• Aucun résultat trouvé

Apport à la conservation ex-situ : élevage en captivité et lâchers

Chapitre III : Sélection des ressources trophiques

2. Apport à la conservation de l’espèce

2.1. Apport à la conservation ex-situ : élevage en captivité et lâchers

L’activité de l’élevage a atteint un haut niveau de maîtrise, la production n’a pas cessé d’évoluer pour passer de 156 oiseaux produits en 1997 à environ 15000 en 2011 garantissant un renforcement du cheptel reproducteur (gardé en captivité) et la réalisation d’opération de lâcher. Cependant, un taux considérable de mortalité (presque 50%) survient au cours de la première année après le lâcher. Une partie de ces mortalités peut être liée à des troubles alimentaires qui sont le résultat de l’influence du protocole alimentaire adopté en élevage et à la préparation des oiseaux au lâcher. En effet, chez les deux groupes d’outardes, reproducteurs et lâchés, l’alimentation représente un enjeu majeur vu son influence sur l’histoire de vie des organismes, leurs performances de reproduction et leur survie (Brodmann et al. 1997, De Neve et al. 2004, Ojala et al. 2005, Taylor et al. 2005, Naya et al. 2007) et ceci selon deux aspects:

quantitatif (disponibilité en nourriture) et qualitatif (nature, composition de l’aliment). Pour cette raison l’ECWP lui a prêté beaucoup d’importance en vu d’améliorer les performances de reproduction des individus captifs et d’augmenter le nombre d’individus à lâcher et d’un autre côté, développer des techniques d’élevage prenant en compte les exigences comportementales, physiologiques et physiques de l’espèce afin de préparer les individus à être lâchés dans la nature.

2.1.1. Préparation des individus

Les outardes sont nourries d’aliments artificiels, facilement digérés et assimilés (pellets d’aliments protéinés, granulés secs), et naturels très peu diversifiés et faibles en teneur en fibres (vers de farine, grillons et luzerne). L’amélioration de ce régime peut se faire en extrapolant le régime alimentaire à l’état sauvage au milieu captif. Mais vu l’impossibilité d’assurer un régime ne comportant que des aliments naturels, l’extrapolation ne concernera que la formulation alimentaire et non pas les taxons eux- mêmes. C'est-à-dire assurer aux oiseaux captifs les mêmes éléments nutritifs (protéines, vitamines…) et constitutifs (cellulose) utilisés par les sauvages en tenant compte des différences des besoins énergétiques entre les individus sauvages et captifs et des variations saisonnières. D’où la nécessité d’analyser la valeur alimentaire (protéines, minéraux, fibres, teneur en eau) de chacun des aliments essentiellement consommés.

2.1.2. Les lâchers

Notre étude a permis d’évaluer de façon indirecte le succès du programme de restauration des populations. Les deux catégories d’outardes présentaient des RA similaires, malgré l’absence d’apprentissage et de soin parental chez les lâchés, le RA est apparu diversifié, opportuniste au même titre que celui des sauvages.

Cependant, nos résultats ne concernaient que des individus ayant majoritairement passé plus de 3 mois dans la nature. Ces individus ont échappé à la mortalité immédiate et importante qui caractérise les lâchers. Les mesures de survie ont montré que 90% des événements de mortalité ont eu lieu dans les 3 mois qui suivent le lâcher. Moore et Batteley (2006) ont suggéré que les canards élevés en captivité ont une faible capacité à digérer une alimentation sauvage après leur lâcher ce qui peut expliquer le nombre d’individu retrouvé mort après le lâcher. Chez l’Outarde, il est probable que cette mortalité soit dû à la non adaptation aux aliments sauvages : intoxication (plantes ou

insectes toxiques), occlusion intestinale par ingestion de corps non digestibles (cas fréquent en captivité), malnutrition (excès ou carence) ou tout simplement la faim (Corless & Sell 1999, Savory & Lariviere 2000, Klasing & Austic 2003).

Lors de nos comparaisons des tailles d’estomacs d’outardes sauvages et lâchées (Partie II), nous avons constaté que la taille moyenne des estomacs des individus lâchés était significativement inférieure à celle des individus sauvages. Ce phénomène est très courant chez les oiseaux élevés en captivité et ce, à cause de la faible diversité et de la faible teneur en fibres des aliments qui leur sont distribués (Starck 1999b, Starck 1999a, Dekinga et al. 2001, Battley & Piersma 2005, Moore & Battley 2006, Champagnon et

al. 2011). Dans la nature, le régime alimentaire des outardes est constitué d’arthropodes

à cuticules dures, de graines et de parties de plantes charnues et fibreuses. En raison de la forte teneur du RA en cellulose et en cuticule qui sont difficiles à digérer, l’alimentation des individus sauvages nécessite de grandes quantités d’aliments et des taux d'admission plus élevés pour en tirer l'énergie et les nutriments nécessaires. Ces différences de régime alimentaire ont entraîné des différences anatomiques des organes digestifs entre les outardes sauvages et celles élevées en captivité.

Il est donc probable que l’Outarde rencontre des difficultés à s’alimenter dans les premières semaines après le lâcher, et qu’un temps d’adaptation soit nécessaire. C’est ce que nous montrent nos résultats, puisque les estomacs atteignent des tailles similaires à celles des oiseaux sauvages après une période de 8 mois pour les femelles et 10 mois pour les mâles.

Afin d’expliquer la relation éventuelle entre les évènements de mortalité survenus durant les trois premiers mois et les possibles troubles alimentaires des outardes lâchées, nous suggérons de réaliser des prélèvements réguliers d’individus (euthanasie) tout au long du processus depuis la préparation au lâcher jusqu’aux premiers mois dans la nature. Ces prélèvements nous permettront d’effectuer des analyses fines du régime alimentaire et de l’état physique et physiologique des individus. Les conditions d’adaptation pouvant être différentes entre les individus selon la nature et la quantité des ressources disponibles dans le milieu au moment du lâcher, ces prélèvements d’oiseaux devront donc se faire pendant les deux saisons de lâchers (automne-hiver et printemps) et sur les deux sexes.

L’effet de la quantité et de la qualité (souplesse / dureté) des aliments consommés sur la taille des organes digestifs peut être aussi examiné directement en élevage en testant différents types de nourriture sur les individus destinés aux lâchers en faisant varier leur teneur en aliments peu digestibles comme les fibres et cuticules.

2.2. Apport à la conservation in situ : gestion des ressources trophiques