASIC-MULLER (1998) note que, dans leur recherche de soutien, les femmes issues de l’immigration « se tournent souvent vers d’autres femmes » et qu’elles ont souvent « des stratégies familiales qu’elles mettent avant les stratégies entrepreneuriales » soit en entreprenant « pour leurs enfants ou pour des parents», soit en n’hésitant pas à renoncer à leurs projets lorsque les contraintes familiales s’annoncent trop fortes.

La propension plus élevée des femmes immigrées à se tourner vers d’autres femmes pour être accompagnées est un élément clé pour notre problématique et semble plaider en faveur du choix des dispositifs spécifiques que sont l’Institut de Recherche-Formation-Education et Développement (IRFED, Paris), le Collectif des Femmes de Louvain-la-Neuve ou Initiatives

PluriElles qui ont fait le choix de se spécialiser sur l’accueil exclusif des entrepreneurs femmes49. Les observations exploratoires réalisées sur A.L.E.X.I.S. confirment le faible nombre de femmes issues de l’immigration accueillies dans ce dispositif générique (BARNIER, 2001). Ce constat (moins de 20% des projets portés par des porteurs issus de l’immigration) est d’autant plus net que les observations de terrain révèlent que, bien souvent, les projets enregistrés au nom d’une femme sont, en fait, portés par le couple.

Ces rares travaux, qu’ils émanent de chercheurs ou d’institutions, mettent également l’accent sur la réalité multiforme de l’entrepreneuriat immigré français et proposent des typologies spécifiques permettant d’en rendre compte.

1.2.2. Une réalité multiforme ; les typologies en présence et leurs imperfections

Les principales typologies effectuées ont porté sur les activités des entrepreneurs issus de l’immigration et font plus ou moins référence aux travaux génériques sur l’entrepreneuriat et sur la PME, l’idée étant qu’inévitablement la taille et le métier de l’entreprise orientent son mode de gestion.

Dans un travail repris par MAHAMAT-IDRISS (2004) et ayant davantage une ambition communicationnelle et politique que scientifique, le cabinet Magrhred-Ressources Humaines (MRH) (2002)50 proposait de distinguer 5 grands profils :

-l’entrepreneur commerçant de proximité, en général de niveau inférieur au Bac, -l’entrepreneur profession libérale,

-l’entrepreneur fondateur et dirigeant de PME-PMI,

-l’entrepreneur fondateur de start-up (ou dirigeant de grande entreprise),

-« l’entrepreneur des deux rives » décrivant ceux qui s’engagent dans des relations d’import-export.

49 Alors que nous montrerons que l’entrepreneuriat immigré français pris dans sa globalité est incorrectement expliqué par les théories anglo-saxonnes de l’entrepreneuriat ethnique, ces remarques suggèrent qu’elles justifieraient plus facilement l’entrepreneuriat féminin comme l’envisage un travail collectif en cours (ZOUITEN, LEVY-TADJINE, MASMOUDI, 2004).

50 Réalisée pour célébrer la tenue de la Première Convention France-Maghreb (Espace Cap 15, Paris, les 6-7 Mai 2002), la typologie schématique proposée n’était en fait assise, comme le reconnaissent ses auteurs, que sur des observations qualitatives grossières.

Cette typologie qui n’est finalement pas spécifique à l’immigré et qui traduit la multiplicité des chemins de l’entrepreneuriat est utilement confrontée avec des typologies plus spécifiques. La plus pertinente est sans doute celle proposée par PAIRAULT (1995, p. 50-52) pour caractériser les stratégies des entrepreneurs chinois à Paris. L’auteur distingue quatre modèles entrepreneuriaux selon l’ouverture de l’activité sur la société française.

-Le premier modèle caractérise « les activités introverties», c'est-à-dire quasi

exclusivement tournées vers « le service des membres de la communauté ». Il illustre ce modèle